Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
|
|
|
{T 0/2}
5A_92/2016
|
|
|
Arrêt du 17 mars 2016
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Schöbi et Bovey.
Greffière : Mme Achtari.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
tous les deux représentés par Me Guillaume Ruff, avocat,
recourants,
contre
C.________ SA,
représentée par Me Marc Lironi, avocat,
intimée.
Objet
effet suspensif (prononcé de faillite sans poursuite préalable),
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 8 janvier 2016.
Faits :
A.
A.a. C.________ SA, sise à U.________ (GE), a pour but notamment l'achat, la vente, l'entretien et la réparation de bateaux et d'articles nautiques.
A.b. Par requête formée le 21 octobre 2015, A._______ et B.________ ont requis la faillite sans poursuite préalable de C.________ SA.
Par jugement du 10 décembre 2015, le Tribunal de première instance de Genève a prononcé la faillite le même jour à 14h30. Il a considéré que la faillie, qui avait reconnu être la débitrice des poursuivants, était en cessation de paiements.
B.
Le 21 décembre 2015, C.________ SA a formé un recours dans lequel elle a conclu au rejet de la requête de faillite. Au préalable, elle a requis l'effet suspensif.
Par arrêt du 8 janvier 2016, la Cour de justice du canton de Genève a suspendu l'effet exécutoire attaché au jugement rendu le 10 décembre 2015.
C.
Par acte posté le 2 février 2016, A.________ et B.________ interjettent un recours en matière civile, subsidiairement un recours constitutionnel subsidiaire, devant le Tribunal fédéral contre cet arrêt. Ils concluent à sa réforme en ce sens que la demande tendant à la suspension du caractère exécutoire du jugement de première instance est rejetée et que ce jugement est immédiatement exécutoire. Ils se plaignent de la violation de l'art. 174 al. 2 LP ainsi que d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'application de cette norme et de la violation de leur droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.).
Des observations n'ont pas été requises.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 140 IV 57 consid. 2).
1.1. La décision accordant l'effet suspensif à un recours est une décision incidente. Le recours dirigé contre cette décision est soumis à la même voie de droit que celle qui est ouverte contre la décision principale (ATF 137 III 380 consid. 1.1). En l'occurrence, le litige s'inscrit dans une procédure de faillite sans poursuite préalable (art. 72 al. 2 let. a LTF); le recours est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. d LTF). Il s'ensuit que le recours en matière civile est ouvert, de sorte que le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable (art. 113 LTF). La désignation erronée de la voie de droit ne nuit toutefois pas aux recourants si leur recours remplit les exigences légales de celle qui lui est ouverte (ATF 138 I 367 consid. 1.1; 133 I 300 consid. 1.2). Partant, les griefs que ceux-ci invoquent dans leur recours constitutionnel subsidiaire seront examinés dans la mesure de leur recevabilité.
1.2. La cour cantonale n'a pas statué sur recours, mais en qualité d'instance cantonale unique; le recours en matière civile est cependant admissible en vertu de l'art. 75 al. 2 LTF (ATF 137 III 424 consid. 2.2). Les recourants, qui ont qualité pour recourir (art. 76 LTF), ont agi dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF).
1.3.
1.3.1. Une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF est susceptible de faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral, notamment si elle peut causer un préjudice irréparable (al. 1 let. a), à savoir un préjudice juridique qu'un jugement sur le fond même favorable au recourant ne ferait pas disparaître entièrement (ATF 139 V 42 consid. 3.1; 138 III 46 consid. 1.2; 137 III 324 consid. 1.1). Savoir si un tel préjudice existe s'apprécie par rapport aux effets de la décision incidente sur la cause principale, respectivement la procédure principale (ATF 141 III 80 consid. 1.2; 137 III 380 consid. 1.2.2).
Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice irréparable, à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (art. 42 al. 2 LTF; ATF 141 III 80 consid. 1.2 et les références; 138 III 46 consid. 1.2 et les références).
1.3.2. Pour déterminer si les recourants peuvent subir un préjudice irréparable suite à la décision attaquée (cf.
infra consid. 1.3.2.3), il faut d'abord déterminer les effets de celle-ci (cf.
infra consid. 1.3.2.1 s.).
1.3.2.1. Selon l'art. 174 al. 1 LP, applicable à la faillite sans poursuite préalable (art. 194 al. 1 LP), la décision du juge de la faillite peut faire l'objet d'un recours au sens des art. 319 à 327a CPC.
Selon les règles générales régissant cette voie de droit, la décision contre laquelle le recours est ouvert acquiert force de chose jugée et devient exécutoire (art. 325 al. 1 CPC). Toutefois, l'instance de recours peut en suspendre le caractère exécutoire (art. 325 al. 2 CPC). Dès lors, la décision est exécutoire si elle est entrée en force et que le tribunal n'en a pas suspendu l'exécution (arrêt 5A_866/2012 du 1
er février 2013 consid. 4.1, publié
in SJ 2013 I p. 314).
Parmi les règles spécifiques de la LP, l'art. 174 al. 3 LP prévoit que si l'autorité de recours accorde l'effet suspensif, elle ordonne simultanément les mesures provisionnelles propres à préserver les intérêts des créanciers. Le Message du Conseil fédéral relatif à une modification de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (droit de l'assainissement), du 8 septembre 2010, souligne que le libellé de cette norme a été adapté à celui du CPC (p. 5887). L'art. 174 al. 3 LP constitue toutefois une
lex specialiset s'applique en lieu et place de l'art. 325 CPC (JEANDIN,
in Code de procédure commenté, 2011, n° 2 ad art. 325 CPC). Lorsque le juge décide d'ordonner l'effet suspensif, il peut non seulement empêcher l'exécution immédiate du jugement de faillite, en ce sens que l'office des faillites ne peut procéder à aucun acte d'exécution, mais, contrairement à l'art. 325 al. 2 CPC, également suspendre les effets juridiques de l'ouverture de la faillite, soit la force de chose jugée formelle de la décision attaquée (AMONN/WALTHER, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 9
ème éd., 2013, § 36 n° 55; DIGGELMANN,
in KurzKommentar SchKG, 2
ème éd., 2014, n° 5 ad art. 174 LP; GIROUD,
in Basler Kommentar, SchKG II, 2
ème éd., 2010, n° 30 ad art. 174 LP; sur la pratique du Tribunal fédéral en application de l'art. 103 LTF, cf. arrêt 5A_3/2009 du 13 février 2009 consid. 2.3, publié
in SJ 2010 I p. 34). Dans ce cas, si l'autorité judiciaire supérieure rejette en fin de compte le recours, le moment de l'ouverture de la faillite est différé à la date du prononcé de son arrêt, en ce sens que l'autorité doit fixer à nouveau ce moment (ATF 129 III 100 consid. 3 et les références; arrêt 5P.259/2006 du 12 décembre 2006 consid. 2; AMONN/WALTHER,
op. cit.,
loc. cit.; COMETTA,
in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 18 ad art. 175 LP).
1.3.2.2. Lorsque l'autorité de recours accorde l'effet suspensif dans tous ses aspects (force exécutoire et force de chose jugée formelle) au recours contre la décision de faillite, celle-ci ne sortit ses effets ni quant aux biens du failli (cf. art. 197 ss LP), ni quant aux droits des créanciers (cf. art. 208 ss LP; arrêt 5P.259/2006 précité). Il en résulte que, à moins que des mesures provisionnelles - notamment conservatoires - prononcées conjointement pallient ces inconvénients, le créancier peut subir un préjudice; en particulier, le passif peut s'accroître de dettes contractées par le poursuivi pendant l'examen du recours cantonal, celui-ci peut disposer de ses actifs et les poursuites en cours contre lui ne s'éteignent pas, si bien qu'une nouvelle faillite peut être prononcée (GILLIÉRON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5
ème éd., 2012, n° 1466). En outre, puisque le prononcé cantonal au sujet de l'effet suspensif ne pourra pas être revu en même temps que la décision finale au fond, le préjudice est irréparable, de sorte que la condition de l'art. 93 al. 1 let. a LTF est remplie (sous l'aOJ: cf. arrêts 5P.288/2003 du 9 septembre 2003 consid. 1.2; 5P.135/2002 du 26 avril 2002 consid. 1.2).
1.3.2.3. En l'espèce, les recourants invoquent comme préjudice irréparable la modification de la composition de la masse et de la situation des créanciers.
La portée de la décision attaquée n'est pas claire. Dans son dispositif, celle-ci suspend l' "effet exécutoire attaché au jugement ". A s'en tenir aux termes utilisés, elle semble donc empêcher simplement et provisoirement l'exécution de la décision de faillite par l'office. Dans ses motifs, en revanche, elle entend " faire droit à la requête de la recourante tendant à l'octroi de l'effet suspensif à son recours ". L'interprétation de la décision peut restée indécise: si seul l'effet exécutoire est suspendu, la décision ne cause pas aux recourants le préjudice qu'ils invoquent et leur recours doit être déclaré irrecevable; si la force de chose jugée formelle l'est aussi, les recourants subissent le préjudice irréparable qu'ils invoquent, mais leur recours doit, pour les raisons qui suivent, être rejeté.
2.
2.1. La décision accordant l'effet suspensif, comme celle d'exécution provisoire ou de retrait de l'effet suspensif, est une décision de mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF, de sorte que seule la violation de droits constitutionnels peut être invoquée (ATF 137 III 475 consid. 2; 138 III 378 consid. 1.2). Le Tribunal fédéral ne connaît de la violation de tels droits que si ce grief a été expressément soulevé et motivé par le recourant (principe d'allégation; art. 106 al. 2 LTF; ATF 138 I 232 consid. 3; 134 I 83 consid. 3.2).
2.2.
2.2.1. Dans un premier grief, les recourants se plaignent de la violation de leur droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), au motif que l'autorité cantonale n'a pas statué sur le moyen qu'ils ont invoqué sur la base de l'art. 174 al. 2 LP.
2.2.2. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu consacré par l'art. 29 al. 2 Cst. l'obligation pour le juge de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références).
2.2.3. En l'espèce, la motivation de l'autorité cantonale ne viole pas le droit d'être entendu des recourants. En effet, cette autorité, d'une part, s'est prononcée sur le sort à donner à la requête d'effet suspensif, et, d'autre part, a expliqué le motif pour lequel elle l'admettait, soit la vraisemblance de paiements. Si les recourants considèrent que ce critère n'est pas pertinent, ils doivent attaquer la décision en invoquant l'art. 9 Cst. Sur ce point, le recours doit donc être rejeté.
2.3. Les recourants invoquent ensuite la violation de l'art. 9 Cst. dans l'application de l'art. 174 al. 2 LP.
2.3.1. L'autorité cantonale a retenu que l'intimée avait rendu vraisemblable qu'elle avait été en mesure de procéder à des paiements pour une somme totale de l'ordre de 448'000 fr. entre septembre et novembre 2015, de sorte que son recours n'était pas totalement dénué de chances de succès. Elle a alors admis la requête d'effet suspensif.
2.3.2. Les recourants soutiennent que l'autorité cantonale aurait dû considérer que le recours n'était pas susceptible d'aboutir à l'annulation du jugement de faillite étant donné que l'intimée n'a ni allégué ni offert de prouver qu'elle avait réglé la dette à l'origine de la requête de faillite, déposé les sommes nécessaires auprès de l'autorité de recours, ou que la demande de faillite aurait été retirée.
2.3.3. En l'espèce, l'argumentation des recourants ne permet pas d'admettre la violation de l'art. 9 Cst. Faute d'argument supplémentaire, il n'apparaît pas arbitraire, lors de l'examen de la requête d'effet suspensif, de considérer que, lorsque le débiteur conteste la voie de la faillite sans poursuite préalable et rend vraisemblable que la condition objective de ce mode de poursuite, soit la cessation de paiement (cf. art. 190 ch. 2 LP), n'est pas réalisée, le jugement de faillite pourrait être annulé. En conséquence, le grief d'arbitraire dans l'application de l'art. 174 al. 2 LP doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
3.
En conclusion, le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. Le recours en matière civile est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants, qui succombent ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
2.
Le recours en matière civile est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, à l'Office du registre foncier du canton de Genève, à l'Office des faillites et au Registre du commerce de Genève.
Lausanne, le 17 mars 2016
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : von Werdt
La Greffière : Achtari