Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_312/2022
Arrêt du 14 mars 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix, Haag, Müller et Merz.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________ et B.________
C.________ et D.C.________,
E.________ et F.E.________,
tous représentés par Mes Jean-Claude Perroud et Nina Capel, avocats,
recourants,
contre
G.________ SA, représentée par
Me Pierre-Alexandre Schlaeppi, avocat,
intimée,
Municipalité d'Echichens, Administration communale, route du Village 16, 1112 Echichens, représentée par
Me Jacques Haldy, avocat,
Direction générale des immeubles et du patrimoine du canton de Vaud, Division monuments et sites, place de la Riponne 10, 1014 Lausanne.
Objet
Permis de construire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de droit administratif et public,
du 21 avril 2022 (AC.2021.0328).
Faits :
A.
Le 17 avril 2020, G.________ SA a déposé une demande de permis pour la construction d'un immeuble de trois appartements (un de quatre pièces et deux de cinq pièces) et de sept places de stationnement sur la parcelle n° 3689 de la commune d'Echichens. Située à l'entrée nord-ouest du village de Colombier-sur-Morges (ci-après: Colombier), la parcelle est colloquée en zone de bâtiments nouveaux selon le plan partiel d'affectation de Colombier-Village (ci-après: le PPA) de 2003. Elle est bordée au nord-est par la route du Village (route cantonale). Le bâtiment projeté est situé au centre de la parcelle; les sept places de parc sont implantées au nord-est du bâtiment; deux d'entre elles nécessitent une dérogation dès lors qu'elles empiètent sur la limite des constructions. Le projet a suscité les oppositions de A.________ et B.________ (parcelle n° 1256), de C.________ et D.C.________ (parcelle n° 1434), de H.________ (parcelle n° 1257) ainsi que de E.________ et F.E.________ (parcelle n° 1356).
Les autorisations spéciales cantonales nécessaires ont été octroyées. La Direction générale de la mobilité et des routes (DGMR) a posé différentes conditions concernant notamment les aménagements extérieurs.
Par décision du 8 septembre 2021, la Municipalité d'Echichens a levé les oppositions et délivré le permis de construire.
B.
Les opposants ont saisi la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) qui, par arrêt du 21 avril 2022 (après avoir procédé le 24 mars 2022 à une inspection locale), a très partiellement admis le recours. L'inscription de Colombier à l'ISOS en 2006, puis le second relevé de 2012 (qui mentionnait notamment une échappée dans l'environnement au nord-ouest) ne justifiaient pas un examen préjudiciel de la planification de 2003, pas plus que le surdimensionnement de la zone constructible dans la commune. La parcelle n'était pas inventoriée comme surface d'assolement (SDA). La place de parc située totalement au-delà de la limite fixée dans le plan fixant la limite des constructions de 2003, à proximité de la route cantonale, devait être supprimée pour des raisons de visibilité; en revanche, la dérogation accordée pour les autres places était justifiée.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________, C.________ et D.C.________ ainsi que E.________ et F.E.________ demandent au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal en ce sens que la décision de la Municipalité d'Echichens du 8 septembre 2021 levant les oppositions et accordant le permis de construire est annulée, tout comme les autorisations spéciales qui y sont liées. Ils demandent l'effet suspensif, qui a été accordé par ordonnance du 17 juin 2022.
La CDAP se réfère aux considérants de son arrêt. La Direction générale des immeubles et du patrimoine du canton de Vaud (DGIP) se réfère aux observations déposées en instance cantonale. La Municipalité d'Echichens et G.________ SA concluent au rejet du recours. L'Office fédéral du développement territorial (ARE) considère en substance que le maintien de la parcelle en zone constructible à l'issue de la révision de la planification communale apparaît admissible. L'Office fédéral de la culture (OFC) estime que la commune et le canton n'ont pas suffisamment pris en compte l'ISOS et que l'appréciation de la CDAP à ce sujet serait discutable. La commune et la constructrice d'une part, les recourants d'autre part ont ensuite persisté dans leurs conclusions respectives. Les parties ont encore produit de nouvelles observations, notamment sur la question de l'inclusion de la parcelle litigieuse dans la zone à bâtir dans le cadre de la nouvelle planification. L'ARE a lui aussi confirmé ses observations précédentes.
Considérant en droit :
1.
1.1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.
1.2. Les recourants, qui ont participé à la procédure devant la cour cantonale, sont tous propriétaires de parcelles directement voisines ou très proches du projet litigieux. Ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué et ont un intérêt digne de protection à en obtenir l'annulation. Ils disposent dès lors de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 LTF. Il convient donc d'entrer en matière.
1.3. Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Cette dernière exception vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée; peuvent notamment être introduits des faits nouveaux concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente, afin d'en contester la régularité (par exemple une violation du droit d'être entendu lors de mesures probatoires) ou encore des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours (ATF 139 III 120 consid. 3.1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêt 4A_434/2021 du 18 janvier 2022 consid. 2.2 et les références citées). En revanche, la partie recourante ne saurait introduire des faits ou moyens de preuve qu'elle a négligé de soumettre aux autorités cantonales (ATF 136 III 123 consid. 4.4.3), ou des preuves nouvelles concernant des arguments qui ont été régulièrement débattus devant l'instance précédente.
Au regard de ces principes, les recourants peuvent produire à l'appui de leur recours les pièces qui ont déjà été soumises à la cour cantonale, tels les extraits du guichet cartographique cantonal, lesquels peuvent en outre être considérés comme faits notoires (cf. ATF 143 IV 380 consid. 1.1; arrêt 1C_396/2022 du 7 juillet 2023 consid. 3.3). En revanche, l'ensemble de l'argumentation relative à la nouvelle planification communale n'a pas été discutée devant l'instance précédente. Les pièces produites à ce propos et les moyens soulevés à ce sujet sont dès lors irrecevables.
2.
Dans un grief d'ordre formel, les recourants reprochent à la cour cantonale de ne pas avoir donné suite à leurs offres de preuves. Ils demandaient la production du bilan des zones à bâtir et du potentiel constructible et d'augmentation de la population pour les quatre villages formant la commune, ainsi que le rapport 47 OAT du PPA de 2003. Ils ont par ailleurs requis la mise en oeuvre d'une expertise agro-pédologique afin d'établir la nature de SDA de la parcelle en cause. La cour cantonale s'est estimée suffisamment renseignée sur le vu du dossier, mais laisserait indécises plusieurs questions qui auraient pu être résolues en administrant les preuves requises.
2.1. Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment celui de faire administrer les preuves, pour autant qu'elles apparaissent utiles à l'établissement des faits pertinents (cf. ATF 139 II 489 consid. 3.3). L'autorité peut toutefois mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1; 137 III 208 consid. 2.2).
2.2. Comme on le verra ci-dessous, le fait que la zone constructible de la commune est largement surdimensionnée est un fait reconnu des instances précédentes, l'arrêt attaqué retenant en effet que le surdimensionnement de la zone à bâtir hors centre est admis par la commune elle-même. La mesure précise de ce surdimensionnement doit être déterminée dans le cadre de la nouvelle planification, actuellement en cours et non à l'appui d'une demande d'examen préjudiciel du plan. L'expertise agro-pédologique réclamée par les recourants n'apparaît pas non plus, sur le vu des considérants ci-dessous, comme un élément de preuve pertinent à ce stade, tout comme le rapport relatif au PPA de 2003.
3.
Les recourants affirment que l'autorité précédente aurait violé l'art. 21 al. 2 LAT (RS 700) en ne procédant pas au contrôle préjudiciel de la planification en vigueur. Un tel contrôle s'imposerait en raison des éléments suivants. Premièrement, le plan est ancien puisqu'il remonte actuellement à plus de vingt ans, soit nettement plus que les quinze ans fixés comme horizon de planification selon l'art. 15 LAT. Deuxièmement, l'inscription à l'ISOS est intervenue postérieurement (soit en 2006 et 2012) et mentionne par rapport à la parcelle litigieuse une échappée dans l'environnement devant rester libre de constructions; la cour cantonale ne pouvait laisser indécise la question de savoir si le planificateur de 2003 avait pris en compte les premiers relevés de 1985 et 2000; les considérations d'ordre esthétique et la référence à la prise de position de la Direction générale des immeubles et du patrimoine du canton de Vaud (DGIP) seraient sans pertinence s'agissant d'apprécier l'existence de circonstances nouvelles; les recourants se prévalent aussi de trois exemples de jurisprudence dont la CDAP aurait décidé à tort de s'écarter. Troisièmement, le surdimensionnement important de la zone à bâtir (hors centre) devrait conduire la commune à réduire ce type de zone, spécialement après la fusion en 2011 des quatre communes qui la composent actuellement. Enfin, la réglementation relative aux SDA aurait changé depuis 2003 et la parcelle en cause aurait, compte tenu de sa situation et de ses caractéristiques, la qualité de SDA; la faiblesse des réserves cantonales imposerait de protéger les SDA (tâche que les recourants qualifient de fédérale) même si elles n'ont pas été inventoriées comme telles. La cour cantonale aurait enfin méconnu que les exigences posées par la jurisprudence pour admettre, dans une première phase, la nécessité d'un examen préjudiciel, sont moins strictes.
3.1. Selon la jurisprudence, le contrôle incident ou préjudiciel d'un plan d'affectation dans le cadre d'une procédure relative à un acte d'application est en principe exclu. Un tel contrôle est néanmoins admis, à titre exceptionnel, lorsque les conditions d'un réexamen des plans au sens notamment de l'art. 21 al. 2 LAT sont réunies (cf. ATF 144 II 41 consid. 5.1; arrêts 1C_190/2020 du 9 février 2021 consid. 2.2; 1C_244/2017 du 17 avril 2018 consid. 3.1.1). Aux termes de cette disposition, lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d'affectation feront l'objet des adaptations nécessaires; une modification sensible des circonstances au sens de l'art. 21 al. 2 LAT peut être purement factuelle, mais également d'ordre juridique, comme une modification législative. L'art. 21 al. 2 LAT prévoit un examen en deux étapes: la première déterminera si les circonstances se sont sensiblement modifiées au point de justifier un réexamen du plan; si le besoin s'en fait réellement sentir, il sera adapté, dans une deuxième étape (cf. ATF 148 II 417 consid. 3.2; 144 II 41 consid. 5.1; arrêt 1C_190/2020 du 9 février 2021 consid. 2.2.1).
La réduction de zones à bâtir surdimensionnées relève d'un intérêt public important susceptible d'avoir, sur le principe, le pas sur l'intérêt public à la stabilité des plans ainsi que sur les intérêts privés des propriétaires concernés (cf. ATF 144 II 41 consid. 5.2; arrêts 1C_190/2020 du 9 février 2021 consid. 2.2.2; 1C_244/2017 du 17 avril 2018 consid. 3.2.1). La réalisation de cet objectif, expressément prévu par la novelle du 15 juin 2012 (art. 15 al. 2 LAT) entrée en vigueur le 1er mai 2014, ne saurait cependant constituer le seul critère pertinent pour déterminer la nécessité d'entrer en matière sur une demande de révision - respectivement de contrôle préjudiciel - d'un plan d'affectation dans le cadre d'une procédure d'autorisation de construire; il faut que s'y ajoutent d'autres circonstances comme la localisation de la parcelle par rapport à la zone à bâtir existante, son niveau d'équipement, la date d'entrée en vigueur du plan d'affectation et la mesure dans laquelle celui-ci a été concrétisé. Savoir ensuite si une adaptation du plan s'avère nécessaire relève d'une pesée complète des intérêts qui s'opère dans le cadre de la deuxième étape (cf. ATF 148 II 417 consid. 3.2; 144 II 41 consid. 5.2; 140 II 25 consid. 3.1; arrêts 1C_190/2020 du 9 février 2021 consid. 2.2.2; 1C_645/2020 du 21 octobre 2021 consid. 3.2; 1C_656/2018 du 4 mars 2020 consid. 6.1.1). Au stade de la première étape, les exigences sont moins élevées: un réexamen s'impose déjà lorsque les circonstances se sont modifiées depuis l'établissement du plan, que ce changement porte sur des aspects déterminants pour la planification et qu'il puisse être qualifié de sensible (cf. ATF 148 II 417 consid. 3.2; arrêt 1C_297/2022 du 11 octobre 2023 consid. 2.1.1). Un changement sensible des circonstances doit, à ce niveau, déjà être reconnu lorsqu'une adaptation du plan de zone entre en considération et qu'elle n'est pas d'emblée exclue par les intérêts opposés liés à la sécurité du droit et à la confiance dans la stabilité des plans. Si ces conditions sont réalisées, il appartient à l'autorité de planification, en particulier aux communes, de procéder à la pesée des intérêts requise et de décider si et dans quelle mesure une adaptation du plan de zone est nécessaire (ATF 148 II 417 consid. 3.2; 140 II 25 consid. 3.2).
3.2. Il n'est pas contesté que le territoire communal, formé dès le 1er juillet 2011 de la fusion entre les communes de Colombier, Echichens, Monnaz et Saint-Saphorin-sur-Morges, connaît un excédent de surface à bâtir. L'autorité communale a d'ailleurs engagé une procédure de révision de sa planification afin d'adopter un plan d'affectation communal mettant en oeuvre, notamment, les principes de la mesure A11 du Plan directeur cantonal. Toutefois, rien ne permet de penser que le maintien de la parcelle litigieuse en zone constructible compromettrait inexorablement le redimensionnement du territoire constructible communal. Comme l'a constaté la cour cantonale, la parcelle en cause se situe en sortie immédiate du village au bord de la route cantonale. Elle est entourée de part et d'autre par des parcelles déjà construites (n os 1434 et 1258) et forme ainsi une "dent creuse" dans le tissu bâti existant qui constitue la couronne d'urbanisation du village. Compte tenu de cet emplacement particulier, il n'apparaît donc pas qu'une exclusion de cette parcelle de la zone à bâtir entrerait d'emblée sérieusement en considération. La taille de la parcelle (904 m²) est par ailleurs plutôt modeste, également au vu de la limite de 2'500 m² prévue dans le canton de Vaud, au-delà de laquelle un espace vide sera en principe affecté à la zone agricole ou en zone de verdure (cf. arrêt 1C_297/2022 précité consid. 2.2.3). Dans la mesure où le plan de 2003 a été presque entièrement réalisé (affirmation qui n'est pas contestée par les recourants), son ancienneté relative ainsi que le surdimensionnement de la zone à bâtir ne justifieraient pas en eux-mêmes une remise en question de la planification au stade de l'autorisation de construire.
3.3. Il en va de même des affirmations des recourants quant à la qualité de surfaces d'assolement du terrain en cause. L'arrêt attaqué rappelle à ce propos que la parcelle n° 3689 n'est pas inventoriée en tant que SDA selon l'extrait de l'inventaire cantonal. Cela suffit à lever les doutes émis sur ce point par les recourants. Ceux-ci se prévalent de l'arrêt 1C_102/2019 du 17 août 2020. Cet arrêt concernait toutefois non pas un contrôle préjudiciel de la planification à l'occasion d'une autorisation de construire, mais l'adoption d'un plan de quartier. En outre, la parcelle en question était mentionnée comme SDA dans le plan directeur communal et était recensée sur la carte cantonale des SDA, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Les recourants ne font en définitive valoir aucun élément nouveau justifiant un réexamen de la planification sur ce point.
Il s'ajoute toutefois aux éléments qui précèdent le fait que la planification de 2003 se trouve en contradiction manifeste, s'agissant de la parcelle en cause, avec les relevés ISOS subséquents.
3.4. Selon l'art. 6 al. 1 de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN; RS 451), l'inscription d'un objet d'importance nationale dans un inventaire fédéral au sens de l'art. 5 LPN indique que l'objet mérite spécialement d'être conservé intact ou en tout cas d'être ménagé le plus possible, y compris au moyen de mesures de reconstitution ou de remplacement adéquates. L'effet de protection ne se déploie en principe que dans le cadre de l'accomplissement de tâches fédérales (cf. art. 6 al. 2 en relation avec l'art. 2 LPN). En dehors de ce cadre, la protection des sites est assurée en premier lieu par le droit cantonal. Les inventaires fédéraux doivent toutefois être pris en compte dans les plans d'affectation, dans l'interprétation de notions indéterminées du droit de la construction ainsi que dans toute pesée d'intérêts qui doit être effectuée dans les cas particuliers (cf. en particulier ATF 135 II 209 consid. 2.1; arrêts 1C_607/2021 du 19 juin 2023 consid. 3.1; 1C_643/2020 du 7 janvier 2022 consid. 3.2). L'art. 11 de l'ordonnance du 13 novembre 2019 concernant l'Inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse (OISOS; RS 451.12) prévoit à cet égard que les cantons tiennent compte de l'ISOS lors de l'établissement de leurs planifications, en particulier des plans directeurs, conformément aux art. 6 à 12 LAT (al. 1). Ils veillent à ce que l'ISOS soit pris en compte sur la base des plans directeurs cantonaux, en particulier lors de l'établissement des plans d'affectation au sens des art. 14 à 20 LAT (al. 2).
Selon la mesure C11 du Plan directeur du canton de Vaud, les inventaires relatifs à la protection du patrimoine culturel sont intégrés dans toutes les planifications et constituent des données de base pour les projets cantonaux, régionaux ou communaux. L'ISOS dispose d'un effet d'alerte, soit un effet qui n'est pas directement contraignant, mais doit être concrétisé par les dispositions adéquates (arrêt 1C_607/2021 du 19 juin 2023 consid. 3.1).
Les autorités en charge de l'aménagement du territoire bénéficient d'une importante liberté d'appréciation dans l'accomplissement de leurs tâches et notamment dans leurs tâches de planification (cf. art. 2 al. 3 LAT). Cette liberté d'appréciation n'est toutefois pas totale. L'autorité de planification doit en effet se conformer aux buts et aux principes d'aménagement du territoire tels qu'ils résultent de la Constitution (art. 75 Cst.) et de la loi ( art. 1 et 3 LAT ), et assurer des mesures de protection adéquates (ATF 129 II 63 consid. 3.1).
3.4.1. Le village de Colombier a fait l'objet d'un premier relevé ISOS en 2006 et d'un second en 2012. La cour cantonale s'est demandé si les auteurs de la planification de 2003 avaient pu tenir compte des premiers relevés effectués en 1985 et 2000, mais a laissé la question indécise, considérant que l'inscription formelle en 2006, confirmée en 2012, ne constituait de toute façon pas non plus une circonstance nouvelle imposant un contrôle préjudiciel de la planification. Cette appréciation ne peut être suivie.
3.4.2. La fiche ISOS décrit de la manière suivante le village de Colombier: "Bâti villageois sur un coteau viticole, combinant divers éléments linéaires; vaste anneau dans la partie supérieure sur lequel converge la voirie. Domaines seigneuriaux au sud-ouest". La partie inférieure du village comprend l'église et divers bâtiments historiques. La partie supérieure, développée de manière assez compacte avec une disposition en arêtes de poisson, est composée d'un groupement de maisons de maître dès le 15ème siècle, et de maisons rurales et viticoles principalement dès la 1re moitié du 19ème siècle. La parcelle litigieuse jouxte l'extrémité nord-ouest de ce secteur, à l'origine d'une échappée dans l'environnement (EE II) qui s'ouvre vers le nord-ouest. Selon les Explications relatives à l'ISOS (ci-après: les Explications, document disponible à l'adresse de l'OFC www.bak.admin.ch), une échappée dans l'environnement est une aire ne présentant pas de limites clairement définies, mais jouant un rôle important dans le rapport entre espaces construits et paysage, p. ex. premier plan/arrière-plan, terrains agricoles attenants, versant de colline, rives, espace fluvial, nouveaux quartiers. L'EE II est ainsi décrite dans l'ISOS: "Prés et champs non construits dans la partie supérieure du territoire, dominant et mettant en valeur le bâti villageois". Classé en catégorie d'inventaire "a", cet élément constitue, selon les Explications, une "partie indispensable du site construit, libre de constructions ou dont les constructions participent à l'état d'origine de l'environnement". L'objectif de sauvegarde "a" qui lui est attribué préconise la "sauvegarde de l'état existant en tant qu'espace agricole ou libre. Conservation de la végétation et des constructions anciennes essentielles pour l'image du site; suppression des altérations".
3.4.3. Selon la cour cantonale, l'inspection locale aurait permis de constater que les caractéristiques de l'EE II n'étaient pas sérieusement altérées par le projet de bâtiment litigieux. Celui-ci était susceptible d'obstruer la vue sur le clocher, mais son impact visuel n'était de loin pas le même que celui du bâtiment voisin (parcelle n° 1434) dont la façade, d'une longueur d'environ 27 m, correspondait à plus du double de celle du bâtiment projeté. Compte tenu de son emplacement, des percées sur les toits demeuraient possibles, la continuité prévue par le PPA n'ayant pas été maintenue avec le bâtiment précité. La vue depuis une butte située au nord-ouest, à environ 100 m de la parcelle, porterait avant tout sur des bâtiments largement modifiés: sur la droite de la route, l'ancienne forge du village (parcelle n° 1256), entièrement rénovée et dont la façade est presque borgne; sur la gauche, une ancienne ferme (parcelle n° 1356), passablement altérée par de grandes baies vitrées.
L'OFC relève pour sa part que l'échappée dans l'environnement composée de prés et champs met en valeur la silhouette des toits du noyau historique. La forge a été rénovée sans adaptation crasse et le bâtiment d'habitation ECA n° 1128 n'a pas été modifié dans son gabarit. A l'arrière-plan, les toits du noyau historique sont intacts et le projet litigieux cacherait une grande partie de cette vue, y compris, depuis un certain point, le clocher emblématique.
3.4.4. Il résulte de ce qui précède que l'ISOS préconise clairement que la parcelle précitée demeure inconstructible. La maison édifiée sur la parcelle voisine n° 1434 est décrite de la manière suivante (ch. 0.0.2) : "Maison d'habitation contiguë adaptée au gabarit du bâti ancien, mais présentant une altération du tissu d'origine". On en déduit qu'il s'agit d'une atteinte au dégagement que l'ISOS a voulu préserver, et que la construction litigieuse viendrait encore péjorer la situation. Il ressort en outre des pièces du dossier que le dégagement actuel (EE II) offre une vue sur l'entrée nord-ouest du village. Celle-ci est certes altérée par la construction existante sur la parcelle n° 1434, mais cette dernière, largement décalée au sud-ouest de l'axe de la route, n'obstrue pas la vue sur la silhouette compacte qu'offre l'entrée du village. Il en irait différemment de la construction litigieuse, située aux abords immédiats de la route et qui masquerait largement le bâti villageois. L'on ne saurait ainsi soutenir, comme le fait l'autorité communale, que l'échappée dans l'environnement décrite par l'ISOS ne correspondrait plus à la réalité des lieux.
3.5. Les éléments qui précèdent n'ont manifestement pas (à tout le moins matériellement) été pris en compte lors de l'élaboration de la planification de 2003. Il apparaît dès lors que les conditions d'un examen préjudiciel au sens de l'art. 21 al. 2 LAT sont réunies en l'espèce. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de procéder lui-même à cet examen, qui pourrait conduire soit au refus du permis de construire, soit à une adaptation du projet afin de satisfaire aux objectifs de protection de l'ISOS (cf. arrêt 1C_87/2019 du 11 juin 2020 consid. 3.2). La cause doit dès lors être renvoyée à la Municipalité d'Echichens pour nouvel examen dans ce sens.
4.
Le recours est par conséquent admis. L'arrêt attaqué est annulé, de même que le permis de construire du 8 septembre 2021, et la cause est renvoyée à la Municipalité d'Echichens pour nouvelle décision au sens des considérants. Les recourants, qui obtiennent gain de cause, ont droit à une indemnité de dépens, à la charge de l'intimée G.________ SA qui succombe (art. 68 al. 2 LTF). Les frais judiciaires sont également mis à la charge de l'intimée (art. 66 al. 1). La cause doit par ailleurs être renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé, de même que le permis de construire du 8 septembre 2021; la cause est renvoyée à la Municipalité d'Echichens pour nouvelle décision au sens des considérants. La cause est par ailleurs renvoyée à l'instance précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
2.
Une indemnité de dépens de 4'000 fr. est allouée aux recourants, à la charge de l'intimée G.________ SA.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés 4'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée G.________ SA.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et de la Municipalité d'Echichens, à la Direction générale des immeubles et du patrimoine du canton de Vaud, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, à l'Office fédéral du développement territorial et à l'Office fédéral de la culture.
Lausanne, le 14 mars 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Kurz