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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_274/2009 
 
Arrêt du 16 février 2010 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Favre, Président, 
Schneider, Wiprächtiger, Mathys et 
Jacquemoud-Rossari. 
Greffier: M. Oulevey. 
 
Parties 
X.________, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de non-lieu (lésions corporelles simples, abus d'autorité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Tribunal d'accusation, du 18 mars 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 26 février 2007, X.________, alors détenu aux Établissements pénitentiaires de la Plaine de l'Orbe (ci-après: EPO), a porté plainte auprès des juges d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois. Il alléguait notamment que, le 24 février 2007, ses gardiens avaient fait un usage injustifié et disproportionné de la force, d'une part en le plaquant violemment au sol alors qu'il ne leur opposait aucune résistance et, d'autre part, en lui mettant des menottes, serrées au point de le faire saigner aux poignets. Sans procéder à aucune vérification, le juge d'instruction en charge du dossier puis le Tribunal d'accusation du canton de Vaud, sur recours, ont refusé de suivre à cette plainte. 
 
Par arrêt 6B_319/2007 du 19 septembre 2007, constatant une violation du droit constitutionnel à une enquête officielle approfondie et effective sur toute allégation défendable de traitements prohibés par les art. 10 Cst. et 3 CEDH, la cour de céans a admis un recours de X.________, annulé les décisions cantonales et renvoyé la cause au juge d'instruction pour enquête et nouvelle décision. 
 
B. 
Sur renvoi, le juge d'instruction a versé au dossier le certificat médical du 28 février 2007 attestant les lésions subies par X.________, ainsi que des copies d'une expertise psychiatrique de celui-ci et de divers rapports de la direction des EPO. Il a aussi entendu, sur les faits de la cause, les gardiens intervenus le 24 février 2007, puis X.________ lui-même. Le 2 mars 2009, il a rendu une ordonnance de non-lieu. 
 
C. 
Par arrêt du 18 mars 2009, le Tribunal d'accusation du canton de Vaud a confirmé cette ordonnance. 
 
D. 
Par mémoire personnel du 28 mars 2009, X.________ recourt au Tribunal fédéral contre cet arrêt, dont il demande l'annulation, avec renvoi de la cause aux autorités cantonales pour continuation de l'enquête. 
 
À titre préalable, il demande à être pourvu d'un avocat d'office spécialisé en droit international. 
 
Le Tribunal fédéral n'a pas ordonné d'échange d'écritures. 
 
E. 
Par mémoire personnel du 21 février 2009, X.________ avait recouru au Tribunal fédéral contre un arrêt du Tribunal d'accusation du 9 février 2009, qui avait rejeté une demande de récusation que le recourant avait présentée le 26 janvier 2009 contre le juge d'instruction saisi de sa plainte. 
 
La Ière Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté le recours formé contre le rejet de cette demande de récusation par arrêt 1B_144/2009 du 4 juin 2009. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recourant se plaint du fait que l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ne lui a pas été notifiée personnellement, mais par l'intermédiaire de son avocat d'office, dont il ne voulait plus. Il fait ainsi valoir une violation des règles cantonales de procédure qui régissent la notification des actes judiciaires. 
 
Le recours en matière pénale n'est pas ouvert pour violation du droit cantonal. Le Tribunal fédéral ne peut contrôler l'application de celui-ci que sous l'angle restreint de l'arbitraire (art. 9 Cst.), dans le cadre d'un moyen pris de la violation d'un droit constitutionnel du citoyen (cf. art. 95 et 96 LTF, a contrario). En l'espèce, l'avocat d'office du recourant en procédure cantonale a transmis l'ordonnance de non-lieu à son client. Le recourant a ainsi eu tout loisir de saisir le Tribunal d'accusation, qui a contrôlé le bien-fondé du non-lieu. Dès lors, même si elle était avérée, l'irrégularité supposée de la notification ne violerait en tout état de cause aucun droit constitutionnel du recourant, de sorte que, dans la mesure où il est recevable, le moyen est mal fondé. 
 
2. 
Le recourant conteste aussi l'impartialité du juge d'instruction, pour les mêmes motifs que ceux sur lesquels il avait fondé sa demande de récusation. 
 
Se heurtant à l'autorité de l'arrêt 1B_144/2009 du 4 juin 2009, par lequel la Ière Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté le recours formé contre le rejet de la demande de récusation, ce grief est irrecevable. 
 
3. 
Pour le surplus, bien qu'il conclue au renvoi de la cause aux autorités cantonales pour continuation de l'enquête, le recourant ne prétend pas, ni dans son mémoire du 28 mars 2009 ni dans celui du 21 février 2009 auquel il se réfère, que les mesures prises par le juge d'instruction seraient lacunaires. Il soutient seulement, en substance, qu'une fois corrigées les constatations de fait manifestement inexactes des autorités cantonales (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), il apparaîtra que les fonctionnaires pénitentiaires intervenus le 24 février 2007 ont commis à son préjudice le délit de lésions corporelles simples et le crime d'abus d'autorité et, par voie de conséquence, que l'arrêt attaqué viole les art. 123 et 312 CP
 
3.1 Seules ont qualité pour former un recours en matière pénale au Tribunal fédéral les personnes qui justifient d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (cf. art. 81 al. 1 let. b LTF). Un intérêt de fait ne suffit pas. 
3.1.1 La loi pénale de fond ne confère pas au lésé un droit à l'application des peines et mesures qu'elle prévoit. Au regard de la loi, l'action pénale appartient au ministère public, qui est dès lors en principe le seul à pouvoir remettre en cause une décision favorable au prévenu. Sous réserve des cas où il s'est vu dénier le droit de porter plainte pour une infraction qui ne se poursuit pas d'office (cf. art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF), le simple lésé, qui n'a pas la qualité de victime au sens de la LAVI, a exclusivement vocation à obtenir l'annulation d'une décision relative à la conduite de l'action pénale lorsque celle-ci a été rendue en violation de droits que la loi de procédure applicable ou le droit constitutionnel lui reconnaît comme partie à la procédure, si cette violation équivaut à un déni de justice formel (cf. ATF 6B_540/2009 du 22 octobre 2009 consid. 1.7.2; 133 IV 228 consid. 2 p. 229 ss; 120 Ia 157 consid. 2a p. 159 s). Ainsi, le simple lésé peut faire valoir que l'autorité inférieure a refusé à tort d'entrer en matière sur le recours dont il l'avait saisie ou, encore, qu'elle ne lui a pas donné l'occasion de s'exprimer, de formuler des réquisitions tendant à l'administration de preuves ou de consulter le dossier. Mais, faute d'avoir qualité pour recourir sur le fond, il ne peut contester ni l'appréciation des preuves, ni le rejet d'une réquisition de preuve motivé par l'appréciation anticipée de celle-ci ou par le défaut de pertinence juridique du fait à établir (cf. arrêt 6B_733/ 2008 du 11 octobre 2008 consid. 1 et les références). 
 
Lorsque l'infraction qu'il dénonce l'a directement atteint dans son intégrité physique, psychique ou sexuelle, le lésé est une victime au sens de la LAVI. Conformément à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, qui met en oeuvre pour le recours en matière pénale le droit de recours reconnu aux victimes par l'art. 37 al. 1 let. c LAVI (anciennement par l'art. 8 al. 1 let. c de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions; RO 1992 2465), la victime qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral également sur le fond, si et dans la mesure où la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Toutefois, suivant la jurisprudence rendue à propos de l'art. 270 aPPF, qui reste valable pour l'interprétation de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF (ATF 133 IV 228 consid. 2.3.3 p. 234), la victime n'a pas de prétention civile, au sens de ces dispositions, si, pour les actes reprochés au prévenu, une collectivité publique assume une responsabilité de droit public exclusive de toute action directe contre l'auteur (arrêts 6B_480/ 2007 du 31 janvier 2008 consid. 1.2 et les références, notamment ATF 128 IV 188 consid. 2.2 p. 191; 6B_380/2007 du 13 novembre 2007 consid. 1). 
 
En l'espèce, le recourant soutient qu'il résulte de l'enquête menée par le juge d'instruction que des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire vaudoise ont commis à son préjudice le délit de lésions corporelles simples (art. 123 CP) et le crime d'abus d'autorité (art. 312 CP). Dans le canton de Vaud, la responsabilité de l'État pour les dommages que les fonctionnaires causent dans l'exercice de leurs fonctions est régie par la loi vaudoise du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l'État, des communes et de leurs agents (RS/VD 170.11), dont l'art. 5 exclut toute responsabilité personnelle de l'agent envers le lésé. Faute de pouvoir élever des prétentions civiles, le recourant ne peut dès lors pas fonder sa vocation à recourir sur sa qualité de victime au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF. 
3.1.2 Il reste à examiner si, à défaut de pouvoir se fonder sur la loi pénale ou sur sa qualité de victime LAVI, le recourant peut se prévaloir d'un droit constitutionnel à l'application des peines prévues par les art. 123 et 312 CP
3.1.2.1 La Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants conclue à New York le 10 décembre 1984 (ci-après: la convention de New York; RS 0.105), entrée en vigueur pour la Suisse le 26 juin 1987, oblige les États parties à se doter d'une loi qui punisse de manière appropriée les actes de torture, ainsi que les actes constitutifs de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, et à instituer des tribunaux compétents pour appliquer cette loi (cf. art. 4, 5 et 16 de la convention de New York). L'art. 12 oblige les États parties à veiller à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un tel acte a été commis sur un territoire soumis à leur juridiction. En outre, aux termes de l'art. 13, 1ère phrase, de la convention, tout État partie assure à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture sur tout territoire sous sa juridiction le droit de porter plainte devant les autorités compétentes dudit État qui procéderont immédiatement et impartialement à l'examen de sa cause. 
 
Comme tout traité, la convention de New York doit être interprétée de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but (art. 31 § 1 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités; RS 0.111; ATF 130 I 312 consid. 4.1 p. 326 et les références). La convention de New York a pour but de prévenir la torture, ainsi que les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment en interdisant que les auteurs de tels traitements bénéficient de l'impunité (cf. Message du 30 octobre 1985 concernant la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, FF 1985 III 273 ss, ch. 33). À cet effet, elle oblige les États parties à punir les auteurs de traitements prohibés (cf. art. 4, 5, 12 et 16, considérés dans leur ensemble). S'agissant de la torture proprement dite, la convention reprend en cela une obligation qui appartient désormais au droit international impératif (cf. jugement du Tribunal pénal international pour l'Ex-Yougoslavie Le Procureur contre Anto Furundzija du 10 décembre 1998, § 153 ss). 
 
C'est dans ce contexte que la première phrase de l'art. 13 de la convention oblige les États parties à reconnaître aux personnes qui se prétendent victimes de traitements prohibés, d'une part, le droit de porter plainte et, d'autre part, ainsi que cela ressort clairement de la version anglaise de la convention, un droit propre à une enquête prompte et impartiale. Cette enquête devant aboutir, s'il y a lieu, à la condamnation pénale des responsables, le droit individuel prévu par l'art. 13 ne peut pas être compris, replacé dans l'ensemble des dispositions de la convention, comme ayant une portée exclusivement procédurale; il englobe aussi un droit à l'application de la loi pénale dont les États parties doivent se doter. 
 
Il en va de même des droits dits procéduraux qui résultent de l'art. 3, combiné avec l'art. 1 ou avec l'art. 13 CEDH. En effet, d'après la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, lorsqu'un individu affirme de manière défendable avoir subi, de la part de la police ou d'autres fonctionnaires de l'État, des traitements contraires à l'art. 3 CEDH, cette dernière disposition conventionnelle, combinée avec le devoir général que l'art. 1 CEDH impose aux États parties de reconnaître à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis dans la CEDH (en ce sens: arrêt Assenov et autres contre Bulgarie du 28 octobre 1998, Recueil CourEDH 1998-VIII, § 102) ou avec l'obligation prévue à l'art. 13 CEDH d'ouvrir un recours national effectif à toute personne qui se prétend victime d'une violation de la CEDH (en ce sens: arrêt Bati et autres contre Turquie du 3 juin 2004, Recueil CourEDH 2004-IV p. 217, § 133 ss), oblige les autorités compétentes de l'État en cause à procéder à une enquête officielle approfondie et effective. Celle-ci doit pouvoir mener à l'identification et à la punition des responsables (arrêt Krastanov contre Bulgarie du 30 septembre 2004, § 57 et les arrêts cités). D'après la Cour européenne, les obligations des autorités compétentes s'étendent au delà du stade de l'instruction préliminaire: c'est l'ensemble de la procédure, y compris la phase du jugement, qui doit satisfaire aux impératifs de l'interdiction posée par l'art. 3 CEDH. Les autorités judiciaires internes ne doivent en aucun cas s'avérer disposées à laisser impunies des atteintes à l'intégrité physique et morale des personnes (cf. arrêt Okkal? contre Turquie du 17 octobre 2006, § 65). En particulier, une condamnation des responsables de traitements dégradants à une peine excessivement clémente viole l'art. 3 CEDH, même si la victime a obtenu par ailleurs la reconnaissance des mauvais traitements qu'elle a subis (cf. arrêt Okkal?, § 71 ss; arrêt Gäfgen contre Allemagne du 30 juin 2008, § 78 a contrario), voire une indemnité (cf. arrêt Krastanov, § 60). Ainsi, d'après la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, l'art. 3 CEDH ne fait pas qu'interdire la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; il en dérive aussi une obligation positive substantielle des États parties de punir de manière appropriée les auteurs et les complices de traitements prohibés et un droit corrélatif de la victime à l'application, aux responsables de ces traitements, des peines et mesures prévues par la loi pénale. 
 
Il n'y a aucune raison que les art. 7 Pacte ONU II et 10 al. 3 Cst., qui interdisent également la torture et tous les autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, accordent une protection moindre à l'individu que la convention de New York et l'art. 3 CEDH. Dès lors comme la victime de traitements prohibés par la convention de New York et par les art. 7 Pacte ONU II, 3 CEDH et 10 al. 3 Cst. dispose d'un droit constitutionnel à l'application de la loi pénale aux responsables, la partie plaignante qui prétend avoir été victime de tels traitements et qui a participé à la procédure devant l'autorité inférieure a qualité pour recourir sur le fond au Tribunal fédéral contre l'ordonnance de classement ou de non-lieu, ou contre le jugement d'acquittement, rendu en faveur des prétendus responsables. 
3.1.2.2 Pour tomber sous le coup de la convention de New York et des art. 7 Pacte ONU II, 3 CEDH et 10 al. 3 Cst., un mauvais traitement doit en principe être intentionnel (cf., pour l'art. 3 CEDH, arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme Pretty contre Royaume-Uni du 29 avril 2002 § 50 et D. contre Royaume-Uni du 2 mai 1997, Recueil CourEDH 1997-III p. 792 § 49) et atteindre un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum dépend de l'ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime. Un traitement atteint le seuil requis et doit être qualifié de dégradant s'il est de nature à créer des sentiments de peur, d'angoisse et d'infériorité propres à humilier ou à avilir la victime, de façon à briser sa résistance physique ou morale ou à la conduire à agir contre sa volonté ou sa conscience (cf. arrêt Gäfgen, § 65 s. et les arrêts cités). Comme la convention de New York et les art. 7 Pacte ONU II, 3 CEDH et 10 al. 3 Cst. prohibent les peines et traitements dégradants, il y a également traitement dégradant, au sens large, si l'humiliation ou l'avilissement a pour but, non d'amener la victime à agir d'une certaine manière, mais de la punir. Lorsqu'un individu se trouve privé de sa liberté, l'utilisation à son égard de la force physique alors qu'elle n'est pas rendue strictement nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation de la convention de New York et des art. 7 Pacte ONU II, 3 CEDH et 10 al. 3 Cst. (cf., pour l'art. 3 CEDH, arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme Rivas contre France du 1er juillet 2004, § 37 et les arrêts cités; Dominique Favre, in Commentaire romand, n° 24 ad art. 91 CP). 
 
Dans le cas présent, le recourant allègue que, pour le punir d'avoir détérioré sa cellule, ses gardiens l'ont plaqué violemment au sol, lui causant des lésions corporelles à la tête et des douleurs intenses dans les côtes, et qu'ils lui ont ensuite entaillé intentionnellement les poignets, en serrant excessivement les menottes. Cette punition constituerait, si elle se vérifiait telle qu'alléguée, un traitement dégradant prohibé par la convention de New York et par les art. 7 Pacte ONU II, 3 CEDH et 10 al. 3 Cst. Le recourant a dès lors qualité pour contester le bien-fondé du non-lieu en tant qu'il rejette ses allégations précitées. Aussi convient-il d'entrer en matière sur son moyen. 
3.2 
3.2.1 L'arrêt attaqué retient par renvoi aux dépositions des surveillants entendus par le juge d'instruction, qu'en raison d'un différend avec le surveillant-chef, qui refusait de le laisser téléphoner à sa soeur, le recourant a, le 24 février 2007 entre 16h00 et 17h00, cassé le caisson protecteur de la télévision, la fenêtre et le lavabo de sa cellule. Il a donc été décidé de le transférer dans une cellule sécurisée, équipée de mobilier en béton. Comme il refusait de coopérer, ce transfert a été exécuté de force. D'après les autorités cantonales, cette opération s'est déroulée sans coups ni blessures de part et d'autre. Vers 22h30, le recourant a demandé à voir le directeur des EPO ou un membre du service médical. Le surveillant-chef lui a demandé de patienter jusqu'au lendemain. Le recourant a réitéré sa demande, en menaçant de se taper la tête contre les murs s'il n'obtenait pas satisfaction. Le surveillant-chef a refusé. Le recourant l'a ensuite rappelé, disant qu'il s'était fait mal à la main. Pour persuader le surveillant-chef d'accéder cette fois-ci à sa demande, il lui a annoncé que, s'il refusait toujours de lui donner satisfaction, il se casserait la main, de façon qu'il se trouve alors dans l'obligation de faire appel immédiatement au service médical. Le surveillant-chef a confirmé son refus. Le recourant a alors cassé le caisson protecteur de la télévision, le miroir et le radiateur de sa nouvelle cellule, provoquant une inondation de son secteur. Pour qu'il puisse être procédé aux réparations les plus urgentes, il a été décidé de l'évacuer provisoirement de sa cellule. Comme le recourant refusait d'entendre raison et de coopérer, il a été transféré de force par trois surveillants dans le local des douches, où il a été gardé quelque temps à plat ventre, menotté dans le dos, chevilles entravées. Un psychiatre s'est entretenu avec lui à ce moment-là. Il a été replacé dès que possible dans sa cellule. Cette opération s'est déroulée sans coups ni blessures de part et d'autre. Selon l'appréciation des autorités cantonales, les blessures attestées par le certificat médical du 28 février 2007 - savoir: un hématome fronto-temporal droit de 11 cm sur 3, des dermabrasions frontales, un petit hématome sous-orbitaire droit, une contusion de la face latérale du poignet droit avec dermabrasion de 1 cm2 ainsi que des douleurs à la palpation de l'arc latéral de la 9ème côte à droite - étaient parfaitement compatibles avec les blessures que le recourant s'était infligées lui-même en se livrant à ses déprédations, avec des gestes auto-agressifs tels que ceux qu'ils avaient annoncés au surveillant-chef et avec les quelques blessures légères qui ont pu lui être causées lors des interventions nécessaires et proportionnées du personnel pénitentiaire. Une condamnation des surveillants pour lésions corporelles et abus d'autorité était ainsi d'emblée exclue. 
3.2.2 La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 § 2 Pacte ONU II, 6 § 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36 et les références citées). En tant qu'ils régissent le fardeau de la preuve, ces principes signifient que le juge du fond ne peut retenir un fait défavorable à l'accusé que s'il est convaincu de la matérialité de ce fait, de sorte que le doute profite à l'accusé (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Comme règles de l'appréciation des preuves, en revanche, ces principes sont violés si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). 
3.2.2.1 Ces principes s'appliquent notamment lorsque l'accusation porte sur des traitements prohibés par la convention de New York et par les art. 7 Pacte ONU II, 3 CEDH et 10 al. 3 Cst. Certes, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, lorsqu'un individu est placé en garde à vue alors qu'il se trouve en bonne santé et que l'on constate qu'il est blessé au moment de sa libération, il incombe à l'État de fournir une explication plausible pour l'origine des blessures, à défaut de quoi l'art. 3 CEDH est manifestement violé (cf. Selmouni contre France du 28 juillet 1999, Recueil CourEDH 1999-V § 87). La Cour européenne fonde cette présomption sur l'état de vulnérabilité de toute personne placée en garde à vue, qui se trouve entièrement aux mains des fonctionnaires de police (cf. arrêts Turan Cakir contre Belgique du 10 mars 2009, § 54 et les arrêts cités, notamment l'arrêt Rivas contre France du 1er avril 2004, § 38). Comme un détenu se trouve en mains des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire de la même manière qu'un gardé à vue se trouve en mains de la police, la même solution s'applique en cas de blessures constatées sur un détenu après une intervention des gardiens: le lien de causalité entre l'action des seconds et les blessures constatées sur le premier est présumé. Toutefois, au contraire de la présomption d'innocence, cette présomption n'est qu'une présomption de fait ou de l'homme, puisqu'il suffit, pour la renverser, que soient établis des faits qui font peser un doute sur la version du plaignant (cf. arrêt Turan Cakir, § 54 et les arrêts cités). Elle ne renverse ni n'allège le fardeau de la preuve, qui repose entièrement sur l'accusation. 
3.2.2.2 Le droit constitutionnel à l'application de la loi pénale aux responsables de traitements prohibés par la convention de New York et par les art. 7 Pacte ONU II, 3 CEDH et 10 al. 3 Cst. n'oblige pas les autorités compétentes à continuer les poursuites lorsqu'une condamnation se révèle d'emblée exclue. S'il apparaît au terme de l'instruction préparatoire que, d'un point de vue objectif, il subsiste, sur la matérialité des mauvais traitements allégués ou sur l'identité des responsables, des doutes sérieux et irréductibles, de sorte que les prévenus devraient de toute façon être acquittés en vertu du principe in dubio pro reo s'ils étaient renvoyés en jugement, l'autorité compétente ne viole pas les droits constitutionnels de la partie plaignante en classant l'affaire ou en prononçant un non-lieu. 
 
Dans le cas présent, le recourant admet que le comportement des surveillants lors de la seconde intervention a été "plus ou moins correct"; en revanche, il allègue avoir été victime de violences lors de la première intervention, entre 16h00 et 17h00 (cf. dossier cantonal, PV d'audition 12, p. 1). Mais aucun élément du dossier ne vient étayer tant soit peu ces dernières allégations. Rien ne prouve que le recourant ait été blessé au poignet par des menottes trop serrées. Il a pu tout aussi bien se causer lui-même cette lésion en tentant de se libérer de ses menottes ou en donnant des coups à mains nues dans le matériel qui équipait ses cellules. De manière générale, les lésions attestées par le certificat médical du 28 février 2007 sont parfaitement compatibles avec celles qui ont pu résulter d'un emploi proportionné de la force pour contraindre le recourant, qui s'y opposait, à quitter sa cellule et à intégrer une cellule sécurisée. Les constatations de fait des autorités cantonales ne sont dès lors pas manifestement inexactes au sens des art. 97 al. 2 et 105 al. 1 LTF. 
 
Le crime d'abus d'autorité (art. 312 CP) suppose que le fonctionnaire qui en est l'auteur ait abusé des pouvoirs coercitifs que lui confère sa charge, en les employant dans un but qui sortait manifestement de ses attributions ou en utilisant des moyens manifestement excessifs (ATF 127 IV 209 consid. 1b p. 212 ss). Dès lors qu'il entre dans les attributions légales des surveillants pénitentiaires de transférer un détenu qui saccage sa cellule dans une cellule sécurisée, au besoin par la force, et que les lésions attestées par le certificat médical du 28 février 2007 peuvent fort bien résulter d'un emploi proportionné de la force, si ce n'est des propres actes du recourant, il est exclu que l'un ou l'autre des surveillants qui ont participé à la première intervention puisse être condamné pour abus d'autorité. En outre, conformément à l'art. 14 CP, les actes autorisés par la loi ne sont pas punissables. Comme il est possible, voire vraisemblable, que les lésions subies par le recourant ont résulté d'un emploi de la force autorisé par la loi et proportionné, si ce n'est des actes propres du recourant, il est également exclu que l'un ou l'autre des surveillants soit condamné pour le délit de lésions corporelles simples (art. 123 CP). 
 
Aussi, le recours doit-il être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
4. 
Comme ses conclusions sont apparues d'emblée dénuées de chance de succès, le recourant doit être débouté de sa demande d'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF a contrario) et supporter les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF), réduits à 500 fr. compte tenu de sa situation financière. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal d'accusation du canton de Vaud. 
 
Lausanne, le 16 février 2010 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Favre Oulevey