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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
5A_166/2018  
 
 
Arrêt du 14 mai 2018  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président, 
Marazzi, Herrmann, Schöbi et Bovey. 
Greffière : Mme Jordan. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Patrik Gruber, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Marc Ursenbacher, avocat, 
intimé, 
 
Objet 
langue de la procédure et for (contribution d'entretien), 
 
recours contre l'arrêt de la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 12 janvier 2018 (101 2017 375 + 376). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Statuant par décision incidente du 16 novembre 2017, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine a rejeté l'exception d'incompétence à raison du lieu soulevée par A.________ dans le procès en modification de la contribution d'entretien intenté par son père, B.________. La décision a été rendue en français. 
Par mémoire rédigé en allemand du 4 décembre 2017, A.________, représenté par sa mère et assisté d'un mandataire professionnel, a appelé de ce prononcé. Il a justifié le choix de la langue du recours par l'art. 17 al. 2 de la Constitution fribourgeoise. 
Le 5 décembre 2017, le Président de la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a invité le conseil de l'appelant à traduire le mémoire d'appel, lui impartissant à cet effet un délai de 10 jours et l'avisant qu'à défaut, la Cour n'entrerait pas en matière.  
Le mandataire a répondu le 7 décembre 2017 en demandant la révocation de cette décision. Il a indiqué que l'obligation de recourir dans la langue de la décision attaquée découlant de l'art. 115 al. 4 de la loi fribourgeoise sur la justice contrevenait au droit conféré par l'art. 17 al. 2 de la constitution cantonale de s'adresser au Tribunal cantonal dans la langue officielle de son choix. 
Le Président a maintenu sa décision par courrier du 12 décembre 2017, tout en rappelant qu'une décision de non-entrée en matière serait prononcée si l'acte ne devait pas être traduit. 
Aucune traduction n'a été déposée dans le délai imparti. 
Statuant le 12 janvier 2018, la I e Cour d'appel civil a refusé d'entrer en matière sur l'appel et rejeté la demande d'assistance judiciaire de l'appelant qu'il a condamné aux frais de la procédure.  
 
B.   
Par écriture du 15 février 2018, A.________, représenté par sa mère et assisté de son mandataire, exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à ce qu'il ne soit pas entré en matière sur l'action de B.________. Il demande, subsidiairement, le renvoi de la cause à l'autorité cantonale afin que celle-ci entre en matière sur l'appel, sous suite de frais et dépens pour la procédure cantonale et fédérale. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire. 
L'intimé a renoncé à se déterminer. L'autorité cantonale n'a pas formulé d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Bien que le recours soumis à l'examen du Tribunal fédéral ait été rédigé en allemand comme le permet l'art. 42 al. 1 LTF, le présent arrêt est rendu en français, langue de la décision attaquée, conformément à l'art. 54 al. 1 LTF
 
2.   
L'arrêt attaqué, qui refuse d'entrer en matière sur un appel interjeté contre une décision incidente (art. 237 CPC) rejetant une exception d'incompétence à raison du lieu, est une décision incidente sur la compétence susceptible du recours séparé de l'art. 92 al. 1 LTF (cf. arrêts 4A_407/2016 du 7 février 2017 consid. 1.6.1; 4A_430/2007 du 11 décembre 2007 consid. 1.1 publié in SJ 2008 I p. 402). Une telle qualification n'est en rien modifiée par le fait qu'il refuse d'entrer en matière, dès lors qu'il met uniquement un terme au litige relatif à la décision incidente, et non à la procédure principale (cf. ATF 137 III 380 consid. 1.1; 139 V 339 consid. 3.2; cf. aussi : arrêts 5A_878/2014 du 17 juin 2015 consid. 1.1 et 5A_574/2009 du 4 décembre 2009 consid. 1.1). 
Pour le surplus, la voie de droit suit celle ouverte contre la décision sur le fond (ATF 133 III 645 consid. 2.2). En l'espèce, l'arrêt attaqué se rapporte à une procédure en modification des contributions d'entretien dues à l'enfant (art. 72 al. 1 LTF), de nature pécuniaire, dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. c et 74 al. 1 let. b LTF). Rendu sur recours par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF), il a par ailleurs été contesté dans les délais (art. 100 al. 1 LTF), par la partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 LTF). 
Le recours est aussi recevable contre la décision incidente de procédure impartissant au recourant un délai pour traduire son mémoire d'appel en français (art. 93 al. 3 LTF). 
 
3.   
Selon l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires doivent indiquer les conclusions et les motifs. Les conclusions sur le fond dirigées contre un prononcé d'irrecevabilité ne sont pas recevables devant le Tribunal fédéral (ATF 138 III 46 consid. 1.2). 
En l'occurrence, le jugement attaqué est un prononcé de non-entrée en matière sur un appel. Aussi, en tant qu'elles constituent des conclusions sur le fond, les conclusions principales du recours sont-elles irrecevables. 
Toutefois, le recourant demande subsidiairement le renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour jugement sur le fond. La motivation du recours se rapporte en outre prioritairement au refus d'entrer en matière sur l'appel. Ce chef de conclusions subsidiaire est recevable. 
 
4.   
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Sous réserve des droits constitutionnels cantonaux (art. 96 let. c LTF), des dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires (art. 95 let. d LTF) et du droit intercantonal (art. 95 let. e LTF), la violation du droit cantonal ne constitue pas un motif de recours; le recourant peut uniquement se plaindre de ce que l'application du droit cantonal par l'autorité précédente consacre une violation du droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a LTF - notamment de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.) - ou du droit international au sens de l'art. 95 let. b LTF (ATF 143 I 321 consid. 5.1; 141 IV 305 consid. 1.2; 133 II 249 consid. 1.2.1). Le Tribunal fédéral n'examine la violation des droits fondamentaux ainsi que celle des dispositions de droit cantonal et intercantonal (au sens de l'art. 95 let. c, d et e LTF) que si ce grief a été invoqué et motivé de manière précise (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 142 III 364 consid. 2.4; 141 I 36 consid. 1.3). 
 
5.   
La présente cause a trait à la recevabilité devant le Tribunal cantonal fribourgeois d'un recours qui n'est pas rédigé dans la langue de la décision attaquée, mais dans l'autre langue officielle du canton. 
 
5.1. Se fondant sur l'art. 119 al. 1 de la loi sur la justice du canton de Fribourg du 31 mai 2010 (LJ; RSF 130.1), la I e Cour d'appel civil a refusé d'entrer en matière sur l'appel, motif pris que l'avocat de l'appelant n'avait pas déposé, dans le délai imparti, une traduction en français - qui était la langue de la procédure en seconde instance selon l'art. 115 al. 4 LJ - de son mémoire rédigé en allemand. Elle a en outre rappelé que, dans un arrêt publié qui faisait notamment référence au Bulletin Officiel des séances du Grand Conseil (RFJ 2012 p. 273), le Tribunal cantonal avait au demeurant déjà eu l'occasion de relever que le législateur fribourgeois n'avait pas voulu que les recourants puissent choisir la langue de rédaction de leurs mémoires (français ou allemand), afin notamment de préserver une unité de la langue de la procédure en première et en seconde instance. Elle a enfin ajouté que, s'il pouvait arriver que la direction de la procédure renonce à demander la traduction d'une écriture, cela n'était justifié que dans des circonstances particulières, notamment en cas d'absence d'autres parties au procès, qui n'étaient pas données en l'espèce.  
 
5.2. Le recourant soutient que ce raisonnement est réducteur et que l'autorité cantonale ne pouvait s'affranchir d'une discussion de la conformité de l'art. 115 al. 4 LJ, respectivement de son application, à l'art. 17 al. 2 de la Constitution du canton de Fribourg du 16 mai 2004 (Cst./FR; RSF 10.1), ainsi que le prévoit l'art. 122 Cst./FR. Dans ce cadre, arguant que la langue de la procédure ne vise que les communications du juge aux parties, la tenue du procès-verbal et la rédaction de la décision, il prétend à une interprétation de l'art. 115 al. 4 LJ conforme à la constitution fribourgeoise. Il conteste par ailleurs que la restriction posée par cette disposition légale au droit garanti par l'art. 17 al. 2 Cst./FR de s'adresser au Tribunal cantonal dans la langue officielle de son choix remplisse les conditions posées par l'art. 38 Cst./FR, notamment qu'elle serait justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental ou social d'autrui (art. 38 al. 2 Cst./FR) et serait proportionnée au but visé (art. 38 al. 3 Cst./FR).  
 
5.3. En instance cantonale, l'appelant a justifié la rédaction en allemand de son mémoire en se prévalant de son droit au libre choix de la langue devant le Tribunal cantonal garanti par l'art. 17 al. 2 Cst./FR (mémoire d'appel p. 3, ch. 12) et, plus particulièrement, de l'inconstitutionnalité de l'art. 115 al. 4 LJ prévoyant qu'en seconde instance, la procédure a lieu dans la langue de la décision attaquée (réponse du 7 décembre 2017 à la décision du 5 décembre 2017 impartissant le délai pour traduire le mémoire). Interpellée dans un cas concret sur la conformité à la constitution cantonale d'une disposition légale cantonale, la I e Cour d'appel civil était compétente pour examiner cette question en vertu de l'art. 122 Cst./FR, selon lequel les autorités des juridictions civiles notamment ne peuvent appliquer les dispositions contraires au droit supérieur (cf. AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Vol. I, 3 e éd., 2013, n o 2355 p. 792; ARUN BOLKENSTEYN, Le contrôle des normes, spécialement par les cours constitutionnelles cantonales, p. 125, ch. 2.2). Elle devait par conséquent entrer en matière sur le grief constitutionnel soulevé. Elle ne pouvait éluder cette question - qui se posait clairement depuis l'arrêt publié aux ATF 136 I 149 - en se contentant d'appliquer l'art. 115 al. 4 LJ conformément à sa pratique et renvoyer l'appelant à se plaindre dans le cadre d'un recours contre la décision de non-entrée en matière du non-respect de l'art. 17 al. 2 Cst./FR (cf. décision du Président de la I e cour d'appel civile du 12 décembre 2017).  
En ne statuant pas sur un grief qui lui était soumis, alors qu'elle devrait le faire, l'autorité cantonale a commis un déni de justice formel, contraire à l'art. 29 al. 1 Cst. (cf. sur le devoir de traiter les problèmes objectivement pertinents : ATF 139 IV 179 consid. 2.2; arrêt 2C_1042/2013 du 11 juin 2014 consid. 2). 
 
6.   
Vu ce qui précède, le recours doit être admis et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. 
Il n'y a pas lieu de prélever de frais (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Le recourant peut prétendre à des dépens à la charge du canton de Fribourg (art. 68 al. 1 LTF). Cela étant, la demande d'assistance judiciaire du recourant est sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
2.   
La demande d'assistance judiciaire du recourant est sans objet. 
 
3.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.   
Une indemnité de 1'500 fr., à verser au recourant à titre de dépens, est mise à la charge de l'Etat de Fribourg. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. 
 
 
Lausanne, le 14 mai 2018 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : von Werdt 
 
La Greffière : Jordan