Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_638/2021
Arrêt du 17 août 2022
Cour de droit pénal
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Juge présidant,
van de Graaf et Koch.
Greffier : M. Dyens.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Maxime Crisinel, avocat,
recourant,
contre
Ministère public central du canton du Valais, rue des Vergers 9, case postale, 1950 Sion 2,
intimé.
Objet
Ordonnance de non-entrée en matière,
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale, du 28 avril 2021
(P3 20 2).
Faits :
A.
Par ordonnance du 16 décembre 2019, l'Office régional du Ministère public du Bas-Valais a refusé d'entrer en matière sur la plainte déposée par A.________ en date du 16 septembre 2019 contre inconnus pour lésions corporelles simples, agression, injure et menaces.
B.
Par ordonnance du 28 avril 2021, la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan a partiellement admis le recours interjeté par A.________ à l'encontre de l'ordonnance précitée.
Les faits retenus sont en substance les suivants.
B.a. Dans sa plainte/dénonciation pénale avec constitution de partie plaignante du 16 septembre 2019, A.________ a fait valoir qu'en date du 8 septembre 2019, tandis qu'il cheminait en Ville de U.________, un premier inconnu lui avait dit qu'il allait lui démonter la tête, l'avait insulté, le traitant notamment de "fils de pute" et lui avait donné des coups de poing au visage, ainsi que des coups de pied. Un deuxième inconnu lui avait donné des coups de poing au visage, de même que des coups de pied. Un troisième inconnu l'avait invectivé et giflé au visage.
Selon un constat médical de ce même 8 septembre 2019, A.________ a souffert d'un traumatisme crânien simple et de dermabrasions sur la main droite lors de sa visite au service des urgences de l'Hôpital B.________ du même jour.
Des images de vidéosurveillance du parking du Collège C.________ au moment des faits litigieux ont pu être sauvegardées. Le rapport de la police cantonale des 24 septembre et 9 décembre 2019 révèle que le signalement des trois inconnus a fait l'objet d'un avis "Qui connaît?", transmis aux collègues et partenaires municipaux et cantonaux.
B.b. L'admission partielle du recours cantonal contre l'ordonnance de non-entrée en matière du 16 décembre 2019, repose sur le constat selon lequel la demande d'assistance judiciaire formulée par A.________ n'avait pas été traitée dans le cadre de cette dernière ordonnance. Quant aux motifs selon lesquels celle-ci a été confirmée sur le fond, il seront discutés ci-après.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'ordonnance rendue le 28 avril 2021 par la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à la réforme de la décision attaquée, en ce sens qu'il est ordonné à l'Office régional du Ministère public du Bas-Valais d'entrer en matière sur sa plainte du 16 septembre 2019 et d'ouvrir une instruction afin d'identifier l'identité des auteurs des faits et d'établir leur responsabilité. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'ordonnance attaquée et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l'arrêt à intervenir. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2).
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1).
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1).
1.2. En l'espèce, le recourant fait valoir, sous réserve de modification, des conclusions civiles à l'encontre des auteurs des faits, solidairement entre eux, à concurrence de 10'000 fr. à titre de remboursement des frais de traitement à la suite des lésions subies et à concurrence de 10'000 fr. également à titre d'indemnité pour tort moral compte tenu des lésions subies, le tout avec intérêts à 5 % l'an dès le 8 septembre 2019. Il convient par conséquent, au regard de ce qui précède et de la nature des infractions dénoncées, d'admettre qu'il dispose de la qualité pour recourir.
2.
Tout en dénonçant une violation de son droit d'être entendu, de même qu'un déni de justice, ainsi que des constatations de faits qu'il juge manifestement inexactes, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé les art. 6, 7 et 310 CPP . Il lui fait à cet égard grief d'avoir violé la maxime de l'instruction et le principe
in dubio pro duriore.
2.1.
2.1.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage
in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées; arrêt 6B_1199/2020 du 23 septembre 2021 consid. 2.1).
2.1.2. Lorsque l'identité de l'auteur ne peut être découverte, le ministère public peut suspendre la procédure (art. 314 CPP) ou refuser d'entrer en matière (art. 310 CPP). Dans son résultat, la non-entrée en matière ne se distingue pas fondamentalement d'une suspension de la procédure, puisque selon l'art. 323 al. 1 CPP (applicable par renvoi de l'art. 310 al. 2 CPP), la procédure pourra être reprise en cas de moyens de preuve ou de faits nouveaux (arrêts 1B_67/2012 du 29 mai 2012 consid. 3; 1B_23/2012 du 2 avril 2012 consid. 2; cf. GRODECKI/CORNU, in JEANNERET/KUHN/PERRIER DEPEURSINGE, Commentaire romand, Code de procédure pénale, 2
e éd. 2019, n° 9a ad art. 310 CPP; MOREILLON/PAREIN REYMOND, Petit commentaire CPP, 2
e éd. 2016, n° 6 ad art. 310 CPP; ANNE CHERPILLOD, Arrêt de la procédure pénale par le ministère public sans condamnation, ni instruction: l'ordonnance de non-entrée en matière, in RPS 133 [2015], p. 207).
2.1.3. Avant l'ouverture d'une instruction, le droit de participer à l'administration des preuves ne s'applique en principe pas (art. 147 al. 1 CPP
a contrario; ATF 143 IV 397 consid. 3.3.2 i. f.; 140 IV 172 consid. 1.2.2), et ce y compris en cas d'investigations policières diligentées à titre de complément d'enquête requis par le ministère public en vertu de l'art. 309 al. 2 CPP (arrêts 6B_488/2021 du 22 décembre 2021 consid. 4.2; 6B_290/2020 du 17 juillet 2020 consid. 2.2). En outre, avant de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, le ministère public n'a pas à informer les parties ni n'a l'obligation de leur fixer un délai pour présenter d'éventuelles réquisitions de preuve, l'art. 318 CPP n'étant pas applicable dans ce cas. Le droit d'être entendu des parties est en effet assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière (cf. art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 393 ss CPP). Cette procédure permet aux parties de faire valoir tous leurs griefs - formels et matériels - auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (cf. art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP; arrêts 6B_89/2022 du 2 juin 2022 consid. 2.2; 6B_546/2021 du 11 avril 2022 consid. 3.1 et les arrêts cités).
2.1.4. Lorsque la partie recourante n'a subi aucun dommage de ce que le ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière au lieu d'une ordonnance de classement, il ne se justifie pas de l'annuler pour ce seul motif (arrêt 6B_546/2021 précité consid. 3.1 et les arrêts cités).
2.2. En l'espèce, le recourant soutient que la cour cantonale a violé son droit d'être entendu en rejetant les réquisitions de preuve qu'il avait formulées devant elle, s'agissant d'un appel à témoin et de la mise sur pied d'une surveillance discrète par la police dans le but d'identifier les auteurs des faits dénoncés. A cet égard, la cour cantonale a considéré qu'il n'y avait rien à attendre véritablement, à l'époque, soit plus de 19 mois après les faits au moment où la décision attaquée a été rendue, d'un appel au seul témoin qui, d'après le recourant, aurait assisté à la scène, ni d'une surveillance discrète et prolongée par la police, à l'heure et à l'endroit où les évènements s'étaient produits, d'autant que la description faite des trois individus par le recourant était des plus communes. Face à cette motivation, le recourant développe une argumentation par laquelle il conteste essentiellement l'appréciation de la cour cantonale concernant le résultat escompté des mesures d'instruction requises. On ne saurait toutefois reprocher à cette dernière, au vu des circonstances, d'avoir souligné le caractère aléatoire des démarches requises par le recourant. En ce sens, la motivation cantonale ne prête pas le flanc à la critique. Le grief de violation du droit d'être entendu soulevé par le recourant doit dès lors être rejeté.
2.3. S'agissant du grief qu'il soulève en lien avec l'établissement des faits, le recourant s'en prend aux constatations cantonales concernant le caractère identifiable des inconnus dénoncés, en lien avec la netteté des images de vidéosurveillance figurant au dossier. La cour cantonale a relevé que ces dernières étaient floues, qu'elles ne permettaient pas de distinguer les visages et donc d'identifier les trois inconnus dénoncés par le recourant. Le recourant, qui ne paraît pas contester ce constat en lui-même, soutient néanmoins que les images en question permettaient d'opérer certaines constatations, tout en constituant un élément important et utile du dossier. En tout état, il échoue à démontrer en quoi les constatations cantonales seraient insoutenables sur ce point. Pour le surplus, son argumentaire revient à discuter librement, partant de façon appellatoire et irrecevable, les éléments que l'on pourrait tirer des images, respectivement leur utilité. Rien de ce qu'il avance n'apparaît toutefois de nature à remettre en cause le constat selon lequel lesdites images ne permettaient pas en elles-mêmes d'identifier les inconnus dénoncés. Mal fondé, le grief doit lui aussi être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
2.4. Sur le fond, il n'est certes pas contestable que les faits dénoncés par le recourant sont susceptibles de revêtir une qualification pénale. Il n'en demeure pas moins que les instances précédentes étaient fondées à constater que les personnes dénoncées, nonobstant la récolte et l'exploitation d'images de vidéosurveillance, ainsi qu'une diffusion des images au sein des polices cantonale et municipale - éléments qui infirme l'argument tiré d'une prétendue inaction des autorités de poursuite et d'une prétendue violation de la maxime de l'instruction à cet égard -, n'avaient pas pu être identifiées. En ce sens, la décision de non-entrée, telle que confirmée par le biais de la décision querellée demeure conforme à la jurisprudence topique, rappelée ci-dessus (cf.
supra consid. 2.1.2). Au demeurant, la cour cantonale a également souligné à juste titre que la non-entrée en matière n'excluait pas une reprise de cause en application de l'art. 323 CPP (cf. art. 310 al. 2 CPP). On ne discerne en définitive pas quel dommage le recourant aurait subi dans ce contexte et en quoi il eût été préférable pour lui qu'une procédure soit ouverte pour être ensuite suspendue en application de l'art. 314 CPP, comme il l'évoquait devant les juges précédents. Sur ce point également, le grief s'avère mal fondé et doit être rejeté.
3.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale.
Lausanne, le 17 août 2022
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Denys
Le Greffier : Dyens