Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_1211/2024
Arrêt du 14 avril 2025
II
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Koch et Hofmann.
Greffier: M. Magnin.
Participants à la procédure
1. A.________ SA,
2. B.________ Ltd,
3. C.________ Ltd,
recourantes,
contre
Ministère public de la Confédération,
route de Chavannes 31, case postale, 1001 Lausanne.
Objet
Disjonction,
recours contre la décision rendue le 4 novembre 2024 par la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral (CN.2024.27).
Faits:
A.
A.a. Par jugement du 17 juin 2022, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral a condamné D.________ (ci-après: le prévenu), pour blanchiment d'argent aggravé ( art. 305
bis ch. 1 et 2 CP ), faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) et banqueroute frauduleuse (art. 163 ch. 1 CP), ainsi que trois autres prévenus, à savoir E.________, pour gestion déloyale (art. 158 ch. 1 CP) et faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), F.________, pour blanchiment d'argent aggravé ( art. 305
bis ch. 1 et 2 CP ) et faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), et G.________, pour blanchiment d'argent aggravé ( art. 305
bis ch. 1 et 2 CP ). Ce jugement a fait l'objet de plusieurs annonces et déclarations d'appel, dont celles du prévenu.
A.b. Par arrêt du 26 février 2024 (causes 7B_621/2023, 7B_622/2023, 7B_623/2023, 7B_573/2023 et 7B_574/2023), le Tribunal fédéral a annulé la décision rendue le 8 août 2023, par laquelle la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral (ci-après: la Cour d'appel) a annulé le jugement du 17 juin 2022, et a renvoyé la cause à cette dernière pour qu'elle poursuive la conduite de la procédure d'appel. Cette procédure d'appel a été enregistrée sous le numéro de procédure CA.2024.xxx.
A.c. Le 12 juillet 2024, le prévenu a déposé une requête tendant à disjoindre de la cause principale les cas le concernant en lien avec les chefs d'accusation de faux dans les titres et de banqueroute frauduleuse et à les traiter dans une procédure d'appel séparée. Par décision du 15 octobre 2024, la Cour d'appel a rejeté cette requête de disjonction, au motif notamment que les principes de la célérité et de l'économie de procédure seraient plus efficacement sauvegardés en maintenant l'unité de la procédure.
A.d. Au cours de la procédure d'appel, le prévenu a transmis plusieurs documents relatifs à son état de santé. Le 2 septembre 2024, le Dr H.________ a établi un certificat médical, duquel il ressort que le prévenu est atteint d'un carcinome colorectal depuis l'année 2017, que des rapports médicaux du mois d'août 2024 laissent apparaître que son état de santé s'est considérablement aggravé en raison notamment de l'apparition de nouvelles métastases dans le foie, qu'un nouveau traitement chimiothérapeutique a été entrepris le 16 août 2024, entraînant divers effets secondaires, que le prévenu a perdu environ 20 kg au cours de l'année écoulée et qu'il souffre de troubles chroniques. Le 25 octobre 2024, faisant suite aux questions complémentaires de la Cour d'appel, le médecin précité a attesté et confirmé que le prévenu était durablement incapable de prendre part aux débats. Il a mentionné, au sujet de l'état de santé du prévenu, une maigreur accrue, une progression de la maladie, un traitement récent inefficace, ainsi qu'une espérance de vie inférieure à trois mois.
A.e. Le 22 octobre 2024, le prévenu a demandé à la Cour d'appel le report des débats prévus dès le 4 novembre 2024 en raison de son état de santé. Le 24 octobre 2024, la Cour d'appel lui a répondu qu'elle traiterait sa demande à l'ouverture de l'audience d'appel.
A.f. Le 24 octobre 2024, la Cour d'appel a mandaté la Dr I.________ afin de déterminer la capacité du prévenu à prendre part aux débats et à y être auditionné. La médecin a établi un rapport médical en ce sens le 30 octobre 2024. Dans son rapport, elle a en substance indiqué que le prévenu souffrait d'un cancer incurable en progression et qu'il était très affaibli (52,5 kg pour 187 cm), en raison de traitements anticancéreux qu'il subissait à titre palliatif. Elle a indiqué que si l'espérance de vie de l'intéressé ne pouvait pas être déterminée de manière exacte, celle-ci n'était que de quelques mois. Elle a toutefois précisé qu'il faudrait réévaluer la situation à la fin du mois de novembre 2024 afin de déterminer si l'état de santé du prévenu avait pu se stabiliser et si celui-ci pourrait alors participer à une audience d'une à deux heures pour être entendu sur un aspect partiel de l'affaire.
B.
B.a. Le 4 novembre 2024, la Cour d'appel a procédé à l'ouverture des débats d'appel. Elle a constaté l'absence du prévenu. Elle a invité les parties à se prononcer sur la question d'une éventuelle disjonction de la procédure d'appel. Le prévenu a conclu au classement de la procédure pénale dirigée contre lui en raison de son état de santé et, subsidiairement, au report des débats d'appel à une date ultérieure, à déterminer après réévaluation de son état de santé à la fin du mois de novembre 2024. À l'appui de ses conclusions, il a indiqué qu'il était dans l'incapacité durable de prendre part aux débats et que ses chances de rétablissement étaient inexistantes. Par décision rendue lors de cette audience, la Cour d'appel a, d'une part, constaté que l'absence du prévenu n'était pas fautive et, d'autre part, refusé de classer la procédure pénale dirigée contre l'intéressé et de reporter les débats.
B.b. Par décision orale du 4 novembre 2024, rendue à l'issue des débats du jour, la Cour d'appel a dit que la procédure pénale relative au prévenu était disjointe de la procédure d'appel CA.2024.xxx et qu'elle serait traitée sous le numéro de référence CA.2024.yyy. Elle a communiqué les motifs de sa décision par écrit aux parties le 6 novembre 2024. Cette décision écrite mentionne, sur la page de garde, les sociétés A.________ SA, B.________ Ltd et C.________ Ltd en qualité d'intimées. Celles-ci ne figurent pas sur la liste des parties auxquelles la décision a été communiquée.
C.
Par acte du 8 novembre 2024, posté deux jours plus tard, A.________ SA, C.________ Ltd et B.________ Ltd (ci-après: les recourantes), agissant par l'intermédiaire d'un dénommé J.________, avocat, interjettent un recours en matière pénale contre la décision du 4 novembre 2024. Elles concluent à sa réforme dans le sens suivant: "D.________ et les tiers saisis concernés par les faits reprochés à D.________ ne sont donc plus parties à la procédure CA.2024.xxx mais parties à la procédure CA.2024.yyy". Elles précisent que les adresses des tiers concernés figurant dans cette décision sont erronées, que celles-ci doivent être modifiées ("c/o D.________, Postfach, U.________") et que la décision doit leur être notifiée sans délai. Elles demandent en outre l'effet suspensif et l'octroi de l'assistance judiciaire.
Par avis du 18 novembre 2024, le Tribunal fédéral a informé les parties qu'aucune mesure provisionnelle ne serait prononcée.
Invité à produire une procuration justifiant ses pouvoirs de représentation des recourantes, l'avocat précité a produit un document daté du 25 octobre 2024 s'apparentant à une procuration comportant les signatures manuscrites de D.________ et de K.________ en qualité de directeur des recourantes pour le premier et de membre du conseil d'administration de L.________ AG pour la seconde.
Durant le mois de novembre 2024 (cf. actes 8 à 10), puis le 19 décembre 2024 (actes 15 et 16) et le 27 mars 2025 (acte 21), les recourantes ont produit des écritures, parfois sans lettre d'envoi.
Le 9 décembre 2024, la Cour d'appel a déposé des observations et a conclu au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. Le 10 décembre 2024, le Ministère public de la Confédération en a fait de même et a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Les prises de position ont été communiquées aux recourantes le 27 mars 2025.
Par courrier du 1
er mars 2025, les recourantes ont indiqué que la procuration donnée à leur avocat J.________ avait été révoquée en raison de la radiation de celui-ci du registre des avocats du canton de Zurich.
Considérant en droit:
1.
Les recourantes ont rédigé leur recours en allemand comme l'autorise l'art. 42 al. 1 LTF. Le présent arrêt sera toutefois rendu en français, dès lors qu'il s'agit de la langue dans laquelle la décision querellée a été rendue (cf. art. 54 al. 1 LTF).
2.
La question de savoir si, d'une part, l'avocat J.________ et, d'autre part, D.________ et K.________, le cas échéant par l'intermédiaire de L.________ AG, peuvent valablement agir au Tribunal fédéral aux noms des recourantes peut rester indécise, au vu du sort qui doit être donné à leur recours et en raison des motifs exposés ci-après.
3.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2). Toutefois, lorsque les conditions de recevabilité ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du dossier, la partie recourante est tenue d'exposer en quoi elles sont réunies, sous peine d'irrecevabilité (cf. art. 42 al. 2 LTF; ATF 147 IV 453 consid. 1.4.8; 141 IV 1 consid. 1.1).
Les décisions prises par la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral sont sujettes à recours (art. 80 al. 1 LTF).
4.
4.1. Ne mettant pas un terme aux procédures pénales, la décision attaquée revêt un caractère incident, de sorte que le recours n'est recevable qu'aux conditions prévues à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, l'hypothèse de l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'entrant en l'espèce pas en considération. Le risque de préjudice irréparable selon l'art. 93 al. 1 let. a LTF se rapporte à un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1). Il incombe au recourant de démontrer l'existence d'un risque de préjudice irréparable lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (ATF 141 IV 284 consid. 2.3).
En règle générale, les décisions portant sur la jonction - respectivement sur la disjonction - de procédures pénales selon l'art. 30 CPP ne sont pas susceptibles de causer un préjudice irréparable, dès lors que l'éventuel dommage en résultant peut être réparé ultérieurement (arrêt 7B_363/2024 du 10 juin 2024 consid. 1.2.1 et les arrêts cités). Il peut en aller différemment lorsque le justiciable fait valoir, en raison de la jonction des causes, un retard injustifié à statuer sur le fond constitutif d'un déni de justice formel (cf. ATF 141 IV 39 consid. 1.6.2). Dans ce cas, il faut toutefois que le grief fasse apparaître un risque sérieux de violation du principe de la célérité (cf. ATF 143 IV 175 consid. 2.3; 138 III 190 consid. 6; cf. arrêt 7B_363/2024 du 10 juin 2024 consid. 1.2.1). Une décision de disjonction de causes relatives à plusieurs prévenus cause en principe à la personne concernée un dommage juridique constitutif d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, dès lors qu'elle perd ses droits procéduraux dans la procédure relative aux autres prévenus, dans la mesure où elle y perd la qualité de partie et les droits qui y sont attachés, dont celui de participer à l'administration des preuves (cf. art. 147 CPP a contrario; cf. ATF 147 IV 188 consid. 1.3.4 et 1.3.5; 140 IV 172 consid. 1.2.3; cf. arrêt 7B_489/2024 du 6 janvier 2025 consid. 2.2.2).
4.2. En l'espèce, dans l'ensemble des actes produits devant le Tribunal fédéral durant le délai de recours (cf. art. 44, 46 et 100 LTF ), les recourantes, contrairement à ce qu'il leur appartenait de faire dès lors que la question n'était pas d'emblée évidente, ne fournissent aucune explication relative à l'éventuel préjudice irréparable que pourrait leur causer la décision de disjonction querellée. De plus, elles ne font valoir aucun grief laissant apparaître un risque sérieux de retard injustifié ou d'une violation du principe de la célérité. Elles ne soutiennent en outre pas qu'elles disposeraient du statut de prévenues et qu'elles risqueraient de perdre des droits procéduraux dans la procédure relative à d'autres prévenus, en particulier celui de participer à l'administration des preuves. Les recourantes conservent par ailleurs la possibilité de faire valoir leurs éventuels griefs durant la procédure d'appel principale (CA.2024.xxx), qui se poursuit devant l'autorité précédente. À cela s'ajoute que quand bien même la Cour d'appel a indiqué, dans la décision querellée (cf. p. 11), que les tiers saisis concernés par les faits reprochés au prévenu, à savoir les recourantes, demeuraient dans la procédure principale précitée, cela n'exclut pas que ces dernières ne puissent pas également participer si nécessaire à la procédure pénale disjointe (CA.2024.yyy) le moment venu, lorsque celle-ci pourra reprendre. Ainsi, les recourantes ne démontrent pas que la disjonction de la procédure d'appel concernant le prévenu de la procédure d'appel principale serait de nature à leur causer un préjudice irréparable. Celui-ci n'apparaît pour le surplus pas manifeste, de sorte que la décision querellée ne saurait faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral.
5.
Il n'y a pas lieu de suivre les recourantes lorsqu'elles indiquent que l'écriture ou le recours qui auraient été déposés le 6 novembre 2024 par le défenseur de D.________ dans la cause 7B_1184/2024 serait partie intégrante de son recours. Celles-ci ne sauraient en effet renvoyer le Tribunal fédéral à des motifs contenus dans une écriture produite par une autre partie (cf. arrêts 7B_1191/2024 du 25 février 2025 consid. 3.2; 7B_1459/2024 du 24 février 2025 consid. 3.2).
6.
Dans la mesure où le recours doit de toute manière être déclaré irrecevable pour le motif précité (cf. consid. 4 supra), il n'y a pas lieu de donner suite à la conclusion des recourantes visant à la modification de leur adresse et à ce que la décision querellée leur soit notifiée sans délai. Sur ce point, on peut préciser que les recourantes ont tout de même pu, d'une part, avoir connaissance de cette décision lorsque celle-ci a été rendue et, d'autre part, recourir au Tribunal fédéral contre celle-ci en temps utile. Dans ces conditions, à supposer que les recourantes pouvaient valablement soulever un droit de se voir notifier la décision querellée - ce qui n'est ni établi ni démontré -, elles n'auraient en l'occurrence subi aucun préjudice de cette absence de notification. Pour le surplus, les recourantes peuvent être renvoyées aux précédentes décisions rendues sur ces questions, ainsi qu'en lien avec d'autres critiques répétées de manière redondante au travers des différentes écritures produites devant le Tribunal fédéral et qui s'écartent pour la plupart de l'objet de la décision querellée (cf. art. 80 al. 1 LTF; cf., notamment, arrêts 7B_1148/2024 du 26 mars 2025 consid. 5 et 6; 7B_718/2023 du 21 novembre 2023; 6B_777/2023 du 30 juin 2023).
7.
Le recours doit donc être déclaré irrecevable.
Comme le recours était d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Les recourantes n'ont déposé aucune pièce détaillant la structure de leur patrimoine et n'établissent par conséquent pas leur situation d'impécuniosité. Elles supporteront donc les frais judiciaires, solidairement entre elles (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux recourantes, au Ministère public de la Confédération, à la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral, à M.________ Ltd et consorts et à Me N.________.
Lausanne, le 14 avril 2025
Au nom de la II e Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Abrecht
Le Greffier: Magnin