Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1A.137/2006 /col
Arrêt du 15 septembre 2006
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Kurz.
Parties
A.________,
B.________,
la société C.________,
la société D.________,
recourants,
tous représentés par Me Marc Bonnant, avocat,
contre
Juge d'instruction du canton de Genève,
case postale 3344, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève,
case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France,
recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 7 avril 2006.
Faits:
A.
Le 12 avril 2005, le Premier Juge d'instruction au Tribunal de grande instance de Paris a adressé à la Suisse une commission rogatoire pour les besoins d'une information pour abus de biens sociaux, complicité et recel. Dans le cadre d'une information ouverte contre X, diverses malversations auraient été dénoncées par un joueur du club de football Paris Saint-Germain (PSG), lors de la reconduction de contrats ou de transferts de joueurs. A.________, agent de joueurs, avait déclaré un salaire de 10'000 euros par mois. Un document trouvé à son domicile montrerait l'existence d'une société à Jersey et d'un compte ouvert à la banque E.________ de Genève. Le magistrat requérant désirait identifier les mouvements enregistrés sur les comptes à Genève par A.________ et ses sociétés, et déterminer l'origine et la destination des fonds. Leur saisie était également requise.
Le 11 octobre 2005, le Juge d'instruction du canton de Genève est entré en matière. Il a ordonné la production, par la banque E.________, de la documentation relative aux comptes détenus par ou pour A.________ notamment, ainsi que la saisie des avoirs.
Par ordonnance de clôture du 28 novembre 2005, le Juge d'instruction a décidé de transmettre à l'autorité requérante un classeur remis par la banque dans lequel figurent la réponse de cet établissement, les documents d'ouverture de comptes détenus par A.________, B.________ et les sociétés D.________ et C.________ (dont A.________ était l'ayant droit), avec les relevés et portefeuilles de titres. Le Juge d'instruction a considéré que les faits décrits par le magistrat requérant correspondaient, en droit suisse, à des actes de gestion déloyale; les pièces saisies montraient comment les fonds arrivés sur les comptes de A.________ avaient été utilisés. La saisie des avoirs a été confirmée.
B.
Par ordonnance du 7 avril 2006, la Chambre d'accusation genevoise a rejeté les recours formés par A.________, B.________, C.________et D.________. La demande d'entraide était suffisamment motivée et son exécution était conforme au principe de la proportionnalité.
C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, les mêmes recourants demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation ainsi que les décisions du Juge d'instruction, de refuser l'entraide judiciaire et de lever la saisie des quatre comptes concernés; subsidiairement, ils demandent que le juge d'instruction soit invité à procéder au tri des pièces, ou que la transmission soit assortie de diverses restrictions.
La Chambre d'accusation se réfère à son ordonnance. Le Juge d'instruction conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la justice a renoncé à présenter des observations.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le recours de droit administratif est interjeté en temps utile contre une décision confirmée par l'autorité cantonale de dernière instance, relative à la clôture de la procédure d'entraide judiciaire (art. 80f de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1). Les recourants ont qualité pour recourir, en tant que titulaires des comptes bancaires au sujet desquels le Juge d'instruction a décidé de transmettre des renseignements (art. 80h let. b EIMP et 9a let. a OEIMP).
2.
Les recourants considèrent que la demande d'entraide ne serait pas suffisamment motivée, faute de démontrer le lien entre A.________ et les faits soumis à l'enquête en France. Ils relèvent notamment que A.________ n'a jamais travaillé pour le PSG; la demande n'indiquerait pas en quoi consistent les fait mis à sa charge.
2.1 Selon l'art. 14 CEEJ, la demande d'entraide doit notamment indiquer son objet et son but (ch. 1 let. b), ainsi que l'inculpation et un exposé sommaire des faits (ch. 2). Ces indications doivent permettre à l'autorité requise de s'assurer que l'acte pour lequel l'entraide est demandée est punissable selon le droit des parties requérante et requise (art. 5 ch. 1 let. a CEEJ), qu'il ne constitue pas un délit politique ou fiscal (art. 2 al. 1 let. a CEEJ), et que le principe de la proportionnalité est respecté (ATF 118 Ib 111 consid. 4b et les arrêts cités). Le droit interne (art. 28 EIMP) pose des exigences équivalentes, encore précisées par l'art. 10 al. 2 OEIMP selon lequel doivent en tout cas figurer le lieu, la date et le mode de commission de l'infraction.
2.2 Force est d'admettre que ces exigences de motivation ne sont guère satisfaites dans le cas particulier. Dans sa demande, le Juge d'instruction parisien expose tout d'abord que l'information est menée des chefs d'abus de biens sociaux au préjudice du PSG, à l'occasion de transferts de joueurs et de conventions accessoires entre 1998 et 2003; selon un réquisitoire supplétif, les mêmes infractions auraient été commises au préjudice du Groupe Canal+, à l'occasion de transferts de joueurs au club Servette FC; l'information est menée contre X. Une première enquête avait révélé des malversations dans le cadre du PSG lors de la négociation de contrats avec des joueurs; d'autres agissements du même type sont suspectés, au préjudice du club. A.________ n'est pas mentionné dans ce contexte. A son égard, la demande précise qu'il percevait, en tant qu'agent, un salaire de 10'000 euros par mois, versé par une société créée à cette fin; cette société aurait perçu du 31 août 2003 au 31 août 2004, 142'324 euros. Un fax avait été saisi à son domicile, démontrant la création d'une société à Jersey et l'existence d'un compte à Genève.
Cette juxtaposition de données ne comporte aucune précision quant aux infractions qui auraient été commises par A.________, ou auxquelles il pourrait être mêlé. L'autorité requérante expose qu'il aurait "joué un rôle important en tant qu'agent, en particulier depuis l'arrivée de l'entraîneur [...] au PSG". Elle ne précise toutefois pas la nature des transactions auxquelles il aurait pris part, ni en quoi le club s'en serait trouvé lésé. Dans ces conditions, la simple mention des revenus de l'intéressé, de l'existence d'une société et d'un compte à l'étranger ne constitue pas une motivation suffisante et fait apparaître la demande comme une recherche indéterminée de moyens de preuve, à laquelle il ne peut être donné suite.
3.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être admis. L'ordonnance attaquée et la décision de clôture du 28 novembre 2005 sont annulées, et l'entraide judiciaire est refusée. La saisie conservatoire frappant les comptes bancaires, confirmée dans l'ordonnance de clôture, doit elle aussi être levée. La cause doit être renvoyée à la Chambre d'accusation pour nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance cantonale.
Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. Une indemnité de dépens est allouée aux recourants, à la charge du canton de Genève.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis; l'ordonnance attaquée et la décision de clôture rendue le 28 novembre 2005 sont annulées, et la demande d'entraide du 12 avril 2005 est rejetée en ce qui concerne les recourants. La saisie des avoirs mentionnés dans l'ordonnance de clôture du 28 novembre 2005 est levée. La cause est renvoyée à la Chambre d'accusation pour nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance cantonale.
2.
Une indemnité de dépens de 3000 fr. est allouée aux recourants, à la charge du canton de Genève.
3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice (B 0156635).
Lausanne, le 15 septembre 2006
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: