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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_521/2017  
 
 
Arrêt du 14 mars 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Eusebio et Chaix. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représentée par 
Me Corinne Corminboeuf Harari, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
 
Objet 
Procédure pénale; accès au dossier et participation aux actes d'instruction par la partie plaignante, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 6 novembre 2017 (ACPR/755/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par décision du 16 mars 2017, le Ministère public du canton de Genève a admis la République de Guinée comme partie plaignante (sans accès au dossier ni participation aux actes d'instruction à ce stade) dans la procédure pénale ouverte en 2013 contre B.________, A.________ et C.________, pour de prétendus actes de corruption en lien avec l'octroi de droits miniers en Guinée. Cette décision a été confirmée successivement par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise et par le Tribunal fédéral (arrêt 1B_261/2017 du 17 octobre 2017), sur recours de C.________. 
Par décision du 18 août 2017, le Ministère public a accordé à la République de Guinée le droit d'accéder à la procédure et de participer aux actes d'instruction. Les autorités guinéennes avaient requis l'entraide judiciaire de la Suisse mais y avaient renoncé dès lors que l'enquête était arrivée à son terme. La République de Guinée s'était en outre engagée à ne pas utiliser, directement ou non, les informations qu'elle obtiendrait en qualité de partie plaignante. 
 
B.   
Par arrêt du 6 novembre 2017, la Chambre pénale de recours a rejeté les recours formés par les prévenus contre cette décision. La qualité de partie plaignante de la République de Guinée avait été confirmée par le Tribunal fédéral et, dans ce contexte, les arguments concernant le risque de transmission ou d'utilisation des éléments obtenus dans la procédure pénale avaient été considérés comme hypothétiques. L'engagement fourni par l'Etat guinéen était suffisant pour exclure un contournement des règles de l'entraide judiciaire. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de refuser à la République de Guinée l'accès à la procédure et la participation aux actes d'instruction, subsidiairement de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle demande l'effet suspensif, qui a été accordé par ordonnance du 21 décembre 2017. 
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt, sans observations. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Dans ses dernières observations, la recourante persiste dans ses griefs et ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale. La notion de "décisions en matière pénale" comprend toutes les décisions qui se fondent sur le droit pénal matériel ou le droit de procédure pénale. Elle peut donc en principe s'étendre à une décision cantonale de dernière instance concernant le droit d'accès au dossier, pour autant qu'une telle décision soit susceptible de causer à l'intéressée un préjudice juridique irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (arrêt 1B_340/2017 du 16 novembre 2017 consid. 1.3). La recourante devrait démontrer, dans ce sens, que le risque d'utilisation de renseignements recueillis en Suisse par la partie plaignante est susceptible de l'affecter de manière personnelle et irréparable, notamment en tant que partie impliquée dans une procédure à l'étranger pour laquelle l'entraide judiciaire est requise de la Suisse. Cette question a été laissée indécise dans l'arrêt du 17 octobre 2017, et elle peut l'être aussi dans la présente cause. En effet, à supposer qu'il existe un risque de préjudice irréparable et que la recourante dispose d'un intérêt juridique à s'opposer à la consultation du dossier par l'Etat reconnu comme partie plaignante et à la participation de celui-ci aux actes de la procédure, le recours devrait de toute façon être rejeté. 
 
2.   
Dans un grief d'ordre formel, la recourante reproche à la cour cantonale - ainsi qu'au Ministère public - de ne pas avoir tenu compte d'une grande partie de son argumentation. Celle-ci portait sur la bonne foi et la crédibilité de la République de Guinée, sur la distinction entre la reconnaissance de la qualité de partie plaignante (admise définitivement par le Tribunal fédéral) et la question de l'accès au dossier et de la participation aux actes de procédure, ainsi que sur la situation en République en Guinée (indépendance du pouvoir judiciaire, aspects politiques de l'affaire, violations des droits de l'homme). 
 
2.1. L'obligation de motiver, telle qu'elle découle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.; cf. aussi art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP), est respectée lorsque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 p. 47 et les références citées). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2 p. 157).  
 
2.2. La cour cantonale s'est certes fondée sur le fait que l'Etat guinéen s'était vu reconnaître la qualité de partie plaignante et avait, à ce titre, en principe accès au dossier. Elle a toutefois aussi rappelé la pratique relative aux Etats parties à une procédure pénale et susceptibles d'obtenir par ce biais des renseignements demandés par la voie de l'entraide judiciaire. Elle a considéré que ce risque était en l'occurrence hypothétique et que la République de Guinée avait pris un engagement formel à ce sujet. Ces considérations apparaissent pertinentes et suffisent à comprendre les raisons qui ont mené au prononcé attaqué. La recourante peut donc l'attaquer en toute connaissance de cause, et peut notamment remettre en question la crédibilité des garanties données par l'Etat étranger. Comme on le verra ci-dessous (consid. 3.2), la situation en République de Guinée est sans pertinence pour juger des risques d'utilisation prématurée de renseignements. Le droit d'être entendu est par conséquent respecté.  
 
3.   
Sur le fond, la recourante estime que le risque de contournement des règles de l'entraide judiciaire serait réel. Un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire avec la République de Guinée confirmerait la nécessité de rappeler le principe de la spécialité à l'Etat requérant. En l'occurrence, les assurances fournies se rapporteraient à l'utilisation des renseignements dans des procédures en Guinée, mais ne couvriraient pas la transmission de renseignements, notamment aux Etats-Unis ou à Israël, ou pour les besoins d'une procédure arbitrale. 
 
3.1. Les dispositions sur le droit d'accès au dossier dans la procédure pénale doivent s'appliquer dans le respect des principes applicables en matière d'entraide judiciaire (cf. art. 54 CPP). La jurisprudence a souligné maintes fois ce principe, en insistant sur la nécessité d'éviter tout risque de dévoilement intempestif d'informations en cours de procédure (cf. ATF 127 II 104 consid. 3d p. 109 et ATF 125 II 238). L'autorité d'instruction qui conduit de front la procédure pénale et l'exécution de l'entraide judiciaire doit prendre en compte les intérêts de l'une comme de l'autre. Elle doit ménager les droits des parties à la procédure pénale, sans compromettre une correcte exécution de la demande d'entraide judiciaire. Le droit de consulter le dossier et de participer à l'instruction peut ainsi être limité ou suspendu dans toute la mesure nécessaire pour préserver l'objet de la procédure d'entraide (ATF 139 IV 294 consid. 4.2 p. 298; 127 II 198 consid. 4c p. 207). La jurisprudence considère que selon les circonstances, un engagement formel de l'Etat étranger de ne pas utiliser les renseignements issus de la procédure pénale peut permettre de pallier ce risque (arrêt 1C_368/2014 du 7 octobre 2014 consid. 2.1).  
 
3.2. Selon les indications du Ministère public, la procédure d'entraide judiciaire ouverte à la demande des autorités guinéennes a été close en février 2017, l'autorité requérante ayant fait savoir que son enquête était terminée. Les dernières pièces d'exécution ont été transmises au mois de novembre 2015. Il n'y a donc plus de risque de contournement des règles de l'entraide judiciaire de ce point de vue, ni de violation possible du principe de la spécialité; les renseignements déjà transmis par la Suisse par le biais de l'entraide judiciaire restent par ailleurs soumis à ce principe, lequel a été expressément rappelé lors de la transmission des renseignements. Quant au risque de remise de renseignements aux Etats-Unis ou à Israël (qui ont aussi requis l'entraide de la Suisse), il ne repose sur aucun indice concret, rien ne permettant de penser que l'Etat guinéen aurait un intérêt particulier à fournir de tels renseignements au mépris du principe de spécialité. Le risque de transmission et d'utilisation prématurée de renseignements, en rapport avec l'entraide judiciaire demandée à la Suisse, peut donc être écarté. Au demeurant, l'Etat guinéen, sous les signatures du Ministre de la justice, de l'Agent judiciaire de l'Etat, du Procureur de la République et du Juge d'instruction, s'est formellement engagé à ne pas utiliser, directement ou indirectement les informations obtenues en qualité de partie plaignante pour les besoins de toute procédure pénale, civile ou administrative en République de Guinée. Le 14 août 2017, l'Office fédéral de la justice a considéré que cet engagement spontané était crédible et suffisant au regard de l'art. 34 al. 2 OEIMP. La situation en République de Guinée, telle qu'évoquée par la recourante, ne permet pas de remettre en cause la crédibilité d'un tel engagement, puisque celui-ci relève des relations interétatiques.  
La question de l'utilisation des renseignements dans le cadre d'une procédure arbitrale ne se pose pas dans les mêmes termes, puisqu'aucune entraide judiciaire n'est requise pour les besoins d'une telle procédure. L'Etat guinéen intervient comme simple partie et il n'y a pas de conflit avec les règles sur l'entraide judiciaire, au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus. L'utilisation des renseignements recueillis dans la procédure pénale en Suisse est donc soumise aux seules restrictions prévues par le CPP, dont la recourante ne se prévaut pas en l'occurrence. 
 
4.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, ainsi qu'à Me Marc Bonnant pour C.________ et à Me Jean-Marc Carnicé pour B.________. 
 
 
Lausanne, le 14 mars 2018 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
Le Greffier : Kurz