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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.145/2006 /col 
 
Arrêt du 15 septembre 2006 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Nay et Reeb. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Parties 
la société A.________, recourante, représentée par Maîtres Robert Assael et Alain Macaluso, avocats, 
 
contre 
 
Juge d'instruction du canton de Genève, 
case postale 3344, 1211 Genève 3, 
Chambre d'accusation du canton de Genève, 
case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France, 
 
recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 12 avril 2006. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 26 août 2004, le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Marseille a adressé à la Suisse une commission rogatoire dans le cadre d'une enquête pour blanchiment d'argent. En 2001, B.________ aurait constitué les sociétés C.________ et D.________, dans le but d'acquérir deux biens immobiliers sur la Côte d'Azur pour environ 1,3 millions d'euros chacun. Une partie des fonds proviendrait d'un apport personnel de B.________, par le biais d'un compte de la société A.________, ainsi que d'un virement effectué par le dénommé E.________. Celui-ci serait soupçonné de liens avec les mafias russes et baltes, et suspecté par les autorités bulgares d'être impliqué dans un trafic d'armes et de pierres précieuses. E.________ et B.________ avaient été refoulés du territoire monégasque le 28 décembre 2002. B.________ aurait des liens avec F.________, lui-même impliqué dans une affaire de blanchiment. Le magistrat requérant demandait notamment des renseignements sur A.________ ainsi que ses comptes bancaires (documents d'ouverture, identité des ayants droit, relevés des opérations ayant un lien avec les acquisitions immobilières et les versements en faveur de la société C.________). 
Par ordonnance du 22 septembre 2004, le Juge d'instruction du canton de Genève est entré en matière. Une perquisition a été ordonnée auprès de la Banque X.________. Le 7 décembre 2004, le Juge d'instruction a demandé au magistrat étranger de lui donner davantage de renseignements sur les activités délictueuses pouvant être reprochées à E.________ et B.________, ainsi que sur les pièces bancaires en sa possession et la période des investigations requises. Le 17 mai 2005, l'autorité requérante a produit des relevés du compte de la société C.________ et de B.________, ainsi qu'une copie d'une commission rogatoire adressée le 26 août 2004 à la Principauté de Monaco, avec les pièces d'exécution transmises par cet Etat le 3 novembre 2004. Invitée à se prononcer sur les pièces dont le Juge d'instruction envisageait la transmission, A.________ s'est opposée, le 10 novembre 2004, à toute transmission en relevant que le magistrat requérant n'avait pas apporté les précisions souhaitées. 
 
B. 
Par ordonnance du 29 novembre 2005, le Juge d'instruction a décidé de transmettre à l'autorité requérante les documents d'ouverture du compte détenu par A.________ auprès de X.________, ainsi que huit ordres et avis de débit relatifs à des versements effectués entre les mois de juin et décembre 2002 en faveur de la société C.________. 
Par ordonnance du 12 avril 2006, la Chambre d'accusation genevoise a confirmé cette décision. Bien que succincte, la demande était suffisamment motivée car elle évoquait les liens de B.________ avec E.________, G.________, patron du crime organisé de l'ex-CEI, et F.________, ainsi que l'information en cours à Monaco. L'autorité requérante avait fourni des indications complémentaires le 17 mai 2005, et il n'était pas envisageable de révéler l'ensemble du contenu du dossier car cela risquait de nuire à l'enquête. Le principe de la proportionnalité était respecté, le Juge d'instruction ayant limité la transmission aux renseignements en rapport avec les transactions immobilières mentionnées dans la demande. 
 
C. 
A.________ forme un recours de droit administratif contre cette dernière ordonnance; elle conclut à son annulation, ainsi qu'au refus de l'entraide judiciaire. 
La Chambre d'accusation, le Juge d'instruction et l'Office fédéral de la justice se réfèrent à la décision attaquée. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
Le recours de droit administratif est interjeté en temps utile contre une décision confirmée par l'autorité cantonale de dernière instance, relative à la clôture de la procédure d'entraide judiciaire (art. 80f de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1). La recourante a qualité pour recourir, en tant que titulaire du compte bancaire au sujet duquel le Juge d'instruction a décidé de transmettre des renseignements (art. 80h let. b EIMP et 9a let. a OEIMP). 
 
2. 
La recourante considère que la demande d'entraide ne serait pas suffisamment motivée: elle se bornerait à évoquer l'acquisition de deux immeubles par des sociétés, ainsi que les liens entre E.________ et B.________, sans toutefois préciser quelles infractions seraient reprochées à ce dernier. Le Juge d'instruction lui-même avait exigé des informations complémentaires sur ce point et dans sa réponse, l'autorité requérante ne faisait que mentionner les transactions qui l'intéressaient. Les soupçons de l'autorité requérante ne pourraient se fonder ni sur l'ampleur des transactions, ni sur leur absence de justification, ni enfin sur l'existence d'une structure financière particulièrement complexe. La limitation, par le Juge d'instruction, des renseignements transmis viendrait confirmer la nature exploratoire de la demande. 
 
2.1 Selon l'art. 14 CEEJ, la demande d'entraide doit notamment indiquer son objet et son but (ch. 1 let. b), ainsi que l'inculpation et un exposé sommaire des faits (ch. 2). Ces indications doivent permettre à l'autorité requise de s'assurer que l'acte pour lequel l'entraide est demandée est punissable selon le droit des parties requérante et requise (art. 5 ch. 1 let. a CEEJ), qu'il ne constitue pas un délit politique ou fiscal (art. 2 al. 1 let. a CEEJ), et que le principe de la proportionnalité est respecté (ATF 118 Ib 111 consid. 4b et les arrêts cités). Le droit interne (art. 28 EIMP) pose des exigences équivalentes, encore précisées par l'art. 10 al. 2 OEIMP selon lequel doivent en tout cas figurer le lieu, la date et le mode de commission de l'infraction. 
Selon la jurisprudence, l'on ne saurait exiger de l'Etat requérant un exposé complet et exempt de toute lacune, puisque la procédure d'entraide a précisément pour but d'apporter aux autorités de l'Etat requérant des renseignements au sujet des points demeurés obscurs (ATF 117 Ib 88 consid. 5c et les arrêts cités). L'autorité suisse saisie d'une requête d'entraide en matière pénale n'a pas à se prononcer sur la réalité des faits évoqués dans la demande; elle ne peut que déterminer si, tels qu'ils sont présentés, ils constituent une infraction. Cette autorité ne peut s'écarter des faits décrits par l'Etat requérant qu'en cas d'erreurs, lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 126 II 495 consid. 5e/aa p. 501; 118 Ib 111 consid. 5b p. 121/122). 
 
2.2 Lorsque l'entraide judiciaire est requise, comme en l'espèce, pour la répression d'infractions de blanchiment, la demande doit comporter des indications suffisantes pour admettre l'existence d'une infraction préalable, comme l'exige en droit suisse l'art. 305bis CP. L'autorité requérante ne peut se contenter d'évoquer la possibilité abstraite que les mouvements de fonds aient une origine criminelle (arrêt 1A.188/ 2005 du 24 octobre 2005, consid. 2.2-2.4 et les arrêts cités). Elle n'a certes pas à prouver l'existence d'une infraction préalable (ATF 129 II 97), mais elle doit préciser pour quelles raisons elle considère que certaines transactions sont suspectes, et ne peut par exemple se contenter de produire une simple liste de personnes recherchées et des montants transférés. Il lui faut joindre des éléments propres à démontrer, au moins à première vue, que les comptes dont le séquestre est demandé ont effectivement servi au transfert des fonds dont on soupçonne l'origine délictueuse (ATF 130 II 329 consid 5.1 p. 335 et la jurisprudence citée). 
 
2.3 La demande d'entraide initiale n'est certes pas des plus explicite quant aux infractions reprochées notamment à B.________ et E.________. ll est toutefois clairement expliqué que les deux opérations immobilières décrites pourraient constituer des actes de blanchiment d'argent. S'agissant des infractions préalables, la demande mentionne en outre les liens de E.________ avec la mafia et le trafic d'armes et de pierres précieuses, ainsi que ses relations avec G.________, patron du crime organisé. B.________ serait pour sa part lié à F.________, suspecté d'actes de blanchiment. 
Contrairement à ce que soutient la recourante, le magistrat étranger ne s'est pas contenté, dans son complément du 17 mai 2005, de fournir une liste des mouvements de fonds auxquels il s'intéresse. Il a en effet produit un exemplaire de la demande d'entraide adressée à la Principauté de Monaco le 26 août 2004. Celle-ci contient les mêmes indications que la demande d'entraide adressée le même jour à la Suisse; le magistrat de Marseille désirait être renseigné sur la procédure pour blanchiment en cours à Monaco, concernant une société présidée par E.________ et administrée par B.________; cette procédure avait conduit à l'expulsion des deux précités du territoire monégasque, au mois de décembre 2002. Les pièces de la procédure monégasque, produites en réponse à cette commission rogatoire, et en particulier le rapport de la police judiciaire du 27 octobre 2000, confirment le soupçon selon lequel E.________ et B.________ auraient reçu des montants importants et mis en place des structures financières complexes afin de blanchir des fonds provenant de la criminalité organisée en Russie, raison pour laquelle une mesure d'éloignement a été prise à leur encontre. 
 
2.4 Dans ces conditions, le soupçon de blanchiment apparaît suffisamment fondé, et l'autorité requérante est légitimée à vouloir vérifier les circonstances et les buts réels des deux acquisitions immobilières qu'elle décrit. Contrairement à ce que soutient la recourante, la limitation de la transmission à certaines opérations n'est pas due à la motivation insuffisante de la demande d'entraide, mais correspond à la mission telle qu'elle est définie par le magistrat requérant lui-même. 
 
3. 
Le recours de droit administratif doit par conséquent être rejeté, aux frais de la recourante (art. 156 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Un émolument judiciaire de 4000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de la recourante, au Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice (B 0152340). 
Lausanne, le 15 septembre 2006 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: