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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.728/2005 /col 
 
Arrêt du 15 février 2006 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant, 
Reeb et Fonjallaz. 
Greffière: Mme Angéloz. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Alain Marti, avocat, 
contre 
 
la société B.________, 
intimée, représentée par Me Christian Bettex, avocat, 
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne, 
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, rte du Signal 8, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
procédure pénale, 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 31 mai 2005. 
 
Faits: 
A. 
Par jugement du 14 avril 2005, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a condamné A.________, pour diffamation, à la peine, complémentaire à une autre prononcée le 2 octobre 2003, de 10 jours d'emprisonnement avec sursis pendant 5 ans. 
Il était reproché à l'accusé d'avoir, au début novembre 2002, porté atteinte à l'honneur de la plaignante, la société B.________, en écrivant, dans un document intitulé "Pompaples News", que celle-ci avait versé des pots-de-vin et en distribuant ce document dans la boîte aux lettres d'une dizaine d'habitants du village. Il a été constaté que l'accusé avait échoué à apporter la preuve de la vérité et de sa bonne foi. 
B. 
Le recours interjeté par l'accusé contre ce jugement a été écarté par arrêt du 31 mai 2005 de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, qui a confirmé le jugement qui lui était déféré. 
C. 
A.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. Se plaignant d'arbitraire, d'une violation de son droit d'être entendu et d'une violation de la présomption d'innocence, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle instruise et statue dans le sens des considérants. Préalablement, il demande que la cause soit suspendue "jusqu'à droit jugé sur l'escroquerie commise au préjudice de la Commune de Pompaples". Il a par ailleurs sollicité l'effet suspensif. 
L'intimée conclut au rejet du recours. Le Ministère public et l'autorité cantonale se réfèrent à l'arrêt attaqué, sans formuler d'observations. 
Par ordonnance du 17 novembre 2005, la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La requête du recourant tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur son recours de droit public "jusqu'à droit jugé sur l'escroquerie commise au préjudice de la Commune de Pompaples" doit être rejetée. Outre qu'elle est insuffisamment motivée, elle apparaît tardive. A l'appui, le recourant se borne en effet à alléguer qu'il a dénoncé des faits qui seraient constitutifs d'escroquerie et qu'il "attend avec intérêt de savoir ce qu'il en sortira". Au demeurant, si, comme on en est réduit à le supposer, le recourant estimait qu'une condamnation de l'intimée pour escroquerie, le cas échéant, lui permettrait d'apporter la preuve de la vérité, il devait demander la suspension de la procédure le concernant avant qu'un jugement de condamnation ne soit rendu à son encontre. Serait-elle prononcée, qu'une condamnation de l'intimée pour escroquerie, parce que postérieure à l'arrêt attaqué, ne pourrait être prise en compte dans le cadre du présent recours. 
2. 
Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public n'a qu'un effet cassatoire et ne peut donc tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132, 173 consid. 1.5 p. 176; 128 III 50 consid. 1b p. 53 et les arrêts cités). La conclusion par laquelle le recourant demande le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants, voire pour qu'elle complète et corrige l'état de fait de sa décision, est donc irrecevable. 
3. 
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral ne peut examiner que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (cf. art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c p. 43; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p. 76, 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités). Sous peine d'irrecevabilité, le recourant doit donc non seulement indiquer quels sont les droits constitutionnels qui, selon lui, auraient été violés, mais démontrer, pour chacun d'eux, en quoi consiste cette violation. 
4. 
Le recourant soutient que l'arrêt attaqué, parce qu'insuffisamment motivé, viole son droit d'être entendu; pour avoir qualifié son recours d'appellatoire, la cour cantonale aurait "escamoté" les griefs qu'il lui avait soumis. 
4.1 Le droit à une décision motivée découlant du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique que le juge motive sa décision de manière à ce que le destinataire de celle-ci puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu et à ce que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 et les références citées). Il suffit, pour satisfaire à ces exigences, que l'autorité examine les questions décisives pour l'issue du litige et expose les motifs qui fondent sa décision de manière à ce que le destinataire de celle-ci puisse en saisir la portée et exercer ses droits de recours à bon escient; elle n'est pas tenue de discuter de façon détaillée tous les arguments avancés et n'est pas davantage astreinte à se prononcer séparément sur chacune des conclusions qui lui sont présentées (ATF 130 II 530 consid. 4.3 p. 540; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236; 126 I 97 consid. 2b p. 102). 
4.2 Si la cour cantonale, au demeurant non sans raison, a relevé le caractère appellatoire de la motivation qui lui était présentée, elle n'en a pas moins examiné les griefs soulevés par le recourant, notamment ceux pris de lacunes dans l'état de fait du jugement de première instance, et a indiqué, fût-ce brièvement, les motifs pour lesquels elle les écartait. Le recourant, d'ailleurs, l'admet en définitive lui-même au terme de son argumentation. Pour le surplus, il n'établit pas ni même ne prétend que la motivation de l'arrêt attaqué serait insuffisante au point qu'il ne pouvait la comprendre et l'attaquer utilement. En réalité, ce qu'il reproche à la cour cantonale c'est de n'avoir pas discuté dans le détail tous les arguments qu'il avançait, notamment ceux relatifs à la "corruption" qu'il dénonçait. Au vu de leur absence de pertinence (cf. infra, consid. 7.1), elle pouvait toutefois s'en abstenir sans violer le droit d'être entendu du recourant. Le grief est donc infondé. 
5. 
Sous l'intitulé "correction d'une erreur manifeste", le recourant se plaint d'arbitraire prohibé par l'art. 9 Cst. 
5.1 La notion d'arbitraire a été rappelée dans divers arrêts récents, auxquels on peut donc se référer. En bref, il ne suffit pas, pour qu'il y ait arbitraire, que la décision attaquée apparaisse critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275 et les arrêts cités). 
5.2 Invoquant une déclaration qu'aurait faite le syndic de la commune de Pompaples, le 10 février 2000, et le passage d'un recours que celui-ci aurait déposé, le 18 juillet 2002, auprès du Tribunal d'accusation, le recourant soutient qu'il était arbitraire de retenir que, pour n'avoir invoqué à l'appui que des éléments postérieurs aux faits incriminés, il avait échoué à apporter la preuve de sa bonne foi. 
Cette argumentation est vaine. Peu importe que, comme le recourant s'emploie à le faire admettre, les déclarations invoquées soient antérieures aux faits incriminés et qu'il en avait donc connaissance au moment de ces faits. Il ne démontre pas - et c'est ce qui est déterminant - que, comme il lui incombait de le faire (cf. art. 173 ch. 3 CP; ATF 124 IV 149 consid. 3b p. 151), il se serait prévalu de ces déclarations devant le tribunal de première instance en établissant qu'elles prouvaient sa bonne foi. Que la constatation cantonale, selon laquelle le recourant n'a invoqué à l'appui de sa bonne foi que des éléments postérieurs aux faits, serait arbitraire n'est dès lors aucunement établi conformément aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Le grief est par conséquent irrecevable. 
6. 
Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu et de la présomption d'innocence, garantis par les art. 29 al. 2 et 32 al. 2 Cst. 
Il reproche à l'autorité cantonale d'avoir refusé, au demeurant sans motivation à l'appui, de prendre en compte des expertises privées qu'il avait fait établir. Il lui fait en outre grief d'avoir méconnu l'existence de "doutes irréductibles quant aux faits justificatifs" dont il se prévalait. Il se plaint encore de ce qu'elle ait omis de statuer sur un moyen tiré de lacunes de l'expertise judiciaire qu'il avait soulevé devant elle. 
6.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comporte notamment le droit de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 129 I 85 consid. 4.1 p. 88/89; 129 II 497 consid. 2.2 p. 504/505; 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et les arrêts cités). Il n'y a toutefois pas violation du droit à l'administration de preuves lorsque la mesure probatoire refusée est inapte à établir le fait à prouver, lorsque ce fait est sans pertinence ou lorsque, sur la base d'une appréciation non arbitraire des preuves dont elle dispose déjà, l'autorité parvient à la conclusion que les faits pertinents sont établis et que le résultat, même favorable au requérant, de la mesure probatoire sollicitée ne pourrait pas modifier sa conviction (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc p. 134 s.; 124 I 274 consid. 5b p. 285; 122 V 157 consid. 1d p. 162; 121 I 306 consid. 1b p. 308 s. et les références citées). 
Selon ses explications, le recourant a fait établir deux expertises par un architecte qu'il avait mandaté à cet effet; l'une démontrerait que les factures de l'intimée étaient largement supérieures aux usages de la branche et l'autre que des tuyaux, qui avaient pourtant été facturés, n'avaient pas été remplacés. On doit en déduire, faute de plus amples explications de la part du recourant, que ces expertises démontreraient une surfacturation, voire la facturation de travaux non effectués, et que c'est aux fins d'établir ces faits que le recourant voulait qu'elles soient versées à la procédure. Or, comme le relève l'arrêt attaqué, qui, contrairement à ce que soutient le recourant, est donc motivé sur ce point, seraient-ils établis que ces faits n'attesteraient pas encore d'un versement de pots-de-vin, donc de la véracité des propos tenus et propagés par le recourant. Ce dernier n'établit en tout cas pas le contraire, se bornant à l'insinuer. Il n'est dès lors pas démontré que les expertises en question auraient été écartées en violation du droit d'être entendu du recourant. 
6.2 S'agissant d'une prétendue violation de la présomption d'innocence, l'argumentation du recourant ne permet pas de discerner en quoi elle consisterait. Autant qu'on le comprenne, il semble soutenir qu'il existerait des doutes sérieux et irréductibles quant à des "faits justificatifs" dont il pourrait se prévaloir, lesquels eussent justifier de prendre en considération les expertises privées qu'il voulait voir verser à la procédure. Sa motivation ne permet toutefois pas de saisir à quels "faits justificatifs" il fait allusion. Le grief est dès lors irrecevable, faute de motivation suffisante. 
6.3 En instance cantonale, le recourant s'est essentiellement plaint de lacunes de l'expertise judiciaire en ce qui concerne la tenue de la comptabilité de l'intimée, comme cela ressort de la page 21 de son mémoire cantonal à laquelle il se réfère. Or, la cour cantonale, sous lettre d de la page 7 de son arrêt, a statué sur ce grief, en motivant sa décision sur ce point. Le reproche que lui fait le recourant d'avoir omis de le faire est donc dépourvu de fondement. 
7. 
Sous l'intitulé "omission", le recourant soulève deux griefs, l'un pris d'un déni arbitraire de la véracité des propos qui lui sont reprochés et l'autre d'une violation de son droit d'être entendu à raison de la non production d'une pièce à la procédure. 
7.1 Pour ce qui est du grief d'arbitraire, la motivation du recourant se réduit à une critique purement appellatoire consistant à reprocher aux juges cantonaux de n'avoir pas vu dans la surfacturation qu'il dénonçait un indice de "corruption". Contrairement à ce qu'il donne pour acquis, la surfacturation alléguée n'a toutefois pas été tenue pour établie, comme cela résulte notamment du chiffre 8 lettre a du jugement de première instance et de la page 6 let. c de l'arrêt attaqué. Au demeurant et comme déjà relevé (cf. supra, consid. 6.1), le serait-elle que le versement de pots-de-vin ne serait pas pour autant démontré. La motivation du recourant est ainsi manifestement insuffisante à faire admettre que la véracité des propos qui lui sont reprochés aurait été déniée arbitrairement. 
7.2 Le recourant voit dans le fait qu'une des pièces de la comptabilité, soit le grand livre 1995, n'ait pas été produite à la procédure une violation de son droit d'être entendu. Il se borne toutefois à se plaindre de ce que cette pièce n'ait pas été produite, sans démontrer ni même indiquer ce qui eût justifier sa production à la procédure, notamment en quoi elle eût permis d'établir un fait pertinent pour l'issue du litige. Le grief, faute de motivation suffisante, est par conséquent irrecevable. 
8. 
Pour le surplus, le recours, notamment en tant qu'il expose "ce que le recourant demande", ne contient aucune démonstration d'une quelconque atteinte aux droits constitutionnels du recourant. 
9. 
Le recours de droit public doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 156 al. 1 OJ) et une indemnité de dépens sera allouée à l'intimée, à la charge du recourant (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
La requête du recourant tendant à la suspension de la procédure de recours de droit public est rejetée. 
2. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
3. 
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant. 
4. 
Une indemnité de dépens de 800 fr. est allouée à l'intimée, à la charge du recourant. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Procureur général et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 15 février 2006 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le juge présidant: La greffière: