Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_754/2023
Arrêt du 16 février 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Scherrer Reber.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Jean-Michel Duc, avocat,
recourant,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 18 octobre 2023 (A/3688/2022 ATAS/817/2023).
Faits :
A.
A.________, né en 1985, est architecte. A la suite d'un accident de moto survenu le 16 novembre 2012, ayant provoqué des fractures vertébrales et des côtes, il a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité en juin 2014. Le cas a été pris en charge par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
Entre autres mesures d'instruction, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a fait verser au dossier celui de l'assureur-accidents. Après avoir octroyé à A.________ des mesures d'intervention précoce (communications du 4 février 2015, ainsi que des 4 et 11 juin 2015), puis des mesures professionnelles (communications des 3 février 2017, 22 mars 2019 et 21 avril 2021), l'administration lui a reconnu le droit à une demi-rente d'invalidité du 1er décembre 2014 au 31 août 2015, puis à trois quarts de rente du 1er septembre 2015 au 31 mai 2018 (décision du 26 octobre 2022).
B.
L'assuré a formé recours contre cette décision devant la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales. A la suite d'une audience de comparution personnelle des parties (procès-verbal du 7 juin 2023), A.________ a produit un certificat médical établi par le docteur B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, le 20 septembre 2023. Statuant le 18 octobre 2023, la juridiction cantonale a rejeté le recours.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont il demande principalement la réforme, en ce sens que l'office AI est condamné à lui verser une demi-rente d'invalidité. Subsidiairement, l'assuré requiert l'annulation de la décision administrative du 26 octobre 2022 et le renvoi de la cause à l'office AI pour nouvel examen et nouvelle décision.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.
2.
2.1. Même si le recourant conclut à l'octroi d'une demi-rente de l'assurance-invalidité, il ressort des motifs de son recours qu'il ne conteste pas les prestations accordées par l'office intimé jusqu'au 31 mai 2018 (y compris les trois quarts de rente) mais qu'il s'en prend à l'absence de rente postérieurement à cette date. Le litige a donc trait au maintien du droit du recourant à une demi-rente de l'assurance-invalidité au-delà du 31 mai 2018.
2.2. L'arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions légales - dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, applicable en l'espèce (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références; cf. aussi arrêt 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2) - et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à la notion d'invalidité ( art. 7 et 8 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI) et à son évaluation (art. 16 LPGA et art. 28a LAI), à la valeur probante des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3) et à la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA). Il suffit d'y renvoyer.
2.3. On ajoutera aux considérations cantonales que le bien-fondé d'une décision d'octroi, à titre rétroactif, d'une rente échelonnée dans le temps doit être examiné à la lumière des conditions de révision du droit aux prestations durables (art. 17 LPGA, art. 88a RAI; ATF 131 V 164 consid. 2.2; 125 V 413 consid. 2d et les références).
3.
La juridiction cantonale a constaté l'existence d'une contradiction entre les conclusions de la division de réadaptation professionnelle de l'office intimé et celles de son Service médical régional (SMR) quant au point de savoir si l'activité habituelle d'architecte était ou non exigible à 100% du recourant. En effet, selon les organes d'observation professionnelle, l'assuré pouvait théoriquement travailler à 100% dans son activité habituelle, qui se confondait avec l'activité adaptée (rapport final de la division de réadaptation professionnelle de l'office intimé du 17 décembre 2021). En revanche, selon la doctoresse C.________ du SMR, si l'assuré disposait d'une pleine capacité de travail dans une activité strictement adaptée à ses limitations fonctionnelles depuis février 2018, l'activité habituelle n'était toutefois plus exigible depuis la date de l'accident (rapport du 4 novembre 2021). Après avoir rappelé qu'en cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les médecins, l'avis dûment motivé des seconds prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (sur ce point, cf. arrêt 9C_87/2022 du 8 juillet 2022 consid. 6.2.1 et les arrêts cités), les premiers juges ont considéré que l'office intimé aurait en l'occurrence dû soumettre les conclusions de sa division de réadaptation professionnelle à un médecin avant de retenir que le recourant était capable de travailler à 100% dans son activité habituelle. Cela étant, l'instance précédente a renoncé à une instruction complémentaire, dès lors que selon elle, même en admettant par hypothèse que l'activité habituelle ne serait pas exigible à 100% du recourant et que seule une activité adaptée le serait à ce taux, l'intéressé n'aurait plus le droit à une rente d'invalidité dès le 1er juin 2018.
A cet égard, après avoir confirmé que l'assuré était au moins capable de travailler à 100% dans une activité adaptée dès février 2018, la juridiction cantonale a procédé à l'évaluation de son taux d'invalidité dès le 1er juin 2018. Elle a considéré que dans la mesure où le recourant persistait à travailler dans une activité qui ne lui permettait pas de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide devait être évalué sur la base des données statistiques, telles qu'elles résultent de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS). Elle a ainsi fixé le revenu avec invalidité à 67'766 fr., en se fondant sur l'ESS 2018 (soit un salaire mensuel de 5'417 fr., correspondant à un salaire annuel de 65'004 fr., selon la table ESS TA1_tirage_skill_ level, à la ligne "total secteur privé" sur la médiane ou valeur centrale, niveau de compétences 1 [activités simples et répétitives], hommes, après adaptation à la durée usuelle de travail hebdomadaire dans les entreprises de 41,7 heures). Quant au revenu sans invalidité, il devait être fixé en se référant au revenu que l'assuré aurait perçu en 2018, à plein temps, sans atteinte à la santé, dans son activité habituelle d'architecte; il en résultait, en l'occurrence, un revenu de valide de 61'398 fr. (soit une extrapolation pour un plein temps du salaire brut mensuel de 2'820 fr. perçu par l'assuré en janvier 2017 dans son activité habituelle exercée à 60%, selon les informations figurant au dossier, après indexation à 2018). Dans la mesure où le revenu avec invalidité (67'766 fr.) était plus élevé que le revenu sans invalidité (61'398 fr.), l'assuré n'avait pas droit à une rente d'invalidité au-delà du 31 mai 2018.
4.
4.1. A l'appui de son recours, l'assuré se prévaut d'un établissement manifestement inexact des faits et des preuves. Il fait en substance grief à la juridiction cantonale de ne pas avoir tenu compte des conclusions du docteur B.________, selon lesquelles il présente une incapacité de travail de 40% sur le plan psychiatrique. Le recourant conteste également l'évaluation de son taux d'invalidité, en reprochant aux premiers juges d'avoir déterminé son revenu d'invalide en se fondant sur les données statistiques.
4.2. En premier lieu, l'affirmation du recourant selon laquelle l'instance précédente aurait "omis sans raison sérieuse" de tenir compte du certificat médical du docteur B.________ du 20 septembre 2023 ne peut pas être suivie. A la lecture de l'arrêt entrepris, on constate en effet que la juridiction cantonale a dûment exposé que ledit certificat ne remettait pas en cause la conclusion (de l'office intimé) selon laquelle l'assuré était au moins capable de travailler à 100% dans une activité adaptée dès février 2018 jusqu'à la décision querellée du 26 octobre 2022, dès lors qu'il concerne l'état psychique de l'intéressé sur une période postérieure (sur la période temporelle circonscrivant l'état de fait déterminant pour l'examen par le juge, cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; 132 V 215 consid. 3.1.1; cf. aussi arrêt 9C_34/2017 du 20 avril 2017 consid. 5.2 et les références). Par ailleurs, c'est en vain que l'assuré se réfère à cet avis médical pour affirmer qu'il est évident que ses troubles de l'humeur ont commencé à se manifester avant la décision administrative du 26 octobre 2022, quand bien même le suivi par le psychiatre n'a débuté qu'en juin 2023. Quoi qu'en dise le recourant, le docteur B.________ a en effet seulement indiqué que les troubles de l'humeur de son patient sont "probablement également en lien avec ses douleurs du dos post-traumatiques et post-chirurgicales" dans le contexte de l'accident de moto survenu en 2012. Il n'a ainsi pas indiqué que l'incapacité de travail de 40% pour des motifs d'ordre psychiatrique qu'il a attestée le 20 septembre 2023 était déjà présente en 2012. Le recours est mal fondé sur ce point.
4.3. Concernant ensuite l'évaluation de son taux d'invalidité, le recourant reproche aux juges précédents de ne pas avoir instruit la question de l'exigibilité de sa capacité de travail dans son activité habituelle d'architecte, alors même qu'ils avaient pourtant admis que l'instruction de l'office intimé était lacunaire sur ce point. En se référant à l'ATF 148 V 174, l'assuré affirme que la juridiction de première instance aurait dû déterminer son revenu avec invalidité en se fondant sur le salaire qu'il avait effectivement réalisé dans son activité habituelle d'architecte, à savoir, selon ses dires, un salaire annuel de 49'140 fr. L'argumentation du recourant est mal fondée, pour les raisons qui suivent.
4.3.1. A la suite des premiers juges, et conformément à la jurisprudence à laquelle se réfère le recourant (ATF 148 V 174), on rappellera que le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Lorsque l'activité exercée après la survenance de l'atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu'elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d'éléments de salaire social, c'est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d'invalide de l'assuré. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé, soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité résiduelle de travail, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'ESS (ATF 148 V 174 consid. 6.2; 139 V 592 consid. 2.3; 135 V 297 consid. 5.2; arrêt 9C_149/2023 du 5 juillet 2023 consid. 9.2.1). Selon la jurisprudence, le point de savoir si les tables de salaires statistiques sont applicables et, le cas échéant, quelle table est déterminante est une question de droit (ATF 132 V 393 consid. 3.3; arrêt 9C_140/2018 du 30 mai 2018 consid. 2.2) que le Tribunal fédéral examine d'office (art. 106 al. 1 LTF).
4.3.2. En l'occurrence, en tant que le recourant allègue simplement que son activité comme architecte lui permettrait d'utiliser pleinement sa capacité résiduelle de travail, il ne fait qu'opposer son appréciation à celle de la juridiction cantonale quant à la condition de la pleine mise en valeur de la capacité résiduelle de travail. Or au regard du revenu d'invalide allégué par le recourant et celui constaté par l'instance précédente dans une activité pleinement adaptée (67'766 fr.), l'appréciation des premiers juges n'apparaît nullement contraire au droit. Il n'y a dès lors pas lieu de s'en écarter, ni de se prononcer sur l'exigibilité concrète de l'activité effectivement exercée par le recourant.
4.4. L'argumentation subsidiaire du recourant, selon laquelle même à admettre que son revenu d'invalide devait être déterminé en se référant aux données statistiques, son taux d'invalidité serait supérieur à 40%, n'est pas davantage fondée.
En ce qu'il requiert l'application du TA1_tirage_skill_level, total hommes, niveau de compétence 1 en tenant compte du seul secteur 3 "services" (ligne 45-96; salaire mensuel de 5'063 fr. selon l'ESS 2018), le recourant perd de vue que dans le domaine de l'assurance-invalidité, il convient de déterminer le revenu avec invalidité en se fondant, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans le tableau TA1_tirage_skill_level, à la ligne "total secteur privé" (arrêt 9C_325/2022 du 25 mai 2023 consid. 6.2 et les références), soit un salaire mensuel de 5'417 fr. selon l'ESS 2018. En l'occurrence, c'est sur ce montant que les premiers juges se sont fondés, à bon droit, pour arrêter le revenu avec invalidité du recourant à 67'766 fr. (consid. 3 supra). Il n'y a dès lors pas lieu de s'en écarter.
4.5. Quant au grief de l'assuré en relation avec la nécessité d'opérer un abattement de 20% sur le salaire statistique retenu à titre de revenu d'invalide, il n'est pas non plus fondé, dès lors déjà que même à admettre un abattement de 20%, de surcroît sur le revenu d'invalide proposé par le recourant (à savoir un salaire annuel de 63'338 fr. 13, correspondant au salaire mensuel de 5'063 fr. mentionné sur la ligne total des salaires du secteur 3 "services" [ligne 45-96] du TA1_skill_level, total hommes, niveau de compétence 1 de l'ESS 2018, après adaptation à la durée usuelle de travail hebdomadaire dans les entreprises de 41,7), le taux d'invalidité serait insuffisant pour ouvrir le droit à une rente (soit un taux d'invalidité de 17%, résultant de la comparaison entre un revenu de valide de 61'398 fr. et un revenu d'invalide de 50'672 fr. 53 [soit un revenu de 63'338 fr. 13, après adaptation à la durée usuelle de travail hebdomadaire dans les entreprises de 41,7 heures et compte tenu d'un abattement de 20%]).
4.6. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de s'écarter de la considération de la juridiction cantonale, selon laquelle l'assuré n'a pas droit à une rente de l'assurance-invalidité au-delà du 31 mai 2018. Le recours est mal fondé.
5.
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 16 février 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
La Greffière : Perrenoud