Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
2P.89/2005
Arrêt du 18 avril 2006
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Yersin.
Greffière: Mme Dupraz.
Parties
X.________,
représenté par Me Cédric Schweingruber, avocat,
contre
Commune de Fleurier, 2114 Fleurier,
représentée par Me Chantal Brunner-Augsburger, avocate,
Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel,
Château, 2001 Neuchâtel 1.
Objet
recours de droit public contre l'arrêté d'approbation rendu le 25 janvier 2005 par le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel et le règlement de l'Abbaye de la commune de Fleurier du 14 décembre 2004.
Faits:
A.
X.________ est un commerçant itinérant, établi à Y.________, dans le canton de Fribourg. Il déclare avoir participé durant quinze ans à l'Abbaye de Fleurier pour y vendre ses produits (caramels à la crème, amandes grillées, bibers, biberlis, pains aux poires, crêpes, gaufres, hot-dogs, sandwichs, sucettes, pop-corn, barbes à papa et nougats). Sa participation a été remise en cause en 2004; dans un premier temps, le Conseil communal de Fleurier (ci-après: le Conseil communal) a refusé de lui octroyer un emplacement puis, le 24 juin 2004, il lui a accordé une place à certaines conditions; toutefois, cette décision serait intervenue si tard que l'intéressé n'aurait pas pu en faire usage. X.________ est cependant resté en contact avec le Conseil communal; il a présenté, le 16 novembre 2004, une demande de place pour l'Abbaye de Fleurier de 2005; il a encore écrit au Conseil communal le 8 décembre 2004, en se référant notamment à son inscription à l'Abbaye de Fleurier de 2005 et en évoquant la possibilité d'une procédure judiciaire.
B.
Le 14 décembre 2004, le Conseil général de Fleurier a adopté le règlement de l'Abbaye de la commune de Fleurier (ci-après: le Règlement). Le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel (ci-après: le Conseil d'Etat) a approuvé le Règlement par un arrêté du 25 janvier 2005 (ci-après: l'Arrêté).
L'Abbaye de Fleurier est une foire organisée une fois par année, le week-end précédant la fin de l'année scolaire (du samedi à 14h00 au mardi à 02h00); elle a lieu à la place de Longereuse et à la rue de la Place d'Armes. L'art. 2 du Règlement, ayant pour note marginale "Ordre de Réservation", dispose:
"1 Les emplacements pour les marchés forains (carrousels) sont attribués sur la base de contrats spécifiques signés d'une part par les forains et d'autre part par le Conseil communal.
2 L'attribution des places pour les stands et guinguettes se fait dans l'ordre suivant:
- les sociétés et marchands du village,
- du district du Val-de-Travers,
- du canton de Neuchâtel,
- de Suisse romande,
- les marchands des autres cantons suisses, pour autant qu'il y ait encore de la place.
3 L'attribution des places pour les stands et guinguettes n'est pas un droit acquis. La demande doit se faire chaque année."
Le 2 février 2005, le Conseil communal a répondu à la lettre de X.________ du 8 décembre 2004, en disant que son inscription serait examinée au regard de la nouvelle réglementation communale, et il lui a envoyé une copie du Règlement ainsi que de l'Arrêté.
C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'Arrêté et le Règlement. Il fait essentiellement valoir que l'art. 2 al. 2 du Règlement viole la liberté économique (cf. art. 27 Cst.), l'égalité de traitement (cf. art. 8 Cst.) et la primauté du droit fédéral (cf. art. 49 Cst.) dans la mesure où il enfreint la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur (LMI; RS 943.02), en particulier l'art. 3 LMI. Il allègue aussi l'absence de voie de recours dans le Règlement.
La commune de Fleurier et le Conseil d'Etat concluent, sous suite de frais, principalement, à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet. La commune de Fleurier conclut en outre à l'allocation de dépens.
Un deuxième échange d'écritures ayant été ordonné, le recourant et la commune de Fleurier ont confirmé leurs conclusions, alors que le Conseil d'Etat a renoncé à s'exprimer.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 I 153 consid. 1 p. 156).
1.1 Selon l'art. 84 al. 1 lettre a OJ, le recours de droit public est recevable lorsqu'il est formé contre un arrêté cantonal de portée générale pour violation de droits constitutionnels des citoyens. La notion d'"arrêté cantonal" figurant dans cette disposition comprend les actes normatifs communaux (ATF 131 I 333 consid. 1 non publié; Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd., Berne 1994, p. 109) pour autant qu'ils soient définitifs au regard du droit cantonal. Ainsi, lorsque leur entrée en vigueur exige l'approbation d'une autorité cantonale, ils ne deviennent "arrêtés cantonaux", au sens de l'art. 84 al. 1 OJ, qu'à l'octroi de cette approbation et ce n'est qu'à ce moment qu'on peut les contester, en même temps que leur approbation (ATF 77 I 148 consid. 2 p. 149; Pierre Moor, Droit administratif, vol. I, 2e éd., Berne 1994, n. 2.2.2.2, p. 88). Ainsi, le Règlement est un arrêté cantonal au regard de l'art. 84 al. 1 OJ.
1.2
Le droit cantonal neuchâtelois ne connaît pas le contrôle direct de la constitutionnalité des "arrêtés cantonaux" de portée générale; en revanche, l'art. 8 al. 1 de la loi du 21 décembre 1964 sur les communes du canton de Neuchâtel prévoit que les règlements communaux ne deviennent exécutoires qu'après avoir été sanctionnés par le Conseil d'Etat (approbation constitutive). Or, d'après l'art. 89 al. 1 OJ, l'acte de recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours dès la communication, selon le droit cantonal, de l'arrêté ou de la décision attaqués. Comme un règlement d'une commune neuchâteloise constitue un "arrêté cantonal" au sens de l'art. 84 al. 1 OJ seulement dès son approbation, le délai pour déposer un recours de droit public contre un tel règlement part de la publication de ladite approbation (Pierre Moor, op. cit., n. 2.2.2.2, p. 89; Walter Kälin, op. cit., p. 348/349; cf. aussi ATF 119 Ia 123 consid. 1a p. 126/127 et la jurisprudence citée).
En l'espèce, l'intitulé du Règlement a fait l'objet d'une publication dans la Feuille officielle du canton de Neuchâtel du 17 décembre 2004, où il était précisé que les différents arrêtés publiés, conformément à l'art. 129 al. 2 de la loi du 17 octobre 1984 sur les droits politiques du canton de Neuchâtel, pouvaient être consultés au bureau communal des communes concernées. Quant à l'Arrêté, il n'a pas été publié, de sorte que le délai de recours a commencé à courir dès le moment où le recourant en a eu connaissance (cf. ATF 121 I 187 consid. 1c p. 189/190), sous réserve du respect du principe de la bonne foi (ATF 114 Ia 452 consid. 1b p. 455/456: l'intéressé, s'il connaît l'existence de l'acte à attaquer, ne peut rester passif). Ce moment est, en l'occurrence, le 4 février 2005, date à laquelle le recourant a reçu le courrier du Conseil communal du 2 février 2005 contenant une copie de l'Arrêté et du Règlement. Dès lors, le présent recours, interjeté le 7 mars 2005, a été déposé en temps utile.
1.3 Lorsque le recours est dirigé contre un arrêté cantonal de portée générale, la qualité pour recourir, au sens de l'art. 88 OJ, appartient à toute personne dont les intérêts juridiquement protégés sont effectivement touchés par l'acte attaqué ou pourront l'être un jour; une simple atteinte virtuelle suffit, pourvu qu'il y ait un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions prétendument inconstitutionnelles (ATF 130 I 26 consid. 1.2.1 p. 29/30; 125 I 474 consid. 1d p. 477/478).
En tant que commerçant itinérant, le recourant participe à des foires dans toute la Suisse romande; c'est ainsi qu'il indique s'être rendu une quinzaine de fois à l'Abbaye de Fleurier et compte encore y aller à l'avenir. Il se plaint notamment d'une atteinte à sa liberté économique garantie par l'art. 27 Cst. Il y a donc lieu de lui reconnaître la qualité pour recourir (cf. ATF 102 Ia 201 consid. 3 p. 205/206).
1.4 Selon l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit - sous peine d'irrecevabilité - contenir un exposé des faits essentiels et un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation. Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier, de lui-même, si l'acte attaqué est en tout point conforme au droit et à l'équité; il n'examine que les moyens de nature constitutionnelle, invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261/262). En outre, lorsqu'un recourant demande l'annulation d'un arrêté cantonal de portée générale, il doit invoquer des moyens visant chacun des articles de cet acte et chacune des dispositions desdits articles, sans quoi seuls les passages véritablement attaqués pourront, le cas échéant, être annulés. Le Tribunal fédéral n'annulera intégralement l'arrêté cantonal de portée générale que si la suppression des passages inconstitutionnels le dénature dans son ensemble (ATF 123 I 112 consid. 2b p. 117 et la jurisprudence citée).
2.
Le présent recours pose essentiellement le problème du respect de la liberté économique et de l'égalité, en particulier entre concurrents, par la réglementation de l'usage accru du domaine public lors de l'Abbaye de Fleurier. Il soulève aussi la question de la conformité de ladite réglementation à la primauté du droit fédéral, en relation avec la loi fédérale sur le marché intérieur.
2.1 Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (cf. le message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1 ss, p. 176).
Aux termes de l'art. 36 al. 1 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale; les restrictions graves doivent être prévues par une loi; les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés. Toute restriction d'un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36 al. 2 Cst.) et proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.). L'essence des droits fondamentaux est inviolable (art. 36 al. 4 Cst.).
La jurisprudence a encore établi que l'égalité de traitement entre concurrents directs, c'est-à-dire entre personnes appartenant à une même branche économique qui s'adressent au même public avec des offres identiques pour satisfaire le même besoin (ATF 125 II 129 consid. 10b p. 149 et la jurisprudence citée), découlant de l'art. 27 Cst. n'était pas absolue et autorisait des différences à condition que celles-ci répondent à des critères objectifs et résultent du système lui-même; il est seulement exigé que les inégalités ansi instaurées soient réduites au minimum nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi (arrêts 2P.83/2005 du 26 janvier 2006, consid. 2.3, et 2A.26/2005 du 14 juin 2005, consid. 4.2; cf. aussi ATF 125 I 431 consid. 4b/aa p. 435/436 appliquant l'art. 31 aCst.).
Sont enfin prohibées les mesures de politique économique ou de protection d'une profession qui entravent la libre concurrence en vue de favoriser certaines branches professionnelles ou certaines formes d'exploitation (ATF 125 I 209 consid. 10a p. 221 et la jurisprudence citée).
2.2 Selon l'art. 664 al. 1 CC, les biens du domaine public sont soumis à la haute police de l'Etat sur le territoire duquel ils se trouvent. Par conséquent, les cantons ou les communes peuvent réglementer l'usage qui en est fait par les privés. Ainsi, ils sont en principe libres de décider par qui et à quelles conditions le domaine public peut être utilisé. Cependant, la jurisprudence a reconnu aux administrés un droit conditionnel à l'usage accru du domaine public à des fins notamment commerciales (ATF 128 I 295 consid. 3c/aa p. 300 et la jurisprudence citée), comme l'installation d'un stand dans une foire. Une autorisation ne peut être refusée que dans le respect des droits fondamentaux, en particulier de l'égalité (art. 8 Cst.) ainsi que de la liberté économique (art. 27 Cst.) notamment sous l'angle de l'égalité entre concurrents (ATF 129 II 497 consid. 5.4.7 p. 527; 128 I 136 consid. 4.1 p. 145; 119 Ia 445 consid. 3c p. 451; SJ 2001 I p. 557, 2P.96/2000, consid. 5b p. 562; François Bellanger, Commerce et domaine public, in Le domaine public - Journée de droit administratif 2002, éd. par François Bellanger et Thierry Tanquerel, Genève 2004, p. 43 ss, 50/51). Lorsque la place à disposition est limitée, la collectivité publique doit opérer un choix selon des critères objectifs. Elle peut retenir les demandes les plus aptes à satisfaire les besoins de toute nature du public, du point de vue de la qualité et de la diversité (ATF 128 I 136 consid. 4.2 p. 148; arrêts 2P.145/2003 du 30 juillet 2003, consid. 4.1, et 2P.327/1998 du 3 mars 1999, consid. 2b). Finalement, il y a lieu de procéder à une pesée des intérêts en présence (Blaise Knapp, Précis de droit administratif, 4e éd., Bâle 1991, nos 3027 et 3039, p. 620/621; David Hofmann, La liberté économique suisse face au droit européen, thèse Genève 2005, p. 77; cf. aussi ATF 105 Ia 91 consid. 3 p. 94). Dans ce cadre, il est possible de tenir compte de l'intérêt culturel. Sous l'empire de l'art. 4 aCst. (cf. art. 8 Cst.), le Tribunal fédéral a admis qu'il était compatible, dans une certaine mesure, avec le principe de l'égalité de traitement de favoriser les personnes établies dans la commune concernée, sans toutefois se prononcer au regard de l'égalité entre concurrents (ATF 121 I 279 consid. 5c p. 286). En revanche, il n'existe pas de droit acquis au maintien d'une autorisation (ATF 108 Ia 135 consid. 5a p. 139; SJ 1996 p. 533, 2P.58/1996, consid. 3b p. 540; arrêt 2P.78/1997 du 16 janvier 1998, consid. 5). On peut concevoir l'établissement d'une liste d'attente, pour autant qu'un tel système ne comporte pas un temps d'attente excessif et qu'il assure une certaine rotation, sans quoi les nouveaux arrivants n'auraient aucune chance d'obtenir une fois l'autorisation sollicitée, ce qui violerait l'égalité entre concurrents (cf. ATF 121 I 279 consid. 4 et 5 p. 284 ss; 102 Ia 438 consid. 4 p. 442/443; François Bellanger, op. cit., p. 60/61). Le mode de sélection mis en place doit avoir les effets les plus neutres possible du point de vue de la concurrence (ATF 129 II 497 consid. 5.4.7 p. 527; David Hofmann, op. cit., p. 77). On ne peut, à qualité égale, favoriser systématiquement les mêmes candidats ou groupes de candidats (ATF 128 I 136 consid. 4 p. 145 ss; arrêt 2P.145/2003 du 30 juillet 2003, consid. 4.1).
Il convient également de prendre en considération la loi fédérale sur le marché intérieur. En fait, cette loi ne résout pas le problème particulier des choix à opérer lorsque la place disponible est insuffisante. Elle règle avant tout la liberté d'accès au marché lorsque le problème de l'impossibilité de donner à tous, simultanément, une autorisation d'usage accru du domaine public ne se pose pas. Il n'en reste pas moins qu'il faut tenir compte, autant que faire se peut, du principe de non-discrimination, tel qu'il est énoncé notamment à l'art. 3 LMI.
3.
La commune de Fleurier met à disposition la place de Longereuse et la rue de la Place d'Armes pour sa foire annuelle, l'Abbaye de Fleurier. Ladite commune invoque des motifs pertinents de sécurité et de tranquillité publiques pour ne pas étendre davantage le périmètre de cette fête. Il n'en reste pas moins qu'une telle délimitation ne permet pas forcément de satisfaire toutes les demandes de places pour dresser un stand ou une guinguette, ce qui oblige alors à opérer des choix entre les différents intéressés. L'art. 2 al. 2 du Règlement établit l'ordre dans lequel ces demandes doivent être satisfaites, en favorisant surtout les sociétés locales. En effet, cette disposition permet d'attribuer des emplacements pour des stands d'abord aux sociétés et marchands du village, puis elle élargit le cercle à ceux (1) du district du Val-de-Travers, (2) du canton de Neuchâtel, (3) de Suisse romande et enfin (4) des autres cantons suisses. Lors de l'Abbaye de Fleurier, l'activité des sociétés locales consiste à tenir des stands où est vendue de la marchandise; en effet, la commune de Fleurier n'allègue pas que ces sociétés dresseraient des stands pour présenter leur activité et ne vendraient que très accessoirement des marchandises. En tant que les produits vendus à ces stands sont analogues à ceux du recourant, on peut dire que ces sociétés sont des "concurrents directs" du recourant; tel ne serait pas le cas, en revanche, dans la mesure où ces sociétés locales vendraient des produits différents de ceux du recourant. L'ordre établi par l'art. 2 al. 2 du Règlement permet d'attribuer les emplacements pour des stands où l'on vend des produits semblables à ceux du recourant, lorsqu'il n'y a pas suffisamment de places pour tous les marchands et sociétés qui désirent en vendre. L'art. 2 al. 2 du Règlement prévoit ainsi une intervention contraire à la liberté économique et aux principes consacrés par la loi fédérale sur le marché intérieur, car il instaure un mécanisme privilégiant systématiquement les mêmes groupes de candidats; n'étant pas neutre sur le plan économique, il fausse la concurrence. Cette appréciation est en tout cas valable pour la préférence donnée dans l'ordre aux sociétés et marchands du district du Val-de-Travers, du canton de Neuchâtel, de Suisse romande et, enfin, des autres cantons suisses. On peut cependant se demander s'il n'est pas possible d'accorder une certaine préférence aux "sociétés et marchands du village", en dépit de la liberté économique et des principes sous-tendant la loi fédérale sur le marché intérieur (question non entièrement résolue par l'ATF 121 I 279 consid. 6c p. 287 ss). Une telle préférence paraît admissible, dans une certaine mesure, pour une manifestation locale du type de l'Abbaye de Fleurier. En effet, il peut y avoir un intérêt public à la présence de "sociétés et marchands du village", afin d'assurer le succès et la fréquentation de la foire. On peut également tenir compte du fait que les sociétés locales pourront difficilement participer à d'autres manifestations analogues. Il convient toutefois de mettre en place un système dont les commerçants "non locaux" ne soient pas systématiquement écartés, sans avoir aucune chance d'obtenir un jour un emplacement à l'Abbaye de Fleurier.
Dans ces conditions, l'art. 2 al. 2 du Règlement n'est pas constitutionnel. Au demeurant, il n'appartient pas à l'autorité de céans, qui a rappelé ci-dessus les principes généraux, de prescrire à la commune de Fleurier comment régler la question qui se pose.
4.
Le recourant se plaint que le Règlement ne prévoie pas de voie de recours en ce qui concerne l'attribution des emplacements lors de l'Abbaye de Fleurier.
Selon l'art. 9 de la loi du 25 mars 1996 sur l'utilisation du domaine public du canton de Neuchâtel (ci-après: LUDP/NE), les décisions du "Conseil communal" relatives à l'utilisation temporaire du domaine public, notamment pour l'aménagement de bancs de marché, peuvent faire l'objet d'un recours auprès du Département de la gestion du territoire du canton de Neuchâtel, puis les décisions dudit département d'un recours auprès du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel (ci-après: le Tribunal administratif). Au demeurant, le Tribunal administratif est autorité de recours ordinaire contre les décisions des autorités communales si aucune autre autorité cantonale inférieure n'est désignée comme telle par le droit fédéral ou cantonal (art. 30 de la loi du 27 juin 1979 sur la procédure et la juridiction administrative du canton de Neuchâtel). Il serait donc compétent pour trancher tout recours contre une décision du Conseil communal prise en application du Règlement, qui n'entrerait pas formellement dans le cadre de l'art. 9 LUDP/NE. Ainsi, il n'était pas nécessaire que le Règlement contienne une disposition relative aux voies de recours. Le grief du recourant doit donc être rejeté.
Au surplus, on ne peut pas comparer le présent cas avec celui auquel se réfère le recourant (SJ 2001 I 557, 2P.96/2000); en effet, une caractéristique de cette autre affaire tenait à ce que les factures litigieuses, fixant le prix d'emplacements sur le domaine public lors d'une fête, n'émanaient précisément pas d'une autorité locale.
5.
Le recourant a conclu à l'annulation du Règlement dans son entier. Toutefois, il soulève des griefs uniquement à l'encontre de l'art. 2 al. 2 du Règlement ainsi que de l'absence de voie de recours. Son recours ne remplit donc pas les conditions de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ en tant qu'il conclut à l'annulation des autres dispositions du Règlement. Il est donc irrecevable dans cette mesure pour défaut de motivation.
6.
Vu ce qui précède, le recours doit être partiellement admis, en tant qu'il est recevable. L'art. 2 al. 2 du Règlement doit être annulé. L'Arrêté doit être annulé dans la mesure où il approuve cette disposition.
Bien que succombant, la commune de Fleurier et le Conseil d'Etat, dont l'intérêt pécuniaire n'est pas en cause, n'ont pas à supporter de frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ). La commune de Fleurier n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Gagnant pour l'essentiel, le recourant a droit à des dépens très légèrement réduits (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est partiellement admis, dans la mesure où il est recevable.
2.
L'art. 2 al. 2 du règlement de l'Abbaye de la commune de Fleurier du 14 décembre 2004 est annulé et l'arrêté d'approbation rendu le 25 janvier 2005 par le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel est annulé dans la mesure où il se rapporte à cette disposition.
3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
4.
La commune de Fleurier et le canton de Neuchâtel verseront au recourant une indemnité de 2'500 fr., par moitié (1'250 fr.) chacun, à titre de dépens.
5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 18 avril 2006
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: