Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_659/2021  
 
 
Arrêt du 17 février 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Viscione et Abrecht. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par B.________ SA, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (rente d'invalidité; revenu d'invalidité), 
 
recours contre l'arrêt de la I re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg 
du 25 août 2021 (605 2020 198). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1962 et employé de chantier, a été victime le 29 juin 1997 d'un accident de travail, qui a entraîné une fracture diaphysaire multi-fragmentaire du fémur gauche. Ensuite de cet accident, la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) lui a octroyé une rente d'invalidité fondée sur un taux de 10 % dès le 1 er juin 2000 ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) de 10 %.  
 
A.b. En août 2002, l'assuré a repris son activité d'employé de chantier. Le 24 août 2010, il a subi sur son lieu de travail un nouvel accident, qui a occasionné un traumatisme du membre inférieur gauche avec fracture comminutive supra-condylienne du fémur. Ensuite de ce second accident, la CNA lui a alloué une IPAI supplémentaire de 15 %.  
 
A.c. Par décision du 5 mars 2020, confirmée sur opposition le 31 août 2020, la CNA, retenant que l'assuré était en mesure d'exercer à plein temps une activité adaptée à certaines limitations fonctionnelles, a refusé de lui octroyer une rente d'invalidité en rapport avec le second accident. Procédant à la comparaison des revenus, elle a évalué le taux d'invalidité de l'intéressé à 1,97 % en déterminant le revenu d'invalide sur la base des données statistiques de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), sans procéder à un abattement sur le salaire statistique ainsi obtenu. Elle lui a cependant versé une nouvelle IPAI supplémentaire de 7,5 %.  
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition, la Ire Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg l'a partiellement admis par arrêt du 25 août 2021, renvoyant la cause à la CNA pour qu'elle procède à un nouveau calcul du taux d'invalidité en tenant compte d'un revenu mensuel sans invalidité de 5500 fr. - au lieu de 5414 fr. - et d'un abattement de 15 % sur le revenu d'invalide. 
 
C.  
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme dans le sens de la confirmation de sa décision sur opposition du 31 août 2020. 
L'intimé conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), contre les décisions partielles (art. 91 LTF) ainsi que contre les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 al. 1 LTF). Selon l'art. 93 al. 1 LTF, les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).  
 
1.2. Les jugements qui renvoient la cause à l'autorité inférieure constituent des décisions incidentes car ils ne mettent pas fin à la procédure (ATF 142 II 20 consid. 1.2; 134 II 124 consid. 1.3). En revanche, lorsque l'autorité inférieure à laquelle la cause est renvoyée ne dispose plus d'aucune marge de manoeuvre parce que le renvoi ne porte que sur l'exécution (par simple calcul) des injonctions de l'autorité supérieure, le jugement constitue matériellement une décision finale (ATF 145 III 42 consid. 2.1; 144 III 253 consid. 1.4 et les références). Tel étant le cas en l'espèce, le recours, déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, est donc recevable.  
 
2.  
 
2.1. Au vu de l'arrêt entrepris et des conclusions de la recourante, le litige porte uniquement sur le point de savoir si la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en retenant que le revenu d'invalide devait être fixé en tenant compte d'un abattement de 15 %.  
 
2.2. S'agissant d'une procédure concernant l'octroi de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction précédente (art. 105 al. 3 LTF).  
 
3.  
 
3.1. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA [RS 830.1]) à 10 % au moins ensuite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA; méthode ordinaire de la comparaison des revenus).  
 
3.2. Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'assuré. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé - soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'ESS. Aux fins de déterminer le revenu d'invalide, les salaires fixés sur la base des données statistiques de l'ESS peuvent à certaines conditions faire l'objet d'un abattement de 25 % au plus (ATF 129 V 472 consid. 4.2.3; 126 V 75 consid. 5b/aa- cc).  
 
3.3. Le point de savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d'autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 142 V 178 consid. 2.5.9; 137 V 71 consid. 5.1).  
 
4.  
 
4.1. Retenant que l'intimé approchait de la soixantaine et présentait une boiterie importante, les juges cantonaux ont exposé qu'il devait respecter un certain nombre de limitations et adapter sa place de travail si besoin. L'intéressé n'avait en outre aucune formation et n'avait pas travaillé durant les dix dernières années en raison de son état de santé. Il avait par ailleurs été éloigné du marché du travail ensuite de son premier accident subi en 1997 et disposait d'une expérience professionnelle limitée. Selon l'instance précédente, l'ensemble de ces circonstances avaient une incidence sur les perspectives salariales de l'intimé, même dans le cadre de l'exercice d'une activité physique ou manuelle simple, de sorte que la recourante aurait dû tenir compte d'un abattement de 15 % sur le revenu d'invalide.  
 
4.2. La recourante fait grief aux premiers juges d'avoir retenu un abattement de 15 % en violation des principes posés par la jurisprudence. Elle leur reproche d'avoir pris en compte l'âge de l'intimé - qui venait d'avoir 58 ans au moment déterminant et était donc éloigné de l'âge donnant droit à une rente de l'AVS - comme critère d'abattement. Ce serait également à tort que la cour cantonale a considéré que l'éloignement de l'intimé du marché du travail durant dix ans était de nature à le pénaliser sur le plan des perspectives salariales; l'assuré aurait repris le travail à temps plein de 2002 et 2010 et le profil d'exigence des activités ressortant du niveau de compétence 1 de l'ESS, appliqué en l'espèce, serait peu élevé. Enfin, les limitations fonctionnelles de l'intimé ne le prétériteraient pas sur le marché de l'emploi.  
 
4.3.  
 
4.3.1. Les juges cantonaux ont constaté que l'intimé était en mesure d'exercer une activité à plein temps sans diminution de rendement si l'activité respectait ses limitations fonctionnelles. Il convient donc d'examiner si celles-ci sont susceptibles d'influencer ses perspectives salariales. L'intimé doit alterner les positions assises et debout, éviter le port de charges supérieures à 10-15 kilos de manière répétée, ne pas monter sur des échelles et ne pas se déplacer de manière prolongée, surtout en terrain irrégulier. Au regard des activités physiques ou manuelles simples que recouvrent les secteurs de la production et des services (ESS 2018, tableau TA1_skill_level, niveau de compétence 1), un nombre suffisant d'entre elles correspondent à des travaux légers respectant les limitations fonctionnelles de l'intimé. Une déduction supplémentaire sur le salaire statistique ne se justifie donc pas pour tenir compte des circonstances liées à son handicap. En effet, un abattement n'entre en considération que si, sur un marché du travail équilibré, il n'y a plus un éventail suffisamment large d'activités accessibles à l'assuré (cf. arrêt 8C_118/2021 du 21 décembre 2021 consid. 6.3.1 et la référence).  
 
4.3.2. S'agissant du critère de l'âge, le Tribunal fédéral n'a pas encore tranché le point de savoir si, dans le domaine de l'assurance-accidents obligatoire, il constitue un critère d'abattement ou si l'influence de l'âge sur la capacité de gain doit être prise en compte uniquement dans le cadre de la réglementation particulière de l'art. 28 al. 4 OLAA (cf. arrêts 8C_597/2020 du 16 juin 2021 consid. 5.2.5 et la référence citée; 8C_122/2019 du 10 septembre 2019 consid. 4.3.2). Cette question peut encore demeurer indécise, dès lors que le tribunal cantonal n'a pas exposé - et on ne voit pas - en quoi les perspectives salariales de l'intimé seraient concrètement réduites sur un marché du travail équilibré à raison de son âge. Il ressort en revanche du dossier qu'ensuite de son premier accident, l'intéressé a pu retrouver un travail entre 2002 et 2010. Il dispose ainsi d'une certaine capacité d'adaptation sur le plan professionnel, susceptible de compenser les désavantages compétitifs liés à son âge, surtout dans le domaine des emplois non qualifiés qui sont, en règle générale, disponibles indépendamment de l'âge de l'intéressé sur un marché du travail équilibré (cf. ATF 146 V 16 consid. 7.2.1; arrêt 8C_597/2020 précité consid. 5.2.4 et les références citées). Quant à l'absence d'expérience et de formation, elle ne joue pas de rôle lorsque le revenu d'invalide est déterminé en référence au salaire statistique auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives de niveau de compétence 1, comme c'est le cas en l'espèce. En effet, ce niveau de compétence de l'ESS concerne une catégorie d'emplois ne nécessitant ni formation ni expérience professionnelle spécifique (cf. arrêts 8C_118/2021 précité consid. 6.3.2; 8C_175/2020 du 22 septembre 2020 consid. 4.2).  
 
4.4. Il s'ensuit que la juridiction cantonale a opéré à tort un abattement de 15 %. Le recours se révèle dès lors bien fondé. Comme exposé par la recourante, la comparaison des revenus sans tenir compte d'un tel abattement sur le revenu d'invalide débouche - que l'on se base sur un revenu mensuel sans invalidité de 5414 fr. ou de 5500 fr. - sur un taux inférieur au seuil légal ouvrant le droit à une rente d'invalidité. Par conséquent, l'arrêt attaqué doit être annulé et la décision sur opposition du 31 août 2020 doit être confirmée.  
 
5.  
L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). La cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure précédente (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt de la I re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 25 août 2021 est annulé et la décision sur opposition de la CNA du 31 août 2020 confirmée.  
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
La cause est renvoyée à la I re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure précédente.  
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la I re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 17 février 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny