Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_247/2022, 1C_346/2022
Arrêt du 16 juin 2022
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Merz.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________ SA en liquidation,
représentée par Me Thierry Amy, avocat,
recourante,
contre
Ministère public de la Confédération,
Guisanplatz 1, 3003 Berne.
Objet
Entraide judiciaire internationale en matière pénale
au Portugal,
recours contre les arrêts du Tribunal pénal fédéral,
Cour des plaintes, des 20 avril 2022 (RR.2022.59) et 25 mai 2022 (RR.2022.77).
Faits :
A.
Par acte du 21 mars 2022, la société A.________ SA en liquidation a formé recours auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral contre une ordonnance de clôture de la procédure d'entraide en faveur du Portugal rendue le 17 février 2022 par le Ministère public de la Confédération. Par pli recommandé du 23 mars 2022, la recourante a été invitée à s'acquitter d'une avance de frais de 5'000 fr. jusqu'au 5 avril 2022, à défaut de quoi le recours serait déclaré irrecevable.
Par arrêt du 20 avril 2022, la Cour des plaintes a déclaré le recours irrecevable, aucun paiement de l'avance de frais n'étant intervenu dans le délai imparti.
B.
Par acte du 2 mai 2022 (cause 1C_247/2022), A.________ forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral par lequel elle conclut principalement à l'annulation de l'arrêt de la Cour des plaintes, à la restitution du délai pour verser l'avance de frais et à la constatation que le versement du 27 avril 2022 a été effectué en temps utile. Plus subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à la Cour des plaintes pour nouvelle décision dans le sens des considérants. La recourante a indiqué qu'une demande de restitution de délai avait été formée parallèlement auprès de la Cour des plaintes. La cause a été suspendue par ordonnance du 4 mai 2022 jusqu'à droit connu sur cette demande.
C.
Par arrêt du 25 mai 2022, la Cour des plaintes a rejeté la demande de restitution de délai, considérant que le défaut de paiement de l'avance de frais était dû à une négligence du mandataire de la recourante, et non à une erreur excusable.
A.________ forme également, par acte du 7 juin 2022, un recours en matière de droit public contre cet arrêt (cause 1C_346/2022), concluant à la jonction des causes et, sur le fond, à l'admission de sa demande de restitution de délai et à la recevabilité de son recours à la Cour des plaintes.
Il n'a pas été demandé de réponse aux recours.
Considérant en droit :
1.
Le motif de suspension de la première cause ayant disparu, il y a lieu de reprendre la procédure 1C_247/2022. Les deux arrêts attaqués ont été rendus dans le cadre d'une même procédure d'entraide judiciaire, à l'égard d'une même partie recourante. Il se justifie dès lors de joindre les deux causes et de statuer dans un seul arrêt (art. 24 al. 2 PCF et 71 LTF).
2.
Selon l'art. 84 LTF, le recours en matière de droit public est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet notamment la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s'il concerne un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 142 IV 250 consid. 1.3). Une violation du droit d'être entendu dans la procédure d'entraide peut également fonder un cas particulièrement important, pour autant que la violation alléguée soit suffisamment vraisemblable et l'irrégularité d'une certaine gravité (ATF 145 IV 99 consid. 1.5).
En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe à la partie recourante de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 139 IV 294 consid. 1.1). En particulier, il ne suffit pas d'invoquer des violations des droits fondamentaux de procédure pour justifier l'entrée en matière; seule une violation importante, suffisamment détaillée et crédible peut conduire, le cas échéant, à considérer que la condition de recevabilité posée à l'art. 84 al. 2 LTF est réalisée (ATF 145 IV 99 consid. 1.5).
3.
Le premier arrêt attaqué se rapporte à un recours dirigé contre une ordonnance de clôture prévoyant la transmission à l'autorité requérante de documents saisis en mains de la recourante. La première condition posée à l'art. 84 al. 1 LTF est ainsi réalisée.
3.1. La recourante relève que la présente procédure est connexe avec celle qui concerne ses anciens organes et actuels liquidateurs; en l'absence de tri des documents, et alors que certains d'entre eux sont déjà en mains des autorités portugaises, ces dernières entretiendraient un flou ne permettant pas de s'assurer que les pièces transmises dans le cadre de la présente procédure ne concerneraient pas aussi l'autre procédure. Toutefois, comme le relève la recourante, lorsque la décision attaquée est un arrêt d'irrecevabilité, la recourante doit démontrer qu'il existe une question de principe ou un autre motif particulier en lien avec la question de la recevabilité (arrêt 1C_641/2021 du 2 novembre 2021 consid. 2). Les conséquences, pour les personnes concernées par des procédures connexes, de la transmission de renseignements à l'étranger, sont sans rapport avec le motif d'irrecevabilité retenu par la Cour des plaintes, qui réside uniquement dans le défaut de paiement de l'avance de frais. Il n'y a pas dès lors de motif valable d'entrée en matière.
3.2. La recourante invoque les règles sur la restitution de délai, mais le premier arrêt attaqué ne porte pas sur cette question. Elle se plaint aussi d'un formalisme excessif et d'une violation du principe de la proportionnalité. Toutefois, le défaut de paiement d'une avance de frais dans une procédure de recours, lorsque les conséquences en sont comme en l'espèce clairement exposées au préalable, entraîne automatiquement - et sans formalisme excessif - l'irrecevabilité de l'acte en vertu de l'art. 63 al. 4 PA (RS 172.021). Il ne s'agit nullement, au contraire de ce que prévoit l'art. 62 al. 3 LTF, d'un vice réparable. Dans un tel cas, une décision d'irrecevabilité est rendue sans que l'intéressé ne doive préalablement être invité à s'exprimer sur les raisons de son retard (cf. ATF 133 V 196 consid. 1.2). Il n'y a donc aucune violation du droit d'être entendu ni formalisme excessif (arrêt 1C_673/2020 du 30 décembre 2020 consid. 3.2) de sorte que le premier recours apparaît d'emblée irrecevable.
4.
Le second arrêt n'a pas trait directement à la transmission de renseignements à l'étranger, mais à une restitution de délai dans le cadre de la précédente procédure de recours. La première condition posée à l'art. 84 LTF et permettant au Tribunal fédéral d'entrer en matière ne semble dès lors pas réalisée. La question peut toutefois demeurer indécise car la seconde condition posée par l'art. 84 LTF (cas particulièrement important) n'est assurément pas remplie.
4.1. Selon l'art. 24 PA, si le recourant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé, celui-ci est restitué pour autant que la demande en soit faite dans les trente jours et que l'acte omis soit accompli dans le même délai. Selon la jurisprudence constante, une restitution de délai n'entre pas en ligne de compte lorsque la partie ou son mandataire a tardé à agir en raison d'un choix délibéré ou d'une erreur, même légère (ATF 143 I 284 consid. 1.3). Il appartient en particulier aux mandataires professionnels de s'organiser de telle manière que les délais puissent être respectés indépendamment d'un éventuel empêchement de leur part. Une défaillance dans l'organisation interne d'une étude d'avocats ne justifie donc pas une restitution de délai (ATF 143 I 284 consid. 1.3 et la jurisprudence citée).
La Cour des plaintes s'en est tenue à ces principes clairs. Le délai imparti à la recourante pour payer l'avance de frais n'avait rien d'inhabituel au regard notamment du principe de célérité (art. 17a EIMP) et des délais de procédure raccourcis en matière d'entraide judiciaire (cf. art. 100 al. 2 let. b LTF). Les motifs invoqués par la recourante (un dysfonctionnement de l'étude de son avocat à la suite duquel l'invitation à verser l'avance de frais ne lui a pas été transmise) ne peuvent manifestement justifier une restitution de délai (arrêt 1C_673/2020 du 30 décembre 2020 consid. 4.2 et la jurisprudence citée).
La recourante se prévaut de la jurisprudence selon laquelle, en cas de défense pénale obligatoire, une erreur grossière de l'avocat ne devrait pas être imputée à son client (ATF 143 I 284 consid. 2.2); elle perd ainsi de vue que la procédure d'entraide judiciaire n'est pas une procédure de nature pénale mais administrative (ATF 147 II 432 consid. 3.2; 136 IV 4 consid. 6.4) et qu'elle ne se trouve pas, a fortiori, dans un cas de défense obligatoire au sens de l'art. 130 CPP ou dans une situation équivalente au sens de l'art. 6 par. 3 let. c CEDH, cette dernière disposition ne pouvant trouver application dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire (arrêt 1C_209/2009 du 3 juin 2009 consid. 1.2).
4.2. Dans ces conditions, le second arrêt de la Cour des plaintes ne saurait procéder d'un formalisme excessif ou d'arbitraire, quel que soit l'intérêt de la recourante ou de ses ayants droit à l'examen de ses griefs de fond. A défaut d'une violation grave et évidente d'un droit de partie ou d'une quelconque question de principe, il ne se justifie pas d'entrer en matière sur le second recours.
5.
Sur le vu de ce qui précède, les deux recours sont irrecevables. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe. Le présent arrêt est rendu selon la procédure simplifiée prévue à l'art. 109 al. 1 LTF.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
La procédure 1C_247/2022 est reprise.
2.
Les causes 1C_247/2022 et 1C_346/2022 sont jointes.
3.
Les recours sont irrecevables.
4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
5.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public de la Confédération, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire.
Lausanne, le 16 juin 2022
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Kurz