Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_207/2024
Arrêt du 14 novembre 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Hänni.
Greffière : Mme Jolidon.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Marie-Eve Guillod, avocate,
recourant,
contre
Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts du canton de Fribourg,
ruelle Notre-Dame 2, 1701 Fribourg.
Objet
Protection des animaux, interdiction de détention et de commerce,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, III e Cour administrative, du 1er mars 2024 (603 2023 100).
Faits :
A.
Des contrôles opérés par le Service de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires du canton de Fribourg (ci-après: le Service des affaires vétérinaires) ont montré que des problèmes subsistaient sur l'exploitation de A.________, après que celui-ci avait fait l'objet, en 2020, d'une interdiction de détention, de commerce et d'élevage de bovins sur tout le territoire suisse d'une durée d'une année (cf. cause 2C_689/2020).
B.
En conséquence, cette autorité, par décision du 10 mars 2022, a prononcé une nouvelle interdiction de détention, de commerce et d'élevage d'animaux sur tout le territoire suisse d'une durée de dix ans à l'encontre de l'intéressé. La Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts du canton de Fribourg (ci-après : la Direction de l'agriculture) a confirmé cette décision, en date du 26 avril 2023.
Le 31 mai 2023, A.________ a recouru contre la décision du 26 avril 2023 auprès du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après : le Tribunal cantonal). La Direction de l'agriculture a déposé des observations le 24 juillet 2023, puis, le 27 février 2024, elle a encore produit une écriture et deux rapports du Service des affaires vétérinaires rédigés à la suite de contrôles effectués sur l'exploitation de A.________ en date des 5 et 14 février 2024.
Par arrêt du 1er mars 2024, le Tribunal cantonal a très partiellement admis le recours de A.________, en limitant l'interdiction prononcée de dix ans aux animaux de rente.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 1er mars 2024 du Tribunal cantonal, de dire qu'il n'est soumis à aucune interdiction de détention d'élevage d'animaux de rente, subsidiairement, de limiter l'interdiction à une année, plus subsidiairement encore, de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour une nouvelle décision dans le sens des considérants.
La Direction de l'agriculture et le Tribunal cantonal concluent au rejet du recours. L'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires estime que l'interdiction de dix ans est justifiée.
Par ordonnance du 17 mai 2024, la Présidente de la IIe Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif.
A.________ s'est encore prononcé par écriture du 15 juillet 2024.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant sous le coup d'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. Le recourant, destinataire de l'arrêt attaqué qui lui interdit de détenir des bovins pendant dix ans, a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Déposé en temps utile compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF), le recours en matière de droit public est recevable.
2.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF ). Il n'examine cependant la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante (cf. art. 106 al. 2 LTF). Il y procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF.
3.
L'objet du litige porte sur l'interdiction de détention, de commerce et d'élevage d'animaux de rente d'une durée de dix ans prononcée à l'encontre du recourant en raison de divers manquements à la législation sur la protection des animaux.
4.
Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu. Il reproche au Tribunal cantonal de ne pas lui avoir transmis l'écriture spontanée déposée le 27 février 2024 par la Direction de l'agriculture, pas plus que les deux rapports d'inspection qui lui étaient annexés datant des 5 et 14 février 2024. Il allègue que ces documents ne lui ont été communiqués, à sa demande, qu'après que le Tribunal cantonal eut rendu son arrêt.
4.1. Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 Cst., est un grief de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 148 IV 22 consid. 5.5.2; 144 IV 302 consid. 3.1; 144 I 11 consid. 5.3; 143 IV 380 consid. 1.4.1). Par exception au principe de la nature formelle de ce droit, sa violation est considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure, et qui peut ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée, à condition toutefois que l'atteinte aux droits procéduraux de la partie lésée ne soit pas particulièrement grave (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195 consid. 2.3.2).
Le droit d'être entendu comprend notamment le droit du justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; 139 II 489 consid. 3.3; 138 I 154 consid. 2.3.3). Il appartient aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 139 I 189 consid. 3.2).
4.2. En l'espèce, le Tribunal cantonal ne s'est pas prononcé, dans ses observations déposées devant le Tribunal fédéral, sur le grief soulevé par le recourant portant sur la violation du droit d'être entendu. Il ressort toutefois du dossier que ce n'est effectivement qu'après avoir rendu son arrêt le 1er mars 2024 que cette autorité a fait parvenir, par courrier du 15 mars 2024, les observations du 27 février 2024 de la Direction de l'agriculture et les rapports du Service des affaires vétérinaires datés du 5 février 2024 respectivement du 14 février 2024 au recourant. Cette communication a fait suite à la demande du recourant du 13 mars 2024 exposant avoir eu connaissance de ces observations et de ces pièces à la lecture de l'arrêt attaqué.
4.3. Le Tribunal cantonal ne pouvait juger la cause sans laisser la possibilité au recourant de s'exprimer sur la prise de position du 27 février 2024 de la Direction de l'agriculture et sur les rapports du Service des affaires vétérinaires. L'intéressé a appris la production de ces documents uniquement en prenant connaissance de l'arrêt au fond, de sorte qu'il n'a pas eu l'opportunité de déposer des observations spontanées sur ceux-ci et qu'on ne peut donc considérer qu'il s'en est abstenu. On soulignera, au surplus, que les juges précédents ne pouvaient pas écarter ces écritures et pièces "au terme d'une appréciation anticipée des preuves", tel qu'ils l'ont fait dans l'arrêt attaqué (cf. arrêt attaqué consid. 2.2). En effet, si une autorité peut procéder d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont proposées, c'est pour renoncer à procéder à des
mesures d'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et qu'elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (cf. ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 145 I 167 consid. 4.1) et non pas pour mettre de côté des rapports en sa possession portant sur des faits qui se sont déroulés avant qu'elle ne rende sa décision. Comme le souligne le recourant, la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, impose à l'autorité compétente de définir les faits pertinents (ATF 148 II 465 consid. 8.3) et l'oblige à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces portant sur de tels faits qui ont été versées au dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).
5.
Au regard ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt du 1er mars 2024 du Tribunal cantonal annulé. La cause lui est renvoyée, afin qu'il rende une nouvelle décision, après avoir donné au recourant la possibilité de se prononcer sur l'écriture du 27 février 2024 de la Direction de l'agriculture et les rapports du Service des affaires vétérinaires des 5 et 14 février 2024.
Les frais judiciaires sont mis à la charge du canton de Fribourg, le recours étant admis en raison d'une erreur de procédure particulièrement grave (cf. art. 66 al. 3 LTF; cf. arrêt 5A_178/2015 du 29 mai 2015 consid. 5), sans que le recourant ne réponde du vice incriminé. Ayant obtenu gain de cause avec l'aide d'un avocat, le recourant a droit à des dépens, qui sont mis à la charge du canton de Fribourg.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis et l'arrêt du 1er mars 2024 du Tribunal cantonal du canton de Fribourg est annulé. La cause est renvoyée à cette autorité pour une nouvelle décision.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du canton de Fribourg.
3.
Une indemnité de 3'000 fr., à payer au recourant à titre de dépens, est mise à la charge du canton de Fribourg.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, à la Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, III e Cour administrative, ainsi qu'à l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.
Lausanne, le 14 novembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : E. Jolidon