Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_137/2022
Arrêt du 14 juillet 2022
IIe Cour de droit social
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Stadelmann, Juge présidant, Moser-Szeless et Bechaalany, Juge suppléante.
Greffier : M. Bürgisser.
Participants à la procédure
1. A.A.________,
2. B.A.________,
tous les deux représentés par Me Marco Rossi, avocat,
recourants,
contre
Caisse cantonale genevoise de compensation, rue des Gares 12, 1201 Genève,
intimée.
Objet
Assurance-vieillesse et survivants,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 20 janvier 2021 [recte: 2022] (A/865/2021 ATAS/73/2022).
Faits :
A.
D.________ SA (ci-après: la société), inscrite au registre du commerce du Canton de Genève en juin 2008et affiliée en tant qu'employeur pour le paiement des cotisations sociales dès le 1
er août 2008 à la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après: la caisse de compensation), a été dissoute par suite de failliteen 2018. C.A.________ en a été l'administrateur avec signature collective à deux jusqu'au 23 mai 2016, date à laquelle son nom a été radié du registre du commerce.
Par décision du 6 juillet 2020, la caisse de compensation a réclamé à C.A.________, en sa qualité d'administrateur de D.________ SA, la somme de 293'610 fr. 10, à titre de réparation du dommage causé par le non-paiement de cotisations sociales dues pour les années 2014 et 2015, ainsi que pour la période allant du 1
er janvier au 31 mai 2016. I l en était solidairement responsable avec l'autre administrateur de la société, E.________. C.A.________ s'est opposé à cette décision. Il est décédé en 2020. La caisse de compensation a confirmé sa décision du 6 juillet 2020 par décision sur opposition du 4 février 2021, notifiée au conseil du défunt.
B.
Statuant le 20 janvier 2021 [recte: 2022] sur le recours formé par A.A.________ et B.A.________, héritiers de C.A.________, la Cour de justice de la République et Canton de Genève, Chambre des assurances sociales, l'a partiellement admis dans le sens des considérants (ch. 2 du dispositif). Elle a renvoyé la cause à la caisse de compen sation pour nouveau calcul du dommage, arrêté au 31 mars 2016, excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants, et nouvelle décision (ch. 3 du dispositif). Elle a rejeté le recours pour le surplus et confirmé la responsabilité de feu C.A.________ du 1
er janvier 2014 au 31 mars 2016 (ch. 4 du dispositif).
C.
A.A.________ et B.A.________ interjettent un recoursen matière de droit public contre cet arrêt et concluent à l'annulation des chiffres 2 à 4 du dispositif. Il s concluent principalement à ce qu'il soit dit que la res ponsabilité de C.A.________ n'a pas été engagée, en sa qualité d'administrateur de D.________ SA quant au paiement des cotisations sociales. Subsidiairement, ils requièrent le renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision au sens des considérants.
Considérant en droit :
1.
Bien que le dispositif (ch. 3) de l'arrêt entrepris renvoie la cause à la caisse de compensation pour nouvelle décision dans le sens des considérants, il ne s'agit pas d'une décision partielle ou incidente au sens des art. 91 et 93 LTF . Il résulte des considérants de la décision attaquée que le renvoi de la cause ne vise en effet que le calcul du dommage de la caisse de compensation selon les instructions de la juridiction cantonale quant à ses modalités; celle-ci a arrêté le dommage au 31 mars 2016, après exclusion des cotisations découlant de la loi cantonale genevoise du 21 avril 2005 instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption (RSG J 5 07), des intérêts moratoires et des frais administratifs y afférents. Le recours est dès lors recevable puisqu'il est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF; ATF 134 II 124 consid. 1.3; arrêt 9C_779/2020 du 7 mai 2021 consid. 1.1).
2.
Aux termes de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvel le ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. En l'espèce, les recourants produisent pour la première fois en instance fédérale l'acte d'accusation du Ministère public genevois du 8 juin 2021 concernant une procédure pénale ayant trait notamment au non-paiement de cotisations sociales dirigée contre E.________, ancien administrateur-président de la société D.________ SA. Cette pièce est datée d'avant le prononcé de l'arrêt entrepris et ne peut pas être priseen considération. Quoi qu'en disent les recourants, cette pièce ne résulte pas de l'arrêt entrepris dès lors qu'ils avaient déjà évoqué la responsabilité de E.________ en instan ce cantonale. En indiquant ensuite avoir "récemment" eu connaissance de l'acte d'accusation, ils n'exposent pas pour quel motif il ne leur a pas été possible de le déposer devant la juridiction cantonale (cf. ATF 143 V 19 consid. 1.2).
3.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.
4.
Le litige porte sur la responsabilité de C.A.________ au sens de l'art. 52 LAVS dans le préjudice subi par la caisse de compensation intimée en raison du non-paiement par la société de cotisations sociales dues pour la période allant du 1
er janvier 2014 au 31 mars 2016.
L'arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels en matière de responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS et de responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 129 V 11; 126 V 237; 123 V 12 consid. 5b et les références), en particulier les conditions d'une violation intentionnelle ou par négligence des devoirs incombant aux organes (ATF 121 V 243). Il suffit d'y renvoyer. On rappellera que dans l'hypothèse où plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage au sens de l'art. 52 LAVS, chacun des débiteurs répond solidairement de l'intégralité du dommage envers la caisse de compensation, celle-ci étant libre de rechercher tous les débiteurs, quelques-uns ou un seul d'entre eux, à son choix (ATF 119 V 86 consid. 5a).
5.
La juridiction cantonale a considéré que C.A.________ avait commis, en sa qualité d'organe formel de la société, une négligence grave au sens de l'art. 52 LAVS, entraînant ainsi son obligation de réparer le dommage subi par la caisse de compensation intimée en raison du non-paiement des cotisations dues. En particulier, le fait que le Ministère public a classé la procédure pénale à son encontre pour gestion fautive n'était pas décisif au regard de l'art. 52 LAVS. E lle a par ailleurs limité la période à prendre en compte pour le calcul du dommage du 1
er janvier 2014 au 31 mars 2016, date pour laquelle C.A.________ avait donné sa démission du conseil d'admini stration.
6.
6.1. Sans remettre en cause la période déterminante, les recourants invoquent une "violation arbitraire" de l'art. 52 al. 2LAVS. Ils font en substance valoir que les arriérés de cotisations paritaires ne sont pas dus à un acte intentionnel ou à une négligence grave de leur père, mais à des actes délictueux de l'autre administrateur de la société éga lement inscrit au registre du commerce durant la période déterminante.
6.2. L'argumentation des recourants ne résiste pas à l'examen. A la suite des premiers juges, on admettra qu'il incombait à C.A.________, en sa qualité d'administrateur, de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement payées à la caisse de compensation, nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein la société (arrêt 9C_722/2015 du 31 mai 2016 consid. 3.3 et les références). En n'ayant exercé aucune activité de surveillance, C.A.________ a commis une négligence qui doit, sous l'angle de l'art. 52 LAVS, être qualifiée de grave (arrêt 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). Comme le reconnaissent eux-mêmes les recourants, la répartition des rôles au sein d'une société, respectivement le fait que la personne morale est dirigée concrètement par d'autres personnes, ne constitue pas, à cet égard, un motif de suppression ou d'atténuation de la faute commise (arrêt 9C_722/2015 cité). Pour cette raison, c'est également en vain que les recourants se prévalent du classement de la procédure pénale pour gestion fautive à l'encontre de leur père (comp. arrêt H 259/03 du 22 décembre 2003 consid. 8.4) comme l'ont dûment expliqué les premiers juges.
C'est en vain que les recourants font valoir encore que les actes délictueux qu'aurait commis E.________ auraient provoqué le dommage. Il ne ressort pas des propos tenus par feu C.A.________ devant le Ministère public genevois (procès-verbal du 11 septembre 2019; art. 105 al. 2 LTF) que l'autre administrateur l'aurait trompé par des manoeuvres fallacieuses, ce qui peut, dans certaines circonstances, interrompre le lien de causalité adéquate (cf. sur de telles circonstances arrêt 9C_328/2012 du 11 décembre 2012 consid. 2.3). Feu C.A.________ a indiqué qu'en réponse à sa question de savoir pourquoi les charges n'avaient pas été payées, E.________ lui répondait qu'elles seraient payées, l'argent devant arriver. A cette occasion, il a réitéré ne pas s'être occupé du tout du paiement des cotisations. Dans ces circonstances, au vu du lien de causalité entre la passivité de C.A.________ et le dommage subi par la caisse de compensation, c'est à bon droit que la cour cantonale a admis la responsabilité de C.A.________ au titre de l'art. 52 al. 2 LAVS pour la période du 1
er janvier 2014 au 31 mars 2016. Le recours est mal fondé.
7.
Les recourants, qui succombent, supporteront les frais de justice solidairement entre eux ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 8000 fr., sont mis à charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 14 juillet 2022
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Stadelmann
Le Greffier : Bürgisser