Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1B_65/2022
Arrêt du 18 mars 2022
Ire Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Jametti, Juge présidant,
Chaix et Müller.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Xavier de Haller, avocat,
recourant,
contre
Pierre B ruttin, Président du Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne, Palais de justice de Montbenon, 1014 Lausanne,
intimé.
Objet
Procédure pénale; récusation,
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 27 décembre 2021 (1147 - AM20.009052-PBR).
Faits :
Par jugement rendu le 16 novembre 2021 sur opposition à une ordonnance pénale du 17 août 2020, dont le dispositif a été notifié le même jour, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a reconnu A.________ coupable de violation grave des règles de la circulation routière, conduite d'un bateau en état d'ébriété avec une alcoolémie qualifiée et contravention à la loi vaudoise sur les contraventions et l'a condamné à une peine privative de liberté de 90 jours et à une amende de 500 francs.
Le 17 novembre 2021, A.________ a déposé une annonce d'appel à l'encontre de ce jugement. Il a requis la récusation du Président du Tribunal de police Pierre Bruttin ainsi que l'annulation et la répétition de l'audience de jugement dont le déroulement laissait apparaître selon lui la prévention du tribunal.
La Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a déclaré la demande de récusation irrecevable au terme d'un arrêt rendu le 27 décembre 2021 que A.________ a déféré auprès du Tribunal fédéral en concluant principalement à sa réforme dans le sens d'une admission de sa demande de récusation, de l'annulation du jugement de première instance et de la répétition de l'audience de jugement, et subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
La Chambre des recours pénale se réfère aux considérants de son arrêt sans autre observation. Le magistrat intimé et le Ministère public central du canton de Vaud n'ont pas déposé de réponse au recours.
Considérant en droit :
1.
Selon les art. 78 al. 1, 80 al. 1 et 92 al. 1 LTF, une décision prise en instance cantonale unique relative à la récusation d'un magistrat pénal peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale quand bien même le jugement au fond a déjà été rendu. Le recourant, dont la demande de récusation a été jugée tardive et déclarée irrecevable pour ce motif, a qualité pour agir en vertu de l'art. 81 al. 1 LTF. Le recours a au surplus été interjeté en temps utile, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Le recourant reproche à la Chambre des recours pénale d'avoir violé son droit d'être entendu, tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. et l'art. 3 al. 2 let. c CPP, en statuant sans avoir interpellé le greffier et l'huissier présents à l'audience de jugement afin qu'ils rédigent un rapport sur le déroulement de celle-ci, les motifs ayant présidé à ses suspensions et les propos tenus à cette occasion par l'intimé, et sans l'avoir invité à se déterminer sur la recevabilité de sa demande de récusation.
La Chambre des recours pénale a jugé que le recourant avait agi de manière contraire à la bonne foi en laissant le Président du Tribunal de police clore la procédure d'instruction, puis rendre son jugement, avant de déposer le lendemain, alors que la procédure de première instance était close et que le jugement lui avait été communiqué, une demande de récusation fondée sur des motifs liés exclusivement au déroulement de cette audience. Au vu de cette argumentation, qui la dispensait de se prononcer sur le fond, elle pouvait de manière soutenable tenir les mesures d'instruction requises pour inutiles. Au surplus, le recourant devait s'attendre à ce qu'elle examine d'office la recevabilité de la demande de récusation sans qu'il soit préalablement nécessaire de l'interpeller sur ce point.
Les griefs tirés d'une violation du droit d'être entendu sont infondés.
3.
Le recourant conteste que sa demande de récusation était tardive au regard de l'art. 58 al. 1 CPP. Ce n'est en effet qu'au moment de la lecture du dispositif du jugement que le motif de prévention du Président du Tribunal de police lié au fait qu'il aurait préjugé de la cause est devenu objectif et que le délai admis par la jurisprudence rendue en application de cette disposition pour requérir la récusation de l'intimé a commencé à courir.
3.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder ce moyen en réserve pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable ou lorsque l'intéressé se serait rendu compte que l'instruction ne suivait pas le cours désiré (ATF 143 V 66 consid. 4.3).
De jurisprudence constante, les réquisits temporels de l'art. 58 al. 1 CPP sont satisfaits lorsque la demande de récusation est déposée dans les six et sept jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, tandis qu'ils ne le sont pas lorsqu'elle est formée trois mois, deux mois, deux à trois semaines ou vingt jours après que son auteur a pris connaissance du motif de récusation (arrêt 1B_367/202 1 du 29 novembre 2021 consid. 2.1 et les arrêts cités). Dans l'examen du respect des exigences de l'art. 58 al. 1 CPP, il convient notamment de prendre en compte les circonstances d'espèce ainsi que le stade de la procédure (arrêt 1B_647/2020 du 20 mai 2021 consid. 2.1); considérer que le droit de demander la récusation est perdu doit être apprécié avec retenue (arrêt 1B_536/2021 du 28 janvier 2022 consid. 3.1; MARKUS BOOG, in: Basler Kommentar StPO, 2e éd., 2014, n. 7 ad art. 58).
Le Tribunal fédéral a ainsi jugé contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière du tribunal pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable de la procédure (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1) ou de faire valoir dans un recours au Tribunal fédéral contre la décision de maintien en détention le grief pris de l'inaptitude à statuer du juge au motif qu'il aurait déjà tranché dans la même affaire à un autre titre en sa défaveur (arrêt 1B_219/2013 du 16 juillet 2013 consid. 3.2). En revanche dans un cas isolé et sans approfondir la question, la Cour de céans a tenu pour conforme à l'art. 58 al. 1 CPP et à la jurisprudence y relative la demande de récusation d'un juge de première instance fondée sur des éléments qui se sont déroulés lors de l'audience de jugement et déposée six jours après celle-ci et la notification orale du dispositif du jugement, même s'il eût été préférable que le recourant soit intervenu le jour de l'audience pour déposer sa demande de récusation (arrêt 1B_536/2021 du 28 janvier 2022 consid. 3.2).
3.2. En l'espèce, les éléments avancés à l'appui de la requête de récusation du Président du Tribunal de police se sont déroulés lors de l'audience de jugement et étaient connus depuis ce jour-là; le dépôt de la demande de récusation, formulée le lendemain de la séance et de la communication orale du dispositif du jugement, est ainsi intervenu dans le délai tenu pour compatible avec l'art. 58 al. 1 CPP et la jurisprudence y relative (arrêt 1B_536/2021 du 28 janvier 2022 consid. 3.2). Au demeurant, le recourant soutenait entre autres griefs dans ses observations sur les déterminations du Président du Tribunal de police que le très bref laps de temps écoulé entre la clôture des débats et la lecture du dispositif du jugement laissait transparaître que l'intimé s'était déjà forgé son opinion sur sa culpabilité ainsi que sur la nature et la quotité de la peine sans égard aux éléments plaidés en sa faveur à l'audience en lien notamment avec sa situation personnelle. Ce motif de récusation ne pouvait pas être connu avant la clôture des débats même si l'intimé avait déjà laissé entendre que la peine prononcée dans l'ordonnance pénale était trop clémente. Le reproche ainsi fait au recourant de ne pas l'avoir invoqué avant que le Président du Tribunal de police ne suspende l'audience pour délibérer n'est dès lors pas fondé.
La Chambre des recours pénale a donc considéré à tort et en violation de l'art. 58 al. 1 CPP que la demande de récusation était tardive et, partant, irrecevable. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner en première et unique instance si les circonstances évoquées par le recourant en lien avec le déroulement de l'audience de jugement et la notification de son dispositif fondent objectivement l'apparence d'une prévention de la part du Président du Tribunal de police au sens de l'art. 56 let. f CPP.
4.
Le recours doit par conséquent être admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Chambre des recours pénale pour nouvelle décision au fond.
Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens à la charge du canton de Vaud ( art. 68 al. 1 et 5 LTF ). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud pour nouvelle décision.
2.
Le canton de Vaud versera au recourant une indemnité de 2'000 francs à titre de dépens.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, ainsi qu'au Ministère public central et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 18 mars 2022
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Jametti
Le Greffier : Parmelin