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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_271/2022  
 
 
Arrêt du 16 septembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Merz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Astyanax Peca, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD. 
 
Objet 
Détention pour des motifs de sûretés, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 22 juillet 2022 (556 - PE20.014026-LRC/FMO). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 6 juillet 2022, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné A.________ (ressortissant portugais né en 1983) à une peine privative de liberté de 36 mois, dont 12 fermes et 24 avec sursis pendant cinq ans, pour un viol commis sur son épouse dont il vivait séparé. Le Tribunal a également prononcé l'expulsion de Suisse pour 8 ans, ainsi que le paiement à la victime d'une indemnité pour tort moral de 15'000 fr. Il a en outre ordonné le placement du prévenu - qui comparaissait librement - en détention pour des motifs de sûreté, en raison du risque de fuite (ch. III du dispositif du jugement) : il possédait un appartement au Portugal et sa condamnation compromettait le droit de visite dont il bénéficiait jusque-là sur les trois enfants mineurs qu'il avait eus avec la victime. A.________ a fait appel du jugement, concluant à son acquittement. Il a en outre recouru contre la décision de mise en détention auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois. 
 
B.  
Par arrêt du 22 juillet 2022, la Chambre des recours pénale a rejeté le recours et confirmé le ch. III du dispositif du jugement du 6 juillet 2022. La quotité de la peine prononcée en première instance justifiait la crainte que le prévenu ne s'enfuie dans son pays d'origine, où il disposait d'un logement et d'où il ne pourrait être extradé. La mesure d'expulsion compromettait ses chances de demeurer en Suisse ainsi que ses relations avec ses trois enfants mineurs qui étaient déjà distendues compte tenu des restrictions grevant son droit de visite. Les mesures de substitution proposées (assignation à résidence, interdiction de contact, présentation à un poste de police et dépôt des papiers d'identité), assorties du port d'un bracelet électronique, n'apparaissaient pas suffisantes pour pallier le risque de fuite. 
 
C.  
Agissant le 29 août 2022 par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et d'ordonner sa libération immédiate, subsidiairement de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvel arrêt dans le sens des considérants. Il demande l'assistance judiciaire. 
La Chambre des recours pénale se réfère à son arrêt, sans autres observations. Le Ministère public renonce à se déterminer. Par lettre du 13 septembre 2022, le recourant déclare renoncer à déposer des observations complémentaires. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu détenu, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Une mesure de détention pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP). 
 
3.  
Contestant le risque de fuite retenu à son encontre, le recourant relève qu'il a toujours contesté l'accusation de viol retenue contre lui, à laquelle le Ministère public a renoncé aux débats et contre laquelle il a fait appel. Il reproche d'ailleurs à la cour cantonale de ne pas avoir demandé d'observations au Ministère public sur la demande de libération formulée en personne devant la Cour d'appel. Ce grief concerne toutefois une autre demande de mise en liberté, formée ultérieurement, et n'apparaît dès lors pas pertinent dans la présente espèce. Pour le recourant, les circonstances concrètes ne permettraient pas de retenir un risque de fuite: il est établi en Suisse depuis plus de dix ans et parfaitement intégré; sa famille, soit ses trois enfants mineurs, sa soeur et la famille de celle-ci vivent en Suisse; il dispose d'un emploi à plein temps; en cas de fuite à l'étranger, il ne disposerait d'aucune ressource et ne pourrait plus payer sa contribution d'entretien à ses trois enfants; si ses relations avec ceux-ci sont actuellement distendues, on devrait en déduire qu'il désire d'autant plus leur maintien. Le recourant relève qu'il ne s'est pas soustrait à la poursuite, tout en connaissant les risques liés à une accusation de viol, et que les instances inférieures n'ont pas jugé opportun de le placer en détention avant jugement. Le recourant relève enfin que durant une tentative d'évasion survenue à la prison de la Croisée, il a lui-même renoncé à fuir alors qu'il en aurait eu l'occasion. 
 
3.1. Selon la jurisprudence, le risque de fuite s'analyse en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé. Néanmoins, même si cela ne dispense pas de tenir compte de l'ensemble des circonstances pertinentes, la jurisprudence admet que lorsque le prévenu a été condamné en première instance à une peine importante, le risque d'un long séjour en prison apparaît plus concret que durant l'instruction (ATF 145 IV 503 consid. 2.2).  
 
3.2. Quand bien même le recourant conteste sa condamnation et a appelé du jugement du Tribunal d'arrondissement, et même si le Ministère public a abandonné l'accusation durant les débats, le recourant fait l'objet d'un jugement de première instance le déclarant coupable de viol. Dans un tel cas, la conviction exprimée par les premiers juges vient confirmer l'existence de forts soupçons (ATF 139 IV 186 consid. 2.2.3), tout comme le risque de fuite puisque la perspective de passer une longue période (en l'occurrence un an de peine ferme) en prison apparaît alors plus concrète que lorsque le recourant s'est présenté, libre, aux débats (cf. ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 168 consid. 5.1; 139 IV 270 consid. 3.1). La cour cantonale a pertinemment rappelé que la nationalité du recourant, les liens qu'il a conservés avec son pays d'origine (il n'est arrivé en Suisse qu'en 2008, soit à 25 ans après avoir effectué sa scolarité et exercé des emplois au Portugal, pays où il dispose en outre d'un logement) constituent autant d'éléments permettant de craindre une fuite à l'étranger, sans possibilité d'obtenir l'extradition du recourant. Le recourant a certes trois enfants mineurs en Suisse, nés en 2010, 2014 et 2019. Toutefois, ses relations avec eux sont déjà limitées actuellement puisque son droit de visite a été réduit à deux heures tous les quinze jours à l'intérieur des locaux du PointRencontre. En outre, l'exécution d'une peine privative de liberté ferme, puis d'une longue expulsion obligatoire prononcée en application de l'art. 66a al. 1 let. h CP, pourraient entraîner une limitation plus stricte encore des contacts entre le recourant et ses enfants (cf. arrêts 1B_195/2022 du 3 mai 2022 consid. 2.2.2; 1B_11/2018 du 29 janvier 2018 consid. 3.2; 1B_304/2007 du 21 janvier 2008 consid. 3.2.2). Dans cette perspective, le fait que ses trois enfants se trouvent en Suisse (il a un quatrième enfant majeur qui réside en France) n'apparaît pas propre à dissuader le recourant de se soustraire à la poursuite pénale en fuyant à l'étranger.  
Le recourant relève qu'il ne s'est pas joint à une tentative d'évasion survenue le 20 juillet 2022 à la prison de la Croisée; il s'agit d'un fait, certes antérieur de deux jours à l'arrêt attaqué, mais dont la cour cantonale n'a pas pu tenir compte et qui constitue donc un fait nouveau au sens de l'art. 99 al. 1 LTF. On ignore au demeurant tout de cet événement, et le refus du recourant d'y prendre part - alors qu'il pouvait encore espérer une décision favorable de la part de la cour cantonale au sujet de sa détention - ne signifie pas qu'en cas de libération, il ne tentera pas de se soustraire à la justice. 
Au vu de ces circonstances concrètes, un risque de fuite pouvait à juste titre être retenu par les instances précédentes. 
 
4.  
Invoquant l'art. 237 CPP, le recourant estime que des mesures de substitution seraient à même de prévenir tout risque de fuite; il se fonde sur un arrêt de la CourEDH I.S. contre Suisse, Requête n° 60202/15, du 6 octobre 2020, et estime que les considérations de la cour cantonale videraient de toute substance l'art. 237 CPP
 
4.1. Conformément au principe de la proportionnalité ancré à l'art. 36 al. 3 Cst., il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention. Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'art. 237 al. 2 CPP, font notamment partie des mesures de substitution la fourniture de sûretés (let. a), dont le montant dépend de la gravité des actes reprochés au prévenu et de sa situation personnelle (art. 238 al. 2 CPP), la saisie des documents d'identité et autres documents officiels (let. b), l'assignation à résidence (let. c), ou encore l'obligation de se présenter régulièrement à un service administratif (let. d). L'art. 237 al. 3 CPP précise que, pour surveiller l'exécution de ces mesures, le tribunal peut ordonner l'utilisation d'appareils techniques qui peuvent être fixés à la personne sous surveillance.  
 
4.2. Le recourant part de la prémisse erronée que le risque de fuite serait purement abstrait; au vu de ses liens avec son pays d'origine, de la grave accusation élevée à son encontre et de la peine privative de liberté encourue, assortie d'une longue expulsion, tel n'est manifestement pas le cas. La cour cantonale a dès lors écarté à juste titre les mesures de substitution proposées par le recourant, lesquelles n'empêcheraient pas une personne de s'enfuir à l'étranger ou de passer dans la clandestinité. En particulier, la jurisprudence considère qu'une surveillance électronique ne permet qu'un contrôle a posteriori (ATF 145 IV 503 consid. 3.3); la saisie de documents d'identité émis par un Etat étranger n'offre en outre aucune garantie quant au risque de fuite (cf. arrêt 1B_383/2020 du 13 août 2020 consid. 5.2); tel est également le cas des mesures de contrôle proposées, lesquelles ne reposent que sur la seule volonté du recourant de s'y soumettre. Le recourant ne fait état d'aucun élément qui permettrait de remettre en cause le raisonnement de la cour cantonale sur ce point. Il invoque également à tort l'arrêt de la CourEDH précité, dès lors que celui-ci se rapporte au cas d'un prévenu qui, au contraire du recourant, a été acquitté en première instance.  
 
4.3. Le recourant invoque encore l'inopportunité de la décision attaquée, mais il ne s'agit pas d'un motif de recours au sens de l'art. 95 LTF. Il se plaint aussi d'une violation du principe de célérité, mais ce grief concerne la fixation des débats d'appel et ne constitue pas l'objet du litige. Le recourant ne prétend pas en revanche que la procédure de recours relative à sa détention porterait atteinte au principe de célérité: la cour cantonale a en effet statué dans les onze jours après réception du recours, ce qui constitue un délai admissible au regard notamment de l'art. 5 al. 2 CPP.  
 
 
5.  
Le recours doit par conséquent être rejeté. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions d'octroi en sont réunies (cf. art. 64 al. 1 LTF). Me Astyanax Peca est désigné comme avocat d'office du recourant, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Astyanax Peca est désigné comme avocat d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 francs. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 16 septembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz