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Eidgenössisches Versicherungsgericht 
Tribunale federale delle assicurazioni 
Tribunal federal d'assicuranzas 
 
Cour des assurances sociales 
du Tribunal fédéral 
 
Cause 
{T 7} 
I 776/02 
 
Arrêt du 14 novembre 2003 
IIe Chambre 
 
Composition 
MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffier : M. Berthoud 
 
Parties 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant, 
 
contre 
 
C.________, intimée, représentée par Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH, place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne 
 
Instance précédente 
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne 
 
(Jugement du 27 juin 2002) 
 
Faits: 
A. 
C.________ s'est annoncée à l'assurance-invalidité le 10 février 1999, alléguant souffrir de tendinites depuis l'année 1987 et de fibromyalgie à partir de février 1996. Selon les avis médicaux recueillis au cours de l'instruction de la demande, l'assurée présente notamment une fibromyalgie qui réduit fortement, voire entièrement, sa capacité de travail (rapport de la doctoresse A.________, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, du 17 juillet 2000). 
 
Par décision du 24 octobre 2000, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (l'office AI) a rejeté la demande de prestations, au motif que l'atteinte à la santé n'était pas invalidante. 
B. 
C.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton de Vaud, en concluant au versement d'une rente entière d'invalidité à compter du 1er avril 1998. 
 
Le Tribunal cantonal a ordonné une expertise qu'il a confiée au Centre multidisciplinaire de la douleur X.________. Dans leur rapport du 7 janvier 2002, les docteurs B.________, spécialiste en rhumatologie, et D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, ont diagnostiqué un tableau clinique de fibromyalgie ainsi qu'un trouble dépressif récurrent d'importance faible à moyenne, sans symptômes psychotiques; ils ont précisé que l'intéressée ne présentait aucune atteinte articulaire de type maladie inflammatoire systémique. A leur avis, la capacité de travail de l'assurée est nulle et aucune activité professionnelle ne lui est adaptée; quant aux troubles psychiques qui l'empêchent travailler, leur origine est socioculturelle. 
 
L'office AI a conclu au rejet du recours, en se référant à l'avis de son Service médical régional AI de Vevey (rapport du docteur E.________ du 22 février 2002). 
 
Par jugement du 27 juin 2002, la juridiction cantonale a admis le recours est reconnu le droit de l'assurée à une rente entière d'invalidité. 
C. 
L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il demande l'annulation, ce que l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) propose également dans son préavis. 
 
L'assurée intimée conclut à l'admission partielle du recours, avec suite de dépens, en ce sens que la cause soit renvoyée aux premiers juges pour qu'ils mettent en oeuvre une nouvelle expertise. 
 
Considérant en droit: 
1. 
Le litige porte sur le droit de l'intimée à une rente d'invalidité. Singulièrement, il s'agit de savoir si la reprise du travail est exigible de la part de l'intimée, et si les troubles dont elle est affectée ont ou non un caractère invalidant. 
2. 
2.1 Les premiers juges ont exposé correctement les conditions légales mises à l'octroi d'une rente d'invalidité (art. 4 et 28 LAI). Il suffit à cet égard de renvoyer au consid. 3 du jugement attaqué. 
 
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas applicable en l'espèce, le juge des assurances sociales n'ayant pas à tenir compte des modifications du droit ou de l'état de fait survenues après que la décision litigieuse (in casu du 24 octobre 2000) a été rendue (cf. ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b). 
2.2 Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent, comme les atteintes physiques, provoquer une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI, on doit mentionner - à part les maladies mentales proprement dites - les anomalies psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible. Il faut donc établir si et dans quelle mesure un assuré peut, malgré son infirmité mentale, exercer une activité que le marché du travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point déterminant est ici de savoir quelle activité peut raisonnablement être exigée dans son cas. Pour admettre l'existence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exerce une activité lucrative insuffisante; il faut bien plutôt se demander s'il y a lieu d'admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 consid. 2b et les références; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine). 
 
En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, le Tribunal fédéral des assurances a, dans un arrêt ATF 127 V 294, précisé sa jurisprudence relative aux atteintes à la santé psychique. Ainsi, les facteurs psychosociaux ou socioculturels ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 299 consid. 5a in fine). 
2.3 En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 352 consid. 3b/aa et les références). 
 
Meine souligne que l'expertise doit être fondée sur une documentation complète et des diagnostics précis, être concluante grâce à une discussion convaincante de la causalité, et apporter des réponses exhaustives et sans équivoque aux questions posées (Meine, L'expertise médicale en Suisse : satisfait-elle aux exigences de qualité actuelles ? in RSA 1999 p. 37 ss). Dans le même sens, Bühler expose qu'une expertise doit être complète quant aux faits retenus, à ses conclusions et aux réponses aux questions posées. Elle doit être compréhensible, concluante et ne pas trancher des points de droit (Bühler, Erwartungen des Richters an den Sachverständigen, in PJA 1999 p. 567 ss). 
 
Selon la jurisprudence, l'expert médical appelé à se prononcer sur le caractère invalidant de troubles somatoformes douloureux doit poser un diagnostic dans le cadre d'une classification reconnue et se déterminer sur le degré de gravité de l'affection. Il doit évaluer le caractère exigible de la reprise par l'assuré d'une activité lucrative. Dans ce cadre, il lui incombe d'examiner si la personne concernée possède en elle suffisamment de ressources psychiques lui permettant de faire face à ses douleurs. Le point déterminant est ici de savoir si et dans quelle mesure cette personne, au regard de sa constitution psychique, conserve une capacité à exercer une activité sur le marché du travail nonobstant les douleurs qu'elle ressent (voir arrêt R. du 2 décembre 2002, I 53/02, consid. 2.2 in fine et les autres arrêts cités). La mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 298 consid. 4c et les références; VSI 2001 p. 224 consid. 2b). 
3. 
La juridiction cantonale de recours a considéré que les experts n'avaient pas répondu à toutes les questions posées et que certaines de leurs réponses étaient contradictoires. Elle en a déduit que le rapport d'expertise ne remplissait pas les réquisits jurisprudentiels et qu'il n'avait dès lors pas de valeur probante. Néanmoins, le Tribunal des assurances a admis qu'il pouvait juger l'affaire à la lumière des éléments concordants du dossier : l'assurée souffre de fibromyalgie, elle est totalement incapable de travailler depuis le mois d'avril 1997, elle souffre de troubles dépressifs récurrents, l'évolution est défavorable et face à un tel tableau clinique, l'incapacité de travail est durable et il n'y a pas d'activité adaptée; en outre, l'assurée déplore une perte d'intégration sociale, il n'y a pas de discordance entre les éléments objectivables et ses plaintes, elle ne simule pas, ne tire aucun profit de sa maladie et tous les traitements conformes aux règles de l'art ont échoué. En ce qui concerne le caractère exigible de la reprise d'une activité lucrative, les premiers juges ont estimé que le cumul des critères précités fondent un pronostic négatif, de sorte que l'atteinte à la santé est, en l'occurrence, entièrement invalidante. 
 
Le recourant soutient que le rapport des docteurs B.________ et D.________ conforte sa décision litigieuse, car il n'existe pas d'atteinte à la santé invalidante. En effet, les experts attestent que l'intimée ne présente aucune pathologie psychiatrique grave et que le problème est totalement socioculturel, secondairement financier. A son avis, les conclusions des experts sont claires et le rapport d'expertise a pleine valeur probante. L'OFAS partage ce point de vue et estime que l'intimée est entièrement capable de travailler. 
 
Cette dernière soutient la thèse inverse et allègue que l'expertise ne remplit pas les réquisits jurisprudentiels. Singulièrement, l'intimée fait grief aux experts de n'avoir abordé que très sommairement la nature et l'intensité de ses troubles de l'humeur et elle exprime ses doutes quant au diagnostic de trouble dépressif récurrent qui a été posé. A son avis, l'existence d'un trouble dépressif majeur, invalidant, paraît beaucoup plus probable. 
4. 
4.1 Dans son rapport du 17 juillet 2000, la doctoresse A.________ a fait état de fibromyalgie, de rachialgies diffuses dans le cadre de troubles statiques avec hyperlaxité axiale, d'ostéome condensant du corps vertébral de L2 et de trouble dépressif et anxieux récurrent. Elle a relevé que la patiente était isolée socialement et en proie à d'importantes difficultés financières. Sur la base de ces éléments, la doctoresse A.________ a estimé que la capacité de travail exigible était nulle et cela dans n'importe quelle activité. 
 
Eu égard à ce diagnostic et aux conclusions de la doctoresse A.________, il ne fait guère de doute qu'une expertise psychiatrique était en l'occurrence nécessaire pour se prononcer sur le caractère invalidant des affections psychiques de la recourante. 
4.2 Cet examen psychiatrique a été mené par les docteurs B.________ et D.________. Dans leur rapport du 7 janvier 2002, les experts ont imputé les troubles psychiques de l'assurée essentiellement aux difficultés socioculturelles qu'elle a rencontrées en Suisse. Ils ont cependant précisé qu'il est difficile d'établir une incapacité de travail de longue durée pour un trouble dépressif récurrent, surtout lorsqu'il est de degré faible à moyen, et qu'il n'est pas nécessairement justifié d'admettre une incapacité de travail pour un syndrome de fibromyalgie pris isolément. 
 
Vu ce qui précède, on pourrait se demander si les experts ne reconnaissent pas, en définitive, que l'incapacité totale de travailler en raison d'affections d'ordre psychique n'a pas de fondement médical. Quoi qu'il en soit, leur appréciation de l'exigibilité de la reprise du travail est contradictoire dans la mesure où ils admettent que l'intimée peut travailler à 100 % d'un point de vue strictement médical, tout en indiquant (dans la même phrase) qu'elle ne retravaillera pas, parce qu'elle ne le peut pas (rapport, p. 14). Enfin, les experts se sont prononcés sur une question de droit, en indiquant que «sur le fond, en fonction des définitions actuelles de la maladie et de l'invalidité, l'AI a raison» (p. 12 du rapport), ce qui n'était pas de leur ressort. 
 
Quant au docteur E.________, qui relève également les contradictions de l'expertise, il a attesté que la recourante souffre d'un trouble somatoforme, qu'il assimile à la fibromyalgie, sans comorbidité psychiatrique grave. Il a observé que les experts B.________ et D.________ en avaient apprécié le caractère invalidant au regard de critères que Mosimann n'avait pas retenu dans son étude qui est résumée dans la VSI 2000 p. 155 consid. 2c (rapport du 22 février 2002). 
 
Dans ces conditions, on doit admettre que l'expertise des docteurs B.________ et D.________ n'est pas probante, de sorte que les premiers juges étaient fondés à s'en écarter. 
4.3 Il faut ensuite se demander si les juges cantonaux pouvaient admettre une incapacité totale de travail, sans procéder à de plus amples investigations. 
Leurs conclusions vont plutôt à l'encontre des constatations des experts, qui semblent accorder un certain poids à des facteurs sociaux dont l'AI n'a en principe pas à répondre (cf. consid. 2.2 in fine ci-dessus). De plus, la juridiction de recours fonde essentiellement ses conclusions sur le rapport de la doctoresse A.________ en appliquant la jurisprudence relative aux troubles somatoformes douloureux. 
 
Quoi qu'il en soit, dans la mesure où l'on ne pouvait pas retenir les conclusions de l'expertise et que l'aspect psychiatrique du dossier n'avait pas été éclairci à satisfaction par le rapport des docteurs B.________ et D.________, on ignore toujours si - et le cas échéant dans quelle mesure - la reprise d'une activité professionnelle par l'intimée est ou non exigible, eu égard à ses affections psychiques. Aussi est-ce à juste titre que l'intimée requiert que l'étendue de sa capacité de travail soit réexaminée à l'occasion d'une nouvelle expertise judiciaire. Ce n'est donc que lorsque la nouvelle expertise psychiatrique aura été réalisée que les premiers juges pourront, en connaissance de cause, statuer à nouveau en appliquant les principes jurisprudentiels rappelés au considérant 2.2 supra. 
5. 
En conséquence, le recours sera admis dans le sens d'un renvoi de cause au Tribunal des assurances afin qu'il mette en oeuvre une nouvelle expertise psychiatrique, puis statue à nouveau sur le recours dont il est saisi. 
6. 
Bien que la solution du litige aille dans le sens des conclusions de l'intimée, il faut admettre que cette dernière succombe au sens de l'art. 159 al. 1 OJ, dès lors que son droit à une rente entière d'invalidité n'est, en l'état, pas confirmé et que le recours de l'office AI est admis dans la mesure indiquée plus haut. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 
1. 
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 27 juin 2002 est annulé, la cause lui étant renvoyée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouveau jugement. 
2. 
Il n'est pas perçu de frais de justice. 
3. 
Il n'est pas alloué de dépens. 
4. 
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
Lucerne, le 14 novembre 2003 
Au nom du Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier: