Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_761/2021
Arrêt du 14 juillet 2022
IIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Beusch.
Greffier : M. de Chambrier.
Participants à la procédure
A.A.________ et B.A.________,
tous les deux représentés par Me Cyrielle Kern, avocate,
recourants,
contre
Service cantonal des contributions du canton du Valais,
avenue de la Gare 35, 1950 Sion.
Objet
Impôts cantonaux et communaux et l'impôt fédéral
direct pour les périodes fiscales 2010 à 2015,
recours contre la décision de la Commission cantonale de recours en matière fiscale du canton du Valais du 22 avril 2021.
Faits :
A.
A.A.________ et B.A.________, nés en 1968, étaient domiciliés à U.________ (VS) au cours des périodes fiscales 2010 à 2015.
En 2010, suite à un désaccord avec son co-actionnaire, A.A.________ a vendu ses actions dans les sociétés C.________ et D.________ SA, tout en conservant une activité au sein de ces entreprises. Cette activité fut néanmoins dégressive dans la mesure où elle souhaitait se consacrer à d'autres projets. Au cours de l'année 2010, elle acquit de C.________ l'immeuble à construire " E.________ " à Sierre, constitué de dix appartements. Les travaux furent achevés en 2011 et les parts de copropriété furent vendues dès le début de l'année 2012.
En outre, les époux A.________ décidèrent d'exploiter le domaine de V.________, en France, qui se compose d'un domaine viticole et de gîtes touristiques, et ce au travers des sociétés F.________ Sàrl et GFA G.________, de sièges à W.________ (France), dont ils détenaient l'intégralité des participations.
B.
B.a. Le 25 janvier 2012, H.________, administrateur de C.________, écrivit à l'administration fiscale valaisanne et exposa que A.A.________ avait décidé d'acquérir l'immeuble " E.________ " à Sierre (en 2010) en vue de s'assurer un revenu régulier par le biais des produits de location. Seuls quatre des dix appartements ayant pu être mis en location, celle-ci souhaitait vendre les appartements non loués. H.________ demandait notamment au fisc de confirmer que les ventes de PPE seraient imposées sur la base de l'impôt sur les gains immobiliers.
Par courrier du 9 février 2012, le Service cantonal des contributions du canton du Valais (ci-après: le Service des contributions), Section des gains immobiliers, indiqua, s'agissant de la promotion " E.________ " à Sierre, qu'il traiterait " les futures ventes des lots PPE en gains immobiliers, sous réserve de fait nouveau ou changement de pratique ".
Le 11 juin 2012, le Service des contributions informa H.________ que la situation était en réalité bien différente de celle que celui-ci avait décrite. Ledit service constatait que la totalité des PPE inoccupées étaient en vente; qu'aucune recherche de locataires n'avait été effectuée; que A.A.________ était active professionnellement dans la promotion immobilière au sein de l'entreprise C.________, dont elle était également administratrice; que les unités de PPE avaient été vendues par C.________ à A.A.________; et que le financement des appartements avait été effectué par emprunt. Partant, le Service des contributions indiquait que le dossier était désormais analysé sous l'angle de la promotion immobilière et imposé par le Service des indépendants.
B.b. Le 20 avril 2012, le Service des contributions a procédé à la taxation des contribuables pour l'année fiscale 2010 en matière d'impôt fédéral direct (IFD) et d'impôts cantonal et communal (ICC).
Les 11 avril 2013, 8 mai 2014, 19 février 2015 et 24 mars 2016, le Service des contributions, Section de la taxation des personnes physiques, a provisoirement taxé les contribuables pour l'IFD et l'ICC 2011 à 2014.
Le 7 avril 2015 et les jours suivants, l'Inspectorat fiscal du Service des contributions a réalisé une expertise des comptes de l'entreprise individuelle de la contribuable pour les exercices 2011 à 2013. Dans son rapport du 9 février 2017, l'expert fiscal retenait entre autres que les revenus locatifs de la promotion " E.________ " devaient être requalifiés en revenus indépendants et que les participations aux sociétés F.________ Sàrl et GFA G.________ appartenaient à la fortune privée des contribuables.
Le 3 octobre 2017, le Service des contributions, constatant que les contribuables avaient omis de déclarer des revenus et de la fortune pour la période fiscale 2010, a annoncé l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt.
Le 6 octobre 2017, le Service des contributions a procédé à la taxation provisoire des contribuables pour la période fiscale 2015.
B.c.
Le 13 octobre 2017, le Service des contributions a taxé définitivement les contribuables pour l'IFD et l'ICC 2011 à 2013 et leur a notifié le bordereau d'impôt rectifié pour l'année 2010. Le 19 octobre 2017, il a procédé à la taxation définitive des contribuables pour les années fiscales 2014 et 2015, en matière d'IFD et d'ICC.
Le 27 novembre 2017, les contribuables ont déposé une réclamation contre les prononcés susmentionnés concernant les périodes fiscales 2010 à 2015 (art. 105 al. 2 LTF). Le 20 décembre 2018, l'autorité de taxation a notifié aux intéressés de nouvelles décisions de taxation pour les années 2012 à 2015.
Le 3 février 2020, après divers aléas de procédure, la Commission cantonale d'impôts des personnes physiques du canton du Valais a admis partiellement la réclamation des contribuables, tout en confirmant l'inopérance du ruling en cause, la qualification des revenus résultant de la vente des PPE de l'immeuble " E.________ " de revenu de l'activité lucrative indépendante, ainsi que l'appartenance à la fortune privée des participations F.________ Sàrl et GFA G.________.
Par décision du 22 avril 2021, la Commission de recours en matière fiscale du canton du Valais (ci-après: Commission de recours) a rejeté le recours formé par les contribuables contre la décision susmentionnée du 3 février 2020 aussi bien pour ce qui concerne l'IFD que l'ICC pour les périodes fiscales 2010 à 2015.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ et B.A.________ concluent devant le Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, à l'annulation des décisions de taxation émises par le Service cantonal des contributions concernant les périodes fiscales 2010 à 2015 et aux prononcé de nouvelles décisions de taxation prenant en compte leurs griefs. Subsidiairement, ils requièrent l'annulation des décisions de taxation et le renvoi de la cause à l'autorité compétente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La Commission de recours conclut au rejet du recours. Les recourants répliquent. Le Service des contributions ne s'est pas prononcé.
Considérant en droit :
1.
1.1. La Commission de recours a rendu un seul arrêt valant tant pour l'ICC que pour l'IFD des recourants, ce qui est en principe admissible, dès lors qu'il ressort clairement dudit arrêt que le litige porte sur les deux catégories d'impôts (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.1; arrêt 2C_576/2016 du 6 mars 2017 consid. 1.1, non publié in ATF 143 IV 130). Dans ces circonstances, le dépôt d'un seul recours pour l'ICC et l'IFD est également admis (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.2; arrêt 2C_576/2016 du 6 mars 2017 consid. 1.1, non publié in ATF 143 IV 130).
1.2. L'arrêt attaqué, qui confirme la décision sur réclamation du 3 février 2020 relative aux bordereaux ICC et IFD 2010 à 2015, est une décision finale (art. 90 LTF), rendue par une autorité judiciaire supérieure de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF; art. 150 al. 2 et art. 219a al. 1 de la loi fiscale valaisanne du 10 mars 1976 [LF/VS; RS/VS 642.1]), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte (cf. également les art. 146 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS 642.11] et 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]).
1.3. Au surplus, le recours, qui a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), par les contribuables destinataires de l'acte attaqué qui ont un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, de sorte qu'il faut leur reconnaître la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), est recevable, sous réserve de ce qui suit.
1.4. La conclusion tendant à l'annulation des décisions de taxation rendues par le Service des contributions est irrecevable en raison de l'effet dévolutif du recours à la Commission de recours (ATF 136 II 539 consid. 1.2).
2.
Dans un grief de nature formelle, qu'il y a lieu d'examiner en premier lieu (ATF 141 V 557 consid. 3), les recourants reprochent à la juridiction cantonale d'avoir violé leur droit d'être entendus (art. 29 al. 2 Cst.) en ne leur communiquant pas la détermination de la Commission d'impôt des personnes physiques du 19 juin 2020.
2.1. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens des art. 29 Cst. et 6 CEDH, le droit d'être entendu garantit notamment le droit pour une partie à un procès de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Il appartient en effet aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Pour garantir à la partie un droit effectif à la réplique, il peut suffire à l'autorité judiciaire de communiquer une prise de position (sans imposer de délai pour d'éventuelles observations), si l'on peut attendre de la partie - notamment lorsqu'elle est représentée par un avocat ou par une personne qui a de bonnes connaissances en droit - qu'elle dépose des observations immédiatement sans y avoir été invitée ou qu'elle requière la possibilité de le faire (ATF 144 III 117 consid. 2.1; 138 I 154 consid. 2.3.3; 484 consid. 2.4).
2.2. De jurisprudence constante, le fardeau de la preuve de la notification d'un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve de la notification en ce sens que si celle-ci ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi. La preuve de la notification peut néanmoins résulter d'autres indices ou de l'ensemble des circonstances, par exemple d'un échange de correspondances ultérieur ou du comportement du destinataire (ATF 142 IV 125 consid. 4.3; voir aussi, ATF 145 IV 252 consid. 1.3.2; arrêt 2C_613/2021 du 2 février 2022 consid. 1.1). L'autorité qui entend se prémunir contre le risque d'échec de la preuve de la notification doit ainsi communiquer ses actes judiciaires sous pli recommandé avec accusé de réception (ATF 129 I 8 consid. 2.2; arrêt 2C_613/2021 du 2 février 2022 consid. 1.1).
2.3. Dans sa prise de position, la Commission de recours indique que la détermination du 19 juin 2020 a été transmise aux recourants en date du 25 juin 2020, en se référant à une " pièce au dossier CCR 2020/19 ".
L'autorité précédente ne démontre toutefois pas la notification de cette détermination aux recourants. Il figure bien au dossier cantonal un écrit de la Commission de recours du 25 juin 2020, adressé en courrier " A " à la fiduciaire des recourants, comportant la mention " Copie " et portant sur la transmission d'une écriture du Service cantonal des contributions du 19 juin 2020 (art. 105 al. 2 LTF), mais aucun élément ne permet d'établir la notification de la détermination de la Commission d'impôt des personnes physiques du 19 juin 2020 aux recourants ou à leur représentant. La communication de la prise de position en cause n'ayant pu être établie, le grief de violation du droit d'être entendu des recourants doit être admis. Le Tribunal fédéral ne disposant pas d'un plein pouvoir d'examen, une réparation de cette violation n'est pas possible devant la cour de céans (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.8.1).
Ce qui précède permet déjà de conclure à l'admission du recours et à l'annulation de l'arrêt entrepris.
3.
A toutes fins utiles, on relèvera également que les recourants estiment que l'autorité précédente a également violé leur droit d'être entendus en ne se prononçant pas sur leurs arguments concernant la convention de double imposition avec la France.
3.1. Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 143 III 65 consid. 5.2; 142 I 135 consid. 2.1). Il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).
3.2. Dans sa prise de position du 28 octobre 2021, la Commission de recours relève que les arguments liés à la convention de double imposition en cause n'avaient pas été invoqués par les recourants dans leur recours du 5 mars 2021 [recte: 2020], interjeté contre la décision sur réclamation, mais dans leur écriture du 23 janvier 2019.
3.3. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que les recourants avaient fait valoir devant la Commission de recours que " GFA (groupement foncier agricole) devait être considéré comme un immeuble, le GFA étant une société immobilière transparente au sens du droit fiscal français détenant un bien immobilier en France. Il conviendrait donc que cette " participation " soit imposée comme un immeuble dont le lieu de situation est en France ". Cette argumentation est directement liée à la convention de double imposition en cause (cf. écriture du 23 janvier 2019 et recours du 5 mars 2020). L'arrêt attaqué, qui ne se prononce pas sur l'argumentation précitée des recourants, comporte ainsi une motivation lacunaire. Au demeurant, l'autorité judiciaire est chargée d'appliquer le droit d'office, de sorte qu'il suffit que la question évoquée soulève un point de droit pertinent pour que celui-ci doive être examiné.
4.
Le litige porte notamment sur la demande de ruling (sur cette notion: ATF 141 I 161 consid. 3.1; arrêt 2C_123/2014 du 30 septembre 2015 consid. 7.2, in RF 70/2015 p. 971, RDAF 2015 II 563) du 25 janvier 2012. L'autorité précédente a écarté le caractère contraignant de celui-ci en retenant, sans plus de précisions, que " l'état de fait soumis à taxation ne correspond pas à celui décrit par les recourants afin d'obtenir le ruling ". Dans le présent recours, les intéressés, sans se plaindre sur ce point d'une violation de leur droit d'être entendus, mais d'arbitraire, allèguent avoir expliqué que leur demande de ruling correspondait aux faits soumis à taxation et reprochent à l'autorité précédente de ne pas s'être prononcée sur leur argumentation.
En l'occurrence, l'autorité précédente n'établit pas - ne serait-ce que dans les grandes lignes - en quoi consisterait les différences entre la situation présentée dans la demande de ruling et la situation réelle. Dans ces conditions, le Tribunal fédéral ne peut pas examiner si l'autorité précédente a violé le droit en estimant que la demande de ruling du 25 janvier 2012 ne pouvait pas produire d'effet (art. 112 al. 1 let. b LTF). Pour ce motif également, il se justifie d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à la Commission de recours pour qu'elle complète sa motivation (cf. art. 112 al. 3 LTF).
5.
5.1. Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours, dans la mesure de sa recevabilité, tant en matière d'IFD que d'ICC. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la Commission de recours pour qu'elle soumette aux recourants la prise de position de la Commission d'impôt des personnes physiques du 19 juin 2020, complète la motivation de sa décision au sens des considérants et rende une nouvelle décision.
5.2. Succombant, le canton du Valais, qui agit dans l'exercice de ses attributions officielles et dont l'intérêt patrimonial est en jeu ( art. 66 al. 1 et 4 LTF ), doit supporter les frais judiciaires. Il sera en outre condamné à verser aux recourants des dépens (art. 68 al. 1 LTF), aucun dépens ne lui étant alloué (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il concerne l'IFD 2010 à 2015. L'arrêt rendu le 22 avril 2021 par la Commission cantonale de recours en matière fiscale est annulé. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
2.
Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il concerne l'ICC 2010 à 2015. L'arrêt rendu le 22 avril 2021 par la Commission cantonale de recours en matière fiscale est annulé. La cause est renvoyée à l'autorité précédente po ur nouvelle décision dans le sens des considérants.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du canton du Valais.
4.
Le canton du Valais versera aux recourants une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
5.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire des recourants, au Service cantonal des contributions du canton du Valais, à la Commission cantonale de recours en matière fiscale du canton du Valais et à l'Administration fédérale des contributions.
Lausanne, le 14 juillet 2022
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
Le Greffier : A. de Chambrier