Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_557/2021
Arrêt du 17 février 2022
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Viscione et Abrecht.
Greffière : Mme Castella.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Florian Baier, avocat,
recourant,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (remise),
recours contre l'arrêt de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 28 juin 2021 (A/2736/2020 ATAS/688/2021).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 1961, a été engagé dès le 1
er avril 2004 en tant que sertisseur par B.________ Sàrl, dont il avait été l'unique associé gérant du 2 décembre 1996 au 3 mars 2004. À ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
Le 5 janvier 2014, l'assuré a été victime d'un accident entraînant une incapacité de travail. Dans la déclaration de sinistre remplie le 27 janvier 2014, son employeur a indiqué que le salaire brut mensuel s'élevait à 12'500 fr., auquel s'ajoutait un montant mensuel de 800 fr. à titre d'allocations familiales. La CNA a alloué des indemnités journalières pour la période du 8 janvier 2014 au 10 janvier 2016, calculées sur la base d'un montant de 276 fr. 20 par jour calendaire.
Le 1
er juillet 2016, l'employeur a annoncé une rechute et a fait mention d'un salaire de base contractuel brut de 126'500 fr. La CNA a alloué des indemnités journalières calculées sur la base d'un montant de 277 fr. 30 par jour calendaire pour la période du 10 juin 2016 au 25 octobre 2017.
A.b. Par décision du 13 avril 2018, confirmée sur opposition le 27 juillet 2018, la CNA a réclamé à l'assuré la restitution d'un montant global de 202'189 fr. 90 qu'elle estimait avoir versé à tort pour la période du 8 janvier 2014 au 25 octobre 2017. Par arrêt du 16 septembre 2019, confirmé le 5 décembre 2019 par le Tribunal fédéral (cause 8C_704/2019), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre des assurances sociales) a partiellement admis le recours formé par l'assuré en ce sens qu'elle a annulé la décision du 27 juillet 2018 en tant qu'elle portait sur la restitution de 83'129 fr. 80 à titre d'indemnités journalières pour la période du 8 janvier 2014 au 10 janvier 2016, la cause étant sur ce point renvoyée à la CNA pour instruction complémentaire et nouvelle décision. S'agissant de la restitution des prestations versées à la suite de la rechute, la juridiction cantonale a confirmé la décision sur opposition et l'obligation de l'assuré de rembourser à ce titre le montant de 119'060 fr. 10 pour la période du 10 juin 2016 au 25 octobre 2017.
Par décision du 12 mars 2020, la CNA a procédé à un nouveau calcul dont il ressortait que le solde en sa faveur se portait à 134'310 fr. 30, montant que l'assuré était invité à rembourser. Ce dernier ne s'est pas opposé à ce nouveau calcul.
A.c. Le 31 mars 2020, l'assuré a demandé la remise de la somme réclamée, invoquant sa situation obérée et sa bonne foi. Par décision du 14 avril 2020, confirmée sur opposition le 23 juillet 2020, la CNA a refusé de libérer l'assuré du paiement du montant réclamé, au motif que la condition de la bonne foi n'était pas remplie.
B.
Par arrêt du 28 juin 2021, la Chambre des assurances sociales a rejeté le recours formé par l'assuré contre la décision sur opposition du 23 juillet 2020.
C.
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme en ce sens q u'il soit constaté que les conditions de la remise sont remplies. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Il requiert en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
L'intimée conclut au rejet du recours, tandis que la juridiction cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
Le litige porte sur le droit du recourant à la remise de l'obligation de restituer la somme de 134'310 fr. 30 pour des prestations versées à tort à la suite de son accident du 5 janvier 2014, singulièrement sur le point de savoir si les premiers juges ont violé le droit en niant que la condition de la bonne foi prévue à l'art. 25 al. 1 LPGA (RS 830.1) fût remplie.
3.
En matière de remise de l'obligation de restituer des prestations de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF; ATF 122 V 134 consid. 1; 112 V 97 consid. 1b; arrêt 8C_717/2021 du 21 décembre 2021 consid. 1.2). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 V 35 consid. 4.2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il n'entre pas en matière sur des critiques appellatoires portant sur l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves par l'autorité précédente (ATF 140 V 213 consid. 2).
4.
Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées; la restitution ne peut pas être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c; arrêt 9C_43/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3).
Selon la jurisprudence, l'ignorance, par le bénéficiaire des prestations, du fait qu'il n'avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre sa bonne foi. Il faut bien plutôt que le requérant ne se soit rendu coupable non seulement d'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence grave. Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer - comme par exemple une violation du devoir d'annoncer ou de renseigner - sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, le bénéficiaire peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4).
Il y a négligence grave quand un ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d). L'examen de l'attention exigible d'un ayant droit qui invoque sa bonne foi relève du droit et le Tribunal fédéral revoit librement ce point (ATF 122 V 221 consid. 3).
5.
Les premiers juges ont retenu que le recourant avait commis une négligence grave en n'interpellant pas l'intimée au sujet du montant manifestement excessif des indemnités journalières que celle-ci lui avait communiqué par courrier du 29 janvier 2014. Ils ont relevé que même sans connaissance particulière du droit des assurances sociales, les personnes ayant déjà perçu par le passé des prestations à la suite d'un accident entraînant une incapacité de travail ne pouvaient pas ignorer que les indemnités journalières étaient calculées d'après leur gain assuré, soit en fonction du dernier salaire avant l'accident, et qu'une incapacité totale de travail n'était compensée que partiellement par les indemnités journalières, notamment lorsque le dernier salaire avant l'accident était supérieur au montant maximum du gain assuré. Dès lors, il ne pouvait pas échapper au recourant - qui avait déjà été victime d'un accident en 2007 et s'était précisément renseigné auprès de l'intimée sur le mode de calcul des indemnités journalières - que le courrier du 29 janvier 2014 comportait une erreur manifeste que la bonne foi lui intimait de signaler à l'intimée. En effet, il avait été indemnisé sur la base du gain assuré maximum alors en vigueur (126'000 fr., dont le 80 % représentait 276 fr. 20 par jour), alors qu'il avait perçu un salaire annuel de 86'968 fr. en 2013. Un tel salaire étant inférieur d'environ 40'000 fr. au salaire contractuel annoncé, il s'agissait d'un fait déterminant pour l'octroi des prestations, qu'il lui incombait de signaler à l'intimée (art. 31 al. 1 LPGA et 93 al. 1 LAA). En outre, aucun élément au dossier ne permettait de conforter l'idée du recourant selon laquelle une assurance de somme aurait été conclue.
6.
6.1. Invoquant la violation des art. 25 LPGA, 5 et 9 Cst., le recourant conteste toute négligence de sa part.
6.1.1. Il estime tout d'abord qu'il serait insoutenable de sous-entendre qu'il aurait dû connaître les règles de calcul en matière d'indemnités journalières, comparer les prestations perçues avec celles touchées en 2008 et vérifier l'entier des calculs passablement complexes effectués par l'intimée. Il soutient en outre qu'il n'était pas censé connaître la période déterminante pour la prise en compte du salaire dans le cadre du calcul des indemnités journalières.
6.1.2. La comparaison à laquelle procède le recourant entre les indemnités journalières perçues en 2008 et celles perçues en 2014 n'est pas pertinente. En effet, si les premiers juges lui ont reproché de ne pas s'être aperçu que les indemnités journalières de 2014 étaient manifestement trop élevées, c'était au regard du fait qu'elles étaient calculées sur la base d'un salaire bien plus élevé (d'environ 40'000 fr.) que celui qu'il touchait effectivement. Quoi qu'en pense le recourant, cela ne revient pas à exiger de sa part qu'il se rende compte de la moindre erreur de calcul de l'intimée. En outre, si les juges cantonaux se sont référés à l'accident de 2007, c'était uniquement pour étayer le constat qu'il n'ignorait pas que les indemnités étaient calculées sur la base du gain assuré. Pour le reste, il peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique à celle du recourant qu'elle se rende compte que l'indemnisation de l'incapacité de travail par l'assureur-accidents obligatoire n'est pas censée dépasser la perte de gain effective correspondante (cf. consid. 4 supra).
6.2.
6.2.1. Le recourant reproche ensuite à la cour cantonale de s'être appuyée sur l'arrêt 9C_498/2012 du 7 mars 2013 dans la mesure où la situation à la base de cet arrêt ne serait pas comparable à la sienne. Dans son cas, l'intimée lui aurait communiqué qu'elle disposait de toutes les informations nécessaires pour lui allouer des indemnités journalières de 276 fr. 20. Or, de l'avis du recourant, il appartenait à celle-ci de s'assurer de la véracité des informations en sollicitant une copie du certificat de salaire, comme elle l'avait fait en 2008.
6.2.2. En l'espèce, si les premiers juges ont bien fait mention de l'arrêt 9C_498/2012, il s'agissait d'une simple référence de jurisprudence topique en matière d'erreur manifeste. On ne saurait en déduire qu'ils auraient procédé à une analogie avec le cas d'espèce. Pour le reste, l'argumentation du recourant repose sur une interprétation personnelle du courrier du 29 janvier 2014 de la CNA, dans laquelle cette dernière se limite à communiquer le montant de l'indemnité journalière. En particulier, il n'en ressort pas que l'intimée aurait indiqué disposer de tous les éléments nécessaires pour confirmer l'exactitude du montant de l'indemnité journalière de 276 fr. 20. On ne saurait en outre lui reprocher de ne pas avoir requis un certificat de salaire ou instruit davantage la question du gain assuré au moment de l'allocation de l'indemnité. Il importe en effet que les assurés soient indemnisés rapidement après un accident et, comme déjà exposé dans l'arrêt 8C_704/2019 (consid. 4.2), l'intimée était en droit de se fier aux indications fournies par l'employeur sans procéder d'office et immédiatement à leur vérification.
6.3.
6.3.1. Enfin, le recourant soutient que les éventuels manquements commis par son employeur ne pourraient pas lui être imputés dès lors qu'il n'est devenu associé gérant de la société qu'en mai 2018. Il ne pourrait d'ailleurs pas être reproché à l'employeur d'avoir inscrit le montant du salaire contractuel plutôt que le salaire effectivement versé, vu les termes du formulaire de déclaration de sinistre.
6.3.2. Cette argumentation n'est pas davantage fondée. En effet, il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que les agissements de l'employeur auraient été imputés au recourant ni que d'éventuels manquements auraient été retenus à l'encontre de son employeur. Certes, les juges cantonaux ont considéré qu'il ne pouvait pas avoir échappé au recourant que les primes LAA payées par la société étaient fixées en fonction de la masse salariale, "cas échéant par l'imputation à celui-ci des faits portés à la connaissance de la fiduciaire". Ces considérations avaient toutefois pour but de démontrer que rien ne permettait de conforter l'idée d'une assurance de somme. On rappellera dans ce contexte qu'avant mai 2018, le recourant avait déjà été associé gérant du 2 décembre 1996 au 3 mars 2004. Enfin, indépendamment du montant inscrit par l'employeur dans la déclaration de sinistre et comme déjà dit (cf. consid. 6.1.2 supra), le recourant ne pouvait pas raisonnablement penser qu'il avait droit à être indemnisé sur la base d'un salaire nettement supérieur à celui qu'il touchait effectivement. En outre, l'ignorance du fait qu'il n'avait pas droit à des prestations aussi élevées ne suffit pas pour admettre sa bonne foi au sens de l'art. 25 al. 1 LPGA.
7.
7.1. Le recourant invoque ensuite une violation de l'art. 27 LPGA, se plaignant d'une négligence de la part de la CNA en tant qu'elle lui aurait indiqué qu'elle disposait de tous les éléments nécessaire à sa prise de décision. Il prétend qu'il était ainsi en droit de se fier aux renseignements fournis par l'assureur, en vertu de l'art. 5 al. 3 Cst.
7.2. Le grief du recourant tombe à faux. Non seulement l'intimée n'a donné aucune assurance sur le montant des indemnités journalières dans son courrier du 29 janvier 2014 (cf. consid. 6.2.2 supra), mais si son calcul s'est révélé erroné, c'est précisément à cause des mauvaises indications sur le salaire du recourant. Celui-ci ne saurait dès lors se prévaloir d'une violation de l'art. 27 LPGA. Enfin, en tant qu'il invoque l'art. 5 al. 3 Cst., son argumentation consiste plutôt à remettre en question l'obligation de restituer. Or il n'y a pas lieu d'y revenir à ce stade de la procédure.
8.
8.1. Enfin, le recourant reproche à la cour cantonale de n'avoir pas constaté d'office que le délai de prescription relatif d'une année (art. 25 al. 2 LPGA [dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2020]) n'aurait pas été respecté.
8.2. Le recourant perd de vue que la décision de restitution du 12 mars 2020 n'a pas été contestée et qu'elle est ainsi entrée en force. Il lui incombait de faire valoir son grief par le biais d'une opposition contre cette décision et non au stade de la remise (cf. arrêt 8C_77/2018 du 30 avril 2018 consid. 3.2 et les références).
9.
En définitive, le recours se révèle mal fondé.
Le recourant, qui succombe, a demandé à bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l'assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci était dénué de chances de succès. Le recourant doit par conséquent payer les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), étant précisé que ceux-ci sont dus dans une affaire qui ne concerne pas directement des prestations d'assurance sociale au sens de l'art. 65 al. 4 let. a LTF (arrêt 9C_147/2007 du 9 août 2007 consid. 3). Le recourant ne peut en outre pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 17 février 2022
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Castella