Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_163/2023, 4A_490/2023
Arrêt du 16 janvier 2025
I
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Hurni, président, Kiss, Denys, Rüedi et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
4A_163/2023 et 4A_490/2023
État N.________,
recourant,
contre
X.________,
intimée,
Z.________,
partie intéressée.
Objet
arbitrage international,
recours en matière civile contre le jugement rectifié rendu le 13 février 2023 par le Tribunal de première instance genevois (C/13588/2021-XP JTPI 2189/2023) et contre l'arrêt rendu le 21 août 2023 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/13588/2021, ACJC/1055/2023).
Faits :
A.
En 2019, la société de droit suisse Y.________, se fondant sur la clause arbitrale insérée dans un contrat qu'elle avait conclu avec la société étrangère X.________ (ci-après: le Contrat) - qui réservait à un tribunal arbitral de trois membres, avec siège situé en dehors de la Suisse, le règlement des litiges que l'exécution de cet accord pourrait engendrer -, a engagé une procédure d'arbitrage contre X.________ La demanderesse a désigné l'arbitre A.________
La défenderesse a conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la requête d'arbitrage et, subsidiairement, au rejet de celle-ci. Elle a en outre appelé en cause l'État N.________ et pris des conclusions reconventionnelles à son encontre. Elle a également nommé son propre arbitre en la personne de B.________ et demandé que l'État N.________ accepte l'arbitre désigné par la demanderesse ou en choisisse un conjointement avec cette dernière.
L'État N.________ n'a pas donné suite à cette dernière requête.
La faillite de Y.________ (ci-après: Y.________ en liquidation) a été prononcée en 2020.
B.
B.a. Le 15 juillet 2021, X.________, invoquant l'existence d'un for de nécessité en Suisse au sens de l'art. 3 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), a saisi le Tribunal de première instance genevois (ci-après: le Tribunal de première instance) d'une requête en nomination d'arbitres dirigée contre Y.________ en liquidation et l'État N.________ Elle a conclu, principalement, à la confirmation, respectivement à la désignation de A.________ et de B.________ en qualité de coarbitres dans la procédure d'arbitrage initiée en 2019, subsidiairement à la désignation d'un coarbitre commun de l'État N.________ et de Y.________ en liquidation. Plus subsidiairement encore, elle a requis la nomination des trois arbitres devant composer le tribunal arbitral.
En juillet 2022, Z.________, cessionnaire des droits de la masse en faillite de Y.________ en liquidation, s'est vu reconnaître la qualité de partie à la procédure.
En cours de procédure, l'État N.________ a requis la limitation de la procédure à l'examen de son immunité juridictionnelle et la fixation d'un délai pour lui permettre de présenter ses arguments sur ce point.
Par ordonnance du 31 octobre 2022, le Tribunal de première instance a rejeté la requête tendant à la limitation de la procédure. Selon lui, la question de l'immunité de juridiction de l'État concerné pourrait être traitée à titre préjudiciel dans le cadre de la décision de nomination des arbitres. Au pied de cette ordonnance figurait l'indication selon laquelle celle-ci était susceptible de recours auprès de la Cour de justice du canton de Genève.
Z.________ a conclu au rejet de la requête présentée par X.________.
L'État N.________ a interjeté un recours au niveau cantonal contre l'ordonnance du 31 octobre 2022.
B.b. Par jugement du 13 février 2023, rectifié ultérieurement sur requête de X.________, le Tribunal de première instance, indiquant statuer " en instance unique et par voie de procédure sommaire ", a confirmé A.________ et B.________ " à titre de coarbitres dans la procédure d'arbitrage commercial international ad hoc initiée en 2019 et opposant, d'une part, X.________, à, d'autre part, l'État N.________ et Y.________ en liquidation, respectivement Z.________". Il a mis les frais de la procédure conjointement à la charge de Z.________ et de l'État N.________ et les a condamnés solidairement à payer à X.________ un montant de 10'000 fr. à titre de dépens.
En bref, le Tribunal de première instance a considéré que sa compétence
ratione loci, fondée sur l'art. 3 LDIP (for de nécessité), n'avait pas été remise en cause par les intimés à la requête en nomination d'arbitres, si bien qu'il y avait eu acceptation tacite de leur part au sens de l'art. 6 LDIP.
Le Tribunal de première instance a ensuite examiné la question de l'immunité juridictionnelle de l'État N.________ Il l'a fait sur la base de l'art. 17 de la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens (publiée in FF 2009 1481 ss; ci-après: la CNUIJE) - traité ratifié par la Suisse mais non encore en vigueur - en tant qu'expression du droit international coutumier. Au terme de son analyse, il a jugé que l'application de cette disposition, en vertu de laquelle un État ne peut pas invoquer son immunité de juridiction devant les tribunaux d'un autre État dans une procédure se rapportant à un arbitrage lorsqu'il a conclu par écrit un accord avec un sujet de droit étranger en vue de soumettre à l'arbitrage des contestations relatives à une transaction commerciale, faisait obstacle à ce que l'État N.________ puisse se prévaloir avec succès de son immunité juridictionnelle.
Se fondant ensuite sur l'art. 179 LDIP, le Tribunal de première instance a estimé qu'il lui appartenait de permettre à la procédure arbitrale d'aller de l'avant. En ce qui concerne la validité de l'appel en cause de l'État N.________ opéré par X.________ dans le cadre de la procédure d'arbitrage, il a considéré que ce problème relevait du fond et qu'il appartiendrait dès lors au Tribunal arbitral de trancher la question de savoir si l'appelé en cause revêtait effectivement la qualité de partie à l'arbitrage. Après avoir relevé que la procédure arbitrale était bloquée depuis début 2020, que pour une raison indéterminée A.________ et B.________ n'avaient donné aucune suite à la demande qui leur avait été faite de désigner le président du Tribunal arbitral, que des doutes subsistaient quant à la validité de la nomination d'un coarbitre désigné exclusivement par Y.________ en liquidation, à l'exclusion de l'État N.________, et quant au point de savoir si le mandat de A.________ avait pris fin en raison de la faillite de Y.________ en liquidation, le Tribunal de première instance a jugé que la nomination des deux arbitres précités, respectivement leur confirmation, permettrait de lever ces incertitudes.
B.c. Le 27 février 2023, l'État N.________ a appelé de ce jugement auprès de la Cour de justice du canton de Genève. Il a conclu, principalement, à l'annulation de la décision entreprise ainsi qu'à la constatation de son immunité juridictionnelle dans le cadre de la présente affaire et, partant, de l'incompétence du Tribunal de première instance à son égard.
L'État N.________ a également interjeté, le 17 mars 2023, un recours en matière civile au Tribunal fédéral, assorti d'une requête d'effet suspensif, à l'encontre du jugement de première instance rendu le 13 février 2023 (cause 4A_163/2023). Pour justifier semblable démarche, il a fait valoir que la modification de l'art. 179 LDIP, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, avait créé une incertitude quant à la possibilité de recourir au niveau cantonal contre la décision relative à la nomination d'un arbitre prise par le juge d'appui dans le cadre d'un arbitrage international.
Par ordonnance présidentielle du 22 mars 2023, la procédure de recours 4A_163/2023 a été suspendue jusqu'à droit connu sur l'appel introduit auprès de la cour cantonale.
Statuant par arrêt du 21 août 2023, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, après avoir fait droit à la requête de jonction des causes présentée par l'État N.________, a déclaré irrecevables le recours interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 31 octobre 2022 ainsi que l'appel dirigé contre le jugement rendu le 13 février 2023. En bref, elle a considéré qu'il n'existait aucune voie de recours cantonale permettant d'attaquer une ordonnance et une décision prises par le juge d'appui dans le cadre d'une procédure tendant à la nomination d'arbitres sur la base de l'art. 179 LDIP.
C.
C.a. Le 2 octobre 2023, l'État N.________ (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif, aux fins d'obtenir l'annulation de cet arrêt (cause 4A_490/2023). Il a sollicité la jonction des procédures 4A_163/2023 et 4A_490/2023.
Par ordonnance présidentielle du 5 octobre 2023, la requête de jonction des causes a été rejetée et la suspension de la procédure fédérale 4A_163/2023 maintenue jusqu'à droit connu dans la cause 4A_490/2023.
Le 19 octobre 2023, X.________ (ci-après: l'intimée) a présenté une requête de sûretés en garantie de ses dépens dans le cadre de la procédure 4A_490/2023, laquelle a été rejetée par ordonnance du 16 janvier 2024.
Dans la procédure 4A_490/2023, l'intimée a conclu à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci. Elle a aussi proposé le rejet de la requête d'effet suspensif.
Z.________ (ci-après: la partie intéressée) a indiqué s'en remettre à justice.
La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt.
L'effet suspensif a été octroyé au recours par ordonnance du 6 mars 2024.
Le recourant a déposé une réplique, suscitant le dépôt d'une duplique de la part de l'intimée.
C.b. Par ordonnance présidentielle du 11 juillet 2024, la reprise de l'instruction a été ordonnée dans la cause 4A_163/2023.
Dans sa réponse du 19 septembre 2024, l'intimée a présenté une requête tendant à la jonction des causes 4A_163/2023 et 4A_490/2023. Elle a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet. Elle a également plaidé en faveur du rejet de la demande d'effet suspensif.
La partie intéressée ne s'est pas déterminée sur le sort à réserver au recours objet de la procédure 4A_163/2023.
Le Tribunal de première instance a indiqué s'en remettre à justice s'agissant de la requête d'effet suspensif et se référer aux considérants de son jugement sur le fond.
La demande d'effet suspensif a été admise par ordonnance du 30 septembre 2024.
Le recourant a répliqué spontanément le 15 octobre 2024, suscitant le dépôt d'une duplique de la part de l'intimée en date du 7 novembre 2024.
Considérant en droit :
1.
En l'espèce, les deux recours soumis à l'examen du Tribunal fédéral sont étroitement liés, puisqu'ils sont dirigés contre deux décisions rendues par les autorités cantonales genevoises de première et deuxième instances dans le cadre d'une seule et même affaire. Ils ont été formés par le même recourant et les parties au litige sont identiques dans les deux cas. De plus, de la réponse à apporter à une question juridique dépendent la recevabilité du recours dirigé directement contre le jugement de première instance et le sort du recours visant l'arrêt cantonal d'irrecevabilité. Par conséquent, les causes 4A_163/2023 et 4A_490/2023 seront jointes pour être traitées dans un seul et même arrêt, conformément à l'art. 24 de la loi sur la procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 (PCF; RS 273), applicable par analogie en vertu du renvoi de l'art. 71 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110).
2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 I 239 consid. 2; 143 III 140 consid. 1).
2.1. L'intimée conteste la recevabilité des deux recours adressés au Tribunal fédéral. Elle soutient que la décision par laquelle le juge d'appui nomme un arbitre n'est sujette à aucun recours. Elle considère que cette solution s'impose également lorsque, comme en l'espèce, la compétence à raison du lieu du juge étatique repose sur le for de nécessité visé par l'art. 3 LDIP.
2.2.
2.2.1. Dans un arrêt rendu le 11 septembre 1989, la Cour de céans a jugé que la décision de nomination d'un arbitre prise par le juge d'appui dans le cadre d'un arbitrage international ne peut pas faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral (ATF 115 II 295 consid. 3). Elle a souligné que semblable solution se trouve en parfaite harmonie avec la volonté du législateur et le but de la loi sur le droit international privé, qui est, notamment, de limiter les voies et moyens de recours ouverts aux plaideurs en matière d'arbitrage international. À cette occasion, le Tribunal fédéral a en outre insisté sur le fait que cette restriction ne pouvait porter aucun préjudice aux parties concernées, puisque les moyens prévus à l' art. 190 al. 2 let. a et b LDIP restaient à leur disposition (ATF 115 II 294 consid. 3).
Dans plusieurs décisions ultérieures, la Cour de céans a maintenu cette jurisprudence, en rappelant qu'aucune voie de recours au Tribunal fédéral n'est ouverte contre une décision de nomination d'un arbitre prise en application de l'art. 179 LDIP (ATF 141 III 444 consid. 2.2.2.1; 121 I 81 consid. 1b; arrêts 4P.157/1994 du 20 juin 1995 consid. 3; 4P.113/1994 du 10 janvier 1995 consid. 1b).
Dans un arrêt de principe publié aux ATF 142 III 230, rendu dans le cadre d'un arbitrage interne, le Tribunal fédéral a considéré qu'aucune voie de recours - cantonale ou fédérale - n'est ouverte contre la décision par laquelle le juge d'appui nomme un arbitre sur la base de l'art. 362 du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC; RS 272). À cette occasion, il a notamment rappelé que l'absence de possibilité de recours contre une décision de nomination d'un arbitre prise par le juge d'appui reflète la volonté du législateur de limiter les voies de droit disponibles dans le domaine de l'arbitrage afin de préserver l'autonomie et la célérité de l'arbitrage (ATF 142 III 230 consid. 1.4.2). Il a, par ailleurs, relevé que la compétence du tribunal arbitral, question qu'il appartient aux arbitres d'examiner eux-mêmes indépendamment de la décision de nomination rendue par le juge d'appui, ne peut être attaquée que dans le cadre d'un recours dirigé contre une sentence. La Cour de céans a également souligné que la décision par laquelle le juge d'appui nomme un arbitre - nomination à laquelle il est tenu de procéder, sauf si un examen sommaire démontre qu'il n'existe aucune convention d'arbitrage entre les parties - ne peut être attaquée ni directement ni indirectement, c'est-à-dire conjointement avec un recours en matière civile dirigé contre la sentence ultérieure, incidente ou finale, par laquelle l'arbitre unique désigné (ou le tribunal arbitral constitué) avec l'aide du juge d'appui admet sa compétence sans être lié par les motifs retenus à ce propos dans la décision étatique de nomination (ATF 142 III 230 consid. 1.4.4; arrêts 4A_112/2021 du 9 septembre 2021 consid. 5.3.1; 4A_407/2017 du 20 novembre 2017 consid. 2.2.1). Le Tribunal fédéral a toutefois laissé indécise la question de savoir si un recours est tout de même possible, lorsque le juge d'appui qui désigne un arbitre se prononce simultanément sur une demande de récusation visant ce dernier (ATF 142 III 230 consid. 1.4.4).
2.2.2. À l'issue de ce tour d'horizon, il apparaît que la jurisprudence exclut en principe toute possibilité de recours contre la décision de nomination d'un arbitre rendue par le juge d'appui, tant en matière d'arbitrage international que dans le domaine de l'arbitrage interne. C'est le lieu de confirmer ici la règle jurisprudentielle selon laquelle une telle décision ne peut en principe pas être remise en cause directement ou indirectement.
2.2.3. Dans les circonstances tout à fait singulières de la présente cause, il se justifie, toutefois, de déroger exceptionnellement à cette règle et, partant, d'admettre la possibilité de recourir contre la décision rendue le 13 février 2023 par le Tribunal de première instance. La situation juridique qui caractérise cette affaire est, en effet, sans commune mesure avec celle qui correspond au cas ordinaire du recours au juge d'appui suisse pour la désignation d'un arbitre.
Il faut bien voir que la compétence à raison du lieu du juge d'appui helvétique est intrinsèquement liée au siège de l'arbitrage (cf. art. 179 al. 2 LDIP et 356 al. 2 let. a CPC). Ainsi, les décisions du Tribunal fédéral excluant toute voie de recours contre les nominations d'arbitre effectuées par le juge d'appui ont toujours été rendues dans le cadre d'affaires où la compétence de celui-ci ne prêtait nullement à discussion, étant donné que le siège de l'arbitrage était en Suisse. En l'espèce, la situation est tout autre, dès lors que le siège de l'arbitrage se trouve à l'étranger et que l'intimée a invoqué le for de nécessité visé par l'art. 3 LDIP pour introduire sa requête devant le juge d'appui genevois. Or, l'applicabilité même du for de nécessité, en Suisse, dans le domaine de l'arbitrage international, ne va pas de soi. Le Tribunal fédéral n'a en effet jamais tranché la question de savoir si le juge d'appui peut admettre sa compétence sur cette base-là pour nommer un arbitre. Quelques auteurs ont certes évoqué cette possibilité (Kaufmann-Kohler/Rigozzi, International Arbitration - Law and Practice in Switzerland, 2015, n. 4.64; Homayoon Arfazadeh, Juge d'appui et for de nécessité, Bull. ASA 1996 p. 328; François Knöpfler, Note à propos de la sentence partielle du 11 octobre 2000 dans l'affaire CCI No. 10439, in Revue de l'arbitrage 2004 p. 430; Roland Budin, Les clauses arbitrales internationales, Genève 1993, p. 27; cf. aussi BESSON/RIGOZZI, La réforme du droit suisse de l'arbitrage international, Revue de l'arbitrage 2021 p. 27 ss, qui examinent l'intervention du juge d'appui suisse, sur la base du nouvel art. 179 al. 2 LDIP, lorsque le siège de l'arbitrage est indéterminé). Statuant par arrêt du 1er février 2005 dans le cadre d'une célèbre cause initiée en août 1995 qui avait été marquée par une série de péripéties procédurales, la Cour de cassation française a pour sa part admis la compétence du juge d'appui français pour désigner un arbitre quand bien même le siège de l'arbitrage n'avait pas été fixé dans cet État, motif pris de ce que la partie ayant introduit sa requête devant les juridictions françaises était exposée à un risque de déni de justice (pour davantage de détails, cf. l'arrêt 4A_146/2012 du 10 janvier 2013). Cette affaire, qui a fait couler beaucoup d'encre et suscité de nombreux commentaires (arrêt 4A_146/2012, précité, consid. 2.4 et les références citées), a conduit les autorités françaises à adopter, en janvier 2011, le décret n° 2011-48 portant réforme de l'arbitrage. Ledit décret a consacré, à l'art. 1505 ch. 4 du Code de procédure civile français, la jurisprudence de l'arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2005 en faisant du risque de déni de justice un motif suffisant à justifier la mise en oeuvre du juge d'appui français en matière d'arbitrage international (arrêt 4A_146/2012, précité, consid. 3.3.2).
Il est toutefois loin d'être certain que la solution dégagée par la Cour de cassation française puisse être transposée dans le droit suisse, respectivement que l'art. 3 LDIP permette de fonder la compétence du juge d'appui suisse en matière d'arbitrage international. Eu égard à l'incertitude régnant en droit suisse au sujet de l'applicabilité même de cette disposition à l'arbitrage international, une partie ne saurait ainsi être contrainte de participer à une procédure d'arbitrage, sans pouvoir remettre en cause la compétence internationale du juge d'appui helvétique ayant nommé des arbitres en vue de la mise en oeuvre d'un arbitrage dont le siège se trouve à l'étranger. Dans ces conditions, il convient de reconnaître exceptionnellement à une partie le droit de recourir directement contre la décision de nomination d'un arbitre prise par le juge d'appui suisse lorsque celui-ci tire sa compétence de l'art. 3 LDIP.
Cette solution s'impose d'autant plus que la possibilité pour une partie de remettre indirectement en cause la décision prise par le juge d'appui dans un tel cas de figure semble
a priori exclue. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, lorsque le juge d'appui, saisi d'une demande ad hoc, nomme un arbitre, sa décision ne jouit certes pas de l'autorité de la chose jugée, de sorte que les arbitres ont encore la faculté d'examiner de manière indépendante la compétence et la régularité de la composition du tribunal arbitral (ATF 115 II 294 consid. 2a; 110 Ia 59 consid. 2b; arrêts 4A_407/2017, précité, consid. 2.3.1.2; 4A_146/2012, précité, consid. 3.3.2). On imagine toutefois mal, en pratique, qu'un tribunal arbitral s'autorise à revoir si la juridiction du pays ayant désigné l'un de ses membres était compétente pour ce faire au regard de sa propre législation (cf. dans le même sens: arrêt 4A_146/2012, précité, consid. 3.3.2). Force est, par ailleurs, de souligner que la décision par laquelle le juge d'appui nomme un arbitre ne peut pas être attaquée indirectement, c'est-à-dire conjointement avec un recours en matière civile dirigé contre une sentence ultérieure (ATF 142 III 230 consid. 1.4.4). Ainsi, à supposer même qu'un recours en matière civile puisse en l'occurrence être formé au Tribunal fédéral à l'encontre d'une sentence rendue par un tribunal arbitral siégeant à l'étranger, ce qui semble exclu, la partie recourante ne pourrait de toute manière pas attaquer indirectement la décision prise par le juge d'appui genevois. Dans une affaire où le siège du tribunal arbitral avait été fixé en Suisse seulement une fois la procédure d'arbitrage ouverte, la Cour de céans a du reste considéré qu'une partie n'était pas recevable à remettre en cause indirectement - à l'occasion d'un recours dirigé contre la sentence incidente par laquelle le tribunal arbitral avait admis la régularité de sa constitution - la compétence internationale du juge d'appui français qui avait procédé à la nomination d'un arbitre contre son gré (arrêt 4A_146/2012, précité, consid. 3.3.2).
Indépendamment de ce qui précède, un motif supplémentaire commande, en l'occurrence, d'admettre, à titre exceptionnel, l'existence d'une voie de recours directe à l'encontre de la décision prise par le juge d'appui genevois. Dans son jugement du 13 février 2023, le Tribunal de première instance a en effet écarté, dans un premier temps, l'exception d'immunité de juridiction soulevée par le recourant, comme il s'était réservé la faculté de le faire dans son ordonnance du 31 octobre 2022 où il avait rejeté la requête de cet État qui tendait à restreindre la procédure à l'examen de cette exception-là. Si l'on appliquait schématiquement la règle jurisprudentielle excluant toute possibilité de recours contre la décision de nomination d'un arbitre prise par le juge d'appui, cela reviendrait en l'espèce à priver l'État concerné de tout moyen de droit lui permettant de faire contrôler le respect de son immunité juridictionnelle et à le contraindre à se défendre sur le fond de l'affaire. Une telle solution ne serait guère compatible avec la nature même de l'exception d'immunité de juridiction. Il est en effet incompatible avec le principe même de l'immunité de contraindre un État à procéder sur le fond alors qu'en invoquant sa souveraineté, il entend précisément se soustraire, conformément au droit qui est le sien, à toute juridiction d'un autre État (ATF 124 IIl 382 consid. 3b). L'intérêt de l'État qui se prévaut de son immunité de juridiction commande ainsi que cette question soit résolue avant toute autre (ATF 124 Ill 382 consid. 3b). Autrement dit, la limitation de la procédure est le corollaire nécessaire de l'invocation par un État de son immunité de juridiction. En l'espèce, le Tribunal de première instance, refusant de circonscrire la procédure à l'examen de l'exception d'immunité juridictionnelle, nonobstant la requête formulée en ce sens par le recourant, a écarté ladite exception dans le cadre de la décision par laquelle il a nommé, respectivement confirmé deux arbitres. Dans ces circonstances, il convient d'autoriser l'État concerné à former un recours contre cette décision aux fins de contester le rejet de son exception d'immunité juridictionnelle.
2.3. L'existence d'une voie de recours à l'encontre du jugement rendu le 13 février 2023 par le Tribunal de première instance devant être reconnue à titre exceptionnel, il reste encore à déterminer si un appel pouvait être formé auprès de l'autorité cantonale supérieure ou si la décision prise par le juge d'appui devait être attaquée immédiatement devant le Tribunal fédéral. Si la Cour de céans entre en matière sur le recours en matière civile dirigé contre le jugement de première instance, elle devra en effet rejeter le recours formé à l'encontre de l'arrêt cantonal d'irrecevabilité.
2.3.1. Tout recours contre une décision par laquelle le juge d'appui nomme un arbitre est en principe exclu. Lorsqu'un tel recours est néanmoins admis à titre exceptionnel comme en l'espèce, la voie de droit qu'une partie est censée emprunter doit, par souci de clarté et de cohérence, correspondre à celle disponible lorsqu'une partie entend contester la décision par laquelle le juge d'appui refuse de nommer un arbitre.
2.3.2. Selon l'art. 75 al. 1 LTF, le recours en matière civile est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance. Les cantons instituent des tribunaux supérieurs comme autorités cantonales de dernière instance qui statuent sur recours, sauf si une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique (art. 75 al. 2 let. a LTF), si un tribunal spécialisé dans les litiges de droit commercial statue en instance cantonale unique (art. 75 al. 2 let. b LTF) ou si une action ayant une valeur litigieuse d'au moins 100'000 francs est déposée directement devant le tribunal supérieur avec l'accord de toutes les parties (art. 75 al. 2 let. c LTF). L'exigence d'un tribunal supérieur, résultant de l'art. 75 al. 2 LTF, si elle est certes appliquée strictement par le Tribunal fédéral, n'est toutefois pas sans exceptions (cf. ATF 141 III 444 consid. 2.2.3.1 et les exemples cités). À cet égard, l'arbitrage, considéré sous l'angle de l'art. 75 LTF, apparaît comme une institution singulière, dans la mesure où le recours visant une sentence interne ou internationale est exorbitant des règles fixées par cette disposition, attendu qu'il est recevable directement contre les sentences rendues par des tribunaux privés (art. 77 LTF). Ainsi, même au regard de l'art. 75 al. 2 LTF, la Cour de céans a estimé qu'un traitement spécifique des décisions prises par les tribunaux étatiques dans le cadre d'un arbitrage international ou interne ne peut pas être exclu d'emblée (ATF 141 III 444 consid. 2.2.3.2).
2.3.3. Jusqu'au 1er janvier 2011, l'art. 179 al. 2 aLDIP (RO 1988 p. 1818) commandait au juge d'appui, en l'absence de convention des parties, d'appliquer par analogie les dispositions du droit cantonal sur la nomination des arbitres. Sur la base de cette disposition légale, le Tribunal fédéral a considéré, dans un arrêt ancien, que la LDIP n'interdisait pas au droit cantonal d'instituer une voie de recours cantonale à l'encontre des décisions du juge d'appui (ATF 119 Ia 421). Sous l'empire de l'ancienne loi de procédure civile genevoise, il avait notamment constaté que le législateur genevois avait voulu exclure la voie de l'appel contre les décisions de nomination d'un arbitre par le juge d'appui (ATF 121 I 81 consid. 1a; arrêt 4P.113/1994, précité, consid. 2b aa; cf. aussi l'arrêt 4A_215/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.2.2).
Lors de l'entrée en vigueur du CPC, l'art. 179 al. 2 aLDIP a été modifié (RO 2010 p. 1852). Il prévoyait alors que le juge d'appui devait appliquer par analogie les dispositions du CPC sur la nomination, la révocation ou le remplacement des arbitres. Ce renvoi visait ainsi notamment l'art. 356 al. 2 CPC, en vertu duquel le canton du siège du tribunal arbitral doit désigner une autorité juridictionnelle qui statue en "instance unique" sur les requêtes tendant à la désignation d'un arbitre. Ayant assimilé l'art. 356 al. 2 CPC à une disposition d'une loi fédérale prescrivant une "instance cantonale unique" au sens de l'art. 75 al. 2 let. a LTF, le Tribunal fédéral a considéré que la décision par laquelle le juge d'appui refuse de nommer un arbitre ou déclare irrecevable la requête
ad hoc peut être attaquée directement par la voie du recours en matière civile, quand bien même elle n'émane pas d'un tribunal statuant sur recours, y compris lorsque le juge d'appui qui rend cette décision n'est pas un tribunal supérieur au sens de l'art. 75 al. 2 LTF (ATF 141 III 444 consid. 2.3). À cette occasion, il a souligné que, dans sa quasi-totalité, la doctrine considérait que la décision du juge d'appui refusant de faire droit à une requête en nomination d'un arbitre, rendue dans le cadre d'un arbitrage interne ou international, était directement attaquable devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (ATF 141 III 444 consid. 2.2.5 et les références citées).
Depuis lors, la situation a évolué sur le plan législatif. Dans sa nouvelle teneur entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (RO 2020 p. 4180), l'art. 179 LDIP ne renvoie plus à l'art. 356 al. 2 CPC.
2.3.4. Vu la suppression du renvoi aux règles du CPC, et singulièrement à l'art. 356 al. 2 CPC, se pose ainsi la question de savoir si le juge d'appui appelé à nommer un arbitre sur la base de l'art. 179 LDIP statue toujours en tant qu'instance cantonale unique ou si les cantons peuvent, respectivement doivent prévoir un régime distinct de celui applicable en matière d'arbitrage interne et, partant, aménager une voie de recours au niveau cantonal à l'encontre d'une telle décision.
Selon le Message du Conseil fédéral du 24 octobre 2018 concernant la modification de la LDIP, le projet de révision visait à améliorer la sécurité et la clarté du droit, notamment en inscrivant dans la loi les précisions apportées par la jurisprudence du Tribunal fédéral et en levant certaines ambiguïtés de sorte à rendre l'application de la loi encore plus aisée (FF 2018 p. 7161). Afin d'améliorer la lisibilité de la réglementation applicable dans le domaine de l'arbitrage international, l'idée était de codifier entièrement cette matière dans une unique loi, à savoir la LDIP, et, partant, de supprimer les renvois aux dispositions du CPC sur l'arbitrage interne (FF 2018 p. 7163). Les considérations formulées dans ledit Message ne permettent ainsi pas d'accréditer la thèse selon laquelle la suppression du renvoi à l'art. 356 al. 2 CPC, prévu autrefois par l'art. 179 al. 2 aLDIP, avait pour but de renoncer à l'exigence que le juge d'appui statue en instance cantonale unique lorsqu'il est appelé à nommer un arbitre et, par voie de conséquence, de laisser aux cantons le soin d'aménager une voie de recours permettant de contester une telle décision, alors même qu'une telle possibilité est exclue en matière d'arbitrage interne. Comme le soulignent plusieurs auteurs, il y a lieu d'admettre que le nouvel art. 179 al. 2 LDIP contient, sur ce point, une lacune, étant donné que le législateur n'a pas réglé cette question alors qu'il aurait pu et dû le faire (Diana Akikol, Bundesgesetz über das Internationale Privatrecht (IPRG) - Internationale Schiedsgerichtsbarkeit, Commentaire bernois, 2023, no 128 ad art. 179 LDIP; Berger/Kellerhals, International and Domestic Arbitration in Switzerland, 4ème éd. 2021, n. 843; LAZOPOULOS/LEIMGRUBER, in Gehri et al. [édit.], Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2023, no 5 ad art. 251a CPC).
Il convient de combler cette lacune, en vertu de l'art. 1 al. 2 CC, parce qu'il est indispensable, pour des motifs liés à la prévisibilité du droit, qu'une partie sache auprès de quelle autorité elle doit recourir si elle entend remettre en cause la décision prise par le juge d'appui sur la base de l'art. 179 LDIP. Pour ce faire, il sied de rappeler une nouvelle fois que le législateur a souhaité limiter dans la mesure du possible les voies de droit disponibles en matière d'arbitrage afin de garantir notamment la célérité de la procédure d'arbitrage (ATF 142 III 230 consid. 1.4.2). Or cet objectif serait mis à mal, au préjudice de l'attractivité de la place d'arbitrage suisse, si l'on admettait que les cantons puissent, respectivement doivent aménager une voie de recours à l'encontre de la décision rendue par le juge d'appui, en tant que préalable obligatoire à la saisine du Tribunal fédéral. Cela pourrait en effet retarder sensiblement la mise en oeuvre de la procédure d'arbitrage, voire favoriser les manoeuvres dilatoires. Une telle solution serait d'autant moins souhaitable qu'elle reviendrait, paradoxalement, à soumettre le contrôle des décisions prises par le juge d'appui sur la base de l'art. 179 LDIP à un contrôle étatique accru (deux voies de recours successives) par rapport au régime applicable en matière d'arbitrage interne, alors que la réglementation du chapitre 12 de la LDIP se veut plus libérale (FF 2018 p. 7165).
La jurisprudence récente illustre aussi la tendance du Tribunal fédéral à préconiser un régime harmonisé s'agissant des voies de droit disponibles à l'encontre des décisions du juge d'appui, indépendamment du point de savoir si celles-ci ont été rendues dans dans le cadre d'un arbitrage international ou interne. Ainsi, pour admettre l'existence d'un recours direct au Tribunal fédéral contre la décision par laquelle le juge d'appui refuse de nommer un arbitre ou déclare irrecevable la requête ad hoc en matière d'arbitrage interne, la Cour de céans s'est notamment référée à la solution proposée par une doctrine abondante dans le domaine de l'arbitrage international (ATF 141 III 444 consid. 2.2.5). Pour exclure tout recours contre la décision de nomination d'un arbitre effectuée sur la base de l'art. 362 al. 2 CPC, le Tribunal fédéral n'a pas hésité à transposer dans l'arbitrage interne sa jurisprudence développée en matière d'arbitrage international, allant même jusqu'à qualifier l'art. 179 al. 2 aLDIP de norme parallèle à l'art. 362 CPC ("Parallelnorm"; ATF 142 III 230 consid. 1.4.2).
Au vu de ce qui précède, il convient de combler la lacune constatée à l'art. 179 al. 2 LDIP, en ce sens que la solution prévue par l'art. 356 al. 2 CPC et la jurisprudence y relative est applicable
mutatis mutandis lorsque le juge d'appui est appelé à nommer un arbitre dans le cadre d'un arbitrage international (cf. dans le même sens: Akikol, op. cit., no 128 ad art. 179 LDIP; Berger/Kellerhals, op. cit., 4ème éd. 2021, n. 843; LAZOPOULOS/LEIMGRUBER, op. cit., no 5 ad art. 251a CPC; cf. toutefois Andreas Bucher, L'attractivité du toilettage du chapitre 12 de la LDIP, SRIEL 2021 p. 261 s., qui estime que l'art. 356 al. 2 CPC ne peut pas s'appliquer par analogie. À son avis, la compétence matérielle et fonctionnelle du juge d'appui relève exclusivement de l'organisation judiciaire cantonale conformément à la règle générale de l'art. 4 CPC). Par conséquent, la décision par laquelle le juge d'appui refuse de nommer un arbitre en matière d'arbitrage international n'est susceptible d'aucun recours au niveau cantonal. Une telle décision est, en revanche, directement attaquable devant le Tribunal fédéral, quand bien même elle n'émane pas d'un tribunal statuant sur recours, y compris lorsque le juge d'appui qui rend cette décision n'est pas un tribunal supérieur au sens de l'art. 75 al. 2 LTF.
2.3.5. En l'occurrence, le jugement rendu le 13 février 2023 par le Tribunal de première instance devait être attaqué immédiatement auprès du Tribunal fédéral, étant donné que le recours exceptionnellement ouvert en l'espèce doit être calqué sur la voie de droit qu'aurait dû emprunter une partie désirant contester la décision du juge d'appui rejetant une demande de nomination d'un arbitre.
Dans ses écritures, le recourant conteste l'applicabilité même de l'art. 179 al. 2 LDIP dans la présente affaire sous prétexte qu'il ne s'agirait pas d'un arbitrage international régi par le chapitre 12 de la LDIP, motif pris de ce que le siège de l'arbitrage se trouve à l'étranger. Cela étant, s'il fallait faire abstraction de cette dernière disposition, la base légale fondant en l'espèce la compétence du Tribunal de première instance ne pourrait être que l'art. 3 LDIP (for de nécessité). Or, cette norme se borne à ouvrir la porte du juge suisse, à certaines conditions, mais elle ne modifie pas l'aménagement des voies de droit prévu par la LTF. De par sa nature tout à fait spéciale, telle que la jurisprudence l'a mise en lumière relativement au droit suisse de l'arbitrage (ATF 144 III 444 consid. 2.2.3.2), la décision du juge d'appui de nommer un arbitre, même prise en application de l'art. 3 LDIP - que cette disposition soit applicable ou non en matière d'arbitrage (question pouvant demeurer indécise) - constitue, comme celle fondée directement sur l'art. 179 al. 2 LDIP, une décision, assimilable à une décision émanant d'une instance cantonale unique (art. 75 al. 2 let. a LTF), contre laquelle le recours en matière civile est ouvert quand bien même elle n'a pas été rendue par un tribunal supérieur selon l'art. 75 al. 2 LTF.
Partant, c'est à bon droit que la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a déclaré irrecevables le recours et l'appel formés respectivement contre l'ordonnance du 31 octobre 2022 et le jugement du 13 février 2023 du Tribunal de première instance. L'indication erronée, dans ladite ordonnance, que celle-ci pouvait faire l'objet d'un recours au niveau cantonal n'y change rien, étant donné qu'une fausse indication des moyens de droit ne saurait créer une voie de recours inexistante (ATF 129 III 88 consid. 2.1).
2.4. Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le recours dirigé contre l'arrêt cantonal d'irrecevabilité rendu le 21 août 2023 (cause 4A_490/2023). Le recourant, qui succombe, supportera dès lors les frais afférents à ladite procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à la partie intéressée, qui s'en est simplement remise à justice quant au sort de ce recours.
2.5. Il reste à examiner si les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile dirigé contre le jugement rendu le 13 février 2023 par le Tribunal de première instance sont remplies.
En l'espèce, le jugement attaqué doit être qualifié de décision finale au sens de l'art. 90 LTF, même s'il ne constitue qu'une étape dans la mise en oeuvre de l'arbitrage, puisqu'il met un terme à la procédure conduite devant le juge d'appui suisse (cf. dans le même sens: ATF 142 III 230 consid. 1.4.4; AKIKOL, op. cit., no 302 ad art. 179 LDIP; LAZOPOULOS/LEIMGRUBER, op. cit., no 5 ad art. 251a CPC; ALEXANDER MARKUS, Rechtsmittel gegen Entscheide des juge d'appui bei der internationalen Schiedsgerichtsbarkeit der Schweiz, Bull. ASA 2013 p. 507).
Étant donné que la solution prévue à l'art. 356 al. 2 CPC vaut également lorsque le juge d'appui statue sur une requête tendant à la nomination d'un arbitre dans le cadre d'un arbitrage international et que la jurisprudence a assimilé ladite norme à une disposition d'une loi fédérale prescrivant une instance cantonale unique selon l'art. 75 al. 2 let. a LTF (ATF 141 III 444 consid. 2.3), il convient d'admettre ici aussi que le recours en matière civile est recevable sans égard à la valeur litigieuse de l'affaire pécuniaire, vu l'art. 74 al. 2 let. b LTF.
Pour le reste, qu'il s'agisse du délai de recours, de la qualité pour recourir ou encore des conclusions prises par le recourant, aucune de ces conditions de recevabilité ne pose problème en l'espèce. Rien ne s'oppose ainsi à l'entrée en matière dans la cause 4A_163/2023.
3.
Dans un moyen qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant dénonce une violation de son immunité juridictionnelle. Il reproche en particulier au Tribunal de première instance d'avoir enfreint l'art. 17 CNUIJE, disposition sur laquelle ce dernier s'est fondé pour rejeter l'exception d'immunité de juridiction soulevée par l'État concerné.
3.1.
3.1.1. L'ordre international repose sur le principe que tous les États sont souverains et juridiquement égaux (arrêt 4A_386/2011 du 4 août 2011 consid. 3). Les immunités de l'État étranger présentent deux aspects, l'immunité de juridiction et l'immunité d'exécution, cette dernière étant en général la simple conséquence de l'autre (ATF 130 III 136 consid. 2.1; 124 III 382 consid. 4a).
L'absence de toute hiérarchie entre les États exclut en principe que l'un d'entre eux soit soumis à des actes d'autorité, y compris juridictionnels, d'un autre État, conformément à la maxime selon laquelle
par in parem non habet jurisdictionem, les immunités étant une exception au principe de la souveraineté territoriale (ATF 130 III 136 consid. 2.1 et les références citées). Il s'ensuit qu'en règle générale, aucun État ne peut être soumis à la juridiction des tribunaux d'un autre État, et que chaque État, s'il est néanmoins poursuivi devant les tribunaux d'un autre, peut invoquer l'immunité de juridiction (arrêt 4A_386/2011, précité, consid. 3).
3.1.2. Lorsque l'État défendeur se prévaut de l'immunité de juridiction, cette question doit être tranchée d'entrée de cause, car l'intérêt de l'État commande que cette question soit résolue avant toute autre (ATF 124 III 382 consid. 3b). Il ne serait en effet guère compatible avec le principe même de l'immunité de forcer un État à procéder sur le fond (ATF 124 III 382 consid. 3b). Le Tribunal fédéral a également rappelé, à plusieurs reprises, que la théorie des faits de double pertinence n'est pas applicable lorsque l'immunité de juridiction est invoquée par un État (ATF 147 III 159 consid. 2.2; 141 III 294 consid. 5.3; 131 III 153 consid. 5.1; 124 III 382 consid. 3b).
3.1.3. Selon les règles générales du droit international public telles que dégagées de longue date par la jurisprudence, un État étranger peut se prévaloir de son immunité de juridiction lorsqu'il agit en vertu de sa souveraineté (
iure imperii). En revanche, il peut être assigné devant les tribunaux suisses lorsqu'il agit comme titulaire d'un droit privé ou au même titre qu'un particulier (
iure gestionis), à condition toutefois que le rapport de droit privé auquel il est partie soit rattaché de manière suffisante au territoire suisse (ATF 134 III 570 consid. 2.2; 124 III 382 consid. 4a et les références citées; arrêts 4A_308/2022 du 20 septembre 2022 consid. 3.1.2; 4A_481/2021 du 4 juillet 2022 consid. 3.1).
En principe, l'immunité de juridiction des États est régie par le droit international coutumier (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme rendu le 5 février 2019 dans la cause Ndayegamiye-Mporamazina contre la Suisse, requête n. 16874/12, § 21; ATF 134 III 122 consid. 5.1; CHRISTIAN J. TAMS, Preamble, in O'Keefe/Tams [édit.], The United Nations Convention on Jurisdictional Immunities of States and Their Property, 2013, p. 32; JOCHEN LANGKEIT, Staatenimmunität und Schiedsgerichtsbarkeit, 1989, p. 30). Pour trancher les questions relatives aux immunités de juridiction, il convient de s'inspirer de la CNUIJE, signée par la Suisse le 19 septembre 2006 et ratifiée le 16 avril 2010. Dans son Message du 25 février 2009 concernant l'approbation et la mise en oeuvre de la CNUIJE, le Conseil fédéral a souligné que cet accord répond à la nécessité d'établir un régime uniforme et mondial dans un domaine essentiel au bon fonctionnement de la société internationale (FF 2009 p. 1444). Il a également relevé que la Suisse a un intérêt particulier à la stabilité juridique apportée par un régime des immunités étatiques universellement applicable (FF 2009 p. 1444). La CNUIJE n'est certes pas encore entrée en vigueur, faute de ratification par un nombre suffisant d'États; néanmoins, cet accord se veut la codification du droit international coutumier en matière d'immunité de juridiction, de sorte que le bien-fondé de l'exception d'immunité de juridiction peut être examiné à la lumière des règles de cette convention (ATF 134 III 122 consid. 5.1; arrêts 4A_308/2022, précité, consid. 3.1.2; 4A_331/2014 du 31 octobre 2014 consid. 3.1; 4A_544/2011 du 30 novembre 2011 consid. 2.1; JÉROME CANDRIAN, La Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, SJ 2006 II p. 95).
L'art. 5 de la CNUIJE consacre le principe général de l'immunité de l'État et de ses biens devant les tribunaux d'un autre État, sous réserve des exceptions énoncées dans cette convention.
Sous le titre "Effet d'un accord d'arbitrage", l'art. 17 CNUIJE énonce ce qui suit:
"Si un État conclut par écrit un accord avec une personne physique ou morale étrangère afin de soumettre à l'arbitrage des contestations relatives à une transaction commerciale, cet État ne peut invoquer l'immunité de juridiction devant un tribunal d'un autre État, compétent en l'espèce, dans une procédure se rapportant:
a) A la validité, à l'interprétation ou à l'application de l'accord d'arbitrage;
b) A la procédure d'arbitrage; ou
c) A la confirmation ou au rejet de la sentence arbitrale,
à moins que l'accord d'arbitrage n'en dispose autrement."
3.2. Dans le jugement attaqué, le Tribunal de première instance estime que l'art. 17 CNUIJE empêche en l'occurrence l'État concerné de se prévaloir avec succès de son immunité de juridiction. Selon lui, la circonstance selon laquelle cet État "n'était pas - à tout le moins directement - partie au Contrat, et donc lié par la clause compromissoire, n'est pas pertinent à ce stade", ce point relevant du fond du litige et ne devant pas être examiné par le juge d'appui. Le Tribunal de première instance considère, par ailleurs, que le fait d'admettre, sur le principe, que l'immunité de juridiction puisse faire échec à la nomination d'un arbitre par le juge d'appui étatique reviendrait à rendre inefficace toute clause compromissoire conclue avec un État dans le cadre d'activités relevant de sa souveraineté (
iure imperii), puisque l'État concerné pourrait se soustraire à toute procédure arbitrale en s'abstenant simplement de désigner un arbitre.
3.3.
3.3.1. Le recourant fait valoir qu'il bénéficie de l'immunité de juridiction, vu sa qualité d'État souverain, et qu'il s'est prévalu de celle-ci dès le début de la présente procédure, sans jamais y renoncer. Il soutient ne pas s'être engagé dans une relation commerciale avec l'intimée, puisqu'il n'est pas partie au Contrat qu'il n'a d'ailleurs jamais signé.
Le recourant fait par ailleurs grief au Tribunal de première instance de ne pas avoir limité la procédure à l'examen de son immunité de juridiction. Se référant notamment aux avis de droit établis par le Prof. C.________ qu'il a produits devant les autorités genevoises, il expose ensuite que l'art. 17 CNUIJE ne saurait s'appliquer en l'espèce, puisqu'il n'a pas accepté par écrit de se soumettre à une juridiction arbitrale. À son avis, si l'on suit le raisonnement tenu par le Tribunal de première instance, il suffirait qu'une partie allègue, de manière artificielle et dénuée de fondement, qu'un État étranger est lié par une clause arbitrale, alors que tel n'est manifestement pas le cas, pour l'attraire devant un juge étatique sans que l'État concerné ne puisse se prévaloir de son immunité de juridiction. Une telle solution reviendrait à vider de sa substance l'immunité de juridiction des États souverains.
3.3.2. Dans son mémoire de réponse, l'intimée prétend que le recourant aurait invoqué tardivement son immunité de juridiction. Elle soutient, par ailleurs, que l'État concerné y aurait renoncé en cours de procédure. À cet égard, elle souligne que le recourant a admis, dans le cadre de la procédure conduite devant le juge d'appui, que le point de savoir s'il est lié par le Contrat et s'il peut être attrait à la procédure d'arbitrage relève de la seule compétence du Tribunal arbitral qui sera saisi de cette question. En agissant comme il l'a fait, le recourant aurait ainsi manifesté son intention de renoncer à son immunité. L'intimée reproche en outre à l'État concerné d'avoir cherché à paralyser le bon déroulement de la procédure en usant de procédés dilatoires.
Se référant notamment à l'avis de droit établi par le Prof. D. qu'elle a produit devant la Cour de justice genevoise, l'intimée soutient que l'art. 17 CNUIJE empêche le recourant de se prévaloir de son immunité juridictionnelle. Selon elle, l'État qui refuse de nommer un arbitre et qui est considéré,
prima facie, comme étant lié par une convention d'arbitrage insérée dans un contrat commercial, alors même qu'il n'a pas signé ledit contrat, ne peut pas invoquer son immunité de juridiction devant le juge étatique compétent pour constituer le tribunal arbitral, y compris lorsque le litige met en jeu, au fond, des actes relevant de la souveraineté de cet État. Il n'est ainsi pas nécessaire, à son avis, que l'État concerné manifeste, par écrit, son adhésion à la clause d'arbitrage. À cet égard, l'intimée soutient que l'art. 17 CNUIJE trouve application dès l'instant où la possibilité d'une extension de la clause d'arbitrage à un État non signataire est rendue vraisemblable sur la base d'un examen
prima facie, respectivement à partir du moment où le juge d'appui estime qu'une telle hypothèse ne peut être exclue.
En tout état de cause, l'intimée prétend que l'acte de nomination d'un arbitre par le juge d'appui doit être qualifié d'acte accompli
iure gestionis au sens de l'art. 10 CNUIJE, ce qui exclut que l'État mis en cause puisse se prévaloir de son immunité de juridiction dans le cadre d'une telle procédure.
3.3.3. Dans sa réplique, le recourant rétorque qu'il a invoqué son immunité de juridiction dans le respect des formes et en temps utile. Il fait valoir qu'il n'a jamais renoncé à se prévaloir de son immunité ni manifesté une telle intention. Il relève ensuite que l'exigence prévue à l'art. 17 CNUIJE, selon laquelle l'État doit avoir conclu par écrit un accord afin de soumettre à l'arbitrage des contestations relatives à une transaction commerciale pour que l'on puisse admettre une renonciation de sa part à son immunité, n'est pas réalisée en l'espèce. Selon le recourant, l'intimée tente de pallier ce problème en faisant un parallèle non convaincant entre l'exigence visée par l'art. 17 CNUIJE et l'art. II par. 1 de la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères (RS 0.277.12; ci-après: CNY), qui fait mention d'une "convention écrite". Le recourant se réfère à cet égard aux considérations émises par le Prof. C.________ dans l'avis de droit qu'il a produit devant la Cour de justice genevoise.
3.3.4. Dans sa duplique, l'intimée soutient que les considérations émises par son adversaire à propos de son immunité de juridiction dans sa réplique sont nouvelles et, partant, irrecevables, tout comme l'avis de droit annexé à ladite écriture. En tout état de cause, elle maintient sa position selon laquelle le recourant aurait renoncé, lors de la procédure conduite devant le juge d'appui, à son immunité de juridiction. Elle estime en outre que l'exigence d'un accord conclu par écrit au sens de l'art. 17 CNUIJE doit être interprétée de manière large, à l'instar de ce qui prévaut concernant la condition d'une "convention écrite" visée par l'art. II par. 1 CNY.
3.4.
3.4.1. Eu égard à l'ensemble des circonstances procédurales de la cause en litige, la Cour de céans ne considère pas que le recourant aurait tardé indûment à se prévaloir de son immunité de juridiction, respectivement qu'il aurait manifesté son intention d'y renoncer lors de la procédure conduite devant le juge d'appui. C'est le lieu de souligner que, selon l'art. 8 par. 2 let. a CNUIJE, un État n'est pas réputé avoir consenti à l'exercice de la juridiction d'un tribunal d'un autre État s'il intervient dans une procédure ou y participe à seule fin d'invoquer l'immunité. En l'occurrence, il apparaît que le recourant a effectivement pris part à la procédure afin de se prévaloir de son immunité de juridiction au cours de la procédure menée devant le juge d'appui. Dans le délai prolongé à sa demande qui lui a été imparti pour se déterminer sur la requête de son adversaire, le recourant a ainsi sollicité, le 28 octobre 2022, la limitation de la procédure à l'examen de son immunité, requête qui a été rejetée à tort par le Tribunal de première instance. Que l'État recourant ait requis l'octroi d'un délai "pour se déterminer sur la requête en nomination d'arbitre", dans le cadre de sa demande de prolongation de délai présentée le 15 août 2022, ne signifie pas qu'il aurait, de ce fait, renoncé à son immunité juridictionnelle, comme le prétend l'intimée. Cette conclusion s'impose d'autant plus que, dans une note diplomatique établie le 6 septembre 2021, à laquelle se réfère l'intimée dans sa réponse (n. 174 s.), le recourant avait expressément réservé son droit de se prévaloir de son immunité de juridiction, une fois que les actes de la procédure lui auraient été valablement notifiés.
L'affirmation de l'intimée selon laquelle son adversaire aurait renoncé à son immunité au motif qu'il avait reconnu, dans ses déterminations du 13 décembre 2022, la compétence du Tribunal arbitral et, partant, renoncé "aussi clairement que définitivement à son immunité" (réponse, n. 169-171), est elle aussi infondée. Il apparaît, en effet, que le recourant s'est borné à indiquer ce qui suit:
" (...) La question de savoir si [le recourant] est partie au contrat litigieux, ce que ce dernier conteste fermement et que, d'ailleurs, [l'intimée] n'avait jamais prétendu jusqu'ici, ne relève en toute hypothèse pas de la compétence des juridictions suisses, mais de celle du Tribunal arbitral qui sera saisi de cette question".
Ce faisant, le recourant n'a fait que rappeler le principe de la compétence-compétence applicable en matière d'arbitrage. Une telle déclaration ne saurait ainsi être interprétée comme une renonciation de l'État concerné à se prévaloir de son immunité de juridiction devant le juge d'appui suisse saisi dans le cadre d'un arbitrage dont le siège se trouve à l'étranger.
3.4.2. Après avoir examiné attentivement les positions respectives des parties, la Cour de céans considère que la solution retenue dans le jugement attaqué ne résiste pas aux critiques dont elle est la cible de la part du recourant.
Aux termes de l'art. 17 CNUIJE, l'État doit avoir conclu
par écrit un accord d'arbitrage pour que l'on puisse admettre une renonciation de sa part à se prévaloir de son immunité. Autrement dit, il doit avoir manifesté, par écrit, son consentement à l'arbitrage. Il sied de relever que pareille exigence se retrouve aussi à l'art. 12 de la Convention européenne sur l'immunité des États du 16 mai 1972 (RS 0.273.1), dont la teneur est la suivante:
"Si un État Contractant a
accepté par écrit [passage mis en évidence par le Tribunal fédéral] de soumettre à l'arbitrage des différends déjà nés ou qui pourraient naître en matière civile ou commerciale, il ne peut invoquer l'immunité de juridiction devant un tribunal d'un autre État Contractant sur le territoire ou selon la loi duquel l'arbitrage doit avoir ou a eu lieu en ce qui concerne toute action relative:
(a) à la validité ou à l'interprétation de la convention d'arbitrage;
(b) à la procédure d'arbitrage;
(c) à l'annulation de la sentence, à moins que la convention d'arbitrage n'en dispose autrement ".
L'exigence d'un accord matérialisé sous la forme écrite tend visiblement à protéger les intérêts de l'État. Il faut en effet bien voir que la renonciation à l'immunité de juridiction d'un État est conçue comme une exception à la règle énoncée à l'art. 5 CNUIJE, laquelle prévoit que l'État jouit en principe de l'immunité de juridiction devant les tribunaux d'un autre État. La thèse de l'intimée, selon laquelle l'art. 17 CNUIJE aurait également vocation à s'appliquer lorsque l'État n'a pas conclu par écrit un accord en vue de se soumettre à l'arbitrage, se heurte non seulement au texte clair de cette disposition mais contredit aussi le but poursuivi par celle-ci. C'est ainsi en vain que l'intimée fait un parallèle entre l'art. 17 CNUIJE et l'art. II CNY, étant précisé que ces deux normes ne sont pas libellées de la même manière et traitent de problématiques distinctes. Sur la base des explications avancées par les parties et leurs experts respectifs, il n'est pas davantage possible de retenir qu'il existerait une coutume, en droit international, selon laquelle la règle ancrée à l'art. 17 CNUIJE s'appliquerait aussi vis-à-vis d'un État qui n'a pas conclu par écrit un accord en vue de se soumettre à l'arbitrage. Force est, par ailleurs, de relever le danger que comporte la thèse de l'intimée au regard de la protection de l'immunité juridictionnelle des États souverains. Si l'on suivait le raisonnement de l'intimée jusqu'au bout, une partie pourrait en effet se contenter de rendre vraisemblable, dans le cadre d'une procédure étatique tendant à la désignation d'un arbitre, qu'un État étranger est lié par une clause arbitrale contenue dans un contrat auquel il n'a pas adhéré par écrit, sans que cet État puisse se prévaloir de son immunité de juridiction. Ceci reviendrait à vider l'immunité juridictionnelle de sa substance et à contraindre l'État à se défendre, d'abord devant le juge d'appui, puis, le cas échéant, dans le cadre de la procédure d'arbitrage, aux fins de démontrer qu'il n'est pas lié par la clause d'arbitrage figurant dans un contrat qu'il n'a pas signé.
Contrairement à ce que prétend le Tribunal de première instance, admettre qu'un État puisse se prévaloir de son immunité juridictionnelle dans le cadre d'une procédure étatique tendant à la nomination d'un arbitre ne rendrait pas inefficace toute clause compromissoire opposable à cet État en lien avec des domaines relevant de sa souveraineté (
iure imperii). En vertu de l'art. 17 CNUIJE, l'État qui accepte par écrit de se soumettre à un arbitrage ne peut en effet plus se prévaloir de son immunité en relation avec les prétentions couvertes par la clause arbitrale, que ce soit devant le juge d'appui du siège de l'arbitrage convenu par les parties ou dans le cadre de la procédure d'arbitrage.
En l'occurrence, il n'est pas contesté, ni contestable du reste, que le recourant n'a pas conclu par écrit un accord avec l'intimée en vue de soumettre à l'arbitrage des contestations relatives à une transaction commerciale. Il appert, en effet, que le recourant n'a pas signé le Contrat. Dans ces circonstances, l'art. 17 CNUIJE ne saurait trouver application, étant donné que le recourant n'a pas accepté par écrit de soumettre à l'arbitrage les différends éventuels en lien avec le Contrat.
Contrairement à ce que soutient enfin l'intimée, la nomination d'un arbitre par un tribunal étatique ne saurait être assimilée à un acte accompli
iure gestionis. Il s'agit, au contraire, d'une activité juridictionnelle relevant de l'exercice de puissance publique de l'État concerné.
Il s'ensuit que le moyen pris d'une violation de l'immunité de juridiction du recourant se révèle fondé.
3.5. En définitive, le Tribunal de première instance aurait dû admettre l'exception d'immunité de juridiction, écarter l'État recourant de la procédure judiciaire pendante devant lui et déclarer irrecevable la conclusion subsidiaire de l'intimée tendant à la désignation d'un arbitre commun à l'État recourant et à Y.________ en liquidation, ainsi que toute conclusion pouvant être interprétée comme visant à désigner un arbitre à l'État recourant. Partant de la prémisse erronée selon laquelle le recourant ne pouvait pas se prévaloir de son immunité juridictionnelle, le Tribunal de première instance a fait droit à la requête qui lui était soumise. Il convient dès lors de lui renvoyer l'affaire afin qu'il examine si la requête présentée par l'intimée peut être admise, alors même que l'État recourant doit être écarté de la procédure et qu'il ne saurait se voir désigner un arbitre contre sa volonté. Il appartiendra aussi au Tribunal de première instance de revoir la répartition des frais et dépens, en tenant compte de ce que le recourant doit être mis hors de cause.
4.
Au vu de ce qui précède, le recours formé dans la cause 4A_163/2023 doit être admis. Le jugement attaqué est ainsi annulé et la cause renvoyée au Tribunal de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Les frais afférents à la procédure 4A_163/2023 sont mis à la charge de l'intimée, étant donné que celle-ci a conclu au déboutement du recourant (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée doit également verser au recourant une indemnité à titre de dépens. Celle-ci sera toutefois compensée avec l'indemnité à titre de dépens mise à la charge du recourant dans la procédure 4A_490/2023.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Les causes 4A_163/2023 et 4A_490/2023 sont jointes.
2.
Le recours formé dans la cause 4A_490/2023 est rejeté.
3.
Le recours formé dans la cause 4A_163/2023 est admis. Le jugement du 13 février 2023 est annulé et la cause est renvoyée au Tribunal de première instance genevois pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
4.
Les frais afférents à la procédure 4A_490/2023, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
5.
Les frais afférents à la procédure 4A_163/2023, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
6.
Les dépens sont compensés.
7.
La requête du recourant tendant à une anonymisation accrue du présent arrêt est admise. Par conséquent, seule une version anonymisée du
rubrum et du dispositif du présent arrêt sera mise à la disposition du public. Le Tribunal fédéral procédera également à une anonymisation accrue de l'arrêt motivé.
8.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, au Tribunal de première instance genevois, et à Y.________ en liquidation.
Lausanne, le 16 janvier 2025
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Hurni
Le Greffier : O. Carruzzo