Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_392/2022
Arrêt du 15 novembre 2022
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni,
Beusch et Hartmann.
Greffier : M. Wiedler.
Participants à la procédure
Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, Schwarztorstrasse 50, 3003 Berne,
recourante,
contre
A.________ Sàrl,
représentée par Me Martin Ahlström, avocat,
intimée.
Objet
Taxe sur la valeur ajoutée (2011-2015),
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 1er avril 2022 (A-4848/2021).
Faits :
A.
A.________ Sàrl, sise à U.________ (précédemment à V.________), est inscrite au registre du commerce depuis le 2 août 2007. EIle a notamment pour but tous conseils, audit, formation, coaching et accompagnement d'entreprises ou de particuliers, dans les domaines du management, de la communication, de la gestion de projet et de la performance de la relation client. Elleest immatriculée au registre de l'Administration fédérale des contributions en qualité d'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) depuis Ie 1er janvier 2011.
B.
Dans le cadre d'un contrôle en date du 15 septembre 2016, dont le résultat a été remis le même jour à A.________ Sàrl, portant sur les périodes fiscales 2011 à 2015, l'Administration fédérale des contributions a constaté que l'assujettie avait omis d'imposer certaines recettes qu'eIle avait considérées à tort comme des prestations de formation exclues du champ de l'impôt.
Par notification d'estimation du 18 juin 2018, l'autorité précitée a fixé les créances fiscales pour les différentes périodes concernées, ainsi que le montant total de la correction de l'impôt en sa faveur, lequel s'élevait à 70'323 francs.
Le 9 juillet 2018, A.________ Sàrl a procédé au paiement sans réserve d' un montant de 12'386.30 fr., lequel portait sur les reprises d'impôt liées à l'acquisition de prestations de service de l'étranger et aux parts privées aux frais de véhicules.
Par décision du 3 septembre 2019, l'Administration fédérale des contributions a confirmé les montants des créances fiscales et de la correction de l'impôt tel que fixés dans sa notification d'estimation du 18 juin 2018 et a dit que l'intéressée devait encore verser pour les périodes fiscales concernées le solde de TVA dû, soit un montant de 57'936.70 fr., plus intérêt moratoire.
Par décision du 10 mars 2020, l'Administration fédérale des contributions a admis partiellement la réclamation formée par A.________ Sàrl, en lien avec le traitement fiscal de l'une des prestations examinées. EIle a fixé le montant total de la correction en faveur de l'administration à 68'615 fr. et, compte tenu du versement intervenu le 9 juillet 2018, a ramené la dette fiscale à 56'228.70 fr., plus intérêt moratoire.
Par arrêt du 20 janvier 2021, le Tribunal administratif fédéral a partiellement admis le recours formé par A.________ Sàrl à l'encontre de la décision sur réclamation du 10 mars 2020 de l'Administration fédérale des contributions et a renvoyé la cause à cette autorité pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
Par nouvelle décision sur réclamation du 1
er octobre 2021, l'Administration fédérale des contributions a partiellement admis la réclamation formée par A.________ Sàrl et a arrêté le montant total de la correction en faveur de l'administration à 68'602 francs. En particulier, cette décision fixait le montant de la TVA dû pour la période fiscale 2011 à 28'542 fr., comprenant 15'206 fr. découlant de l'auto-taxation de A.________ Sàrl et 13'336 fr. de reprise d'impôt découlant de la notification d'estimation du 18 juin 2018.
Par arrêt du 1
er avril 2022, le Tribunal administratif fédéral a partiellement admis le recours formé par A.________ Sàrl. Il a notamment retenu que la reprise d'impôt à hauteur de 13'336 fr. pour la période fiscale 2011 était prescrite, sous réserve de la part du versement de 12'386.60 fr. afférent à cette période.
C.
L'Administration fédérale des contributions forme un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation partielle de l'arrêt du 1er avril 2022 du Tribunal administratif fédéral et à ce que le Tribunal fédéral dise et prononce que la correction de l'impôt en faveur de l'administration d'un montant de 13'336 fr. pour la période fiscale 2011 est entièrement prescrite, que la notification d'estimation du 18 juin 2018 n'est pas entrée partiellement en force et que la créance fiscale est fixée, pour les périodes fiscales 2012, 2013, 2014 et 2015, respectivement à 35'822 fr., 22'518 fr., 19'465 fr. et 31'394 francs.
Le Tribunal administratif fédéral se réfère intégralement à l'arrêt attaqué. A.________ Sàrl (ci-après: l'intimée ou l'assujettie) dépose un mémoire de réponse et conclut au rejet du recours. La recourante maintient ses conclusions. L'intimée dépose des observations.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 IV 453 consid. 1).
1.1. Le présent recours est dirigé contre un arrêt rendu par le Tribunal administratif fédéral réformant partiellement une décision sur réclamation de l'Administration fédérale des contributions portant sur les montants dus par l'intimée à titre de TVA pour les périodes fiscales 2011 à 2015. Il s'agit d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Comme aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée, la voie du recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF est dès lors ouverte.
1.2. Il sied encore d'examiner si l'Administration fédérale des contributions dispose de la qualité pour recourir.
1.2.1. En application de l'art. 89 al. 2 let. a LTF et de l'art. 141 de l'ordonnance du 27 novembre 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (OTVA; RS 641.201), l'Administration fédérale des contributions peut, en principe, se prévaloir d'un droit de recours devant le Tribunal fédéral contre les jugements susceptibles de violer la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA; RS 641.20) (cf. arrêt 2C_492/2020 du 25 février 2022 consid. 1).
1.2.2. En l'espèce, l'Administration fédérale des contributions se plaint d'une mauvaise application de l'art. 43 al. 1 let. b LTVA par l'instance précédente. D'après elle, le Tribunal administratif fédéral a à tort retenu que la reprise d'impôt à hauteur de 13'336 fr. pour la période fiscale 2011 était prescrite, sous déduction de la part du versement de 12'386.30 fr. afférent à cette période, alors qu'il aurait dû constater la prescription de l'entier du montant de la reprise pour cette année-là. Une admission du recours aurait donc pour conséquence de diminuer la charge fiscale de l'intimée. Dans ce contexte, il convient d'examiner si l'art. 89 al. 2 let. a LTF reconnaît la qualité pour recourir aux autorités fédérales lorsqu'elles prennent des conclusions allant, comme dans le cas d'espèce, à l'encontre des intérêts financiers de la Confédération, dans le but de faire trancher une question juridique par le Tribunal fédéral.
1.2.3. Le droit de recours des autorités fédérales selon l'art. 89 al. 2 let. a LTF est de nature abstraite et autonome. Il sert à assurer une application correcte et uniforme du droit fédéral (cf. ATF 142 II 324 consid. 1.3.1; 136 II 359 consid. 1.2; 135 II 338 consid. 1.2.1; arrêt 2C_582/2016 du 22 mai 2017 consid. 1.2 non publié in ATF 143 II 425). Les conditions de l'art. 89 al. 1 LTF ne sont pas applicables aux autorités fédérales qui recourent sur cette base (ATF 136 II 359 consid. 1.2; arrêts 1C_474/2021 du 2 juin 2022 consid. 2.3; 1C_572/2020 du 30 novembre 2021 consid. 1.2). Il en découle notamment que leur qualité pour recourir n'est pas liée à un intérêt digne de protection ou à un intérêt public spécifique, car l'intérêt à une application uniforme du droit fédéral suffit (ATF 135 II 338 consid. 1.2.1; arrêts 1C_333/2020 du 22 octobre 2021 consid. 1.2.4 non publié in ATF 148 II 92; 2C_1040/2018 du 18 mars 2021 consid. 2.2.2 non publié in ATF 147 II 227; 2C_383/2020 du 8 mars 2021 consid. 1.3 non publié in ATF 147 II 144). En revanche, le droit de recours de l'autorité ne doit pas être utilisé pour favoriser des intérêts purement privés ou dans le seul but de venir en aide à un particulier (ATF 125 II 326 consid. 2c; 123 II 16 consid. 2c; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 3
e éd. 2022, n° 77 ad art. 89; BERNHARD WALDMANN, in Basler Kommentar Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, n° 47 ad art. 89). Ainsi, le Tribunal fédéral a admis la qualité pour recourir de l'Administration fédérale des contributions dans des cas où l'autorité de recours avait confirmé sa décision de taxation, sur la base d'une autre motivation. Le recours de l'autorité fiscale ne portait alors que sur la motivation, sans qu'une admission de celui-ci ait une incidence dans le cas d'espèce sur les intérêts fiscaux de la Confédération (ATF 125 II 326 consid. 2c; 123 II 16 consid. 2c). Le recours prévu par l'art. 89 al. 2 let. a LTF ne permet toutefois pas de porter à l'examen du Tribunal fédéral une question sans lien avec la réalité; il doit porter sur des problématiques concrètes rattachées à un cas particulier (cf. ATF 135 II 338 consid. 1.2.1; 134 II 201 consid. 1.1; arrêts 1C_384/2021 du 18 août 2022 consid. 3.3.1; 2C_1040/2018 du 18 mars 2021 consid. 2.2.2 non publié in ATF 147 II 227). Le recours doit en outre présenter une certaine actualité et - à tout le moins potentiellement - une certaine pertinence (Aktualität und Relevanz; ATF 135 II 338 consid. 1.2.1; arrêts 1C_384/2021 du 18 août 2022 consid. 3.3.1; 2C_1040/2018 du 18 mars 2021 consid. 2.2.2 non publié in ATF 147 II 227). En définitive, l'exercice du droit de recours spécial des autorités fédérales suppose un intérêt actuel et pratique comparable à celui exigé à l'art. 89 al. 1 LTF (arrêts 1C_384/2021 du 18 août 2022 consid. 3.3.1; 2C_323/2020 du 18 juin 2020 consid. 1.2.1; 2C_1067/2014 du 18 mars 2016 consid. 2.2.2; 2C_341/2014 du 2 décembre 2015 consid. 1.3; AUBRY GIRARDIN, op. cit., n° 78 ad art. 89; WALDMANN, op. cit., n° 45 ad art. 89), mais qui peut se concentrer sur l'application correcte du droit fédéral.
1.2.4. En l'occurrence, pour justifier sa qualité pour recourir, l'Administration fédérale des contributions fait valoir que le cas d'espèce soulève une question juridique concrète jamais tranchée par le Tribunal fédéral et à laquelle le Tribunal administratif fédéral aurait donné une réponse contraire au droit fédéral. Cette question est de savoir si une notification d'estimation émise par l'Administration fédérale des contributions peut partiellement entrer en force suite au paiement par le contribuable d'une partie des reprises d'impôt figurant dans celle-ci et si, en conséquence, dans le cas d'espèce, la correction de l'impôt en faveur de l'administration pour la période fiscale 2011 doit être considérée comme entièrement ou partiellement atteinte par la prescription absolue du droit de taxation. La problématique soulevée par la recourante a ainsi trait à l'interprétation et à la portée de l'art. 43 al. 1 let. b LTVA qui relève de son domaine de compétence et est susceptible d'apparaître dans de nombreuses autres procédures. Il existe dès lors un intérêt public pratique et actuel à ce que le Tribunal fédéral s'assure que l'instance précédente a fait une application correcte du droit fédéral sur ce point. On ne saurait dès lors retenir en l'espèce que l'Administration fédérale des contributions fait usage de son droit de recours dans le seul but de favoriser des intérêts purement privés ou de venir en aide à l'intimée.
Partant, la qualité pour recourir doit lui être reconnue en tant qu'elle invoque la LTVA.
1.3. En sus d'une violation de la LTVA, l'Administration fédérale des contributions se plaint de déni de justice et invoque une violation de l'art. 61 al. 1 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021) en lien avec des conclusions prises par la partie adverse devant l'instance précédente.
1.3.1. Outre dans les domaines relevant de leurs compétences spécifiques, les autorités fédérales peuvent également se plaindre, sur la base de l'art. 89 al. 2 let. a LTF, de la violation de dispositions fédérales dans des matières transversales qui touchent l'ensemble de l'administration fédérale (cf. arrêt 1C_14/2016 du 23 juin 2016 consid.1.3.2, non publié in ATF 142 II 324; cf. également WALDMANN, op. cit., n° 52 ad art. 89). Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré qu'armasuisse pouvait invoquer une violation de la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur la transparence (RS 152.3), bien que cette norme n'entrait pas dans son domaine spécifique de compétence, car, dans l'affaire en question, armasuisse avait été amenée à appliquer cette loi (arrêt 1C_14/2016 du 23 juin 2016 consid 1.3.2, non publié in ATF 142 II 324).
1.3.2. Lorsque l'autorité recourante invoque, cumulativement à des griefs de violation du droit fédéral relevant de sa compétence, la protection d'intérêts distincts et qui lui sont propres, elle ne peut le faire que moyennant un recours fondé sur la qualité ordinaire pour agir, soit l'art. 89 al. 1 LTF (cf. YVES DONZALLAZ, Loi sur le Tribunal fédéral - Commentaire, 2008, n° 3148).
1.3.3. En l'occurrence, faire constater un déni de justice et une violation de l'art. 61 al. 1 PA en lien avec des conclusions prises par la partie adverse devant l'instance précédente n'entre pas dans les attributions légales de l'Administration fédérale des contributions. Celle-ci n'explique en outre pas en quoi elle remplirait les exigences de l'art. 89 al. 2 let. a LTF sur ce point.
Il n'apparaît pas non plus que les conditions de l'art. 89 al. 1 LTF seraient à l'évidence réalisées. En effet, pour avoir la qualité pour recourir au sens de cette disposition, il faut notamment être atteint par la décision attaquée (let. b) et avoir un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). Or, la recourante invoque des garanties formelles en lien avec des conclusions prises par la partie adverse devant l'instance précédente qui ne la touchent pas directement. Elle n'a ainsi pas d'intérêt à recourir contre l'arrêt attaqué s'agissant de ce grief. Au demeurant, la recourante ne fournit aucune explication pour justifier sa qualité pour recourir sur ce point, en violation de l'art. 42 al. 2 LTF (ATF 134 II 45 consid. 2.2.3; 133 II 249 consid. 1.1).
En conséquence, il ne sera pas entré en matière sur le grief de déni de justice et de violation de l'art. 61 al. 1 PA.
1.4. Pour le reste, l'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF). En outre, le recours a été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF). Il convient dès lors d'entrer en matière, dans la mesure qui précède.
2.
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et b LTF ). Toutefois, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrue (cf. art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 146 I 62 consid. 3; 142 II 369 consid. 2.1; 141 I 36 consid. 1.3).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1).
3.
La recourante invoque une violation de l'art. 43 LTVA. Elle estime que le Tribunal administratif fédéral a à tort retenu que la créance fiscale découlant de la notification d'estimation pour la période fiscale 2011 pouvait partiellement entrer en force sur la base de l'art. 43 al. 1 let. b LTVA, à la suite du paiement par l'assujettie d'une partie des reprises d'impôts. Le montant de la créance fiscale découlant de l'auto-taxation de l'intimée pour l'année 2011 n'est pas l'objet du présent recours et ne sera dès lors pas examinée.
3.1. A teneur de l'art. 43 al. 1 LTVA, la créance fiscale entre en force par une décision, une décision sur réclamation ou un jugement entrés en force (let. a), par la reconnaissance écrite ou le paiement sans réserve, par l'assujetti, du montant figurant dans la notification d'estimation (let. b) ou par la prescription du droit de taxation (let. c).
3.2. Dans le système de la TVA prévaut le principe de l'auto-taxation (ATF 143 II 268 consid. 2.4; 140 II 202 consid. 5.4; 137 II 136 consid. 6.2). Cela signifie que la taxation et le paiement de l'impôt sont en principe effectués par l'assujetti lui-même. Celui-ci doit établir spontanément un décompte de l'impôt dû à l'Administration fédérale des contributions dans le délai légal et dans la forme prescrite (art. 71 al. 1 LTVA) et corriger les erreurs constatées ultérieurement (art. 72 LTVA). Il doit acquitter la créance fiscale née pendant une période de décompte dans les 60 jours qui suivent la fin de cette période (art. 86 al. 1 LTVA). L'assujetti est donc en principe lui-même responsable de l'exactitude du décompte (ATF 140 II 202 consid. 5.4). L'Administration fédérale des contributions peut toutefois effectuer des contrôles auprès des assujettis (art. 78 LTVA). De tels contrôles doivent être clôturés dans un délai de 360 jours à compter de l'annonce par une notification d'estimation; cette notification fixe le montant de la créance fiscale pour la période contrôlée (art. 78 al. 5 LTVA). Si les documents comptables font défaut ou sont incomplets ou que les résultats présentés par l'assujetti ne correspondent manifestement pas à la réalité, l'Administration fédérale des contributions procède, dans les limites de son pouvoir d'appréciation, à une taxation par estimation (art. 79 al. 1 LTVA). Dans ce cas également, la fixation de la créance fiscale se fait par le biais d'une notification d'estimation (art. 79 al. 2 LTVA).
3.3. La notification d'estimation n'est pas décrite plus précisément dans la loi; il s'agit d'une institution juridique
sui generis. La jurisprudence assimile la notification d'estimation à une proposition de taxation ("Vorabbescheid") offrant à l'assujetti la possibilité d'exercer son droit d'être entendu avant qu'une décision de taxation ne soit rendue à son égard; elle constitue simultanément un succédané de décision ("Verfügungssurrogat"), en ce sens qu'elle acquiert force de chose décidée en cas de reconnaissance écrite ou de paiement sans réserve, par l'assujetti, du montant qu'elle retient, conformément à l'art. 43 al. 1 let. b LTVA, tandis qu'en cas de désaccord ou d'inaction de l'assujetti, le fisc est contraint d'ouvrir une procédure décisionnelle (cf. art. 43 al. 1 let. a LTVA) ou en recouvrement (poursuite) sujette à opposition et à décision de mainlevée conformément à l' art. 86 al. 3 et 4 LTVA (ATF 140 II 202 consid. 5.5).
3.4. En vertu de l'art. 42 al. 1 LTVA, le droit de taxation se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale pendant laquelle la créance est née. Une déclaration écrite sujette à réception visant à fixer ou à corriger la créance fiscale, une décision, une décision sur réclamation ou un jugement interrompent la prescription, de même que l'annonce d'un contrôle ou le début d'un contrôle non annoncé selon l'art. 78 al. 3 LTVA (art. 42 al. 2 LTVA). Si la prescription est interrompue par l'Administration fédérale des contributions ou par une instance de recours, le délai recommence à courir. Le nouveau délai est de deux ans (art. 42 al. 3 LTVA). Le droit de taxation se prescrit dans tous les cas par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pendant laquelle la créance est née (art. 42 al. 6 LTVA).
3.5. En l'espèce, s'agissant de la période fiscale 2011 qui est la seule litigieuse sous cet angle, le Tribunal administratif fédéral a retenu que la prescription relative du droit de taxation avait été régulièrement et valablement interrompue par la recourante, ce que cette dernière ne conteste pas. En revanche, s'agissant de la prescription absolue pour cette période fiscale, l'instance précédente a constaté que le délai de dix ans avait été atteint le 31 décembre 2021. Il ressort de l'arrêt attaqué que le seul élément susceptible de faire échec à la prescription de la créance fiscale découlant de la notification d'estimation est le paiement partiel acquitté le 9 juillet 2018 par l'intimée. D'après le Tribunal administratif fédéral, ce paiement, effectué sans réserve, a fait entrer en force la créance fiscale à hauteur du montant versé, conformément à l'art. 43 al. 1 let. b LTVA. La recourante soutient, quant à elle, que la créance fiscale découlant d'une notification d'estimation pour une période fiscale déterminée ne peut pas partiellement entrer en force; l'art. 43 al. 1 let. b LTVA l'interdirait.
3.6. Il sied dès lors d'interpréter l'art. 43 al. 1 let. b LTVA.
3.6.1. Un acte normatif s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge doit rechercher la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur telle qu'elle ressort, entre autres, des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 147 III 78 consid. 6.4; 147 I 241 consid. 5.7.1).
3.6.2. En l'espèce, le texte de l'art. 43 al. 1 let. b LTVA ne prévoit pas la possibilité qu'une créance fiscale entre partiellement en force à la suite d'une reconnaissance écrite ou d'un paiement sans réserve de l'assujetti qui ne couvrirait pas l'entier du montant ressortant de la notification d'estimation. Il ne l'exclut pas expressément non plus, même si la formulation peu claire de cette disposition ("du montant figurant dans la notification d'estimation") semble le sous-entendre. Les textes allemand ("die schriftliche Anerkennung oder die vorbehaltlose Bezahlung einer Einschätzungsmitteilung durch die steuerpflichtige Person") et italien ("il riconoscimento scritto o il pagamento senza riserve da parte del contribuente di un avviso di tassazione"), qui indiquent que la créance fiscale entre en force à la suite d'une reconnaissance écrite ou d'un paiement sans réserve par l'assujetti d'une notification d'estimation, ne permettent d'arriver à une conclusion contraire.
3.6.3. Les travaux préparatoires en lien avec l'art. 43 al. 1 let. b LTVA n'évoquent pas la problématique des paiements partiels. Le législateur s'est cependant référé pour justifier l'adoption de cette disposition à l'arrêt 2A.320/2002 du 2 juin 2003 qui relativise le principe de l'auto-taxation dans le cadre de l'impôt sur le chiffre d'affaires dans le sens que la personne assujettie ne peut pas demander le remboursement d'un impôt qu'elle a payé sans réserve (FF 2008 6277, p. 6375). En effet, selon cet arrêt, ce qu'un contribuable a payé sans réserve sur la base d'une auto-déclaration qu'il a déposée et d'éventuelles corrections apportées à cette déclaration par l'Administration fédérale des contributions est définitivement acquis à cette dernière (consid. 3.4.2 et les références citées). Ainsi, la jurisprudence sur laquelle s'est fondé le législateur pour édicter l'art. 43 al. 1 let. b LTVA considérait que tout montant versé par l'assujetti sans réserve faisait entrer en force la créance fiscale à hauteur de cette somme (cf. également MICHAEL BEUSCH, Der Untergang der Steuerforderung, 2012, p. 125).
3.6.4. Par ailleurs, lorsque l'assujetti reconnaît par écrit ou paie sans réserve des montants ressortant d'une notification d'estimation, cela implique que tant le contribuable que l'Administration fédérale des contributions reconnaissent le bien-fondé de la part d'impôt concerné. Le système de taxation en matière de TVA reposant sur le principe de l'auto-taxation qui implique que l'assujetti déclare et paie l'impôt de son propre chef, on peine à percevoir ce qui pourrait objectivement justifier que la portion de créance retenue par l'administration et reconnue et/ou payée sans réserve par l'assujetti n'entre pas en force et puisse encore se prescrire. Une solution inverse aboutirait en outre à un résultat contraire à l'un des objectifs de l'Administration fédérale des contributions, à savoir assurer la perception équitable et efficace des impôts et taxes fédéraux relevant de sa compétence (cf. art. 12 al. 1 let. b de l'ordonnance fédérale du 17 février 2010 sur l'organisation du Département fédéral des finances [Org DFF; RS 172.215.1]). En effet, si on nie la possibilité d'une entrée en force partielle de la créance fiscale et que celle-ci se prescrit, comme en l'espèce, l'administration fiscale ne pourrait pas demander le paiement de montants pourtant reconnus, respectivement l'assujetti pourrait demander le remboursement des sommes déjà versées sur la base de l'art. 88 al. 3 LTVA (cf. FELIX GEIGER, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die Mehrwertsteuer/Loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée, 2015, n° 17 ss, spéc. n° 21 ad art. 88).
3.6.5. La doctrine est également d'avis que, lorsque la reconnaissance écrite ou le paiement sans réserve portent sur une partie seulement du montant figurant dans la notification d'estimation, la créance fiscale entre en force, respectivement s'éteint, à concurrence de ce montant (cf. MARIE-CHANTAL MAY CANELLAS, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die Mehrwertsteuer/Loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée, 2015, n° 24 ad art. 43; BEUSCH, op. cit., p. 122 s, lequel précise que l'Administration fédérale des contributions ne peut pas refuser un paiement partiel).
3.6.6. En conséquence, l'interprétation historique, téléologique et systématique de l'art. 43 al. 1 let. b LTVA est confirmée par la doctrine.
3.7. Les arguments de la recourante n'apportent aucun élément susceptible de conduire à une autre interprétation de l'art. 43 al. 1 let. b LTVA.
3.7.1. En effet, on ne voit pas en quoi le principe en vertu duquel la prescription absolue du droit de taxation ne s'attache pas à une prestation déterminée, mais à une période fiscale, serait déterminant pour interpréter la disposition litigieuse, comme le soutient la recourante. Même si la prescription absolue du droit de taxation est acquise depuis le 31 décembre 2021 pour l'entier de la période fiscale 2011, celle-ci a eu des conséquences différentes sur les éléments constituant la créance globale de la Confédération en matière de TVA à l'encontre de l'intimée, qu'elle que soit l'interprétation de l'art. 43 al. 1 let. b LTVA. Ainsi, elle a fait entrer en force l'auto-taxation de l'intimée pour cette période (cf. art. 43 al. 1 let. c LTVA), alors que le droit de taxation portant sur la créance complémentaire découlant de la notification d'estimation s'est, à tout le moins partiellement, définitivement prescrit.
3.7.2. De même, quoi qu'en dise la recourante, l'interprétation faite de l'art. 43 al. 1 let. b LTVA par le Tribunal administratif fédéral n'engendre pas une insécurité juridique pour les assujettis, puisque ce sont eux qui décident de reconnaître par écrit ou payer sans réserve les montants objet de la notification d'estimation. Ils savent donc quels postes de la créance fiscale ils ont reconnus ou payés et sont partant entrés en force. Au contraire, l'interprétation de l'Administration fédérale des contributions crée une plus grande insécurité juridique, puisqu'elle implique que la portion de créance fiscale découlant de la notification d'estimation reconnue et/ou payée sans réserve par l'assujetti doit encore faire l'objet d'une décision ou d'un jugement définitif pour entrer en force (cf. art. 43 al. 1 let. a LTVA).
3.7.3. Enfin, la recourante relève qu'admettre qu'une créance fiscale puisse partiellement entrer en force sur la base de l'art. 43 al. 1 let. b LTVA aurait pour conséquence de complexifier le processus de recouvrement des créances impayées, en induisant une double procédure d'encaissement. En effet, le juge de la mainlevée de l'opposition est compétent pour ordonner l'exécution forcée de la portion de créance fiscale reconnue par l'assujetti et, à ce titre, entrée en force (cf. art. 80 al. 1 et al. 2 ch. 5 LP), alors que l'Administration fédérale des contributions est compétente pour prononcer la mainlevée d'opposition de la portion de créance qui n'est pas entrée en force (cf. art. 89 al. 2 et 3 LTVA ).
Contrairement à ce que soutient la recourante, la problématique de la double procédure d'encaissement doit être relativisée. Elle ne se pose pas lorsqu'une partie de la créance fiscale a été payée et est ainsi entrée en force, comme en l'espèce, le recouvrement ne portant alors que sur le montant de la créance non encore acquitté. En outre, la reconnaissance par écrit par l'assujetti d'une partie de créance est un titre à la mainlevée définitive (cf. art. 80 al. 1 et al. 2 ch. 5 LP), de sorte que le litige devant le juge de la mainlevée d'opposition ne peut porter que sur l'exécution forcée de la créance fiscale reconnue et non sur le bien-fondé de celle-ci. En revanche, la procédure relevant de la compétence de l'Administration fédérale des contributions porte sur le bien-fondé de la créance fiscale et la mainlevée de l'opposition. Une telle procédure au fond est donc plus complexe et plus longue qu'une procédure ayant trait exclusivement à l'exécution forcée de la créance fiscale. Il apparaît donc plus efficient que seule la partie de créance qui n'a pas été reconnue par écrit sans réserve fasse l'objet d'une procédure au fond. En outre, cela évite que l'entier de la créance se prescrive, si aucun jugement définitif n'intervient dans les dix ans (cf. art. 42 al. 6 LTVA).
Ainsi, les désagréments pour l'Administration fédérale des contributions engendrés par une double procédure d'encaissement n'apparaissent pas suffisants pour conduire à une autre interprétation de l'art. 43 al. 1 let. b LTVA.
3.8. En conséquence, il sied de retenir que, sous l'angle de l'art. 43 al. 1 let. b LTVA, un assujetti peut reconnaître par écrit ou payer sans réserve une partie de la créance fiscale découlant d'une notification d'estimation; la créance fiscale entre alors en force et ne peut plus se prescrire à hauteur de ce montant.
3.9. Le Tribunal administratif fédéral a donc fait une interprétation et une application correcte de l'art. 43 al. 1 let. b LTVA, en retenant que la reprise d'impôt à hauteur de 13'336 fr. pour la période fiscale 2011 était prescrite, sous réserve de la part du versement de 12'386.60 fr. afférent à cette période. L'arrêt attaqué doit être confirmé sur ce point.
4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, doit être rejeté.
L'intimée, qui procède avec l'assistance d'un mandataire profession nel, a droit à des dépens à la charge de la Confédération (art. 68 al. 1 LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
La Confédération versera à l'intimée une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, au mandataire de l'intimée et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.
Lausanne, le 15 novembre 2022
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
Le Greffier : A. Wiedler