Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1A.173/2003 /col
Arrêt du 17 décembre 2003
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Jomini.
Parties
Tamoil S.A.,
recourante, représentée par Me Pierre-Cyril Sauthier, avocat,
contre
les époux F.________,
intimés, représentés par Me Philippe Pont, avocat,
Commune de Collombey-Muraz,
Administration communale, 1868 Collombey,
Conseil d'Etat du canton du Valais,
Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Cour de droit public, Palais de Justice, avenue Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2.
Objet
permis de construire, protection contre le bruit,
recours de droit administratif contre l'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais
du 2 juin 2003.
Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:
1.
Les époux F.________ ont demandé, le 31 décembre 2001, l'autorisation de construire une maison individuelle sur leur parcelle n° 3630 du cadastre de la commune de Collombey-Muraz. Cette parcelle est classée dans la zone d'habitations individuelles du plan général d'affectation de la commune entré en vigueur le 7 juin 1995. Le degré de sensibilité au bruit II est applicable dans cette zone.
La société anonyme Tamoil S.A., qui exploite une raffinerie de pétrole à proximité, sur la parcelle n° 2499, s'est opposée à ce projet durant l'enquête publique. Le 18 mars 2002, le Conseil municipal de Collombey-Muraz a délivré l'autorisation de construire en rejetant l'opposition.
2.
Tamoil S.A. a recouru auprès du Conseil d'Etat du canton du Valais contre la décision communale, en prétendant que le projet des époux F.________ ne respectait pas certaines règles du droit fédéral relatives à la protection contre le bruit. Le 18 décembre 2002, le Conseil d'Etat a déclaré le recours irrecevable, faute d'intérêt. Tamoil S.A. a formé, contre ce prononcé, un recours au Tribunal cantonal; la Cour de droit public de ce tribunal l'a rejeté par arrêt du 2 juin 2003.
3.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, Tamoil S.A. demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal et de renvoyer l'affaire à la commune de Collombey-Muraz pour qu'elle complète le dossier. La recourante demande que l'autorité communale détermine les immissions de bruit sur la parcelle des intimés, puis qu'elle statue à nouveau sur la requête d'autorisation de construire en imposant des mesures de protection contre le bruit ou, s'il y a lieu, en la refusant.
Les époux F.________ concluent à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.
Le Tribunal cantonal et la commune ont renoncé à se déterminer.
4.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227 et les arrêts cités).
5.
La contestation porte sur l'application de l'art. 22 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01), intitulé "permis de construire dans les zones affectées par le bruit". La recourante invoque en effet cette réglementation pour s'opposer, en l'état du projet, à la construction de la villa des intimés. Aux termes de l'art. 22 al. 1 LPE, les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé de personnes ne seront en principe délivrés que si les valeurs limites d'immissions ne sont pas dépassées. L'art. 22 al. 2 LPE réserve la possibilité d'autoriser la construction, en cas de dépassement des valeurs limites d'immissions, moyennant des mesures architecturales (disposition judicieuse des pièces) ou des mesures complémentaires de lutte contre le bruit. L'art. 31 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB; RS 814.41) précise les conditions d'application de l'art. 22 al. 2 LPE.
5.1 La parcelle des intimés se trouve dans un secteur exposé au bruit de la raffinerie de la recourante; cette dernière ne le conteste pas. Dès la procédure d'opposition, elle s'est référée sur ce point aux données qu'elle avait obtenues dans le cadre d'une procédure d'autorisation de construire pour la modernisation de ses propres installations, avec assainissement simultané (projet TRC 2000). Un rapport d'impact sur l'environnement, établi à sa demande en octobre 2000, contient une évaluation des immissions de bruit produites par la raffinerie dans le voisinage, au lieu-dit Collombey-le-Grand (la parcelle des intimés se trouve dans ce secteur). D'après le rapport d'impact, la transformation de la raffinerie doit s'accompagner d'un assainissement parce que cette industrie provoquerait un dépassement des valeurs limites d'immissions de nuit pour une partie de la zone d'habitation la plus proche (p. 28 de ce rapport). Dans le dossier de la présente affaire, un avis du service cantonal de la protection de l'environnement, du 16 octobre 2002, indique que la source de bruit dominante pour la parcelle des intimés est la raffinerie de la recourante. Pour cette source de bruit, le service spécialisé a évalué le niveau Lr à 53 dB(A). En pareil cas, la valeur limite d'immission de 50 dB(A), applicable la nuit dans les zones avec degré de sensibilité II, est dépassée (cf. ch. 2 de l'annexe 6 de l'OPB, valeurs limites d'exposition au bruit de l'industrie et des arts et métiers).
L'autorisation de construire, pour le projet TRC 2000, a été délivrée par la commune et l'assainissement des installations existantes a été ordonné, conformément à l'art. 18 LPE (cf. décision du conseil municipal du 27 avril 2001, avec la prise de position du service cantonal spécialisé). Cette autorisation a été déclarée exécutoire le 1er février 2002. Le 25 février 2002, Tamoil S.A. a écrit au service de la protection de l'environnement qu'elle prévoyait que "toutes les mesures permettant de respecter les valeurs d'immissions [seraient] en place fin décembre 2003, sous réserve que les calculs théoriques effectués dans l'étude correspondent à la réalité industrielle".
5.2 Dans l'avis précité du 16 octobre 2002, le service de la protection de l'environnement affirme que sur la parcelle des intimés, les nuisances sonores provenant du trafic sur l'autoroute A9 et sur les voies de chemin de fer, ou encore de l'usine d'incinération des déchets SATOM, n'ont pas de caractère nuisible ou incommodant, en d'autres termes qu'elles respectent les valeurs limites d'immissions. Dans cette procédure d'autorisation de construire, la détermination des immissions de bruit incombe à l'autorité cantonale (art. 36 al. 1 OPB, en relation avec les art. 2 et 3 de la loi cantonale valaisanne d'application de la législation fédérale sur la protection de l'environnement); une appréciation sommaire de cette autorité est suffisante quand, en vue de l'application de l'art. 22 LPE, il apparaît clairement que les valeurs limites d'immissions ne sont pas dépassées. En outre, dans le cas particulier, les données invoquées par la recourante dans la procédure d'autorisation du projet TRC 2000 à propos du "bruit ambiant" dans le voisinage de la raffinerie - à savoir le bruit provenant d'autres sources, lorsque les installations de la raffinerie sont arrêtées - ne sont pas en contradiction avec les données retenues par le service cantonal spécialisé (le rapport d'impact et un rapport complémentaire du 30 novembre 2001, établi par la recourante, évoquent un niveau de bruit ambiant de 42 à 43 dB, alors que les valeurs limites d'immissions sont généralement fixées à 60 dB le jour et 50 dB la nuit pour les différents types de bruit). Il en résulte que, pour les autorités cantonales appelées à examiner si le projet de villa des intimés respectait les exigences de l'art. 22 LPE, seul le bruit de la raffinerie devait entrer en considération.
6.
L'autorité chargée d'appliquer l'art. 22 LPE dans une procédure d'autorisation de construire doit tenir compte non seulement du niveau des immissions de bruit au moment où elle statue, mais encore de l'évolution prévisible de ce niveau, notamment en cas d'assainissement de l'installation à l'origine des immissions (cf. art. 36 al. 2 OPB; ATF 129 II 238 consid. 3.3 p. 244; Robert Wolf, Kommentar zum Umweltschutzgesetz, Zurich 2000, n. 20 ad art. 22 LPE). Dans le cas particulier, la situation postérieure à l'assainissement de la raffinerie, assainissement lié au projet TRC 2000, doit donc être prise en considération. Conformément aux décisions des autorités compétentes dans cette procédure et à un engagement de la recourante, l'objectif de l'assainissement est le respect des valeurs limites d'immissions dans la zone résidentielle voisine (cf. art. 8 al. 2 et art. 13 al. 2 let. b OPB ); cet objectif doit être réalisé avant la fin de la construction de la villa des intimés. Dans ces conditions, il ne saurait être question actuellement de refuser le permis de construire sur la base de l'art. 22 al. 1 LPE. A fortiori, il n'y a pas lieu d'ordonner aux intimés de prévoir des mesures complémentaires, pour la disposition des pièces habitables ou l'isolation acoustique du bâtiment projeté, en vertu de l'art. 22 al. 2 LPE ou de l'art. 31 OPB.
7.
La recourante met en doute la validité de la zone d'habitations individuelles du plan d'affectation communal de 1995. Selon elle, dans l'hypothèse où la parcelle des intimés n'aurait pas été auparavant classée dans une zone à bâtir, le plan de 1995 serait radicalement nul car il aurait été adopté en violation de l'art. 24 al. 1 LPE. Cette disposition interdit en règle générale, depuis le 1er janvier 1985, de créer de nouvelles zones résidentielles dans des endroits où les immissions causées par le bruit dépassent les valeurs de planification.
Selon la jurisprudence, il est en principe exclu de contrôler, à titre préjudiciel, la validité d'un plan d'affectation à l'occasion d'une contestation sur une autorisation de construire (cf. ATF 129 II 225 consid. 1.3.3 p. 230; 127 I 103 consid. 6b p. 105 et les arrêts cités). S'il convient de réserver les cas de constatation de la nullité absolue d'un plan d'affectation, parce qu'il serait entaché de vices spécialement graves et manifestes, il n'en va à l'évidence pas ainsi dans le cas particulier. Du reste, la recourante n'affirme pas qu'avant 1995, la parcelle litigieuse n'était pas constructible et que l'adoption de la zone d'habitations individuelles correspondrait à la création d'une nouvelle zone à bâtir, au sens de l'art. 24 al. 1 LPE. Elle se borne à évoquer cette hypothèse, alors qu'il aurait été aisé pour elle de vérifier auprès des autorités de planification communale et cantonale ce qu'il en était véritablement. Les intimés donnent au demeurant des indications à ce sujet dans leur réponse au recours de droit administratif et se prévalent d'un classement en zone à bâtir datant de 1966. En s'opposant à l'autorisation de construire délivrée à ses voisins, la recourante n'était donc pas admise à contester le contenu du plan d'affectation communal.
8.
En définitive, la recourante demande l'annulation d'une autorisation de construire pour le seul motif que les habitants de la maison projetée seraient exposés à un bruit excessif - supérieur aux valeurs limites d'immissions - provenant de sa propre installation, alors même qu'elle est tenue, en vertu de décisions récentes, de limiter ses émissions de bruit de manière à respecter les valeurs limites d'immissions. Dans ces conditions, le recours de droit administratif apparaît clairement abusif. Le Tribunal fédéral doit donc le déclarer d'emblée irrecevable, en application de l'art. 36a al. 2 OJ.
9.
Un émolument judiciaire doit être mis à la charge de la recourante, qui succombe ( art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ ). Elle aura en outre à verser des dépens aux intimés, assistés d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ). Les autorités du canton et de la commune n'ont en revanche pas droit à des dépens (art. 159 al. 2 OJ).
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit administratif est irrecevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de Tamoil S.A.
3.
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à titre de dépens aux époux F.________, est mise à la charge de Tamoil S.A.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de la recourante et des intimés, à la Commune de Collombey-Muraz, au Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton du Valais.
Lausanne, le 17 décembre 2003
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: