Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_81/2024
Arrêt du 15 novembre 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys et von Felten.
Greffière : Mme Kistler Vianin.
Participants à la procédure
A.A.________,
représenté par Me Alain Ribordy, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de l'État de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg,
intimé.
Objet
Révision (appropriation illégitime d'importance
mineure, etc.),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal
de l'État de Fribourg, Cour d'appel pénal,
du 15 décembre 2023 (501 2023 74).
Faits :
A.
Par arrêt du 31 août 2022, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a très partiellement admis l'appel de A.A.________ et rejeté celui du Ministère public fribourgeois, reconnaissant A.A.________ coupable d'appropriation illégitime d'importance mineure (art. 137 ch. 2 al. 2 et 172ter al. 1 CP), de mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP) et de violation grave des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR).
En relation avec l'infraction d'appropriation illégitime d'importance mineure, elle a retenu les faits suivants:
B.A.________, la mère de A.A.________, est propriétaire de trois parcelles dans la Commune de U.________. Le réseau de randonnée pédestre cantonal transite par une route d'alpage située sur ses parcelles. Des panneaux indicateurs de randonnée pédestre y ont été apposés. La famille A.________ s'oppose à ce que leur route privée fasse l'objet d'un tracé de randonnée pédestre. Le 8 mai 2019, A.A.________ a dérobé des panneaux de signalisation pédestre et l'Office du tourisme de U.________, V.________ et la région (ci-après: l'Office du tourisme) a porté plainte.
B.
Le 11 mai 2023, A.A.________ a déposé une demande de révision de l'arrêt cantonal du 31 août 2022, concluant à sa modification en ce sens qu'il est acquitté du chef de prévention d'appropriation illégitime d'importance mineure et que l'amende additionnelle est supprimée. À l'appui de cette demande, il a produit un arrêt du 6 février 2023 de la II e Cour administrative du Tribunal cantonal fribourgeois, ainsi qu'une lettre du 13 mars 2023 de Me C.________ (art. 410 al. 1 let. a CPP).
Ce dernier arrêt constate que l'Office du tourisme n'avait pas le droit d'installer des panneaux indiquant que la route, propriété de B.A.________, pouvait être utilisée comme un chemin de randonnée pédestre, sans avoir préalablement obtenu un permis de construire (consid. 5), ce qui supposait d'obtenir l'accord de la propriétaire précitée de la route ou d'engager une procédure d'expropriation (consid. 6).
Dans sa lettre du 13 mars 2023, Me C.________ a écrit que "la pose des panneaux de signalisation des chemins de randonnée pédestre n'est pas de la compétence de sa cliente (à savoir de l'Office du tourisme), mais de l'Union fribourgeoise du Tourisme".
Par arrêt du 15 décembre 2023, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté la demande de révision formée par A.A.________.
C.
Le 20 octobre 2022, A.A.________ a formé un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 31 août 2022, concluant à un acquittement total (7B_150/2022). Par ordonnance du 16 mai 2023, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a suspendu la procédure fédérale jusqu'à droit connu sur la demande de révision formée le 11 mai 2023.
D.
Contre l'arrêt cantonal du 15 décembre 2023, A.A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à sa réforme en ce sens que sa demande de révision est admise et qu'il est acquitté du chef de prévention d'appropriation illégitime d'importance mineure. À titre subsidiaire, il requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Dans les deux cas, il demande que les frais soient mis à la charge de l'Office du tourisme et une indemnité en application de l'art. 436 al. 4 CPP.
Considérant en droit :
1.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir rejeté sa demande de révision.
1.1. Aux termes de l'art. 410 al. 1 let. a CPP, toute personne lésée par un jugement entré en force peut en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère ou plus sévère du condamné.
Les faits ou moyens de preuve invoqués doivent ainsi être nouveaux et sérieux.
Par faits, on entend les circonstances susceptibles d'être prises en considération dans l'état de fait qui fonde le jugement. Quant aux moyens de preuve, ils apportent la preuve d'un fait, qui peut déjà avoir été allégué. Une opinion, une appréciation personnelle ou une conception juridique nouvelles ne peuvent pas justifier une révision (ATF 141 IV 93 consid. 2.3; 137 IV 59 consid. 5.1.1; arrêt 6B_1125/2023 du 21 mai 2024 consid. 2.1.1).
Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux s'ils sont restés inconnus du juge au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2; arrêt 6B_596/2023 du 31 août 2023 consid. 4). Comme cela ressort sans ambiguïté du texte de la loi, les faits n'en doivent pas moins avoir existé antérieurement à la décision (vor dem Entscheid eingetretene Tatsachen; nuovi fatti [...] anteriori alla decisione; nouvelle teneur en français depuis le 1er janvier 2024, FF 2019 6351 p. 6421; cf. sur ce point notamment ATF 141 IV 349 consid. 2.2; arrêt 6B_1083/2021 du 16 décembre 2022 consid. 2.3, non publié in ATF 149 IV 105). Ainsi, la disparition d'une condition à l'ouverture de l'action pénale, tel qu'un retrait de plainte, survenue seulement après l'entrée en force du jugement ne constitue pas un motif de révision (arrêt 6B_1083/2021 précité consid. 2.3 non publié in ATF 149 IV 105 et les références citées).
Les faits sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 145 IV 197 consid. 1.1; 137 IV 59 consid. 5.1.4; arrêt 6B_596/2023 précité consid. 4). Le fait qu'il suffit qu'un jugement plus clément soit "possible" ne signifie pas que la révision doive être admise chaque fois qu'une modification du jugement précédent n'apparaît pas impossible ou exclue. Il faut qu'elle apparaisse certaine, probable ou au moins vraisemblable. Autoriser une révision en faveur du condamné dès lors qu'un jugement plus favorable n'est pas exclu reviendrait à résoudre unilatéralement, au détriment de la sécurité juridique, le conflit d'intérêt entre sécurité juridique (maintien du jugement antérieur) et justice matérielle (correction d'une erreur judiciaire) qui existe lors de la fixation des conditions de la révision du procès (ATF 116 IV 353 consid. 5a).
Savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une juste conception de faits ou de moyens de preuve nouveaux et sérieux est une question de droit. En revanche, savoir si un fait ou un moyen de preuve était effectivement inconnu du juge est une question de fait qui peut être revue pour arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves. Il en va de même de la question de savoir si un fait nouveau ou un moyen de preuve nouveau est propre à modifier l'état de fait retenu puisqu'elle relève de l'appréciation des preuves, étant rappelé qu'une vraisemblance suffit au stade du rescindant. Enfin, c'est de nouveau une question de droit de savoir si la modification de l'état de fait est juridiquement pertinente, c'est-à-dire de nature, en fonction des règles de droit de fond applicables, à entraîner une décision plus favorable au condamné en ce qui concerne la culpabilité, la peine ou les mesures (ATF 130 IV 72 consid. 1 et les arrêts cités; arrêts 6B_1125/2023 précité consid. 2.1.4; 6B_660/2022 du 7 mars 2023 consid. 2.1).
1.2. La procédure du rescindant instituée par le Code de procédure pénale se déroule, en principe, en deux phases, à savoir un examen préalable de la recevabilité ( art. 412 al. 1 et 2 CPP ) et un examen des motifs invoqués ( art. 413 al. 1 et 3 CPP ).
1.2.1. Selon l'art. 412 al. 2 CPP, la juridiction d'appel n'entre pas en matière sur la demande de révision si celle-ci est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé. Cet examen préalable et sommaire porte principalement sur les conditions de recevabilité de la demande de révision (par exemple la qualité pour recourir, le respect des conditions de délai et de forme de la demande, le caractère définitif du jugement entrepris, l'existence d'un motif de révision sur le plan abstrait, etc.). La jurisprudence a précisé que la juridiction d'appel pouvait également refuser d'entrer en matière lorsque les motifs de révision invoqués apparaissaient d'emblée non vraisemblables ou mal fondés (ATF 143 IV 122 consid. 3.5 p. 129; arrêt 6B_273/2020 du 27 avril 2020 consid. 1.1), ou encore lorsque la demande de révision semblait abusive (arrêts 6B_1110/2019 du 18 décembre 2019 consid. 1.1.2; 6B_324/2019 du 24 avril 2019 consid. 3.1).
1.2.2. L'examen du bien-fondé du motif de révision relève de la deuxième phase du rescindant. La juridiction d'appel peut, soit rejeter la demande après avoir déterminé les compléments de preuves à administrer, le motif étant mal fondé (art. 412 al. 3 et 4 et 413 al. 1 CPP; cf. par exemple, arrêts du Tribunal fédéral 6B_688/2020 du 15 octobre 2020 et 6B_682/2019 du 22 août 2019), soit constater que le motif de révision est fondé et procéder conformément à l'art. 413 al. 2 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1197/2020 du 19 juillet 2021 consid. 1.4). Au stade de l'examen des motifs de la révision, la juridiction d'appel ne doit pas se livrer à la même analyse que celle qu'effectuerait la juridiction de jugement. Elle doit concrètement rechercher si les moyens invoqués sont objectivement crédibles ou non selon le critère de la vraisemblance (MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du Code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2016, n° 2 ad art. 413 CPP).
2.
Dans un premier grief, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir rejeté sa demande de révision en tant qu'elle se fondait sur l'arrêt cantonal rendu le 6 février 2023 par la cour administrative fribourgeoise. Il explique que cet arrêt constate l'illicéité de la pose des panneaux indicateurs de randonnée pédestre et qu'il était en conséquence en droit de les enlever en application de l'art. 926 CC en lien avec l'art. 14 CP.
2.1. La cour cantonale a admis l'existence d'un fait nouveau (trouble illicite de la possession constaté par l'arrêt administratif du 6 février 2023), mais a considéré que celui-ci n'était pas sérieux, dans la mesure où le comportement du recourant, consistant à dérober les panneaux de signalisation, n'était pas justifié selon l'art. 926 CC et ne pouvait donc conduire à la libération du recourant.
2.2. L'arrêt de la cour administrative fribourgeoise déclare que l'intégration d'un chemin à un réseau de randonnées et la pose des panneaux homologués nécessitaient des démarches administratives (permis de construire, servitude ou expropriation). Savoir si, en définitive, la pose des panneaux de randonnée pédestre indiquant que la route privée de B.A.________ pouvait être utilisée comme chemin de randonnée entraîne ou non un trouble illicite de la possession du recourant est une question juridique. L'arrêt du 31 août 2022 est donc tout au plus entaché d'une erreur de droit, que la voie de la révision ne permet pas de corriger. Il appartient donc au recourant d'agir par la voie du recours en matière pénale au Tribunal fédéral, ce qu'il a d'ailleurs fait. Le rejet du motif de révision doit donc être confirmé, par substitution de motifs.
3.
Le recourant fait valoir un second motif de révision, à savoir une lettre du 13 mars 2023 de Me C.________, avocat de l'Office du tourisme. Dans cette lettre, Me C.________ a écrit que "la pose des panneaux de signalisation des chemins de randonnée pédestre n'est pas de la compétence de sa cliente (à savoir de l'Office du tourisme), mais de l'Union fribourgeoise du Tourisme". Pour le recourant, cette lettre démontrerait un fait pertinent et méconnu de l'arrêt du 31 août 2022, à savoir que l'Office du tourisme n'était pas "l'ayant droit à l'usage des panneaux, dont il n'était par ailleurs pas non plus le propriétaire". Il en conclut que la plainte pénale déposée par l'Office du tourisme ne serait pas valable.
De nouveau, savoir si l'Office du tourisme était le propriétaire ou l'ayant droit des panneaux indicateurs est une question de droit, qui a été examinée par la cour d'appel dans son arrêt du 31 août 2022 et qui est contestée par le recourant dans son recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Les compétences de l'Office du tourisme ressortent également du droit cantonal. Il s'ensuit que la voie de révision n'est pas ouverte. Le grief soulevé doit donc être rejeté.
4.
Le recours doit être rejeté.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Cour d'appel pénal, et à l'Office du tourisme de U.________.
Lausanne, le 15 novembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Kistler Vianin