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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_312/2024  
 
 
Arrêt du 17 septembre 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Muschietti et von Felten. 
Greffière : Mme Corti. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton de Vaud, 
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
2. D.D.________, 
3. E.D.________, 
4. F.D.________, 
tous les trois représentés par Me Jérôme Bénédict, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Frais; indemnités, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, 
du 4 décembre 2023 (n° 445 PE21.011550-EBJ/SSM). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 31 mai 2023, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a reconnu A.A.________, B.A.________ et C.A.________ (coprévenus) coupables de tentative de contrainte. Pour ce qui concerne A.A.________, le tribunal l'a condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour avec sursis pendant 3 ans. Le tribunal a également dit que les trois coprévenus sont les débiteurs solidaires de D.D.________, F.D.________ et E.D.________ et leur doivent immédiat paiement de 11'078 fr. 35 à titre de juste indemnité au sens de l'art. 433 CPP et a mis les frais de la cause, par 1'090 fr. chacun, à la charge de B.A.________ et de C.A.________ et par 545 fr. à la charge de A.A.________. 
 
B.  
Par jugement du 4 décembre 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis l'appel de A.A.________ en ce sens qu'elle l'a libérée du chef d'infraction de tentative de contrainte. Elle a, pour le surplus, confirmé le jugement du 31 mai 2023 concernant les frais de la procédure de première instance ainsi que l'indemnité due aux intimés sens de l'art. 433 CPP. Elle a également alloué aux intimés une indemnité réduite pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure d'appel d'un montant de 2'283 fr. 25 à la charge de C.A.________ et de B.A.________, solidairement entre eux, et mis les frais d'appel, par 2'790 fr., à la charge de ces derniers par un tiers chacun, le solde étant laissé à la charge de l'État. 
 
C.  
A.A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 4 décembre 2023. Elle conclut, avec suite de frais, à la réforme du jugement précité en ce sens que, pour la procédure de première instance, elle n'est débitrice d'aucune indemnité en faveur des intimés et qu'elle n'a pas à supporter de frais judiciaires. Elle sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire et la jonction de la présente cause avec les causes 6B_271/2024 et 6B_316/2024. 
Invités à se déterminer sur le recours, le ministère public y a renoncé, se référant à la décision attaquée, les intimés y ont également renoncé, tandis que la cour cantonale n'a pas déposé de déterminations dans le délai fixé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante conclut à la jonction de la présente cause avec celles enregistrées sous réf. 6B_271/2024 et 6B_316/2024. Les questions de fond dans ces causes sont différentes. En effet, dans la présente cause, il est question uniquement des frais et indemnités suite à un acquittement total de la recourante. Dans les autres causes, il s'agit en revanche de deux recours contre une condamnation pour tentative de contrainte et en lien avec les frais et indemnités qui y sont liés. Partant, il n'y a pas lieu de joindre ces causes. 
 
2.  
Invoquant une violation des art. 426 al. 2 CPP, 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, la recourante conteste la mise à sa charge des frais de première instance. La recourante se plaint également de devoir verser aux intimés une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure de première instance. 
 
2.1. Conformément à l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. À cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte. Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement. Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation. La mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 et les arrêts cités). Par ailleurs, le juge ne peut fonder sa décision que sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a; arrêts 6B_113/2024 du 14 juin 2024 consid. 1.2.3 et les arrêts cités; 6B_1003/2021 du 8 septembre 2022 consid. 1.1; 6B_1090/2020 du 1er avril 2021 consid. 2.1.1).  
 
2.2. Aux termes de l'art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b).  
 
2.3. La cour cantonale a considéré que c'était à tort que la recourante, ainsi que les deux autres coprévenus, concluaient à être libérés du paiement des frais de la procédure de première instance et d'une indemnité en faveur des intimés. Ils étaient en effet, de par leur comportement civilement répréhensible, responsables de l'ouverture de la procédure pénale, dès lors qu'ils avaient géré leurs affaires et leurs sociétés de façon fort peu diligente, qu'ils avaient agi de façon contraire à l'art. 97 CO, qu'ils n'avaient pas tenu leur comptabilité correctement et qu'ils avaient produit des factures postdatées avec des numéros de TVA erronés, tout cela ayant d'ailleurs contribué à allonger la procédure.  
 
2.4. Comme on vient de le voir, la jurisprudence souligne que, lorsqu'il est question de retenir une faute civile - dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO - susceptible de justifier la mise des frais à la charge du prévenu bénéficiant d'un acquittement en application de l'art. 426 al. 2 CPP, le juge ne peut fonder sa décision que sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (cf. supra consid. 2.1 in fine). À cet égard, la cour cantonale se limite à retenir que les prévenus auraient agi de façon contraire à l'art. 97 CO, mais ne précise aucunement en quoi cette norme aurait été transgressée. Pour le reste, la cour cantonale relève que les prévenus auraient géré leurs affaires et leurs sociétés de façon fort peu diligente, n'auraient pas tenu leur comptabilité correctement et auraient produit des factures postdatées avec des numéros de TVA erronés, sans plus de développements ni de précisions sur les normes qui auraient été transgressées. La cour cantonale n'expose pas non plus en quoi et à quel titre les manquements évoqués seraient en l'occurrence imputables à la recourante, laquelle a été, de surcroît et contrairement aux deux autres coprévenus, acquittée de tout chef d'accusation. En ce sens, le jugement attaqué ne permet pas de retenir la violation d'une norme de comportement spécifique justifiant une mise à la charge de cette dernière d'une partie des frais de la procédure de première instance sur la base de l'art. 426 al. 2 CPP.  
Le recours doit donc être admis sur ce point, le jugement attaqué partiellement annulé et réformé en ce sens que la recourante n'est pas condamnée à supporter une partie des frais de la procédure de première instance. 
 
2.5. Dans la mesure où la condamnation de la recourante aux frais viole l'art. 426 al. 2 CPP, celle-ci ne saurait être condamnée à verser une juste indemnité aux intimés, en application de l'art. 433 al. 1 let. b CPP. Le recours doit donc être également admis sur ce point, le jugement attaqué partiellement annulé et réformé en ce sens que la recourante n'est pas condamnée, solidairement avec les autres coprévenus, à verser aux intimés une indemnité au sens de l'art. 433 CPP.  
 
3.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis, le jugement attaqué partiellement annulé et réformé dans le sens des considérants qui précèdent. La recourante, qui obtient partiellement - quoique dans une large mesure - gain de cause, ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Le canton de Vaud est, pour sa part, dispensé de tout frais (art. 66 al. 4 LTF). La recourante n'a pas droit à des dépens dès lors qu'elle n'est pas assistée par un avocat et qu'elle n'a pas démontré avoir engagé d'autres frais pour le dépôt de son recours (art. 68 al. 1 LTF). Sa demande d'assistance judiciaire est sans objet (art. 64 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
La requête de jonction des causes est rejetée. 
 
2.  
Le recours est partiellement admis. Le jugement attaqué est annulé et réformé, en ce sens que la recourante n'est pas condamnée aux frais de première instance ni au versement, aux intimés, d'une indemnité au sens de l'art. 433 CPP
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 17 septembre 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Corti