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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_310/2020  
 
 
Arrêt du 17 février 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Hofmann, Juge suppléant. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me Franck-Olivier Karlen, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Municipalité d'Yvonand, avenue du Temple 8, 1462 Yvonand, représentée par Mes Benoît Bovay et Feryel Kilani, avocats. 
 
Objet 
Remise en état, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton 
de Vaud, Cour de droit administratif et public, 
du 30 avril 2020 (AC.2019.0132). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ est propriétaire de la parcelle n° 2014 de la commune d'Yvonand, sise chemin U.________, sur laquelle est érigée une villa. 
Le 23 juin 2014, la Municipalité d'Yvonand a signifié à A.________ que le second logement d'une pièce et demie situé au rez-de-chaussée de sa villa (ci-après: le studio) ne figurait pas sur le dossier de mise à l'enquête de 1988 et semblait déroger aux règles de volumétrie fixées par le plan de quartier "Sur Priales". 
Par écrit du 16 juillet 2014, après avoir effectué une vision locale, la municipalité a constaté que la réalisation du studio contrevenait à la réglementation dudit plan de quartier, qui n'autorisait que trois demi-niveaux habitables et non pas quatre, et ne respectait pas les règles de sécurité, attendu que la présence d'une citerne de mazout sur la voie d'accès au logement représentait un danger. Elle a cependant laissé entendre que le plan de quartier pouvait éventuellement faire l'objet d'une révision, notamment en ce qui concerne le nombre de demi-niveaux habitables, et qu'un courrier serait prochainement envoyé à tous les propriétaires concernés. 
Par écrit du 15 août 2017, la municipalité a signifié à A.________ que la révision du plan de quartier avait été abandonnée, que le studio réalisé illégalement n'allait pas pouvoir être légalisé et que sa surface devait être remise en affectation non habitable. Elle a invité A.________ à lui indiquer dans quel délai elle pourrait procéder aux travaux nécessaires. 
Le 12 décembre 2017, A.________ a répondu à la municipalité qu'elle ne pouvait pas envisager de perdre cette surface habitable et a demandé à "connaître les recours dont [elle] dispose". 
 
B.   
Par écrit du 21 décembre 2017, la municipalité a rappelé à A.________, en se référant au contenu de son courrier du 15 août 2017, qu'aucune dérogation n'était envisageable et que la surface du studio devait être remise en affectation non habitable. Elle lui a dès lors imparti un délai de deux ans pour procéder à la remise en état exigée. 
En date du 20 juillet 2018, la municipalité a précisé que l'inscription de nouveaux locataires au Contrôle des habitants pouvait être exceptionnellement envisagée jusqu'au terme du délai fixé pour la remise en état. Le 20 août 2018, elle a imparti un délai au 15 septembre 2018 pour corriger les irrégularités relatives à la citerne de mazout et au compartimentage des deux appartements. 
Dans son courriel du 7 septembre 2018 adressé à la municipalité, A.________ a exposé qu'elle avait condamné temporairement le passage entre le studio et le logement du 1er étage afin de satisfaire aux normes de protection contre les incendies, "ceci dans l'attente de la décision définitive concernant ledit studio". 
Le 27 septembre 2018, la municipalité a pris note du compartimentage effectué et précisé que le studio ne pourra pas être légalisé. Par écrits des 11 octobre et 19 décembre 2018, la municipalité a respectivement accordé à A.________ une prolongation de délai pour l'exécution des travaux de mise en conformité de la citerne à mazout et constaté que les travaux requis avaient été effectués. 
 
C.   
Le 25 mars 2019, A.________, nouvellement représentée par un avocat, a requis une décision formelle de la municipalité. 
Par écrit du 4 avril 2019 assorti de voies de droit, la municipalité a confirmé, en citant le contenu de ses précédents courriers, que le nombre de niveaux habitables de la villa était supérieur à ce qui est autorisé par le plan de quartier, qu'une dérogation ne pouvait être accordée et que la surface du studio devait être remise en affectation non habitable. 
Par acte du 6 mai 2019, A.________ a interjeté recours contre l'écrit du 4 avril 2019. La Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable par arrêt du 30 avril 2020. 
 
D.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, principalement, d'annuler l'arrêt du 30 avril 2020 du Tribunal cantonal et de l'autoriser à louer le studio sis chemin U.________ à Yvonand, ainsi que, subsidiairement, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour nouveau jugement dans le sens des considérants. 
Le Tribunal cantonal déclare renoncer à se déterminer et se référer aux considérants de l'arrêt attaqué. La municipalité conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
Par ordonnance du 29 juin 2020, admettant la requête formulée en ce sens par la recourante, le Président de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral accorde l'effet suspensif au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante, qui a pris part à la procédure devant l'instance précédente, est directement touchée par le prononcé d'irrecevabilité de l'arrêt attaqué et a un intérêt digne de protection à en obtenir l'annulation. Elle a dès lors qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Le Tribunal cantonal ayant refusé d'entrer en matière sur le recours, seule la question de la recevabilité du recours cantonal peut être portée devant le Tribunal fédéral qui n'a, à ce stade, pas à examiner le fond de la contestation. En cas d'admission du recours, la cause devrait être renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle entre en matière sur le recours et statue au fond. Le grief portant sur la violation du principe de la proportionnalité est donc irrecevable. 
 
2.   
Par rapport à l'irrecevabilité retenue par le Tribunal cantonal, la recourante invoque une application arbitraire des art. 3 et 42 de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; RS/VD 173.36). Elle soutient en substance que, faute d'indication des voies de droit, elle n'a pas réalisé la portée du courrier du 21 décembre 2017; elle ajoute que celui-ci s'inscrivait dans le contexte d'une modification du plan de quartier qui, si elle avait abouti, aurait conduit à la légalisation du studio. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 134 II 349 consid. 3 p. 351).  
Appelé à revoir l'application ou l'interprétation d'une norme sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5). En outre, pour qu'une décision soit annulée au titre de l'arbitraire, il ne suffit pas qu'elle se fonde sur une motivation insoutenable; encore faut-il qu'elle apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 136 III 552 consid. 4 p. 560). 
 
2.1.2. Aux termes de l'art. 3 al. 1 LPA-VD, est une décision toute mesure prise par une autorité dans un cas d'espèce, en application du droit public, et ayant pour objet: a. de créer, de modifier ou d'annuler des droits et obligations; b. de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits et obligations; c. de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits et obligations.  
Quant à l'art. 42 LPA-VD, il dispose que la décision contient les indications suivantes, exprimées en termes clairs et précis: a. le nom de l'autorité qui a statué et sa composition s'il s'agit d'une autorité collégiale; b. le nom des parties et de leurs mandataires; c. les faits, les règles juridiques et les motifs sur lesquels elle s'appuie; d. le dispositif; e. la date et la signature; f. l'indication des voies de droit ordinaires ouvertes à son encontre, du délai pour les utiliser et de l'autorité compétente pour en connaître. 
Selon la jurisprudence, une décision implique un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré. Elle se distingue à cet égard des simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements, qui, faute de caractère juridique contraignant, n'entrent pas dans la catégorie des décisions (ATF 130 V 288 consid. 2.3 p. 391; arrêts 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2, in SJ 2013 I p. 18; 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1). Pour déterminer si l'on est ou non en présence d'une décision, il y a ainsi lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (ATF 143 III 162 consid. 2.2.1 p. 164 s.; 134 V 145, consid. 3.2 p. 148). 
D'après un principe général du droit déduit de l'art. 9 Cst. protégeant la bonne foi du citoyen, le défaut d'indication ou l'indication incomplète ou inexacte des voies de droit ne doit en principe entraîner aucun préjudice pour les parties (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2 p. 53; 117 Ia 297 consid. 2 p. 299 et les arrêts cités). Ce principe comporte toutefois une réserve: l'art. 5 al. 3 in fine Cst. impose au citoyen d'agir de manière conforme aux règles de la bonne foi (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2 p. 53). 
Ainsi, lorsque l'indication des voies de droit fait défaut, on attend du justiciable qu'il fasse preuve de diligence en recherchant lui-même les informations nécessaires. Le destinataire d'une décision administrative, reconnaissable comme telle, mais ne contenant pas la mention des voies et des délais de recours, doit entreprendre dans un délai raisonnable les démarches voulues pour sauvegarder ses droits, notamment se renseigner auprès d'un avocat ou de l'autorité qui a statué sur les moyens d'attaquer cette décision et, après avoir obtenu les renseignements nécessaires, agir en temps utile (ATF 129 II 125 consid. 3.3 p. 134; 119 IV 330 consid. 1c p. 334; arrêt 6B_601/2020 du 6 janvier 2021 consid. 1.4.5.3 destiné à la publication). Une plus grande sévérité serait de mise à l'endroit d'un homme de loi qu'à l'égard d'un simple particulier (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2 p. 54; 127 II 198 consid. 2c p. 205; 117 Ia 297 consid. 2 p. 299). 
Le justiciable ne saurait se prévaloir indéfiniment de la négligence de l'administration relative à l'indication des voies et délais de recours. Il n'est en effet pas compatible avec les principes de la confiance et de la sécurité du droit qu'un prononcé puisse être remis en question à tout moment. Passé un délai raisonnable, à déterminer suivant les circonstances concrètes du cas, le recourant n'est plus admis à s'en prévaloir (voir ATF 104 V 162 consid. 3 p. 166; arrêt 2C_857/2012 du 5 mars 2013 consid. 3.2; cf. également ATF 116 Ia 215 consid. 2c p. 220). 
 
2.2.  
 
2.2.1. Dans l'arrêt attaqué, les juges cantonaux ont considéré que le caractère contraignant de l'injonction du 15 août 2017 de remettre en affectation non habitable le studio n'avait pas échappé à la recourante; preuve en était la demande de l'intéressée, formée le 12 décembre 2017, de "connaître les recours dont [elle] dispose". La décision du 21 décembre 2017 a rappelé la teneur de celle du 15 août précédent et a imparti un délai de deux ans pour faire le nécessaire. Les juges cantonaux ont insisté sur le fait que la recourante n'avait pas contesté l'ordre de remise en état; elle n'avait pas plus réagi ultérieurement aux nombreux rappels de la municipalité selon lesquels le studio était encore toléré à titre exceptionnel jusqu'à fin décembre 2019 au plus tard et devait ensuite disparaître. La cour cantonale a pris en compte le fait que la décision du 21 décembre 2017 ne comportait pas l'indication des voies de recours légales, mais a considéré que, en recourant seize mois après la notification d'une décision qu'elle aurait dû contester sans tarder, la recourante n'avait pas agi dans un délai raisonnable lui permettant d'être protégée dans sa bonne foi face à la négligence de l'autorité.  
L'instance cantonale en a conclu que le recours formé le 6 mai 2019 contre la décision du 21 décembre 2017 était tardif et devait être déclaré irrecevable. 
 
2.2.2. ll est certain que l'autorité municipale n'a pas procédé, sur le plan formel, d'une manière irréprochable. Si elle a correctement tenu la recourante informée de l'évolution du projet de révision du plan de quartier concerné, notamment en indiquant, le 15 août 2017, que la révision de ce plan avait été abandonnée puis en confirmant cette information le 21 décembre 2017, la municipalité n'a jamais indiqué les voies de droit qu'une telle décision administrative aurait supposées (art. 42 let. f LPA-VD). ll est également établi que l'autorité municipale n'a pas répondu à la question de la recourante, formulée le 12 décembre 2017, de connaître "les recours dont [elle] dispose".  
Ces derniers éléments ne permettent cependant pas de considérer que l'irrecevabilité à laquelle est parvenue la cour cantonale serait insoutenable ou choquante dans son résultat. L'approche des juges cantonaux apparaît en effet parfaitement soutenable au vu des circonstances de fait de l'espèce. On ne saurait ainsi ignorer que la recourante savait, depuis août 2017, que la révision du plan de quartier était abandonnée, ce qui empêchait toute légalisation du studio litigieux d'une pièce et demie; depuis cette date également, elle savait qu'une remise en affectation non habitable devrait intervenir; le délai de deux ans pour procéder aux travaux nécessaires a été communiqué de manière claire et non ambiguë dans la décision du 21 décembre 2017. En outre, comme l'ont relevé les juges cantonaux, l'attention de la recourante a été attirée ensuite plusieurs fois sur l'échéance de fin décembre 2019, sans entraîner de réaction de l'intéressée. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'elle soutient devant le Tribunal fédéral, la situation juridique était claire et la recourante ne pouvait pas prétendre encore négocier avec la commune. 
En considérant que la recourante n'avait pas agi dans un délai raisonnable en recourant seize mois après la communication de la décision du 21 décembre 2017, les juges cantonaux ont adopté une solution juridique qui n'apparaît pas en contradiction manifeste avec le déroulement des faits de l'espèce; en outre, cette solution prend en compte la position constante de l'autorité communale, communiquée à la recourante en août puis en décembre 2017 et enfin au cours des deux années suivantes. Dans de telles circonstances, il aurait appartenu à la recourante de manifester son opposition à la décision de remise en état, ou tout au moins de se renseigner, après la décision du 21 décembre 2017 et les correspondances qui ont suivi, sur les voies de recours ouvertes. Or, celle-ci n'a jamais réagi et a attendu plus d'une année pour obtenir de tels renseignements, en consultant un avocat en mars 2019. Dans de telles conditions, la cour cantonale pouvait considérer, sans violer le droit fédéral, que le recours du 6 mai 2019 était tardif. 
 
3.   
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de la recourante qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à la municipalité (art. 68 al. 3 LTF; cf. arrêt 1C_122/2007 du 24 juillet 2007 consid. 6). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante et de la Municipalité d'Yvonand, ainsi qu'au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public. 
 
 
Lausanne, le 17 février 2021 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Sidi-Ali