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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5P.85/2002 /frs 
 
Arrêt du 17 mai 2002 
IIe Cour civile 
 
Les juges fédéraux Bianchi, président, 
Meyer, Hohl, 
greffier Fellay. 
 
X.________, 
recourante, représentée par Me Vincent Jeanneret, avocat, Etude Schellenberg Wittmer, cours de Rive 10, case postale 3054, 1211 Genève 3, 
 
contre 
 
Y.________ AG, 
intimée, représentée par Me Nicolas Jeandin, avocat, Etude Fontanet Jeandin & Hornung, rue du Rhône 84, case postale 3200, 1211 Genève 3, 
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
art. 29 al. 2 et 9 Cst. (mainlevée d'opposition/validation du séquestre) 
 
(recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève du 31 janvier 2002) 
 
Faits: 
A. 
Le 17 août 1999, R.________ GmbH a émis deux lettres de change de 15 millions de DM chacune, tirées à son ordre sur X.________ (ci-après: la tirée ou la débitrice), payables auprès de la Banque D.________ à Genève (ci-après: la banque) et venant à échéance les 7 et 16 février 2000. Ces deux lettres ont été acceptées par la débitrice par apposition de son timbre humide et sous la signature d'un dénommé K..________. En outre, une autre entité du groupe de la débitrice (X.________) les a signées avec la mention "per aval". 
 
Les lettres de change susmentionnées ont été remises à Y.________ AG (ci-après: la créancière) en paiement d'une créance. 
 
La banque ayant refusé d'honorer les lettres de change sur instructions d'un administrateur de la débitrice, protêt a été dressé par un huissier judiciaire genevois les 9 et 18 février 2000. 
B. 
Le 29 mars 2000, la créancière a requis le séquestre d'avoirs de la débitrice en main de la banque. Autorisé par le Tribunal de première instance du canton de Genève le 30 mars 2000, le séquestre a été validé par une réquisition de poursuite du 10 juillet 2000, puis par la notification le 22 juin 2001, au domicile élu de la débitrice à Genève, d'un commandement de payer quatre montants représentant plus de 26 millions de francs suisses. La débitrice y a fait opposition. 
 
Le 10 décembre 2001, le Tribunal de première instance de Genève a rejeté la requête de mainlevée provisoire et de validation du séquestre présentée par la créancière, pour les deux motifs suivants: d'une part, les effets de change produits étaient des photocopies et ne valaient donc pas titres de mainlevée provisoire; d'autre part, le pouvoir de représentation du signataire des deux lettres de change au nom de la tirée n'était pas établi par pièces. 
 
Le 31 janvier 2002, sur recours de la créancière, la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement de première instance et, statuant à nouveau, a prononcé la mainlevée provisoire et validé le séquestre. Elle a admis qu'il était suffisant que les effets de change soient produits en photocopie, tout au moins lorsque le poursuivi n'en conteste pas l'authenticité. Le tribunal de première instance ayant écarté des pièces de la créancière destinées à attester des pouvoirs de représentation du signataire des lettres de change (chargé complémentaire pièces 16 à 20), la cour cantonale a estimé pouvoir en tenir compte en appel; mais elle a relevé qu'elles n'étaient pas déterminantes pour la solution du litige, 
 
dès lors que même signés par une personne non habilitée à engager la tirée, les effets de change litigieux n'en auraient pas perdu leur qualité de titres de créance. 
C. 
Par acte du 21 février 2002, la débitrice a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de l'arrêt de la cour cantonale et à ce que la créancière soit déboutée de toutes autres, contraires ou plus amples conclusions, avec suite de frais et dépens. Elle reproche à la cour cantonale de n'avoir pas motivé sa décision, en violation de l'art. 29 al. 2 Cst., et d'avoir appliqué arbitrairement (art. 9 Cst.) les art. 82 LP et 998 CO en retenant que les effets de change l'engageaient même s'ils n'avaient pas été signés par un représentant autorisé. 
 
La créancière conclut au rejet du recours, avec suite de dépens. 
 
La requête d'effet suspensif présentée par la recourante a été rejetée par décision présidentielle du 22 février 2002. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 Interjeté en temps utile contre une décision de dernière instance cantonale qui prononce la mainlevée provisoire de l'opposition (art. 82 LP; ATF 111 III 8 consid. 1 p. 9 et les arrêts cités), le présent recours de droit public est recevable au regard des art. 84 al. 2, 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. 
1.2 Le recours de droit public ne peut en principe tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 127 III 279 consid. 1b et les arrêts cités). Ainsi, lorsque le Tribunal fédéral annule une décision par laquelle la mainlevée a été accordée ou refusée, il ne peut pas, en règle générale, se prononcer lui-même sur la mainlevée. Une exception à cette règle ne peut être admise que lorsque le Tribunal fédéral n'examine pas la décision attaquée uniquement sous l'angle de l'arbitraire et que la situation juridique peut être considérée comme suffisamment claire (ATF 120 Ia 256 consid. 1b et les arrêts cités). 
 
Le présent recours est donc irrecevable dans la mesure où il tend à ce que l'intimée soit déboutée de toutes autres, contraires ou plus amples conclusions. 
2. 
La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., invoquant l'absence de motivation de l'arrêt attaqué. 
2.1 Comme le droit d'être entendu a un caractère formel et que sa violation entraîne l'admission du recours, ainsi que l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 126 V 130 consid. 2b p. 132; 125 I 113 consid. 3), il convient d'examiner ce grief en premier lieu. 
 
La recourante ne se plaignant pas de la violation de règles du droit cantonal de procédure régissant le droit d'être entendu, son grief sera examiné exclusivement à la lumière de l'art. 29 al. 2 Cst. et avec un plein pouvoir d'examen (ATF 126 I 15 consid. 2a et les arrêts cités). 
2.2 La jurisprudence, qui a été rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. et qui s'applique également à l'art. 29 al. 2 Cst., a déduit du droit d'être entendu le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 126 I 97 consid. 2b; 124 V 180 consid. 1a; 123 I 31 consid. 2c). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui apparaissent pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b; 121 I 54 consid. 2c p. 57 et les arrêts cités). L'étendue de la motivation dépend au demeurant de la liberté d'appréciation dont jouit le juge et de la gravité des conséquences de sa décision (ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 110). 
 
En l'espèce, la recourante estime que les considérants de l'arrêt attaqué censés contenir le raisonnement juridique de la cour ne consistent en fait qu'en une énumération des dispositions légales pertinentes et de la jurisprudence y relative, lesquelles ne permettraient pas d'arriver à la solution retenue. Elle reproche à la cour de ne pas s'être prononcée sur la question essentielle posée en l'espèce, soit la capacité du signataire des effets litigieux à engager la recourante, et d'avoir évité la question en se bornant à inventer de toutes pièces un principe juridique clairement erroné selon lequel, même signés par une personne non habilitée à engager la tirée, les lettres de change litigieuses vaudraient titres de créance. 
 
La recourante admet que la cour a indiqué les dispositions légales pertinentes et posé le principe selon lequel les lettres de change obligent le représenté même si le représentant n'avait pas le pouvoir de représenter celui-ci. Dans la mesure où elle considère que ce principe est erroné et ne permet pas d'arriver à la solution retenue, la recourante ne se plaint en réalité pas d'une absence de motivation, mais d'une fausse motivation. Son grief tiré de la violation du droit d'être entendu doit donc être rejeté. 
3. 
La recourante reproche ensuite à la cour cantonale une application arbitraire (art. 9 Cst.) des art. 82 LP et 998 CO. Son argumentation est en substance la suivante: l'art. 998 CO dispose clairement qu'en l'absence de pouvoirs, c'est le représentant lui-même qui est engagé; le représenté ne pourrait être engagé que si son représentant était autorisé à signer le titre; partant, la signature d'un titre par un représentant sans pouvoirs ne serait pas imputable au représenté, l'acquéreur d'un tel titre devant s'en prendre au seul "falsus procurator". Selon la recourante, l'autorité cantonale aurait donc dû déterminer, selon le droit libanais, si le signataire des lettres de change était autorisé à la représenter, car ce n'est que dans ce cas que l'acceptation lui serait imputable, cas qui ne serait pas réalisé dès lors que le signataire n'a jamais été mentionné au registre du commerce comme étant habilité à la représenter. 
3.1 Saisi d'un recours de droit public pour violation de l'art. 9 Cst., le Tribunal fédéral ne procède pas à un libre examen de toutes les circonstances de la cause et ne rend pas un arrêt au fond, qui se substituerait à la décision attaquée. Il se borne à contrôler si l'autorité cantonale a observé les principes que la jurisprudence a déduits de cette disposition. Son examen ne porte d'ailleurs que sur les moyens invoqués par le recourant et motivés conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 119 Ia 197 consid. 1d p. 201, 118 Ia 184 consid. 2 p. 188/189 et la jurisprudence citée). 
 
Le Tribunal fédéral ne peut donc se prononcer lui-même sur la mainlevée; il ne peut qu'annuler la décision si elle se révèle arbitraire. 
3.2 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 126 III 438 consid. 3 p. 440; 125 I 166 consid. 2a; 120 Ia 369 consid. 3a; 118 Ia 118, spéc. 123/124, 117 Ia 15/16, 20 let. c, 32 consid. 7a, 122 consid. 1b et 139 let. c). La violation doit être manifeste et reconnaissable d'emblée (ATF 102 Ia 1 consid. 2a p. 4). Pour que la décision soit annulée, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 118 Ia 118, spéc. 124, 117 Ia 139 let. c, 116 Ia 327 let. a et 334 let. d, 115 Ia 125). Le recourant ne peut se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale. Il doit démontrer, par une argumentation précise, que la décision attaquée repose sur une interprétation ou une application de la loi manifestement insoutenables (ATF 86 I 226 ss). Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale apparaît concevable ou même préférable (ATF 126 III 438 consid. 3 p. 440; 125 II 129 consid. 5b p. 134; 118 Ia 20 consid. 5a p. 26; 118 Ia 118, spéc. 123 consid.c). 
3.3 La lettre de change est le titre émis et signé par le créancier - le tireur - par lequel celui-ci donne mandat à son débiteur - le tiré - de payer un certain montant, à une date déterminée, à son ordre ou à un bénéficiaire - le porteur (art. 991 CO). Le tiré, qui accepte la lettre de change en y apposant le mot "accepté" et sa signature, s'oblige à payer cette lettre à l'échéance (art. 1015 al. 1 et 1018 al. 1 CO). La lettre de change peut également être garantie par un donneur d'aval, qui doit la signer (art. 1021 al. 2 et 1022 al. 1 CO). Le tireur, respectivement le porteur, peut transmettre la lettre à un tiers par un endossement (art. 1001 al. 1 CO). 
 
Tous ceux qui ont tiré, accepté, endossé ou avalisé une lettre de change sont tenus solidairement envers le porteur (art. 1044 al. 1 et 2 CO). La lettre de change est dès lors une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP contre tout obligé de change qui a signé le papier-valeur (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Lausanne 1999, n. 54 ad art. 82 LP; Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 4e éd. 1997, n. 14 ad art. 82; Amonn/Gasser, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, Berne 1997, §19 N 76). 
 
Lorsque la lettre de change est signée par un représentant (art. 32 ss CO), la mainlevée provisoire dans la poursuite introduite contre le représenté ne peut être prononcée que si les pouvoirs du représentant sont établis par pièces, en tout cas lorsqu'ils sont contestés par le poursuivi; toutefois, selon la jurisprudence, il n'est pas arbitraire de la prononcer même en l'absence d'une procuration écrite lorsque ces pouvoirs peuvent se déduire d'un comportement concluant du représenté, dont il en résulte clairement que le tiers a signé en vertu d'un rapport de représentation (ATF 112 III 88 consid. 2c et les références; cf. Gilliéron, op. cit., n. 34 ad art. 82 LP; D. Staehelin, in Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung, und Konkurs, Staehelin/Bauer/Staehelin, n. 57 ad art. 82 LP). De même, lorsque l'obligé est une personne morale, la mainlevée provisoire dans la poursuite contre la personne morale ne peut être prononcée que si les pouvoirs du représentant (art. 32 al. 1 CO) ou de l'organe (art. 55 al. 2 CC) qui a signé sont prouvés au cours de la procédure sommaire de mainlevée. A défaut de pouvoirs ou de preuve des pouvoirs, la mainlevée contre le représenté doit être refusée. 
 
Toutefois, comme le représentant sans pouvoirs s'oblige lui-même par la signature qu'il appose, la mainlevée provisoire dans une poursuite dirigée contre lui doit être prononcée. En effet, en vertu de l'art. 998 CO, quiconque appose sa signature sur une lettre de change, comme représentant d'une personne pour laquelle il n'avait pas le pouvoir d'agir, est obligé lui-même en vertu de la lettre et, s'il a payé, a les mêmes droits qu'aurait eus le prétendu représenté; il en est de même du représentant qui a dépassé ses pouvoirs. Selon la jurisprudence, pour que le signataire engage sa responsabilité, il suffit qu'il appose sa signature en se portant représentant d'un tiers, alors qu'il n'a pas le pouvoir d'agir; une faute de sa part n'est pas nécessaire. Pour se dégager de sa responsabilité, il doit prouver l'existence de pouvoirs valables ou la ratification par le représenté. Il est également libéré s'il prouve que le demandeur connaissait l'absence de pouvoirs ou ne pouvait tout au moins l'ignorer sans commettre une faute lourde confinant au dol. Celui qui souscrit un engagement cambiaire au nom d'autrui affirme par là même qu'il a les pouvoirs nécessaires, et il répond de la véracité de cette affirmation. Le porteur doit pouvoir se fier à la validité des signatures apposées sur la lettre; il n'a pas à effectuer des vérifications portant sur les relations internes entre le signataire et la personne que celui-ci dit représenter. Il s'ensuit qu'il peut rechercher le "falsus procurator", même si, le cas de dol étant réservé, il avait dû connaître l'absence de pouvoirs (ATF 85 II 28). Il en va de même lorsqu'un représentant ou un organe agit sans pouvoirs au nom d'une personne morale (cf. ATF 99 Ia 1 consid. 2b p. 6). 
3.4 Selon l'arrêt attaqué, lorsque le tiré a accepté la lettre de change, le porteur de celle-ci a contre lui une créance en paiement. Partant, la débitrice, en sa qualité de tirée, est engagée vis-à-vis du porteur créancier. Ce dernier doit pouvoir se fier à la validité des signatures apposées sur la lettre de change. Il s'ensuit qu'il peut rechercher le "falsus procurator", même si, le cas du dol étant réservé, il avait dû connaître l'absence de pouvoirs. En outre, toujours selon l'arrêt attaqué, quiconque appose sa signature sur une lettre de change comme représentant d'une personne pour laquelle il n'avait pas le pouvoir d'agir est obligé lui-même. En l'espèce, la cour cantonale a donc admis que les deux effets de change litigieux représentent valablement un titre de créance selon l'art. 82 LP et que la débitrice (tirée) n'a pas rendu vraisemblable son moyen libératoire. 
 
En retenant ainsi que le porteur peut se fier à la validité des signatures apposées sur la lettre de change et rechercher la société représentée en tant que "falsus procurator", même si, le cas de dol étant réservé, il avait dû connaître l'absence de pouvoirs, la cour cantonale se méprend sur le sens du terme latin de "falsus procurator" puisqu'elle en conclut que le porteur peut rechercher le représenté. Le terme en question désigne au contraire le représentant qui s'est faussement prévalu de pouvoirs de représentation et qui, comme le prévoit l'art. 998 CO, est personnellement obligé selon le droit de change. Partant, en admettant que la société poursuivie, en tant que tirée, est engagée comme "falsus procurator" par la signature du représentant, la cour cantonale a appliqué arbitrairement les art. 82 LP et 998 CO. 
3.5 Selon l'intimée, l'arrêt attaqué ne serait pas arbitraire, car le fait de savoir si le signataire des lettres de change litigieuses pouvait représenter la débitrice tirée ou non n'était pas pertinent pour la solution du litige au vu de l'ATF 99 Ia 1/JdT 1974 II 45; en effet, si la signature en question pouvait être considérée comme défectueuse puisque son auteur n'avait pas formellement pouvoir de représenter la débitrice, elle suffisait, vu la qualité d'organe de fait de celui-ci et les autres mentions apposées sur la lettre de change (timbre humide de la société et aval), à rendre valable l'acceptation de la débitrice. L'intimée semble ainsi se prévaloir de l'art. 997 CO, lequel consacre le principe de l'indépendance des signatures cambiaires. 
L'intimée se trompe sur le sens de cette disposition et de la jurisprudence qu'elle invoque. En effet, si la lettre de change ne contient pas les énonciations nécessaires de l'art. 991 CO, sous réserve des cas de l'art. 992 al. 2 à 4 CO, elle ne vaut pas comme lettre de change (art. 992 al. 1 CO). En particulier, si la signature du tireur (art. 991 ch. 8 CO) ne figure pas sur la lettre, celle-ci ne vaut pas comme lettre de change. Toutefois, selon la jurisprudence invoquée, la présence formelle de la signature du tireur suffit pour que la lettre de change et les autres déclarations faites sur elle soient valables; ainsi, il n'est pas arbitraire d'admettre, sur la base de l'art. 997 CO, que la signature du tireur apposée par un seul administrateur d'une société anonyme - alors que celle-ci ne peut être engagée que par la signature collective à deux - ne manque pas sur le titre, même si elle est défectueuse, et que ce vice n'affecte pas la validité des autres signatures, ni celle de la lettre elle-même, en particulier que le tiré qui a accepté l'effet de change ne peut pas l'invoquer avec succès contre le porteur de bonne foi. Que la signature soit formellement valable et n'entraîne pas la nullité de la lettre et des autres signatures cambiaires ne signifie pas encore que cette signature viciée engage la société comme tireur (ATF 99 Ia 1 consid. 1 in fine). 
 
De même, en l'espèce, la présence formelle de la signature litigieuse pour la débitrice tirée, même si elle était viciée, n'entraînerait pas la nullité de la lettre de change et des autres signatures des tireur et avaliseur. En revanche, savoir si cette signature engage la société représentée ou n'engage que son auteur en tant que "falsus procurator" (art. 998 CO) dépend de sa validité matérielle. L'art. 997 CO n'a pas pour effet de rendre matériellement valable une signature viciée. L'objection de l'intimée est dès lors infondée. 
3.6 Comme la cour cantonale s'est basée sur une fausse conception juridique, elle n'a pas pris en considération les pièces produites par la créancière et destinées à établir que le signataire des lettres de change pouvait signer au nom de la débitrice tirée ou que celle-ci a ratifié sa signature. Statuant sous l'angle restreint de l'arbitraire et face, de surcroît, à une situation juridique qui n'est pas claire, le Tribunal fédéral ne peut se prononcer lui-même sur la mainlevée. Le recours doit donc être admis et l'arrêt attaqué annulé. 
4. 
Vu le sort du recours, les frais judiciaires et les dépens doivent être mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 
2. 
Un émolument judiciaire de 50'000 fr. est mis à la charge de l'intimée. 
3. 
L'intimée est condamnée à payer à la recourante une indemnité de 50'000 fr . 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 17 mai 2002 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: