Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_500/2024
Arrêt du 14 novembre 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys et von Felten.
Greffière : Mme Klinke.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Fabien Mingard, avocat,
recourant,
contre
Ministère public central du canton de Vaud,
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
intimé.
Objet
Confiscation, destruction, frais, droit d'être entendu,
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale
du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 17 avril 2024 (n° 249 PE21.001987/AFE).
Faits :
A.
Par jugement du 3 janvier 2024, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a libéré A.________ du chef d'accusation de pornographie (en raison de la prescription) (l), a rejeté la requête d'indemnité pour tort moral déposée par ce dernier (Il), a ordonné la confiscation et la destruction de l'ordinateur portable ACER avec son alimentation, séquestré sous fiche n° xxxxx (Ill), a ordonné le maintien au dossier au titre de pièces à conviction des 4 CD de données inventoriés à ce titre sous fiche n° yyyyy (IV) et a laissé à la charge de l'État les frais de procédure, y compris l'indemnité allouée au conseil d'office de A.________ (V).
B.
Par jugement du 17 avril 2024, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a partiellement admis l'appel formé par A.________ contre le jugement de première instance (III). Elle l'a réformé en ce sens qu'elle a ordonné la restitution à A.________ de tous les fichiers, photos et vidéos licites contenus dans son ordinateur portable ACER, séquestré sous fiche n° xxxxx pour autant que cela soit techniquement réalisable et aux frais de l'intéressé. Pour le reste, la cour cantonale a confirmé le dispositif de première instance.
En substance, le jugement cantonal repose sur les faits suivants.
D'après l'acte d'accusation du 11 octobre 2023, il était reproché à A.________ d'avoir obtenu, à U.________, entre le 24 avril et le 4 mai 2014, via B.________, sept fichiers avec un contenu de pornographie juvénile dont certains fichiers contenaient des abus sexuels effectifs sur des enfants de sexe féminin âgés de 5 à 7 ans. Par ailleurs, à U.________, le 7 avril 2022, jour de la perquisition du matériel informatique de A.________, ce dernier était en possession de cinq vidéos et dix-huit images à contenu illicite. L'analyse du matériel informatique, en particulier de son ordinateur ACER, a permis la découverte de cinq images de pédopornographie effective, une image de mineur nu, onze images et quatre vidéos de pornographie zoophile (datées d'octobre 2013, décembre 2014 et septembre 2015) et une vidéo d'extrême violence (datée du 4 janvier 2016).
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement cantonal et conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne ordonne la restitution à A.________, dans une clé USB, de tous les fichiers, photos et vidéos licites contenus dans son ordinateur portable ACER, séquestré sous fiche n° xxxxx, pour autant que cela soit techniquement réalisable et aux frais de l'État. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir mis à sa charge les frais de tri et de récupération de données privées licites enregistrées dans son ordinateur dont la confiscation et la destruction ont été ordonnées. Il estime qu'elle a omis de motiver son jugement sur ce point (art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH).
1.1.
1.1.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 3 al. 2 let. c CPP (cf. aussi art. 6 par. 1 CEDH) implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 142 I 135 consid. 2.1). Il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, la motivation pouvant d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêts 6B_1036/2022 du 15 mai 2023 consid. 1.2).
Par ailleurs, le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. Il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt 6B_1296/2023 du 3 septembre 2024 consid. 4.2.1).
1.1.2. À teneur de l'art. 69 CP, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits (al. 2).
Il doit y avoir un lien de connexité entre l'objet à confisquer et l'infraction, en ce sens que celui-là doit avoir servi ou devait servir à la commission d'une infraction (
instrumenta sceleris) ou être le produit d'une infraction (
producta sceleris). En outre, cet objet doit compromettre la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. Cela signifie que, dans le futur, ce danger doit exister et que, précisément pour cette raison, il faut ordonner la confiscation en tant que mesure de sécurité. Par conséquent, le juge doit poser un pronostic quant à la vraisemblance suffisante que l'objet, dans la main de l'auteur, compromette à l'avenir la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (ATF 137 IV 249 consid. 4.4; 130 IV 143 consid. 3.3.1; arrêt 6B_348/2024 du 21 octobre 2024 consid. 6.1).
La confiscation d'objets dangereux, en tant qu'elle porte atteinte à la propriété garantie par l'art. 26 Cst., exige le respect du principe de la proportionnalité dans ses deux composantes de l'adéquation au but et de la subsidiarité. Non seulement la mesure restrictive doit être apte à produire le résultat escompté, mais encore faut-il qu'elle soit seule à même de le faire, c'est-à-dire qu'il n'y en ait pas d'autres, plus respectueuses des libertés, qui soient efficaces (ATF 137 IV 249 consid. 4.5; arrêt 6B_1351/2023 du 19 juillet 2024 consid. 2.1). En particulier, le principe de la proportionnalité impose, lorsque les conditions pour ordonner la mesure ne sont remplies que pour certaines parties d'un objet, que seules ces parties soient confisquées si cela est possible sans endommager gravement l'objet et sans engager des dépenses disproportionnées (arrêts 6B_1351/2023 précité consid. 2.1; 6B_1150/2014 du 19 novembre 2015 consid. 4).
Se prononçant sur la demande de restitution de données licites enregistrées notamment dans un ordinateur portable et des téléphones portables séquestrés, le Tribunal fédéral a considéré que la seule valeur sentimentale de certaines informations contenues dans la mémoire de ces appareils, dont le tri exigerait des investissements sans commune mesure avec la valeur objective des objets séquestrés, ne saurait, sous l'angle de la proportionnalité, être opposée à l'intérêt public à leur destruction. Il a ajouté que, compte tenu du nombre d'appareils sans valeur particulière confisqués dans des procédures pénales, le tri systématique des données licites et illicites n'est pas envisageable pratiquement, de sorte que leur destruction s'impose aussi sous l'angle de l'adéquation considérée globalement (arrêts 6B_354/2021 du 1
er novembre 2021 consid. 6.2; 6B_35/2017 du 26 février 2018 consid. 9.4; 6B_548/2015 du 29 juin 2015 consid. 5.2; 6B_279/2011 du 20 juin 2011 consid. 4.2; cf. en ce sens arrêt 6B_1150/2014 précité consid. 4, portant sur un disque dur contenant des plans, images et travaux représentant plusieurs années de travail selon le recourant).
Selon les circonstances, lorsque les données licites enregistrées sur un support informatique revêtent une grande importance pour la personne concernée, le principe de la proportionnalité peut justifier leur restitution. Les frais liés au tri des données, à leurs copies et au reformatage du disque dur ou à la remise sur un support de données séparé peuvent alors être répercutés sur la personne concernée (cf. arrêts 6B_348/2021 du 3 mai 2021 consid. 7; 6B_748/2008 du 16 février 2009 consid. 4.5.3; STEFAN TRECHSEL/MARC JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, Praxiskommentar StGB, 4
e éd. 2021, n° 7
ad art. 69 CP).
1.2. La cour cantonale a exposé les principes applicables en matière de confiscation en retranscrivant notamment la jurisprudence topique relative au principe de la proportionnalité. Dans le cas d'espèce, constatant que le recourant avait utilisé l'ordinateur en cause pour stocker des photographies illicites, la cour cantonale a relevé le lien de connexité entre les infractions et les objets séquestrés. Au regard du comportement général du recourant et du risque de récidive élevé qu'il présentait, elle a refusé de lui rendre un appareil qui avait servi à stocker des images pédopornographiques, cet objet étant manifestement susceptible de servir à nouveau à la commission d'infractions de même nature. Elle a, par conséquent, confirmé la mesure de confiscation et de destruction en application de l'art. 69 CP.
La cour cantonale a néanmoins donné suite à la requête du recourant tendant à ce qu'un tri soit fait dans l'appareil avant sa destruction et que les données licites qui y seraient contenues soient récupérées et lui soient restituées dans une clé USB, étant précisé que cette démarche - pour autant qu'elle fût possible - se ferait aux frais du recourant. Elle a précisé préalablement, sur la base des déclarations du recourant, que l'ordinateur séquestré n'était plus trop utilisé et ne pouvait presque plus être allumé, la touche d'allumage faisant défaut.
1.3. Cette motivation - contenant certes une formulation inadéquate mais non contestée sous l'angle de la présomption d'innocence (risque de récidive) - suffit à comprendre les raisons qui ont amené les juges cantonaux à mettre les frais liés à la récupération des données personnelles licites à la charge du recourant. En évoquant un doute sur la possibilité de mener à bien la démarche, la cour cantonale se réfère implicitement aux coûts occasionnés par celle-ci, et elle rappelle en outre le défaut de valeur de l'appareil. On comprend dès lors le raisonnement adopté en application du principe de proportionnalité, découlant de l'art. 69 CP. En tout état, ainsi que le relève le recourant, au vu des circonstances et de l'aspect juridique de cette question, le Tribunal fédéral est en mesure de statuer lui-même sur ce point.
1.4. S'agissant de la question juridique topique, le recourant ne remet pas en cause la réalisation des conditions de confiscation et de destruction de l'ordinateur au sens de l'art. 69 CP. Il ne fait pas valoir de violation du principe de proportionnalité. Il rappelle simplement avoir requis la restitution de fichiers, photos et vidéos concernant sa vie privée (voyages, famille, etc.), dont on ne saurait déduire de valeur patrimoniale particulière. Il se limite ensuite à déclarer que rien ne justifie que le tri des données se fasse à ses propres frais. Il est douteux que pareille argumentation remplisse les exigences de motivation déduites de l'art. 42 al. 2 LTF. En tout état, le recourant n'expose pas dans quelle mesure la présente cause justifierait que l'on s'écarte de la jurisprudence rendue en matière d'imputation des frais à l'intéressé en cas de restitution de données licites enregistrées sur un support informatique séquestré. À cet égard, on relèvera qu'en admettant la restitution des fichiers en cause avant destruction, la cour cantonale a usé de son pouvoir d'appréciation de manière particulièrement favorable au recourant, au vu des circonstances concrètes.
En définitive, en se contentant de contester la mise à sa charge des frais de tri et de restitution de données licites contenues dans son ordinateur, le recourant échoue à démontrer dans quelle mesure le jugement cantonal violerait le droit fédéral.
2.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires, dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 14 novembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Klinke