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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_996/2009 
 
Arrêt du 15 mars 2010 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Favre, Président, 
Schneider et Jacquemoud-Rossari. 
Greffière: Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représenté par Me Vincent Spira, avocat, 
et Me Claudio Fedele, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
1. A.________, représentée par Me Michael Anders, avocat, 
2. B.________, 
3. C.________, 
intimées, 
Procureur général du canton de Genève, 1211 Genève 3, 
intimé. 
 
Objet 
Tentatives de meurtre par dol éventuel; arbitraire dans l'établissement des faits, violation du droit d'être entendu; responsabilité restreinte, 
 
recours contre l'arrêt du 16 octobre 2009 de la Cour de cassation du canton de Genève. 
 
Faits: 
 
A. 
Par arrêt du 23 juin 2009, la Cour d'assises du canton de Genève a reconnu X.________ coupable de tentatives de meurtre par dol éventuel avec désistement (art. 12 al. 2, 23 al. 1 et 111 CP), de vols (art. 139 ch. 1 CP) et de menaces (art. 180 CP). Elle l'a condamné à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de la détention préventive, avec obligation de suivre un traitement psychothérapeutique ambulatoire aux fins de diminuer le risque de récidive et de traiter, le cas échéant, ses problèmes d'alcool. Elle l'a reconnu débiteur de A.________ d'un montant de 15'000 fr. au titre de réparation du tort moral, sous déduction des 6'000 fr. déjà versés, les droits civils de B.________ et de C.________ étant réservés. 
 
B. 
Statuant le 16 octobre 2009, la Cour de cassation du canton de Genève a rejeté le pourvoi et confirmé le jugement de première instance. 
 
En bref, elle a retenu que, dans une période s'étendant sur dix jours, X.________ s'en est pris avec violence à trois prostituées, dont il avait sollicité les services. Après avoir entretenu des rapports sexuels avec les prostituées, alors qu'il s'apprêtait à partir, il les a saisies par la gorge de manière à les étrangler. A chaque fois, il a lâché prise après un certain temps, évitant ainsi le pire. Au moins une des prostituées a néanmoins perdu connaissance à la suite de l'étranglement. Les trois victimes ont subi des lésions. Avant de s'enfuir, X.________ a repris, dans deux cas, le billet qui avait payé la passe et, dans un cas, il a menacé sa victime de la tuer si elle criait. 
 
C. 
Contre l'arrêt cantonal, X.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause aux autorités cantonales pour nouveau jugement. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recourant conteste avoir agi par dol éventuel. 
 
1.1 Il y a dol éventuel lorsque l'auteur tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait (art. 12 al. 2 CP; ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156). Il faut donc qu'il existe un risque qu'un dommage puisse résulter de l'infraction, mais encore que l'auteur sache que ce danger existe (Wissensmoment) et qu'il s'accommode de ce résultat (Willensmoment), même s'il préfère l'éviter (cf. la distinction entre dol éventuel et négligence consciente, ATF 125 IV 242 consid. 3c; 119 IV 1 consid. 5a; arrêt du 11 novembre 1987 reproduit in SJ 1988 401, consid. 4b). 
 
1.2 Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir de faits "internes", qui, en tant que faits (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156), lient la Cour de droit pénal, à moins qu'ils n'aient été établis de façon arbitraire (sur cette notion, voir par ex: ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4/5; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les arrêts cités). 
 
Toutefois la question de savoir si les éléments extérieurs retenus en tant que révélateurs du contenu de la conscience et de la volonté autorisent à admettre que l'auteur a agi par dol éventuel relève du droit (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156; 125 IV 242 consid. 3c). Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la probabilité (connue par l'auteur) de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, avait accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable (ATF 135 IV 12 consid. 2.3.3 p. 18; 125 IV 242 consid. 3c in fine p. 252; 121 IV 249 consid. 3a/aa p. 253; 119 IV 1 consid. 5a p. 3). Peuvent également constituer des éléments extérieurs révélateurs les mobiles de l'auteur et la manière dont il a agi (ATF 125 IV 242 consid. 3c in fine p. 252). 
 
2. 
Dans un premier moyen, le recourant conteste les circonstances de l'agression de C.________. Il fait valoir que la cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire en retenant que la prostituée se serait évanouie alors qu'il lui saisissait le cou. Selon lui, elle aurait perdu connaissance plus tard lorsqu'elle était à plat ventre sur le divan et qu'il lui a placé son pied sur le dos pour la maintenir dans cette position. Le recourant en déduit que l'étranglement n'était dès lors pas propre à entraîner la mort de la prostituée. 
 
La perte de connaissance de la victime n'est qu'une circonstance parmi d'autres pour évaluer l'intensité de la strangulation et, partant, la probabilité que la mort de la victime puisse survenir. En l'espèce, les lésions subies par C.________ et la manière dont le recourant a agi suffisent pour établir que la strangulation était d'une grande intensité (cf. consid. 3.3.2 ci-dessous), de sorte qu'il importe peu de connaître les causes exactes de l'évanouissement de la victime. Mal fondé, le grief soulevé doit être écarté. 
 
3. 
En second lieu, le recourant conteste que les éléments retenus permettent de conclure qu'il a agi par dol éventuel. Il reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte de la durée de l'étranglement. Il explique en effet qu'une strangulation n'entraîne pas nécessairement la mort de la personne qui en fait l'objet, mais que la probabilité de la réalisation du risque mortel dépend de la durée de la strangulation. En outre, il relève que l'expert aurait déclaré aux débats qu'il ne pensait pas que le recourant avait eu conscience de pouvoir enlever la vie à quelqu'un. Enfin, selon le recourant, le désistement en matière de tentative serait incompatible avec le dol éventuel. 
 
3.1 Il y a désistement si l'auteur a renoncé, de sa propre initiative, à poursuivre l'activité punissable jusqu'à son terme (art. 23 al. 1 CP; ATF 108 IV 104 consid. 2b p. 105). Le droit fédéral n'exclut pas l'éventualité d'une tentative de meurtre par dol éventuel, suivi de désistement (cessation volontaire de l'action en cours). Par définition, l'auteur qui se désiste prend une première décision - consciente et volontaire - de passer à l'acte en s'accommodant de toutes ses conséquences, puis, dans un second temps, une deuxième décision - spontanée - de cesser la réalisation de l'action. Il n'est donc pas inconcevable que, dans un premier temps, le recourant se soit accommodé de la mort de ses victimes, puis qu'il ait renoncé à son activité coupable, par exemple par remords ou par crainte de la peine. Au demeurant, le recourant n'expose pas en quoi la constatation des faits à la base du désistement excluraient le dol éventuel. Mal fondé, le grief soulevé doit être rejeté. 
 
3.2 Dans son expertise, l'expert a clairement constaté que le recourant ne souffrait pas de maladie mentale et qu'il avait la capacité d'apprécier le caractère illicite de son acte et celle de se déterminer d'après cette appréciation. Il a confirmé sa position aux débats de première instance. L'avis, selon lequel le recourant n'avait pas conscience qu'il pouvait enlever la vie à quelqu'un, n'apparaît dès lors pas déterminant. 
 
3.3 Cela dit, il y a lieu de déterminer si, au vu des éléments retenus par la cour cantonale, celle-ci a retenu à juste titre le dol éventuel. Un des premiers éléments révélateurs extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable est la probabilité de la réalisation du risque, à savoir, en l'espèce, de la mort de la victime. Il est admis qu'une strangulation peut entraîner, bien que rarement, la mort par réflexe cardio-inhibiteur, ou, si elle est suffisamment forte et longue, par asphyxie (ATF 124 IV 53). Il convient dès lors d'examiner, pour chaque agression, si, au vu de l'ensemble des circonstances, la strangulation revêt une intensité suffisante pour entraîner la mort, si le recourant en était conscient et s'il acceptait ce risque. 
3.3.1 Agression de B.________ 
 
Selon les faits retenus par la cour cantonale et non contestés par le recourant, celui-ci a saisi B.________ de manière à l'étrangler, la suspendant au-dessus du sol en la serrant par le cou, ce qui l'a empêchée de crier et de respirer. Il l'a ensuite fait basculer par terre, et l'a maintenue plaquée au sol en lui serrant la gorge pendant qu'il dérobait dans son réticule des cartes bancaires, une carte d'identité, un permis de conduire, un téléphone portable, des clés de voiture et 200 fr. avant de relâcher son étreinte. La victime a subi des lésions au menton et à la trachée, ainsi qu'un important stress post-traumatique. 
 
L'impossibilité de respirer et les lésions au menton et à la trachée établissent qu'il s'agit d'une strangulation d'une certaine force. Si la cour cantonale n'a pas précisé la durée de l'étranglement, elle constate que le recourant n'a pas cessé de serrer le cou de sa victime pendant qu'il vidait son réticule. De par sa force et sa durée, la strangulation était donc propre à entraîner la mort de la prostituée. Dans ces conditions, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en admettant que le recourant devait envisager la mort de sa victime comme une conséquence possible de son acte et qu'il acceptait cette éventualité. 
3.3.2 Agression de C.________ 
Dans le cas de C.________, le recourant l'a saisie à la gorge pour l'étrangler. Il a plaqué sa main devant la bouche de la victime pour l'empêcher de crier. Il l'a trainée jusqu'au divan vers la cuisine où il l'a laissée tomber à plat ventre. Il a placé son pied sur son dos pour l'empêcher de bouger. La victime a alors perdu connaissance. Le recourant a lâché prise et s'est enfui. C.________ a retrouvé ses esprits une demi-heure plus tard. Elle s'est demandée si elle n'avait pas fait une crise d'épilepsie à cause de l'agression. Elle a mis plusieurs heures pour se traîner jusqu'à son lit, d'où elle a pu appeler des secours. Une semaine après les faits, elle ressentait toujours une douleur importante au niveau de la gorge et de la nuque. Elle avait également des vertiges. 
 
Les lésions subies par la victime ainsi que le déroulement de l'agression (notamment le fait de la traîner jusqu'au divan) établissent de manière suffisante que le recourant a étranglé C.________ avec force et que, partant, la mort était probable. La cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en retenant que le recourant avait envisagé cette issue comme probable et l'avait acceptée. 
3.3.3 Agression de A.________ 
 
Dans le troisième cas, le recourant a saisi la victime par le cou, lui a fortement serré la gorge pour l'étrangler à l'aide d'un objet métallique, ce qui lui a fait perdre connaissance et l'a fait tomber sur le sol de la salle de bain. La victime a subi des lésions d'étranglement sur quinze centimètres. 
 
Là aussi, il s'agissait d'une strangulation d'une certaine force, exercée au moyen d'un objet et d'une intensité suffisante pour entraîner la perte de connaissance. La mort était dès lors probable. Dans ce cas, le recourant a du reste expressément admis qu'il avait eu conscience que A.________ pouvait mourir au moment où il l'a empoignée. Dès lors, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant le dol éventuel. 
 
4. 
Le recourant dénonce la violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). Il se plaint que les réponses de l'expert aux questions des intervenants n'auraient pas été complètement retranscrites au procès-verbal. En outre, l'enregistrement des débats serait inaudible. 
 
4.1 Le droit d'être entendu confère aux parties le droit d'obtenir que les déclarations de parties, de témoins ou d'experts qui sont importantes pour l'issue du litige soient consignées dans un procès-verbal, tout au moins dans leur teneur essentielle (ATF 126 I 15 consid. 2 p. 16). 
 
La procédure pénale genevoise prévoit que, lors des débats devant la Cour d'assises, le président procède à l'audition des témoins et des experts (art. 289 al. 1 CPP/GE). Les parties peuvent requérir le président, si ce dernier ne le décide pas d'office, de faire noter les additions, les changements et les variations qui existent entre la déclaration de l'accusé, la déposition d'un témoin ou d'un expert, et leurs précédentes déclarations (art. 290 al. 1 CPP/GE). Les débats sont pour le surplus enregistrés (art. 328 al. 1 CPP/GE). L'enregistrement est versé à la procédure et accessible aux parties en cas de recours (art. 328 al. 2 CPP/GE). Un enregistrement défaillant pour des raisons techniques n'affecte cependant pas la validité des débats (art. 328 al. 4 CPP/GE). 
 
4.2 En l'occurrence, les déclarations de l'expert ont été verbalisées dans leur teneur essentielle (arrêt de première instance, p. 6 et 7). Si le recourant, qui était assisté de deux conseils, considérait que l'expert avait changé d'avis sur un point déterminant, il lui appartenait, si le président ne le décidait pas d'office, de demander que ce revirement soit noté au procès-verbal. Il ne pouvait pas se fier à l'enregistrement des débats, puisque le droit cantonal prévoit expressément qu'en cas de défaillance technique, la validité des débats n'en est pas affectée (art. 328 al. 4 CPP/GE). Faute de réquisition en ce sens, le recourant ne peut plus se plaindre d'un défaut de verbalisation devant l'instance de recours. Il est en effet contraire à la bonne foi d'attendre une éventuelle issue défavorable pour faire valoir ses moyens de défense (ATF 121 I 30 consid. 5f p. 38). Mal fondé, le grief du recourant doit être rejeté. 
 
5. 
Le recourant s'en prend aux résultats de l'expertise. Se fondant sur les conceptions de l'ancien droit (méthode dite mixte ou "biopsychologique"), l'expert aurait constaté que le recourant ne souffrait pas de maladie mentale et que, partant, sa responsabilité pénale était pleine et entière, sans se prononcer sur sa faculté d'apprécier le caractère illicite de l'acte et de se déterminer d'après celui-ci. 
 
5.1 Savoir si une expertise est convaincante est une question d'interprétation des preuves (ATF 106 IV 97 consid. 2b p. 99 s.), que le Tribunal fédéral ne peut revoir que sous l'angle de l'arbitraire. Lorsque l'autorité cantonale juge l'expertise concluante et en fait sien le résultat, le Tribunal fédéral n'admet le grief d'appréciation arbitraire que si l'expert n'a pas répondu aux questions posées, si ses conclusions sont contradictoires ou si, d'une quelconque autre façon, l'expertise est entachée de défauts à ce point évidents et reconnaissables, même sans connaissances spécifiques, que le juge ne pouvait tout simplement pas les ignorer (ATF 107 IV 7 consid. 5). 
 
5.2 Contrairement à ce que soutient le recourant, le rapport d'expertise précise expressément que le trouble psychiatrique (qui ne constitue pas, selon l'expert, un trouble mental) n'était pas de nature à altérer la capacité à apprécier le caractère illicite d'un acte ni celle de se déterminer (expertise p. 10; pièce 116). Elle conclut donc à la pleine et entière responsabilité du recourant, ce que l'expert a confirmé devant le jury (arrêt de première instance p. 7). Les critiques soulevées par le recourant sont donc infondées. 
 
6. 
Le recours doit ainsi être rejeté. 
 
Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1600 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 15 mars 2010 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
Favre Kistler Vianin