Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_356/2024
Arrêt du 16 août 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Müller.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Bryan Pitteloud, avocat,
recourant,
contre
Secrétariat d'État aux migrations,
Quellenweg 6, 3003 Berne.
Objet
Annulation de la naturalisation facilitée,
recours contre l'arrêt de la Cour VI du Tribunal administratif fédéral du 13 mai 2024 (F-4414/2023).
Faits :
A.
A.________, ressortissant U.________ né en 1973, a épousé en 2014 B.________, ressortissante suisse née en 1987. Ils ont eu un enfant, né en 2014.
Le 29 novembre 2015, A.________ a déposé une requête de naturalisation facilitée fondée sur son mariage. Les époux ont signé, le 22 septembre 2018, une déclaration concernant la communauté conjugale, affirmant que leur couple était stable et qu'ils n'avaient pas l'intention de se séparer.
Par décision du 24 septembre 2018, le Secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) a accordé la naturalisation facilitée à l'intéressé.
B.
Le 20 mars 2019, B.________ a déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale. Le 27 mai 2019, lors d'une audience devant le Tribunal de Sion, les époux ont conclu une transaction judiciaire aux termes de laquelle ils déclaraient qu'ils étaient séparés depuis la fin du mois de novembre 2018 et qu'ils s'étaient chacun constitué un nouveau domicile. Le 21 octobre 2019, à l'occasion d'une seconde audience, ils ont conclu une nouvelle transaction judiciaire et confirmé être séparés depuis la fin du mois de novembre 2018. Le divorce a été prononcé le 22 août 2022.
Par décision du 17 juillet 2023 (après avoir recueilli les observations de l'intéressé, mais sans l'entendre personnellement), le SEM a annulé la naturalisation facilitée. Le couple s'était séparé deux mois après la signature de la déclaration de vie commune et l'octroi de la naturalisation. Aucun événement extraordinaire ne venait expliquer une détérioration aussi rapide du lien conjugal.
C.
Par arrêt du 13 mai 2024, le Tribunal administratif fédéral (ci-après: TAF) a rejeté le recours formé par A.________. Le court laps de temps entre la signature de la déclaration de vie commune et la séparation fondait la présomption que la communauté conjugale n'était pas stable. Il ressortait du dossier que les problèmes de couple étaient apparus avant la séparation et que le recourant en était conscient.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du TAF et de confirmer sa naturalisation facilitée; subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.
Le TAF se réfère à son arrêt. Le SEM conclut à la confirmation de l'arrêt attaqué.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre la décision du TAF qui confirme l'annulation de la naturalisation facilitée accordée au recourant, le recours est recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 let. a et 86 al. 1 let. a LTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte. Le recourant a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Le recours est interjeté dans le délai et les formes utiles, de sorte qu'il convient d'entrer en matière.
2.
Invoquant son droit d'être entendu, le recourant estime que le SEM aurait dû les entendre en personne, lui et son épouse. La production des dossiers des juridictions civiles auraient également permis de prouver la rancune éprouvée par son épouse, qui expliquerait ses déclarations en défaveur du recourant.
2.1. Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment celui de faire administrer les preuves, pour autant qu'elles apparaissent utiles à l'établissement des faits pertinents (cf. ATF 139 II 489 consid. 3.3). En revanche, il ne comprend en principe pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1), la procédure régie par la loi fédérale sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) étant en principe écrite (cf. ATF 134 I 140 consid. 5.3; arrêts 1C_411/2021 du 17 août 2022 consid. 2.3 et les arrêts cités). En outre, l'autorité peut mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1; 137 III 208 consid. 2.2).
En l'occurrence, le SEM a requis et obtenu la production des dossiers relatifs à la procédure de divorce. Les griefs de l'épouse à l'encontre du recourant y figurent, notamment dans la demande unilatérale du 22 septembre 2021. Les époux ont par ailleurs été entendus personnellement dans ce cadre et ont pu exposer leurs doléances réciproques. Le recourant a produit, avec ses observations au SEM du 9 janvier 2023, des extraits de la procédure (procès-verbaux; rapport d'enquête sociale du service de protection de l'enfance ayant également procédé à des auditions personnelles) ainsi que des copies des messages échangés. Le 14 février 2023, l'épouse du recourant a répondu par écrit à un questionnaire du SEM et s'est exprimée de manière complète sur l'évolution de la relation du couple. Le centre LAVI a également été interpellé à propos des violences conjugales subies par l'épouse. Le 24 mai 2023, le recourant s'est déterminé, également par écrit, sur l'ensemble des renseignements recueillis. Il a ensuite été invité par le SEM à proposer les questions qu'il entendait faire poser par écrit à son épouse. Le 29 juin 2023, il a à nouveau requis une audition personnelle, sans toutefois proposer de questions supplémentaires à poser à son épouse.
L'autorité précédente pouvait donc sans arbitraire considérer que les faits pertinents étaient suffisamment établis par les éléments du dossier. Le recourant a disposé de nombreuses occasions de contester les faits allégués, sans qu'il soit nécessaire de les entendre personnellement, lui ou son épouse. L'absence d'audition par le SEM ne contrevient donc pas au droit d'être entendu et le grief doit être écarté.
3.
Se plaignant d'arbitraire, le recourant conteste que son union ne revêtait pas la stabilité nécessaire au moment de la signature de la déclaration de vie commune. La naissance de leur enfant serait la preuve d'une relation stable entre les époux, le recourant ayant toujours tenté de garder le contact avec lui. Les premiers "éléments de séparation" dateraient de décembre 2018 et janvier 2019; le recourant n'avait aucune intention de se séparer, son épouse ayant imposé son choix.
3.1. Les principes applicables à l'annulation de la naturalisation facilitée sont rappelés dans l'arrêt attaqué. Il n'est dès lors pas utile de les rappeler une nouvelle fois, étant précisé que, s'agissant de griefs portant sur l'application du droit fédéral, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral n'est pas limité à l'arbitraire (art. 95 let. a LTF).
En l'occurrence, il ne s'est écoulé que deux mois entre la signature de la déclaration de vie commune et la séparation définitive des époux. Un tel délai permet de fonder la présomption que la naturalisation a été acquise au moyen de déclarations mensongères. L'arrêt attaqué est sur ce point conforme au droit fédéral. Les déclarations de l'épouse, confirmées par les autres éléments du dossier, font apparaître que les problèmes conjugaux ont commencé bien avant 2018, notamment avec la découverte en 2015 de relations extraconjugales du recourant, ainsi que les violences psychologiques dont elle se plaignait. Dans ce cadre, la naissance d'un enfant en octobre 2014 ne constitue pas un élément pertinent dès lors que l'on ne peut rien en déduire sur la situation du couple au moment déterminant, soit en septembre 2018. Les messages échangés à ce moment-là entre les époux font clairement ressortir que la déclaration de vie commune ne "coll[ait] pas avec la réalité actuelle de notre couple". L'instance précédente a enfin considéré qu'aucun événement extraordinaire n'était susceptible d'expliquer une dégradation aussi rapide du lien conjugal. Le recourant n'apporte aucune explication à ce propos.
Dans ces conditions, il convient de s'en tenir à la présomption de fait fondée sur l'enchaînement chronologique rapide des événements, selon laquelle l'union formée par les époux ne remplissait pas, au moment de la signature de la déclaration de vie commune, les conditions posées pour l'octroi de la naturalisation facilitée du recourant. L'arrêt attaqué est dès lors conforme au droit fédéral et le grief doit être écarté
4.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui succombe.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à la Cour VI du Tribunal administratif fédéral.
Lausanne, le 16 août 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Kurz