Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_547/2023
Arrêt du 15 février 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Hänni.
Greffière : Mme Meyer.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Marco Rossi, avocat,
recourant,
contre
Département des institutions et du numérique (DIN), rue de l'Hôtel-de-Ville 14, 1204 Genève.
Objet
Salons de massage, interdiction d'exploiter,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de
la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, du 25 août 2023 (ATA/934/2023).
Faits :
A.
Le 14 octobre 2010, A.________, ressortissant suisse, a déposé à la Brigade de lutte contre la traite d'êtres humains et la prostitution illicite de la République et canton de Genève (ci-après: la Police cantonale) un formulaire d'annonce pour l'exploitation comme salons, sous le nom "B.________", de huit appartements à U.________, ouverts tous les jours. Il indiquait en être le responsable. Par la suite, il a déposé d'autres formulaires d'annonce. Le 18 avril 2012, il a annoncé l'exploitation de trois autres appartements. Le 9 janvier 2014, il a déposé un formulaire pour un appartement supplémentaire. Il a annoncé l'exploitation d'un dernier appartement le 30 novembre 2014. L'horaire d'exploitation désormais indiqué était de sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Les treize appartements se trouvaient tous dans le même immeuble.
A.a. Entre octobre 2010 et fin janvier 2016, A.________ a reçu deux avertissements pour n'avoir pas respecté les obligations qui lui incombaient en sa qualité de responsable d'un établissement soumis à la loi cantonale régissant la prostitution.
Le 1er février 2016, A.________ s'est vu infliger par le Département de la sécurité, de la population et de la santé du canton de Genève, devenu depuis lors le Département des institutions et du numérique (ci-après: le Département cantonal), un troisième avertissement ainsi qu'une amende administrative de 1'500 fr., au motif qu'il ne s'était pas assuré, à réitérées reprises, que les personnes exerçant la prostitution dans ses salons étaient au bénéfice d'une autorisation de travail valable.
Le 11 mars 2020, le Département cantonal a adressé à A.________ un quatrième avertissement, ainsi qu'une amende de 1'000 fr. pour avoir permis, en moins d'un mois, à deux travailleuses du sexe d'exercer dans ses salons sans autorisation de travail valable.
A.b. Par courrier du 10 août 2021, le Département cantonal a informé l'intéressé qu'il envisageait de lui infliger une mesure et/ou une sanction administrative car la Police cantonale avait indiqué, dans un rapport daté du 19 juillet 2021, avoir constaté, lors d'un contrôle effectué au milieu de la nuit précédente, que se trouvait dans l'un des salons une ressortissante roumaine qui ne disposait plus d'une autorisation de travail valable, celle-ci étant échue.
Dans un rapport du 21 septembre 2021, la Police cantonale exposait avoir constaté, dans la soirée du 19 septembre 2021, la présence dans les salons d'une ressortissante espagnole et d'une ressortissante hongroise, qui étaient toutes deux dépourvues d'autorisation de travail et n'avaient déposé aucune demande pour en obtenir. A la suite de ce rapport, le Département cantonal a informé A.________, par courrier du 12 octobre 2021, qu'il envisageait de lui infliger une mesure et/ou une sanction administrative ainsi que, compte tenu de ses antécédents et de la procédure en cours, de prononcer la fermeture temporaire de ses salons et l'interdiction de les exploiter pendant un mois.
Le 4 mars 2022, le Département cantonal a informé l'intéressé qu'il envisageait de lui infliger une mesure et/ou une sanction administrative et de prononcer la fermeture temporaire de ses salons pour une durée de deux mois, en raison d'un autre rapport établi par la police cantonale le 17 janvier 2022, dont il ressortait qu'une travailleuse du sexe avait été contrôlée le 15 janvier 2022 alors qu'elle exerçait dans un salon et que son autorisation de travail était échue depuis le jour précédent.
Le 22 juillet 2022, le Département cantonal a expliqué à A.________ que, dans la mesure où il se procurait des revenus par la mise à disposition d'appartements et/ou de chambres affectés à la prostitution et servait d'intermédiaire entre le bailleur et les travailleuses du sexe, son activité correspondait à celle d'un exploitant d'un salon. En tant que responsable, il était tenu de savoir, en tout temps, qui exerçait la prostitution dans ses salons et de s'assurer que les personnes en cause disposaient des autorisations de travail requises. Dans ce courrier, le Département cantonal demandait également à l'intéressé la production d'un extrait des poursuites à jour, ainsi que de remplir un formulaire afin que la Police cantonale puisse solliciter le préavis du Département du territoire du canton de Genève (ci-après: le Département du territoire) attestant que les locaux pouvaient être affectés à l'usage commercial ou qu'une dérogation avait été obtenue.
A.c. Les rapports de police des 19 juillet 2021, 21 septembre 2021 et 17 janvier 2022, qui concernaient tous trois la présence dans les salons de l'intéressé de travailleuses du sexe dépourvues d'autorisation de travail valable, ont donné lieu à des ordonnances pénales, entrées en force.
A.d. Par courrier du 26 août 2022, le Département cantonal a informé l'intéressé que, compte tenu des actes de défaut de biens à son encontre portant sur des dettes de plus de 165'000 fr., dont il n'avait par ailleurs pas fait part aux autorités compétentes, et de son refus de collaborer pour requérir les préavis du Département du territoire, il ne remplissait pas deux des conditions personnelles indispensables à l'exploitation de salons, de sorte que la fermeture définitive de ceux-ci était envisagée.
Au vu des déterminations de l'intéressé, le Département cantonal lui a accordé, par courrier du 14 septembre 2022, un délai afin qu'il transmette un plan de remboursement à court terme, une attestation actualisée des poursuites, ainsi que les documents nécessaires pour que le préavis du Département du territoire puisse être sollicité. A.________ a transmis les formulaires de demandes de préavis le 31 octobre 2022. Le 25 janvier 2023, il a informé le Département cantonal qu'il avait soldé cinq actes de défaut de biens.
Après avoir reçu des préavis négatifs du Département du territoire, constaté que C.________ était le locataire de six des treize appartements exploités comme salons depuis le 1er juin 2019 et pris connaissance d'un rapport de la Police cantonale daté du 24 janvier 2023 concernant la salubrité des locaux, dont il ressortait que l'intéressé avait refusé à de réitérées reprises d'accorder à l'association ASPASIE l'accès à certains salons, le Département cantonal a répété, dans un courrier adressé le 3 février 2023 à A.________, qu'il envisageait d'ordonner la fermeture définitive de ses salons.
B.
Par décision du 17 mars 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Département cantonal a ordonné à A.________, sous la menace des peines prévues à l'art. 292 CP, la fermeture définitive des salons de massages "B.________" dès le 17 avril 2023 et lui a interdit d'exploiter tout autre salon de massages pendant une durée de dix ans. Il lui a également infligé une amende de 1'000 fr. et l'a condamné à un émolument de 100 fr. Dans cette décision, le Département cantonal indiquait notamment que, malgré les efforts entrepris par l'intéressé, son dernier extrait des poursuites faisant état d'actes de défaut de biens d'un montant de plus de 85'000 fr.
La Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours interjeté par A.________ à l'encontre de cette décision, par arrêt du 25 août 2023, après avoir constaté qu'il faisait encore l'objet d'actes de défauts de biens pour un montant de 4'242 fr. 36 au 8 mai 2023.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt de la Cour de justice du 25 août 2023, A.________ requiert, à titre préalable, l'octroi de l'effet suspensif. Au fond, il demande, sous suite de frais et dépens, l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause au Département cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Par ordonnance du 27 octobre 2023, la Présidente de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif.
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département cantonal conclut au rejet du recours.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (cf. ATF 149 II 66 consid. 1.3; 148 I 160 consid. 1).
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), qui ne tombe sous le coup d'aucune exception prévue à l'art. 83 LTF (cf. arrêts 2C_439/2023 du 26 janvier 2024 consid. 1.1; 2C_793/2014 du 24 avril 2015 consid. 1.1; 2C_166/2012 du 10 mai 2012 consid. 1.1). La voie du recours en matière de droit public est ainsi ouverte.
1.2. Déposée en temps utile (art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF), par le destinataire de l'arrêt attaqué qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (cf. art. 89 al. 1 LTF), l'écriture du recourant est recevable.
2.
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF ). Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, un tel recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. Il est néanmoins possible de faire valoir que l'application du droit cantonal consacre une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à un autre droit constitutionnel (cf. ATF 145 I 108 consid. 4.4.1). Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation de droits fondamentaux, ainsi que celle de dispositions de droit cantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 147 IV 329 consid. 2.3; 142 V 577 consid. 3.2; 141 I 36 consid. 1.3).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 148 I 160 consid. 3; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 148 I 160 consid. 3; 137 II 353 consid. 5.1). En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (cf. ATF 145 I 26 consid. 1.3; 141 IV 369 consid. 6.3; 140 III 264 consid. 2.3).
2.3. En l'occurrence, le recourant prie le Tribunal fédéral de se référer aux faits retenus dans l'arrêt attaqué, dont il admet qu'ils sont globalement exacts, tout en présentant néanmoins sa propre version des évènements. Ce faisant, le recourant ne se plaint ni d'arbitraire dans l'établissement des faits, ni ne présente, à l'appui de sa version des faits, une motivation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. Partant, le Tribunal fédéral statuera sur la base des faits tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué (cf. art. 105 al. 1 LTF).
3.
Le litige porte sur la question de savoir si la confirmation, par la Cour de justice, de la décision ordonnant la fermeture des salons et interdisant au recourant d'exploiter tout autre salon pendant dix ans est conforme au principe de la bonne foi et à l'interdiction de l'arbitraire dans l'application du droit cantonal.
4.
Dans un grief d'ordre formel, qu'il convient d'examiner en premier lieu (ATF 141 V 557 consid. 3), le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst) et du droit à la preuve (art. 8 CC). Il reproche à l'instance précédente de ne pas l'avoir auditionné personnellement et d'avoir renoncé à recueillir le témoignage des personnes dont il avait sollicité l'audition, à savoir celui de l'une des travailleuses du sexe concernées par un contrôle de police et celui d'un représentant de la Police cantonale. Il critique aussi le refus de la Cour de justice de donner suite à sa requête de production du dossier de la Police cantonale.
4.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1; 145 I 167 consid. 4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1 et les arrêts cités). En revanche, le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. ne garantit pas, de façon générale, le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 et les arrêts cités).
De jurisprudence constante, l'autorité peut renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 144 II 427 consid. 3.1.3; 140 I 285 consid. 6.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle tire des conclusions insoutenables (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3 et les arrêts cités).
4.2. En l'occurrence, l'instance précédente a renoncé à entendre oralement le recourant au motif qu'il avait pu s'exprimer par écrit dans le cadre de son recours, de sorte qu'elle ne voyait pas quels éléments utiles à l'affaire et n'ayant pas pu être exposés précédemment cette audition aurait pu apporter. Le recourant ne conteste pas avoir pu s'exprimer par écrit et ne démontre pas ce que son audition aurait pu apporter de plus quant au fonctionnement de ses salons. Il a pu préciser ce point dans ses écritures en expliquant plus particulièrement les raisons pour lesquelles ses salons fonctionnaient, à son avis, à la manière d'un hôtel. On ne voit dès lors pas en quoi le refus d'auditionner le recourant entraînerait une violation de son droit d'être entendu.
La Cour de justice a refusé les mesures d'instruction visant la Police cantonale, à savoir l'audition d'un de ses représentants et la production de son dossier, au motif que ces mesures n'étaient pas nécessaires pour établir l'affectation des locaux, seuls étant déterminants les préavis du Département du territoire. Selon le recourant, ces mesures d'instruction auraient permis de prouver que l'affectation commerciale des locaux avait toujours été acceptée par l'administration, même après le 29 juillet 2017, date de l'entrée en vigueur de l'art. 10 let. d de la loi genevoise du 17 décembre 2009 sur la prostitution (LProst; rs/GE I 2 49), selon lequel la personne responsable d'un salon doit être au bénéfice d'un préavis favorable du Département du territoire confirmant que les locaux utilisés peuvent être affectés à une activité commerciale ou d'une dérogation. Au vu du texte clair de cette disposition, dont il ressort que la compétence de préaviser l'affectation des locaux n'appartient pas à la Police cantonale, on ne voit pas en quoi l'appréciation de la Cour de justice, quant à l'inutilité pour l'issue du litige de l'audition de l'un de ses représentants ou de la production de son dossier, serait arbitraire.
La Cour de justice a aussi refusé l'audition d'une travailleuse du sexe concernée par un contrôle de la Police cantonale, dès lors que le recourant n'avait pas motivé sa requête à cet égard et que cette audition apparaissait sans pertinence. L'instance précédente précisait que le rapport de police impliquant cette travailleuse avait donné lieu à une ordonnance pénale entrée en force, de sorte que les faits étaient établis. Cette appréciation des preuves n'apparaît aucunement insoutenable. En outre, au contraire de ce que prétend le recourant, on ne voit pas en quoi il serait utile pour l'issue du litige d'instruire la question de savoir comment les contrôles de la Police cantonale se déroulent en auditionnant l'une des travailleuses du sexe concernées. Au demeurant, le recourant ne démontre pas la pertinence d'instruire ce point.
Dans ce contexte, la Cour de justice n'a pas versé dans l'arbitraire en renonçant, par appréciation anticipée des preuves, aux auditions et à la production du dossier de la Police cantonale. Partant, le grief de violation du droit d'être entendu doit être rejeté.
5.
Le recourant reproche à l'instance précédente d'avoir rejeté son grief de violation du principe de la bonne foi ancré à l'art. 5 al. 3 Cst. Il ne conteste pas n'avoir pas obtenu les préavis du Département du territoire confirmant que ses salons pouvaient être affectés à une activité commerciale ou qu'une dérogation avait été accordée, tel que requis par l'art. 10 let. d LProst/GE. En revanche, il soutient que l'administration, sans préciser quelle autorité, avait autorisé l'exploitation des salons malgré l'absence de préavis positif ou de dérogation et qu'il ne lui appartenait pas d'entreprendre les démarches nécessaires auprès du Département du territoire pour les obtenir, cette tâche incombant au Département cantonal.
5.1. Le principe de la bonne foi entre administration et administré ancré à l'art. 5 al. 3 Cst., et invoqué par le recourant, exige que l'administration adopte un comportement loyal et s'abstienne ainsi de tout comportement contradictoire propre à tromper l'administré (ATF 121 I 181 consid. 2a; arrêts 2C_414/2022 du 12 juillet 2023 consid. 8.1 non publié dans l'arrêt proposé à la publication; 1C_418/2021 du 10 mars 2022 consid. 3.1). Selon la jurisprudence, l'existence d'un comportement contradictoire de l'administration contraire au principe de la bonne foi doit être examinée selon des critères objectifs, indépendamment de la personne des agents en cause; aussi l'administration peut-elle être rendue responsable d'un comportement contradictoire, même si celui-ci est dû à des personnes différentes, au besoin à l'insu des unes et des autres (ATF 121 I 181 consid. 2a; arrêt 2C_414/2022 précité consid. 8.1).
De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'Etat, lequel est consacré à l'art. 9
in fine Cst., dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (cf. ATF 136 I 254 consid. 8.3.1; arrêt 2C_362/2022 du 7 février 2023 consid. 5.1). Celui-ci protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (cf. ATF 146 I 105 consid. 5.1.1; 143 V 341 consid. 5.2.1 et les arrêts cités).
5.2. Selon l'instance précédente, le recourant ne saurait se prévaloir de sa bonne foi en prétendant que l'administration savait qu'il ne disposait pas d'un préavis positif ou d'une dérogation du Département du territoire concernant l'affectation de ses locaux à une activité commerciale, dans la mesure où il disposait d'un délai de deux ans, depuis l'entrée en vigueur l'art. 10 let. d LProst/GE le 29 juillet 2017, pour régulariser sa situation. Or, il n'avait entrepris aucune démarche en ce sens avant que le Département cantonal ne lui demande de remplir le formulaire visant à requérir le préavis du Département du territoire.
5.3. En l'occurrence, force est de constater, à teneur des faits retenus dans l'arrêt attaqué, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que le recourant n'a reçu aucune assurance du Département du territoire, du Département cantonal ou encore de la Police cantonale quant à l'affectation des locaux utilisés comme salons. S'il prétend avoir reçu une autorisation d'exploiter ses salons, il ne démontre pas son existence, pas plus qu'il ne prouve avoir reçu de mauvais renseignements de la part des autorités. Au demeurant, la LProst/GE ne subordonne pas l'exploitation de salons à l'obtention d'une autorisation, mais à une obligation d'annonce (cf. art. 9 LProst/GE). Ainsi, les griefs du recourant concernant de prétendus renseignements ou décisions erronés sont infondés.
En outre, le recourant ne prouve pas, et rien ne démontre, que les autorités cantonales auraient adopté un comportement propre à l'induire en erreur ou à lui laisser penser qu'elles avaient accepté, en toute connaissance de cause, de le laisser exploiter des locaux non conformes à leur affectation. Bien au contraire, il ressort de l'arrêt attaqué que le Département cantonal a demandé au recourant dès le 22 juillet 2022 de remplir les formulaires permettant à la Police cantonale de solliciter auprès du Département du territoire les préavis permettant l'affectation des locaux à une activité commerciale ou des dérogations. Dans son courrier du 26 août 2022, le Département cantonal a informé l'intéressé qu'au vu notamment de son refus de collaborer aux démarches visant l'obtention desdits préavis ou dérogations, il ne remplissait pas les conditions personnelles indispensables à l'exploitation de salons, de sorte que la fermeture définitive de ceux-ci était envisagée. La demande de transmission des formulaires a néanmoins été renouvelée par le Département cantonal le 14 septembre 2022. Le recourant ne les a transmis que le 31 octobre 2022. Celui-ci ayant ainsi reçu trois demandes et rappels du Département cantonal avant de collaborer, il ne peut être retenu que les autorités cantonales auraient eu comportement déloyal ou contradictoire à l'égard de la nécessité d'obtenir des préavis positifs ou des dérogations ou qu'elles auraient pu laisser le recourant penser qu'il pourrait se passer de régulariser l'affectation de ses salons. En outre, le recourant ayant refusé de collaborer durant plus de trois mois, il ne peut se dédouaner en arguant qu'il appartenait aux autorités cantonales de solliciter les préavis auprès du Département du territoire (cf. art. 9 al. 3 du Règlement d'exécution du 14 avril 2010 de la loi sur la prostitution [RProst; rs/GE I 2 49.01]).
Partant, le grief tiré de la violation du principe de la bonne foi, qui confine à la témérité ne peut qu'être rejeté.
6.
Le recourant se plaint d'abus du pouvoir d'appréciation dans l'application du droit cantonal. Selon lui, la mesure prononcée à son encontre n'aurait pas dû être confirmée par la Cour de justice car elle serait abusive au vu des motifs invoqués par le Département cantonal. Le recourant souligne avoir assaini sa situation financière et prétend que la problématique des travailleuses du sexe dépourvues d'autorisation de travail ne représentait que quelques cas isolés. Il estime qu'il aurait dû recevoir un avertissement.
6.1. L'art. 14 al. 1 LProst/GE prévoit que la personne qui ne remplit pas ou plus les conditions personnelles de l'art. 10 (let. b), qui n'a pas procédé aux communications qui lui incombent en vertu de l'art. 11 (let.c) ou qui n'a pas respecté les obligations que lui impose l'art. 12 (let. d), fait l'objet de mesures et sanctions administratives. Selon l'art. 14 al. 2 LProst/GE, l'autorité cantonale prononce, selon la gravité ou la réitération de l'infraction, un avertissement (let. a); la fermeture temporaire du salon ou de l'agence d'escorte, pour une durée de un à six mois, assortie de l'interdiction d'exploiter tout autre salon ou agence d'escorte pour une durée analogue (let. b); ou la fermeture définitive du salon ou de l'agence d'escorte avec interdiction d'exploiter tout autre salon ou agence d'escorte pour une durée de 10 ans (let. c).
L'art. 14 al. 2 LProst/GE prévoit ainsi une série de mesures progressives (cf. arrêt 2C_439/2023 précité consid. 7.2) et confère un pouvoir d'appréciation à l'autorité cantonale chargée de déterminer, selon la gravité ou la réitération de l'infraction, la mesure appropriée.
6.2. L'abus du pouvoir d'appréciation vise les cas dans lesquels l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1; 2C_868/2021 du 24 août 2022 consid. 6.3 et les arrêts cités). Cela étant, le Tribunal fédéral ne revoit l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (cf. art. 9 Cst.;
supra consid. 2.1). D'une manière générale, l'arbitraire est admis moins facilement que la simple violation du pouvoir d'appréciation par le Tribunal fédéral (arrêts 2C_71/2023 du 3 août 2023 consid. 7.2; 2C_852/2011 du 10 janvier 2012 consid. 4.4; 2C_158/2010 du 18 août 2010 consid. 3.3). Il convient donc, s'agissant de l'application du droit cantonal, de se limiter à un examen sous l'angle de l'arbitraire.
Appelé à revoir l'application d'une norme cantonale sous cet angle, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, si elle a été adoptée sans motifs objectifs et méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (cf. ATF 148 II 121 consid. 5.2; 148 III 95 consid. 4.1; 144 I 113 consid. 7.1 et les arrêts cités). Il appartient à la partie recourante de motiver son grief en exposant de façon claire et détaillée en quoi ces conditions sont réalisées (cf. art. 106 al. 2 LTF;
supra consid. 2.1).
6.3. La Cour de justice a considéré, dans son examen de la proportionnalité de la décision du Département cantonal, que celle-ci était justifiée dès lors que le recourant ne remplissait pas les conditions personnelles exigées des personnes responsables de salons selon l'art. 10 LProst/GE, en particulier car il ne présentait pas les garanties de solvabilité requises (cf. art. 10 let. c LProst/GE) et qu'il n'avait pas obtenu de préavis favorables ou de dérogations s'agissant de l'affectation de ses locaux à une activité commerciale (cf. art. 10 let. d LProst/GE). En sus, il avait violé son obligation de communiquer son insolvabilité et la reprises des baux de six appartements par un tiers (cf. art. 11 LProst/GE), ainsi que son obligation de s'assurer que les travailleuses du sexe actives dans ses salons ne contrevenaient pas à la législation relative au séjour et au travail des étrangers (cf. art. 12 let. b LProst/GE). De surcroît, il avait été condamné pour ces derniers faits par des ordonnances pénales définitives et exécutoires. La Cour de justice a ainsi considéré que ces manquements étaient graves et que la décision du Département cantonal devait être confirmée car elle apparaissait nécessaire pour atteindre les intérêts publics poursuivis par la LProst/GE, notamment celui d'éviter d'exposer les prostituées à une pratique usurière et de favoriser l'exercice conforme au droit de l'activité de prostitution dans son ensemble, ainsi qu'une gestion correcte et transparente des établissements publics actifs dans ce domaine à risque.
6.4. Le recourant ne démontre aucunement que l'appréciation de l'instance précédente serait arbitraire. Il ne conteste pas avoir violé la LProst/GE en n'annonçant pas son insolvabilité aux autorités, ni ne pas disposer de préavis ou de dérogations quant à l'affectation des locaux. Il se contente de minimiser les faits qui lui sont reprochés, en particulier en affirmant que les travailleuses du sexe contrôlées par la police alors qu'elles étaient dépourvues d'autorisations de travail valables ne présentaient que des cas isolés par rapport au millier de travailleuses à qui il avait loué des chambres. Force est de constater, au vu de la diversité, de la durée et du caractère réitéré des manquements du recourant (cf.
supra let. A) que ceux-ci sont graves et qu'il ne peut être reproché à la Cour de justice d'avoir versé dans l'arbitraire en appliquant au recourant la plus sévère des mesures de l'art. 14 al. 2 LProst/GE.
6.5. Le recourant semble se plaindre du caractère disproportionné de la décision lorsqu'il argue qu'une mesure plus clémente, tel qu'un avertissement, devrait être prononcée. Or, le Tribunal fédéral ne contrôle le respect du principe de proportionnalité que sous l'angle de l'arbitraire en cas de recours contre une décision portant application du droit cantonal, à moins qu'une restriction aux droits fondamentaux ne soit en cause (ATF 141 I 1 consid. 5.3.2; 134 I 153 consid. 4.3; arrêts 2C_67/2023 du 20 septembre 2023 consid. 8.6.1). En l'occurrence, le recourant n'invoque aucune restriction de ses droits fondamentaux. En outre, il ne démontre pas que la Cour de justice aurait fait une application arbitraire du droit cantonal s'agissant de la mesure prononcée à son encontre (cf.
supra consid. 6.4). Il indique seulement qu'elle devrait être remplacée par un avertissement, sans aucunement exposer en quoi celui-ci serait suffisant. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'examiner la question de la proportionnalité de la mesure. Au demeurant, il convient de rappeler que le recourant avait reçu pas moins de quatre avertissements avant le prononcé de cette mesure.
7.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué au représentant du recourant, au Département des institutions et du numérique (DIN) et à la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 15 février 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : L. Meyer