Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_910/2023
Arrêt du 18 avril 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Muschietti.
Greffière : Mme Thalmann.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Yero Diagne, avocat,
recourante,
contre
Ministère public central du canton de Vaud,
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
intimé.
Objet
Complicité de séquestration; présomption d'innocence,
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 28 février 2023 (n° 55 PE20.021992-CMS/AWL).
Faits :
A.
Par ordonnance pénale rendue le 3 mars 2021, B.________ et A.________ ont été condamnées pour contrainte et violation du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues, respectivement complicité de contrainte pour les cas 1 et 2 de l'acte d'accusation. Toutes deux ont formé opposition en temps utile à l'ordonnance pénale et ont été déférées devant le tribunal de police. Lors de l'audience du 8 septembre 2022 devant le tribunal de police, B.________ a retiré son opposition. L'ordonnance rendue à son endroit est dès lors devenue définitive et exécutoire.
B.
Par jugement sur opposition du 9 septembre 2022, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a libéré A.________ des chefs d'accusation de voies de fait qualifiées, complicité de contrainte et violation du devoir d'assistance et d'éducation, l'a déclarée coupable de complicité de séquestration et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 50 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende de 400 fr., convertible en 8 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif dans le délai imparti.
C.
Par jugement du 28 février 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a très partiellement admis l'appel formé par A.________ et a réformé le jugement du 9 septembre 2022 en ce sens que A.________ a été libérée du chef de complicité de séquestration pour le cas 2 de l'acte d'accusation et a été condamnée pour complicité de séquestration pour le cas 1 à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 50 fr. le jour avec sursis pendant 2 ans.
Les faits pertinents qui ressortent du jugement sont les suivants:
C.a. Née en 1993 à U.________, A.________ a fait sa scolarité à V.________ et a obtenu un CFC de coiffeuse. Elle a ensuite fréquenté l'école de l'éducatrice de l'enfance à W.________, qu'elle a terminée en 2018, obtenant un diplôme d'éducatrice de la petite enfance. Elle a expliqué avoir travaillé en cette qualité à la crèche C.________, à X.________, du 1er mai 2019 au 30 novembre 2020, date à laquelle elle a été licenciée avec effet immédiat en raison des faits dénoncés dans la présente cause. Elle a ensuite retrouvé un travail en qualité d'éducatrice de l'enfance à Y.________, avant d'être licenciée. Elle est au chômage depuis le 1er mars 2022, en reconversion professionnelle. Ses indemnités de chômage s'élèvent entre 3'000 fr. et 3'600 fr. par mois. Elle vit chez ses parents et ne leur verse pas de loyer. Elle n'a personne à charge. Elle n'a ni dettes ni économies.
C.b. À X.________, dans les locaux de la crèche C.________, à la fin du mois d'octobre 2020, B.________, éducatrice, après l'avoir fait asseoir, a attaché les pieds et les mains du petit D.D.________, au moyen d'un fil en laine, afin de l'empêcher de courir. L'enfant a eu les larmes aux yeux et a tenté en vain de se détacher avec les dents. Après quelques minutes, B.________ a fini par relâcher les liens de D.D.________. Ces agissements ont eu lieu en présence et sous les yeux des autres enfants du groupe, mais également de la collègue et binôme de B.________, A.________, laquelle n'est pas intervenue pour les faire cesser. Quant à la stagiaire, G.________, également présente sur les lieux, elle a refusé d'obéir à B.________, laquelle lui avait demandé de faire le guet durant la scène, pour le cas où la directrice de la crèche passerait par là (cas 1 de l'acte d'accusation).
C.c. Des faits similaires ont eu lieu le 5 novembre 2020, au cours desquels B.________ a fait asseoir les petits D.D.________ et H.________ et leur a attaché les mains et les pieds, sous le regard choqué de leurs petits camarades, pendant plusieurs minutes. Après les avoir attachés, B.________ est ensuite allée chercher son téléphone portable et les a pris en photo dans cette posture, sans leur consentement. Elle a ensuite fait suivre l'image, par le biais de l'application I.________, à sa collègue A.________, absente ce jour-là (cas 2 de l'acte d'accusation).
C.d. La J.________ a dénoncé les faits par courrier du 11 décembre 2020. E.D.________ et F.D.________, parents de D.D.________, ont déposé plainte le 4 janvier 2021 sans prendre de conclusions civiles.
D.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 28 février 2023. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'elle est libérée du chef de complicité de séquestration. Subsidiairement, elle conclut à ce que le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois soit annulé s'agissant de sa condamnation du chef de complicité de séquestration et de la peine infligée, la cause étant renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur ces points.
Considérant en droit :
1.
Invoquant une violation du principe de l'administration des preuves ainsi que des art. 343 et 389 CPP , la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir refusé l'audition de deux témoins, soit K.________, qui a déclaré n'avoir jamais assisté au premier épisode en présence de la recourante, et B.________, qui a certes accepté sa condamnation pour les faits du 5 novembre 2020, mais qui a toujours nié l'existence du premier épisode et la présence de la recourante.
1.1. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. L'autorité d'appel doit répéter l'administration des preuves du tribunal de première instance si les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes, l'administration des preuves était incomplète ou les pièces relatives à l'administration des preuves ne semblent pas fiables (art. 389 al. 2 CPP; ATF 143 IV 288 consid. 1.4.1; arrêt 6B_1361/2021 du 25 août 2022 consid. 1.1).
1.2. L'art. 6 par. 3 let. d CEDH garantit à tout accusé le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Cette disposition exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoins en doute et d'interroger les témoins, à quelque stade de la procédure que ce soit (ATF 148 I 295 consid. 2.1 et les références citées; 140 IV 172 consid. 1.3; 133 I 33 consid. 3.1; 131 I 476 consid. 2.2). En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l'art. 32 al. 2 Cst. (ATF 148 I 295 consid. 2.1; 144 II 427 consid. 3.1.2; 131 I 476 consid. 2.2).
1.3. La cour cantonale a considéré que les auditions n'étaient pas nécessaires au jugement de la cause, dès lors que les deux personnes avaient déjà été entendues en cours d'enquête et/ou aux débats de première instance. La recourante avait largement eu la possibilité d'interroger B.________, sa coprévenue, sur toutes les questions qu'elle estimait utiles. Quant à K.________, la recourante souhaitait offrir à celle-ci la possibilité de répondre à l'affirmation de G.________ selon laquelle elle aurait été présente lors du premier évènement. Cette audition était inutile puisque la question avait déjà été expressément abordée lors de l'audition du témoin en question par l'autorité de première instance.
1.4. En l'espèce, s'agissant de K.________, comme l'a relevé à juste titre la cour cantonale, il n'est pas contesté qu'elle a déclaré ne pas avoir été présente lors des faits reprochés à la recourante. Une seconde audition de cette témoin n'apparaît ainsi pas utile. Quant à B.________, elle a déjà été entendue en cours d'enquête et lors des débats de première instance avant qu'elle ne retire son opposition à l'ordonnance pénale. C'est à juste titre que la cour cantonale a considéré que la recourante avait largement eu la possibilité de l'interroger sur toutes les questions qu'elle estimait utiles.
1.5. En définitive, la recourante échoue à démontrer en quoi la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire ou violé le droit fédéral en refusant de procéder aux auditions de K.________ et de B.________.
2.
La recourante invoque une violation de la présomption d'innocence et du principe
in dubio pro reo. Elle conteste avoir assisté ou participé à un épisode tel que celui relaté par la cour cantonale.
2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 500 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire voir ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF); les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités). Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe
in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1).
2.2. Pour acquérir sa conviction que la recourante a commis les faits reprochés, la cour cantonale s'est essentiellement fondée sur les déclarations de G.________, qui travaillait avec la recourante et la coprévenue B.________ au moment des faits. Ses déclarations mettaient ainsi en cause les deux éducatrices de la petite enfance. G.________ avait été entendue à plusieurs reprises par la direction de la J.________. Elle avait ensuite renouvelé ses déclarations devant le ministère public puis devant l'autorité de première instance, selon lesquelles B.________ avait, lors du premier épisode, attaché les pieds et les mains de D.D.________ pendant plusieurs minutes alors que la recourante était présente et assistait à la scène. La cour cantonale a considéré que les déclarations de la témoin étaient constantes, parfaitement crédibles et devaient être retenues. Elles étaient par ailleurs parfaitement cohérentes et dépourvues d'exagération. Elles ne comportaient aucune expression d'animosité vis-à-vis des coprévenues. Les prétendues imprécisions ou incohérences relevées par la défense ne portaient que sur des points très secondaires qui n'étaient pas à même d'entamer la crédibilité des déclarations dans leur ensemble.
Ces déclarations étaient par ailleurs renforcées par le fait que G.________ avait fourni deux images qu'elle avait prises lors du second épisode du 5 novembre 2020, lesquelles montraient deux très jeunes enfants attachés par B.________ alors que cette dernière prenait une photo d'eux pour les envoyer à la recourante. G.________ avait également fourni un enregistrement audio comportant une discussion avec la recourante au cours de laquelle une enfant (L.________) s'inquiétait à plusieurs reprises de savoir si elle allait être attachée.
2.3. La recourante allègue une série d'éléments qui seraient de nature à entacher la crédibilité des déclarations de la témoin G.________.
2.3.1. Elle reproche d'abord à la cour cantonale d'avoir retenu que la frustration de G.________ ne reposait sur aucun élément concret objectif. Elle fait valoir que celle-ci l'aurait dénoncée par vengeance, s'appuyant sur le témoignage de M.________ qui a déclaré aux débats de première instance avoir au début pensé, avec d'autres, que G.________ avait voulu se venger, ayant entendu de B.________ qu'elle avait ''
un souci avec elle '' et qu'avec la recourante elles ne voulaient pas l'accepter. Par son argumentation, la recourante oppose sa propre appréciation à celle de la cour cantonale. Au demeurant, comme la recourante le relève elle-même, le fait que les coprévenues aient eu ''
un souci '' avec G.________ n'est pas suffisant pour considérer que les déclarations de celle-ci ne sont pas crédibles.
2.3.2. Pour le surplus, par son argumentation, la recourante oppose essentiellement sa propre appréciation à celle de la cour cantonale, sans démontrer en quoi celle-ci serait arbitraire. À cet égard, on relèvera que le seul fait que G.________ aurait dans un premier temps dénoncé l'événement du 5 novembre 2020 à la direction de la J.________, ne mentionnant les faits du mois d'octobre que le lendemain n'entache en rien la crédibilité de ses déclarations. Il en va de même du fait que les déclarations de G.________ et de K.________ ne concordent pas sur la question de savoir si cette dernière aurait assisté au premier épisode.
2.3.3. Par ailleurs, en soutenant que la témoin M.________ aurait confirmé que sa stagiaire avait vu G.________ prendre elle-même des photos d'enfants via I.________ et les envoyer à ses contacts, la recourante invoque des éléments qui ne ressortent pas du jugement attaqué sans démontrer l'arbitraire de leur omission, de sorte que son argumentation est irrecevable.
2.3.4. En outre, le fait allégué par la recourante selon lequel le très jeune enfant D.D.________ n'aurait pas expressément indiqué la présence de la recourante au moment où il a été attaché par B.________ ne démontre pas que l'intéressée n'a pas assisté à la scène, étant relevé qu'il s'agit de propos relatés par les parents de D.D.________.
2.4. Enfin, contrairement à ce qu'allègue la recourante, le fait que la cour cantonale ait retenu l'existence du cas 1, notamment sur la base d'une photo découlant du cas 2 qui s'est déroulé postérieurement, n'est pas arbitraire.
La cour cantonale a en effet retenu qu'il était établi que la recourante avait reçu l'image qui lui avait été envoyée par B.________, élément supplémentaire renforçant encore, si besoin en était, la crédibilité des déclarations de G.________. L'image transmise par B.________ à la recourante n'était accompagnée d'aucun commentaire ni précédée d'une discussion annonciatrice de l'événement en cause auquel elle aurait servi d'illustration. L'envoi était donc totalement inopiné. La cour cantonale en a donc déduit que cette image ne pouvait par conséquent que trahir l'existence d'une situation préexistante à laquelle elle faisait écho, soit un événement identique que les deux protagonistes avaient déjà partagé ensemble et que la destinataire était ainsi susceptible de reconnaître sans autre échange d'informations. Ce raisonnement n'est pas insoutenable.
2.5. En définitive, l'argumentation de la recourante n'est pas propre à démontrer en quoi l'appréciation des déclarations de G.________ et des autres protagonistes ainsi que des photos qu'elle a produites serait arbitraire. Son grief doit être écarté dans la mesure où il est recevable.
3.
La recourante se plaint d'une violation des art. 183 et 11 CP en ce sens que l'infraction qui lui est reprochée ne serait pas réalisée, les éléments constitutifs objectifs et subjectifs n'étant pas tous réunis.
3.1. Aux termes de l'art. 183 ch. 1 CP, quiconque, sans droit, arrête une personne, la retient prisonnière, ou, de toute autre manière, la prive de sa liberté (al. 1) ou quiconque, en usant de violence, de ruse ou de menace, enlève une personne (al. 2), est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. En application de l'art. 184 al. 3 CP, la peine est d'un an au moins si la privation de liberté dure plus de dix jours.
Le bien juridique protégé par l'art. 183 CP est la liberté de déplacement. La restriction illicite de la liberté de déplacement consiste à empêcher une personne de se rendre ou de se faire conduire, par elle-même, avec des moyens auxiliaires ou avec l'aide de tiers, selon son choix, du lieu où elle se trouve à un autre lieu (ATF 141 IV 10 consid. 4.4.1; arrêt 6B_951/2022 du 10 août 2023 consid. 2.1). Il n'est pas nécessaire que la privation de liberté soit de longue durée. Quelques minutes suffisent. Le moyen utilisé pour atteindre le résultat n'est pas déterminant. Une personne peut être séquestrée par le recours à la menace, à la violence, en soustrayant les moyens (par exemple de locomotion) dont elle a besoin pour partir ou encore en la plaçant dans des conditions telles qu'elle se sent dans l'impossibilité de s'en aller (arrêts 6B_951/2022 précité consid. 2.1; 6B_808/2022 du 8 mai 2023 consid. 5.1; 6B_543/2022 du 15 février 2023 consid. 5.2; 6B_145/2019 du 28 août 2019 consid. 6.2.2). Pour que l'infraction soit consommée, il n'est pas nécessaire que la victime soit totalement privée de sa liberté; il suffit qu'elle se trouve dans une situation dans laquelle il est difficile ou risqué pour elle de tenter de recouvrer sa liberté (arrêts 6B_951/2022 précité consid. 2.1; 6B_543/2022 du 15 février 2023 consid. 5.2 et les références citées). La séquestration est réalisée dès que la victime est concrètement privée de sa liberté de mouvement, même si les entraves imposées ne sont pas insurmontables (ATF 104 IV 170 consid. 3
in fine; plus récemment, arrêts 6B_951/2022 précité consid. 2.1; 6B_808/2022 précité consid. 5.1; 6B_543/2022 précité consid. 5.2). À titre d'exemple, l'infraction de séquestration a été retenue par la jurisprudence s'agissant d'un mari qui avait empêché son épouse de sortir de leur appartement durant une période estimée de cinq à sept minutes (arrêt 6B_474/2022 du 9 novembre 2022 consid. 1.3.3).
Sur le plan subjectif, l'infraction requiert l'intention, laquelle doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction, y compris l'illicéité. Le dol éventuel suffit (arrêts 6B_951/2022 précité consid. 2.1; 6B_543/2022 précité consid. 5.2 et les références citées).
3.2. Comme l'art. 183 ch. 1 al. 1 CP prévoit expressément que l'auteur doit agir "
sans droit ", la séquestration est donc exclue lorsqu'une personne est entravée dans sa liberté d'aller et venir sur la base d'une disposition légale. Ainsi, il n'y a pas de séquestration de la part de celui qui est en droit d'imposer à la personne de rester au lieu où elle se trouve. Le droit de retenir une personne contre son gré peut découler de la légitime défense (art. 15 CP) ou de l'état de nécessité (art. 17 CP), notamment des art. 52 al. 3 CO et 926 al. 2 CC (arrêt 6B_637/2011 du 13 avril 2012 consid. 3.3.2 et la référence citée).
3.3. Une infraction de résultat, qui suppose en général une action, peut aussi être commise par omission si l'auteur est resté passif au mépris d'une obligation d'agir (cf. art. 11 CP). Reste passif en violation d'une obligation d'agir celui qui n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique. La loi énumère plusieurs sources pouvant fonder une position de garant, à savoir la loi, un contrat, une communauté de risques librement consentie ou la création d'un risque (art. 11 al. 2 CP). N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut qu'elle ait découlé d'une position de garant, c'est-à-dire que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (cf. art. 11 al. 2 et 3 CP ; ATF 141 IV 249 consid. 1.1; 134 IV 255 consid. 4.2.1 et les références citées; arrêt 6B_877/2015 du 20 juin 2016 consid. 4.1). Sont notamment considérés comme des garants les parents naturels ou adoptifs, le tuteur, le maître d'école, le responsable d'une institution, le directeur d'un home ou d'un internat, l'employeur, la gardienne de jour, la jardinière d'enfants, le personnel soignant dans un hôpital ou une clinique (ATF 125 IV 64 consid. 1a; arrêt 6B_1199/2022 du 28 août 2023 consid. 3.1.2).
3.4. Dans son raisonnement, la cour cantonale a considéré que les deux éducatrices partageaient la même responsabilité vis-à-vis des très jeunes enfants dont elles assuraient la garde. Dans chacun des cas reprochés, les victimes s'étaient retrouvées pieds et poings liés devant les autres enfants dont une, pour le moins, avait été clairement marquée par la situation comme le montrait l'enregistrement audio. Les déclarations de G.________ établissaient que les enfants avaient été maintenus ligotés sur une durée de plusieurs minutes. Comme le montraient les images, les liens étaient suffisamment serrés pour annihiler tout déplacement des enfants. Ils avaient manifestement été noués dans ce but précis, ce que confirmaient les explications de G.________ à ce sujet. S'agissant de très jeunes enfants, la situation présentait une intensité certaine, ce d'autant qu'elle s'était déroulée devant d'autres camarades qui conservaient leur liberté de mouvement. L'effet de la stigmatisation était important et caractérisait l'intensité élevée de l'atteinte à la liberté de mouvement des enfants concernés. Il fallait par ailleurs observer que les déclarations de G.________ et les images permettaient d'exclure qu'il s'agissait d'un jeu. Au contraire, les liens avaient été noués à titre de punition, pour réprimer l'envie de courir des enfants concernés. Du reste, la recourante ne le prétendait pas, ni sa coprévenue. La cour cantonale a constaté que le caractère illicite du comportement dénoncé était établi. Les éléments constitutifs objectifs de l'infraction de séquestration étaient réunis.
La cour cantonale s'est ensuite penchée sur l'examen des conditions subjectives. En ce qui concernait la première situation, force était de constater, sur la base des faits retenus, que la recourante, présente aux côtés de sa collègue, n'était pas intervenue. Elle n'avait manifesté aucun signe de désapprobation. Au contraire, elle avait interagi avec B.________ en rigolant, lui signifiant ainsi son approbation. Compte tenu de la position de garante qui était indiscutablement la sienne vis-à-vis des enfants, la recourante se devait d'intervenir et de mettre fin aux agissements de sa collègue. En ne le faisant pas, alors qu'elle avait toute latitude pour le faire, elle ne s'était donc pas simplement montrée complice des agissements en cause. Elle y avait pleinement adhéré. La cour cantonale a considéré que la forme atténuée de participation relative à la complicité était indéniablement réalisée.
3.5. La recourante conteste la réalisation de l'élément constitutif objectif de privation de liberté d'une certaine durée et intensité relatif à l'infraction de séquestration.
On relèvera tout d'abord que, quand bien même l'image produite par G.________ à l'appui de ses déclarations montre la situation telle qu'elle l'a été lors du cas 2, il ressort du dossier que les cas 1 et 2 se sont déroulés d'une manière similaire, notamment que B.________ a fait asseoir les enfants et leur a attaché les mains et les pieds. Il n'est dès lors pas arbitraire, comme relevé
supra (consid. 2.4) de s'appuyer notamment sur les images du cas 2 pour déterminer que les liens étaient suffisamment serrés pour considérer que les enfants étaient concrètement privés de leur liberté lors du cas 1, étant relevé que la jurisprudence n'exige pas que les entraves imposées soient insurmontables (cf.
supra consid. 3.1).
S'agissant de le durée de la privation de liberté, contrairement à ce que soutient la recourante, une privation de liberté d'une durée de 5 minutes, telle que retenue en l'espèce (cf. PV d'audition du 29 septembre 2021, lignes 49-50; jugement de première instance, p. 45; art. 105 al. 2 LTF), est suffisante au regard de la jurisprudence pour retenir la séquestration au sens de l'art. 183 ch. 1 CP (cf.
supra consid. 3.1 et 3.2; arrêt 6B_474/2022 du 9 novembre 2022 consid. 1.3.3).
Pour le surplus, en tant que la recourante fait valoir que l'enfant D.D.________, même ligoté, n'a pas été davantage privé de sa liberté de se déplacer que les autres enfants assis à côté de lui comme l'illustrent les photos au dossier, puisque tous les enfants se devaient de rester assis, en ligne contre le mur à ce moment-là, elle semble perdre de vue que les autres enfants n'étaient pas attachés et conservaient leur liberté de mouvement.
3.6. La recourante soutient ensuite que la cour cantonale n'a pas examiné l'élément constitutif objectif de la privation de liberté sous l'angle du droit de la personne de pouvoir choisir le lieu où elle entend se trouver.
En se référant à un extrait de doctrine et à l'arrêt 6B_637/2011 du 13 avril 2012, la recourante relève que la séquestration est exclue lorsqu'une personne est entravée dans sa liberté d'aller et venir sur la base d'une disposition légale ou, en d'autres termes, qu'il n'y a pas de séquestration de la part de celui qui est en droit d'imposer à la personne de rester au lieu où elle se trouve.
Ce raisonnement ne saurait être suivi, la recourante admettant d'ailleurs elle-même que B.________, de par sa fonction, n'avait pas le droit de lier les mains et les pieds de l'enfant D.D.________ dont elle avait la charge, en privant ainsi celui-ci de sa liberté de mouvement au sein de la crèche. Pour le surplus, c'est en vain que la recourante invoque un extrait de l'ATF 141 IV 10 consid. 4.2. En effet, il y a tout d'abord lieu de relever que, dans le passage cité par la recourante, le Tribunal fédéral se contente en réalité de relater le raisonnement qui a été fait par la cour cantonale, de sorte que la recourante ne peut rien en tirer. Cela est d'autant plus vrai que le raisonnement de l'instance précédente n'a pas été suivi par le Tribunal fédéral. Au demeurant, la situation visée par la jurisprudence précitée, à savoir celle d'un père parti à l'étranger avec ses enfants, alors qu'il n'avait pas le droit de déterminer leur lieu de séjour et qu'il ne les laissait pas retourner auprès de leur mère, n'est pas comparable à celle du cas d'espèce.
3.7. Enfin, pour ce qui est de l'élément subjectif, la recourante conteste le raisonnement de la cour cantonale, en ce sens qu'elle considère qu'il n'est pas possible de déduire du fait qu'elle a rigolé avec B.________ de la scène une conscience et une volonté de sa part de s'associer à quelque chose fait spontanément par sa coprévenue, dont à cet instant elle ignorait les intentions.
3.7.1. Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir de faits "
internes ", qui, en tant que faits, lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été retenus de manière arbitraire (ATF 148 IV 234 consid. 3.4; 147 IV 439 consid. 7.3.1; 141 IV 369 consid. 6.3). Est en revanche une question de droit celle de savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une juste conception de la notion d'intention et si elle l'a correctement appliquée sur la base des faits retenus et des éléments à prendre en considération (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3; 135 IV 152 consid. 2.3.2; 133 IV 9 consid. 4.1). On ne peut toutefois méconnaître que dans ce domaine, les questions de fait et de droit interfèrent étroitement, sur certains points. Il incombe ainsi à l'autorité cantonale d'établir de manière aussi complète que possible les circonstances extérieures susceptibles d'établir la volonté interne de l'accusé. Le Tribunal fédéral peut revoir, dans une certaine mesure, l'appréciation de ces circonstances au regard de la notion juridique de dol éventuel (ATF 147 IV 439 consid. 7.3.1; 133 IV 9 consid. 4.1).
3.7.2. En l'occurrence, la recourante oppose sa propre version des faits sans démontrer en quoi celle retenue par la cour cantonale serait arbitraire, de sorte que son argumentation est irrecevable.
Au demeurant, ce n'est pas uniquement le fait que la recourante ait rigolé avec B.________ de la scène qui permet de retenir la réalisation de l'élément subjectif de l'infraction de complicité de séquestration. En effet, alors que la recourante était présente lors de la scène et, partant, consciente de ce qui s'y passait, elle n'a donné aucun signe susceptible de manifester une volonté de prendre des mesures pour détacher l'enfant, quitte à interpeller sa collègue pour l'inviter à cesser ses agissements; elle n'a pas davantage exprimé une quelconque désapprobation, à un moment ou un autre, bien au contraire, comme en témoigne le fait qu'elle a ri de la situation. La cour cantonale pouvait considérer, au vu de l'ensemble des circonstances, que la recourante s'était accommodée des agissements de sa collègue, à tout le moins par dol éventuel.
4.
Invoquant une violation de l'art. 25 CP, la recourante conteste notamment sa complicité par omission.
4.1. Agit comme complice, celui qui prête intentionnellement assistance à l'auteur pour commettre un crime ou un délit (cf. art. 25 CP). Objectivement, la complicité, qui est une forme de participation accessoire à l'infraction, suppose que le complice ait apporté à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cette contribution. Il n'est pas nécessaire que l'assistance du complice ait été une condition
sine qua non de la réalisation de l'infraction; il suffit qu'elle l'ait favorisée. L'assistance prêtée par le complice peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention; la complicité par omission suppose toutefois une obligation juridique d'agir, autrement dit une position de garant (ATF 132 IV 49 consid. 1.1; 121 IV 109 consid. 3a; arrêt 6B_190/2014 du 25 septembre 2014 consid. 3).
4.2. Subjectivement, le complice doit avoir agi intentionnellement, mais le dol éventuel (sur cette notion, cf. ATF 133 IV 9 consid. 4.1) suffit. Il faut qu'il sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte. À cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur, lequel doit donc avoir pris la décision de l'acte (ATF 132 IV 49 consid. 1.1; 121 IV 109 consid. 3a; arrêt 6B_190/2014 précité consid. 3).
4.3. En l'espèce, c'est en vain que la recourante soutient qu'en substance l'inaction qui lui est reprochée ne constituerait pas une contribution causale à l'infraction permettant de retenir une complicité. À cet égard, on relèvera qu'il y a complicité par omission lorsque, faute d'accomplir un acte qu'il était juridiquement tenu de faire, le complice produit un certain résultat et, par son inaction, prête assistance à l'auteur principal (cf. DUPUIS et al., Petit commentaire, Code pénal, 2e éd. 2017, no 9
ad art. 25 CP). C'est précisément en ne détachant pas l'enfant, alors qu'elle était tenue de le faire de par sa position de garante, que la recourante a prêté une assistance à la réalisation d'une infraction par B.________, se rendant ainsi complice de séquestration.
4.4. La recourante soutient ensuite qu'elle ne peut pas être condamnée pour complicité de séquestration, dès lors que l'autrice principale, B.________, a été condamnée pour contrainte selon l'ordonnance pénale entrée en force pour celle-ci.
Elle ne peut cependant rien tirer en sa faveur du fait que l'ordonnance pénale du 3 mars 2021 est entrée en force pour B.________ à la suite du retrait de son opposition. En effet, s'agissant de la recourante, lorsque le ministère public a décidé, suite à une opposition, de maintenir l'ordonnance pénale et de transmettre le dossier au tribunal de première instance, ce dernier était certes lié par l'état de fait contenu dans l'acte d'accusation mais ne l'était pas par la qualification juridique qu'en avait fait le ministère public et statuait par conséquent librement sur la question du droit (cf. MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, 2e éd. 2016, no2
ad art. 356 CPP). Infondé, le grief est rejeté.
5.
Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 18 avril 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Thalmann