Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_1168/2024
Arrêt du 16 avril 2025
IIe Cour de droit pénal
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Abrecht, Président,
van de Graaf et Koch.
Greffier : M. Porchet.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Sophie Bobillier, avocate,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
intimé.
Objet
Refus de nomination d'un défenseur d'office,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 30 septembre 2024
(ACPR/701/2024 - P/18774/2024).
Faits :
A.
A.a. Par ordonnance pénale du 15 août 2024, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) a reconnu A.________ coupable d'appropriation illégitime (art. 137 ch. 1 CP), d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20) et d'infractions aux art. 19 al. 1 let. d et 19a ch. 1 de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121). Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de 100 francs.
A.b. Les faits suivants lui sont en substance reprochés:
A.b.a. Le 12 mai 2024, il aurait dérobé le téléphone mobile de marque Samsung appartenant à B.________ (ci-après: la partie plaignante), qui l'avait oublié dans le commerce C.________ situé à la rue U.________.
A.b.b. Entre le 27 juin 2021 et le 14 août 2024, date de son interpellation, il aurait séjourné et travaillé en Suisse comme peintre pour un salaire mensuel net de 2'000 fr. sans les autorisations nécessaires.
A.b.c. Entre le 15 août 2021 et le 14 août 2024, il aurait consommé régulièrement du cannabis pour une quantité mensuelle d'environ 100 grammes.
A.b.d. Le 14 août 2024, alors qu'il cheminait sur la rue V.________ en direction du sentier W.________, il aurait détenu sur lui 234.5 grammes de stupéfiants, soit de la résine de cannabis et de la marijuana, ainsi qu'une petite balance.
A.c. Lors de ses auditions des 14 et 15 août 2024 devant la police puis le Ministère public, A.________ a renoncé à la présence d'un avocat et s'est exprimé en français. Il a reconnu l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés tout en contestant s'adonner à un trafic de stupéfiants.
A.d. L'extrait du casier judiciaire de A.________ comporte quatre condamnations: le 15 juin 2020 pour vol simple (art. 139 ch. 1 CP), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), recel (art. 160 ch. 1 al. 1 CP), contravention à la LStup (art. 19a al. 1 LStup) et tentative de vol simple (art. 22 al. 1 CP
cum art. 139 ch. 1 CP) et le 12 août 2020, le 8 décembre 2020 et le 26 juin 2021 pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).
A.e. Le 26 août 2024, par l'intermédiaire de son conseil, A.________ a formé opposition à l'ordonnance pénale du 15 août 2024 et a demandé qu'une défense d'office soit prononcée en sa faveur.
B.
B.a. Par ordonnance du 27 août 2024, le Ministère public a maintenu son ordonnance du 15 août 2024 et a transmis la procédure au Tribunal de police; il a en outre refusé d'ordonner une défense d'office en faveur de A.________.
B.b. Par arrêt du 30 septembre 2024, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale) a rejeté le recours formé par A.________ contre le refus d'ordonner une défense d'office en sa faveur.
C.
Par acte du 31 octobre 2024, A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme dans le sens de la désignation de son avocate en tant que défenseur d'office avec effet au 26 août 2024. À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
Invités à se déterminer, le Ministère public a conclu au rejet du recours, tandis que la Chambre pénale n'a pas formulé d'observations. Le recourant s'est à nouveau prononcé le 14 décembre 2024, persistant intégralement dans ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière pénale est ouvert contre une décision incidente par laquelle l'assistance d'un défenseur d'office est refusée à une partie à la procédure pénale (art. 78 al. 1 LTF). Le recourant, prévenu et auteur de la demande de désignation d'un défenseur d'office, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Le refus de lui désigner un défenseur d'office est en outre susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 140 IV 202 consid. 2.2). Pour le surplus, le recours a été déposé en temps utile (cf. art. 100 al. 1 LTF), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Invoquant une violation des art. 6 CEDH et 132 CPP, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir refusé de désigner son avocate à la défense d'office de ses intérêts.
2.1.
2.1.1. En dehors des cas de défense obligatoire visés à l'art. 130 CPP, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur d'office aux conditions que le prévenu soit indigent et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance.
S'agissant de la seconde condition, elle s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l' art. 132 al. 2 et 3 CPP . Ainsi, les intérêts du prévenu justifient une défense d'office notamment lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).
Si les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs (comme l'indique l'adverbe "notamment"), en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêts 7B_192/2024 du 5 février 2025 consid. 3.2; 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.2 et les arrêts cités).
Les critères énoncés par l'art. 132 al. 1, let. b, 2 et 3 CPP reprennent largement la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'assistance judiciaire, rendue sur la base des art. 29 al. 3 Cst. et 6 ch. 3 let. c CEDH (ATF 143 I 164 consid. 3.5; arrêt 6B_593/2023 du 26 février 2024 consid. 6.3). Selon cette jurisprudence, la désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer, selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5; arrêt 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.2).
2.1.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêts 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.2; 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1).
S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours, la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 140 V 521 consid. 9.1; 139 III 396 consid. 1.2; arrêt 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier. Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure, ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires dans le cas particulier pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (arrêt 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.3).
2.2. En l'occurrence, la cour cantonale a commencé par constater que le recourant ne semblait pas indigent. Elle a ensuite examiné si la sauvegarde de ses intérêts justifiait de lui octroyer l'assistance d'un défenseur d'office. Elle a retenu à cet égard que la cause était de peu de gravité, notamment au vu de la peine privative de liberté de 120 jours encourue, et qu'elle ne présentait pas, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu ne pouvait pas surmonter seul. Pour ce faire, elle a constaté que les infractions reprochées au recourant - certes en lien avec des biens juridiques différents - n'étaient pas complexes et que le recourant avait pu exposer sa version des faits seul et sans interprète à la police et au Ministère public (cf. consid. 2.4 p. 6 de l'arrêt attaqué).
2.3. Le raisonnement de la cour cantonale ne prête pas le flanc à la critique et le recourant ne développe aucune argumentation à même de le remettre en cause.
2.3.1. Le recourant ne saurait en particulier soutenir que la cause présenterait des difficultés en fait et en droit parce qu'il contesterait avoir détenu des stupéfiants et s'être approprié le téléphone mobile de la partie plaignante (recours nos 84 à 86 et 88). En effet, remettre en cause des faits et prétendre devoir requérir l'administration de preuves ne suffit pas encore pour qualifier une cause de complexe; tel est d'autant plus le cas lorsque la réquisition de preuve en question, soit une confrontation avec la partie plaignante, ne présente pas de difficultés (cf. arrêt 1B_510/2022 du 16 décembre 2022 consid. 3.4). Le recourant devrait au surplus être à même d'exposer respectivement de démontrer seul quelle serait la valeur du bien de la partie plaignante et quelle aurait été son intention lorsqu'il s'en serait saisi, dès lors que, durant l'audience du 15 août 2024, il a exposé sans interprète ni avocat l'avoir vendu pour "remplir son frigo" et être disposé à dédommager sa propriétaire.
S'agissant de l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI, le recourant, qui a déjà été condamné à plusieurs reprises pour cette infraction, ne saurait prétendre qu'elle serait complexe en soutenant que "se posera (...) la question de la Directive sur le retour" (Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier) sans démontrer que cette directive serait applicable, ce dont il est au demeurant permis de douter au vu des autres infractions retenues contre lui (cf., sur le champ d'application de cette directive, ATF 147 IV 232 consid. 1.2; 143 IV 264 consid. 2.4; arrêt 7B_420/2023 du 20 septembre 2024 consid. 2.2.4 et les arrêts cités; sur la prise en compte de l'application de cette directive en lien avec l'art. 132 CPP, cf. arrêt 1B_169/2016 du 21 juillet 2016 consid. 4; recours nos 89 s.).
La présence d'une plainte pénale au dossier, le potentiel dépôt de conclusions civiles par la partie plaignante, l'impact de la quotité de la peine sur son exécution - dans la mesure où cette problématique pourrait se présenter (cf. art. 77b et 79a CP ) et relèverait du juge de fond - ou encore les problèmes liés à des concours d'infractions (cf. art. 49 CP) ne sauraient au surplus être invoqués, sans autre considération, en tant qu'éléments compliquant la procédure pénale en l'occurrence (recours nos 77 à 79 et 87) : il s'agit en effet de questions qui ne sortent pas de l'ordinaire dans une procédure pénale (pour des cas similaires, cf. notamment arrêts 1B_510/2022 du 16 décembre 2022 consid. 3.4; 1B_169/2016 du 21 juillet 2016 consid. 4; recours nos 75 s.).
2.3.2. La situation personnelle du recourant - soit un homme d'origine tunisienne de 26 ans qui parle le français et travaille sur appel "au gris" - tout comme sa consommation de cannabis ne justifient pas non plus de lui désigner un défenseur d'office; pour rappel, la procédure devant le tribunal de première instance est essentiellement orale (cf. art. 66 CPP; arrêt 1B_510/2022 du 16 décembre 2022 consid. 3.4; recours nos 62 à 71). De plus et contrairement à ce que le recourant soutient en invoquant le principe de l'égalité des armes, le seul fait qu'il soit opposé au Ministère public ne change rien à ce qui précède; cela vaut d'autant plus en l'occurrence qu'il ne prétend pas que celui-ci devrait soutenir en personne l'accusation (cf. arrêts 1B_370/2022 du 1er décembre 2022 consid. 2.1.2; 1B_12/2019 du 14 mai 2019 consid. 2.6; recours no 72). Quant à l'interdiction de périmètre qui a été prononcée à son endroit, le recourant ne saurait pas non plus l'invoquer afin de prétendre que l'issue de la présente procédure aurait une importance particulière pour lui sans démontrer que la validité de cette mesure dépendrait de l'issue de la procédure pénale, ce dont il est au demeurant permis de douter au vu de la décision de renvoi dont il fait l'objet (cf. art. 74 al. 1 let. a et b LEI ; recours nos 93 à 98 s.).
2.3.3. Comme la cause ne présente pas de difficultés factuelles ou juridiques, la question de sa gravité peut demeurer indécise. Il convient toutefois de relever que, contrairement à ce que soutient le recourant, le risque d'une aggravation de sa peine par le juge de première instance ne suffit pas pour qualifier sa cause de grave: la sanction retenue dans l'ordonnance pénale constitue, à l'instar de ce qui prévaut en matière d'appel contre une condamnation de première instance, un indice important quant à la peine susceptible de devoir finalement être exécutée (cf. arrêts 1B_475/2020 du 19 novembre 2020 consid. 2.3; 1B_12/2020 du 24 janvier 2020 consid. 3.2; 1B_169/2016 du 21 juillet 2016 consid. 4; recours nos 36 s.). De plus, il est permis de douter que le recourant puisse valablement soutenir que la sanction prononcée par le Ministère public dépasserait le seuil de gravité fixé par l'art. 132 al. 3 CPP, dès lors que, s'il ne payait pas l'amende à laquelle il aurait été condamné, sa peine privative de liberté s'élèverait à 121 jours (cf. pour un cas similaire arrêt 1B_366/2015 du 16 novembre 2015 consid. 1; recours nos 34 s. et 38).
2.4. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas violé l'art. 132 CPP ni l'art. 6 CEDH en confirmant l'ordonnance litigieuse.
3.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.
Comme le recours était d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires; ceux-ci seront toutefois fixés en tenant compte de sa situation financière, qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 16 avril 2025
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
Le Greffier : Porchet