Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_555/2023
Arrêt du 15 avril 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Gilles-Antoine Hofstetter, avocat,
recourante,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 10 juillet 2023 (AI 310/22 - 188/2023).
Faits :
A.
À la suite d'un premier refus de prestations de l'assurance-invalidité (décision de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud [ci-après: l'office AI] du 13 novembre 2019, confirmée par arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 14 août 2020), A.________, née en 1976, a déposé une nouvelle demande de prestations, au mois de janvier 2021. Par décision du 25 juin 2021, l'office AI a refusé d'entrer en matière sur celle-ci. Statuant successivement sur recours de A.________, la Cour des assurances sociales (arrêt du 14 septembre 2021), puis le Tribunal fédéral (arrêt 9C_576/2021 du 2 février 2022), ont débouté l'assurée. Le 17 octobre 2022, l'administration a également refusé d'entrer en matière sur une troisième demande de prestations présentée par l'assurée le 12 mai 2022.
B.
Statuant le 10 juillet 2023 sur le recours formé par l'assurée contre cette décision, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, l'a rejeté.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Elle en demande principalement la réforme en ce sens que l'office AI doit entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations qu'elle a déposée le 12 mai 2022. Subsidiairement, l'assurée requiert l'annulation de l'arrêt cantonal et le renvoi de la cause à "l'autorité intimée" pour nouvelle instruction et/ou décision dans le sens des considérants.
L'office AI conclut au rejet du recours en se référant à l'arrêt cantonal, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.
2.
2.1. Est en l'espèce litigieux le point de savoir si la juridiction cantonale était en droit de confirmer le refus de l'office intimé d'entrer en matière sur la troisième demande de prestations de l'assurée, au motif que celle-ci n'avait pas rendu plausible une modification de son état de santé susceptible d'influencer ses droits depuis la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente (soit la décision du 13 novembre 2019, confirmée par arrêt de la Cour cantonale des assurances sociales du 14 août 2020).
2.2. À la suite des premiers juges, on rappellera qu'en vertu de l' art. 87 al. 2 et 3 RAI , lorsque la rente a été refusée parce que le taux d'invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l'assuré rend plausible que son invalidité s'est modifiée de manière à influencer ses droits. Cette exigence doit permettre à l'administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force d'écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l'assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 133 V 108 consid. 5.2 et 5.3; 130 V 64 consid. 5.2.3; 117 V 198 consid. 4b et les références). Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrer en matière (ATF 117 V 198 consid. 3a).
3.
Examinant l'évolution de l'état de santé de la recourante depuis la décision administrative du 13 novembre 2019, la juridiction cantonale a considéré que les rapports produits par l'intéressée à l'appui de sa troisième demande de prestations ne rendaient pas plausible une aggravation de son état de santé. Selon les juges précédents, dans la mesure où les médecins traitants de l'assurée (cf. rapports des doctoresses B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et C.________, médecin assistante, toutes deux auprès du centre D.________, des 26 avril et 25 août 2022) se fondaient sur le même tableau clinique et les mêmes plaintes que ceux décrits dans l'expertise diligentée par l'office intimé auprès de la Clinique romande de réadaptation (CRR) en juillet 2019, ils ne faisaient que substituer, pour un même état de fait, leur propre avis à celui des experts. La situation médicale de la recourante était superposable à celle prévalant en juillet 2019.
4.
4.1. Dans un premier grief, la recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir examiné le caractère plausible de l'aggravation de son état de santé sans prendre en compte le courrier de son avocat du 22 novembre 2022 ni le rapport de la doctoresse E.________, cheffe de clinique adjointe au département F.________ - hôpital G.________, du 26 janvier 2023. Elle fait valoir que même s'il ressort de ces pièces qu'elle a été hospitalisée à compter du 17 novembre 2022, soit postérieurement à la décision administrative litigieuse du 17 octobre 2022, les premiers juges auraient dû inférer de celles-ci que c'était "une fois encore par bien trop prestement (soit arbitrairement) " que l'office intimé avait refusé d'entrer en matière sur sa nouvelle demande de prestations.
4.2. L'argumentation de la recourante est mal fondée. La jurisprudence relative à une nouvelle demande de prestations de l'assurance-invalidité, dûment rappelée dans l'arrêt entrepris, requiert en effet que celle-ci présente à l'administration des éléments suffisants pour rendre plausible une aggravation de l'état de santé (cf. art. 87 al. 2 et 3 RAI ). Dans cette mesure, le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (art. 43 al. 1 LPGA), ne s'applique pas à une telle procédure, la juridiction de première instance étant tenue d'examiner le bien-fondé de la décision de non-entrée en matière de l'office AI en fonction uniquement des documents produits jusqu'à la date de celle-ci (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5; arrêt 9C_627/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.2). Dès lors que les pièces auxquelles la recourante se réfère ont été établies les 22 novembre 2022 et 26 janvier 2023, soit postérieurement à la décision du 17 octobre 2022, c'est à bon droit que la juridiction cantonale n'en a pas tenu compte dans le cadre de son examen.
5.
5.1. La recourante reproche ensuite aux juges précédents d'avoir considéré que les pièces qu'elle avait déposées en procédure administrative ne rendaient pas plausible une aggravation de son état de santé depuis la dernière décision reposant sur un examen matériel de son droit à des prestations de l'assurance-invalidité.
5.2. Comme le fait valoir la recourante, l'appréciation de la juridiction cantonale selon laquelle les médecins traitants n'auraient fait que substituer leur appréciation à celle des experts de la CRR, de sorte que sa situation médicale serait superposable à celle prévalant au moment de l'expertise de juillet 2019, apparaît insoutenable. En effet, les médecins traitants ont mis en évidence des éléments nouveaux suffisant à rendre plausible une aggravation de la situation médicale par rapport à l'évaluation de juillet 2019. Alors que le docteur H.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie auprès de la CRR, avait exclu un diagnostic de trouble de l'humeur, les doctoresses B.________ et C.________ ont mentionné une aggravation de l'état de santé de l'assurée depuis février 2022, en posant le diagnostic d'épisode dépressif sévère avec symptômes psychotiques (F 32.3), dans leur rapport du 26 avril 2022. Les médecins traitants ont motivé leur diagnostic en indiquant, entre autres éléments, avoir clairement observé un ralentissement psychomoteur, un regard vide et apeuré, un trouble de la concentration et des limitations fonctionnelles en relation avec des hallucinations visuelles et auditives, une persécution avec des délires et une anxiété généralisée (cf. aussi rapport du 25 août 2022). Ils ont par ailleurs préconisé une hospitalisation en raison de l'aggravation constatée. Cette recommandation n'entre nullement en contradiction avec le rapport de la CRR, à l'inverse de ce qu'ont retenu les premiers juges, puisque les conclusions des doctoresses B.________ et C.________ sont fondées sur une évolution négative de l'état de santé psychique de l'assurée, qualifiée de critique depuis février 2022. L'appréciation de l'instance précédente selon laquelle la situation médicale de la recourante est superposable à celle prévalant au moment de l'expertise de juillet 2019 ne peut dès lors pas être suivie.
5.3. Dans ces circonstances, en considérant que les rapports médicaux produits par la recourante ne rendaient pas plausible une aggravation de son état de santé depuis la décision administrative du 13 novembre 2019, la juridiction cantonale a apprécié arbitrairement les faits et les preuves. Aussi la cause est-elle renvoyée à l'office AI pour qu'il entre en matière sur la nouvelle demande et détermine l'influence de l'aggravation de l'état de santé de l'assurée sur un éventuel droit à des prestations de l'assurance-invalidité. Le recours est bien fondé sur ce point. Il est dès lors superflu d'examiner les autres griefs soulevés par la recourante, en particulier celui portant sur l'absence de "compétences nécessaires" de la doctoresse I.________, médecin au Service régional de l'assurance-invalidité (SMR).
6.
Vu le renvoi ordonné, qui revient à donner gain de cause à la recourante, les frais judiciaires y afférents doivent être mis à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 LTF). Celui-ci versera par ailleurs une indemnité de dépens à la recourante (art. 68 al. 1 LTF). La cause est renvoyée à la juridiction cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure ( art. 67 et 68 al. 5 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 10 juillet 2023 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 17 octobre 2022 sont annulés. La cause est renvoyée à l'office AI pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 15 avril 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
La Greffière : Perrenoud