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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.30/2006 /ech 
 
Arrêt du 18 mai 2006 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Favre. 
Greffière: Mme Godat Zimmermann. 
 
Parties 
A.________, 
B.________, 
défendeurs et recourants, représentés par Me Marc Hassberger, 
 
contre 
 
X.________ SA, 
demanderesse et intimée, représentée par Me Xavier Mo Costabella. 
 
Objet 
bail à loyer; reconnaissance de dette, 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève du 
12 décembre 2005. 
 
Faits: 
A. 
Y.________ AG (ci-après: Y.________) a son siège à C.________. Le 11 septembre 2000, A.________ et B.________, agissant pour le compte de la succursale genevoise de Y.________ en cours de constitution, ont passé avec X.________ SA un contrat portant sur la location d'une arcade d'environ 300 m2 dans un immeuble sis à Genève. Le bail a été conclu pour une durée allant du 1er novembre 2000 au 31 octobre 2002; le loyer annuel était de 75'000 fr. et les charges s'élevaient à 12'000 fr. 
 
Le 27 février 2001, la succursale genevoise de Y.________ a été inscrite au registre du commerce de Genève. A.________ et B.________ y figuraient respectivement comme administrateur et directeur. 
 
Dans l'«avenant au bail» du 29 août 2002, Y.________ est indiqué comme locataire et la durée du contrat est fixée du 1er novembre 2002 au 31 octobre 2004, le bail se renouvelant ensuite d'année en année. 
 
Par avis comminatoire du 3 juillet 2003 adressé à «MM. A.________ et B.________ chez Y.________ SA», la bailleresse a mis en demeure les deux susnommés de lui régler dans les trente jours le montant de 50'750 fr. à titre d'arriérés de loyers et de charges pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2003; il était précisé qu'à défaut de paiement intégral dans le délai imparti, le bail serait résilié. 
 
Aucun versement n'a été effectué dans le délai fixé. X.________ SA a alors engagé des poursuites contre la succursale genevoise de Y.________. 
 
Selon un document du 2 septembre 2003, A.________ et B.________ se sont engagés à verser à X.________ SA le solde du loyer pour la période du 1er mai au 30 septembre 2003, soit 40'250 fr., en douze mensualités de 3'355 fr. dès le 1er octobre 2003. Les deux signataires ont gardé l'original de cette pièce, dont ils ont remis une copie à la bailleresse. 
 
Le 16 septembre 2003, X.________ SA a fait notifier à A.________ et B.________, à leurs adresses personnelles, deux commandements de payer le montant de 50'570 fr. correspondant aux loyers et charges impayés de janvier à juillet 2003. Les poursuivis ont formé opposition. 
 
Par avis officiel du 25 novembre 2003 adressé à A.________, B.________ et Y.________, la bailleresse a résilié le bail pour l'échéance du 31 décembre 2003 au motif qu'un arriéré de loyers et charges de 87'000 fr. n'avait pas été réglé. Le congé n'a pas été contesté. 
 
Le 6 janvier 2004, X.________ SA a sommé Y.________ de libérer les locaux. Par la suite, elle a introduit une action en évacuation. 
 
La faillite de Y.________ a été prononcée le 13 janvier 2004. 
 
Le 19 mai 2004, l'Office des poursuites et faillites a remis les clés de l'arcade à X.________ SA, qui a retiré sa requête en évacuation. 
B. 
Par requête du 19 janvier 2004, X.________ SA a conclu à ce que A.________ et B.________ soient condamnés, conjointement et solidairement, à lui payer 87'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 30 juin 2003, montant correspondant aux loyers et charges pour 2003, ainsi que 7'250 fr. avec intérêts à 5%, pour chaque mois supplémentaire où les locaux seraient occupés illicitement jusqu'au 31 octobre 2004; elle a également demandé la mainlevée des oppositions formées par les défendeurs. Faute de conciliation, la cause a été portée devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève le 23 avril 2004. Par mémoire complémentaire du 16 juin 2004, X.________ SA a amplifié la demande, en réclamant une indemnité pour occupation illicite de 43'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2004. 
 
Par jugement du 13 avril 2005, le tribunal a débouté X.________ SA de toutes ses conclusions. 
 
Statuant le 12 décembre 2005 sur appel de la demanderesse, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers a annulé le jugement de première instance; elle a condamné les défendeurs, solidairement entre eux, à payer 40'250 fr. à X.________ SA et prononcé la mainlevée des oppositions à due concurrence. 
C. 
A.________ et B.________ interjettent un recours en réforme. Ils demandent l'annulation de l'arrêt attaqué et le déboutement de X.________ SA de toutes ses conclusions. A titre subsidiaire, ils proposent le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision conformément aux considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral. 
 
X.________ SA conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
 
Les défendeurs ont également déposé un recours de droit public contre le même arrêt. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public. Cette règle souffre toutefois des exceptions dans des situations particulières, qui justifient l'examen préalable du recours en réforme. Il en va ainsi lorsque la décision sur le recours de droit public ne peut avoir aucune incidence sur le sort du recours en réforme (ATF 123 III 213 consid. 1 p. 215; 122 I 81 consid. 1 p. 82/83; 120 Ia 377 consid. 1 p. 379); tel sera notamment le cas lorsque le recours en réforme paraît devoir être admis indépendamment des griefs soulevés dans le recours de droit public (ATF 122 I 81 consid. 1 p. 83; 120 Ia 377 consid. 1 p. 379; 117 II 630 consid. 1a p. 631). 
 
Cette dernière hypothèse étant réalisée en l'espèce, il se justifie de traiter le recours en réforme avant le recours de droit public. 
2. 
2.1 Interjeté par les parties qui ont succombé dans leurs conclusions libératoires, et dirigé contre une décision finale rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 
2.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ), ni la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). 
Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2. p. 106, 136 consid. 1.4. p. 140; 127 III 248 consid. 2c). 
 
Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127 III 247 consid. 2c p. 252). 
2.3 Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des conclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les motifs développés dans les écritures (art. 63 al. 1 OJ; ATF 128 III 411 consid. 3.2.2 p. 415), ni par l'argumentation juridique suivie par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 128 III 22 consid. 2e/cc; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). 
3. 
Dans un premier moyen, les défendeurs reprochent à la cour cantonale une violation de l'art. 17 CO. Après avoir admis que l'administrateur et le directeur de Y.________ n'étaient pas les débiteurs des loyers réclamés, la cour cantonale ne pouvait pas les condamner au paiement de 40'250 fr. sur la base de la seule reconnaissance de dette du 2 septembre 2003, dépourvue de toute cause valable. 
3.1 Au préalable, il convient de rappeler le déroulement de la procédure en instance cantonale, en particulier la position de la demanderesse et la solution adoptée par la Chambre d'appel. 
 
L'action en paiement introduite par la demanderesse portait sur les loyers et charges de 2003, soit 87'000 fr. (75'000 fr. + 12'000 fr.). Par la suite, la demande a été amplifiée pour tenir compte du fait que les locaux étaient restés occupés après l'échéance du bail au 31 décembre 2003 et que la bailleresse pouvait donc prétendre à une indemnité pour occupation illicite. La demande était dirigée contre les défendeurs. La demanderesse considérait en effet qu'en agissant dans le cadre d'une société simple lors de la signature du contrat du 11 septembre 2000, les défendeurs répondaient à titre personnel des obligations découlant du bail; par ailleurs, le contrat ayant été transféré à Y.________ par l'avenant du 29 août 2002, ils restaient débiteurs solidaires avec la nouvelle locataire, conformément à l'art. 263 al. 4 CO
 
Ni les juges de première instance, ni la cour cantonale n'ont suivi la demanderesse dans ce raisonnement. A juste titre, la Chambre d'appel a relevé que le premier contrat, de durée déterminée, était venu à échéance le 31 octobre 2002 et qu'un second contrat, passé avec Y.________, avait été conclu pour la période débutant le 1er novembre 2002. Aucun transfert de bail entre les défendeurs et Y.________ n'avait eu lieu. Seule Y.________ était débitrice des montants réclamés, qui correspondaient aux loyers et charges de 2003 et à une indemnité pour occupation illicite en 2004. La demanderesse ne pouvait donc fonder ses prétentions envers les défendeurs sur l'«avenant au bail» du 29 août 2002. 
 
La Chambre d'appel a néanmoins admis la demande à concurrence de 40'250 fr. sur la base du document signé le 2 septembre 2003 par les défendeurs, qu'elle a considéré comme une reconnaissance de dette. Il convient à présent d'examiner si, ce faisant, la cour cantonale a violé le droit fédéral, comme les défendeurs le prétendent. 
3.2 La reconnaissance de dette se définit comme la déclaration par laquelle un débiteur manifeste au créancier qu'une dette déterminée existe (arrêt 4C.53/2001 du 17 août 2001, consid. 2b; Ingeborg Schwenzer, Basler Kommentar, 3e éd., n. 2 ad art. 17 CO; Silvia Tevini Du Pasquier, Commentaire romand, n. 1 ad art. 17 CO; Schmidlin, Berner Kommentar, n. 15 art. 17 CO; Jäggi, Zürcher Kommentar, n. 5 ad art. 17 CO). Elle peut être causale, lorsque la cause de l'obligation est mentionnée expressément dans la reconnaissance de dette ou qu'elle ressort manifestement des circonstances. Elle sera abstraite lorsqu'elle n'énonce pas la cause de l'obligation (Schwenzer, op. cit., n. 5 ad art. 17 CO et les références). Dans les deux cas, la reconnaissance de dette est valable (art. 17 CO). Mais la cause sous-jacente doit exister et être valable (Tevini Du Pasquier, op. cit., n. 2 ad art. 17 CO; Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 157). En effet, en droit suisse, la reconnaissance de dette, même abstraite, a pour objet une obligation causale (ATF 105 II 183 consid. 4a p. 187; 119 II 452 consid. 1d p. 455), l'art. 17 CO n'ayant pas d'incidence sur l'existence matérielle de l'obligation du débiteur (ATF 131 III 268 consid. 3.2 p. 273). L'effet d'une reconnaissance de dette est celui de renverser le fardeau de la preuve. Le créancier n'a pas à prouver la cause de sa créance, ni la réalisation d'autres conditions que celles qui sont indiquées dans l'acte. Il appartient au débiteur qui conteste la dette d'établir quelle est la cause de l'obligation et de démontrer que cette cause n'est pas valable, par exemple parce que le rapport juridique à la base de la reconnaissance est inexistant, nul (art. 19 et 20 CO), invalidé ou simulé (art. 18 al. 1 CO). De manière générale, le débiteur peut se prévaloir de toutes les objections et exceptions qui sont dirigées contre la dette reconnue (ATF 131 III 268 consid. 3.2 p. 273 et les références). 
3.3 Par le document du 2 septembre 2003, les défendeurs s'engagent à verser le «solde de loyer dû» du 1er mai au 30 septembre 2003, soit 40'250 fr., en douze acomptes mensuels de 3'355 fr. à partir du 1er octobre 2003. Par là-même, ils se reconnaissent débiteurs envers la demanderesse d'un montant global de 40'250 fr., qu'ils régleront par mensualités. Comme la cour cantonale l'a admis, il s'agit bien d'une reconnaissance de dette. Au surplus, elle n'est pas abstraite puisqu'elle se réfère expressément à des arriérés de loyer pour l'arcade; la cause de l'obligation réside donc dans le bail conclu en rapport avec cet objet. 
 
Or, comme la Chambre d'appel l'a reconnu à bon droit, les défendeurs n'étaient pas les locataires de l'arcade et ne répondaient personnellement d'aucune obligation solidaire avec Y.________ à la suite de la signature de l'«avenant au bail», car aucun transfert du contrat au sens de l'art. 263 CO n'avait eu lieu à cette occasion. Ils n'étaient donc redevables d'aucune dette résultant du contrat du 29 août 2002. Au surplus, aucun élément n'établit l'existence d'une reprise cumulative de dette. En réalité, la signature de la reconnaissance de dette du 2 septembre 2003 s'explique par le fait que les parties elles-mêmes n'étaient pas très au clair à l'époque sur la titularité des obligations découlant de l'«avenant au bail» du 29 août 2002. En juillet 2003, ce sont les défendeurs en personne que la demanderesse avait mis en demeure de régler les loyers impayés. Par la suite, ils se sont vu notifier des commandements de payer à leurs adresses personnelles. Devant les instances cantonales, la bailleresse continuera du reste de faire valoir que les défendeurs étaient débiteurs des loyers, à côté de la société locataire, en raison d'un prétendu transfert de bail. 
 
Comme elle n'est fondée sur aucun rapport juridique liant les parties au procès, la reconnaissance de dette du 2 septembre 2003 est dépourvue de cause valable. En condamnant, sur la base de ce document, les défendeurs à payer à la demanderesse des arriérés de loyers à hauteur de 40'250 fr., la cour cantonale a dès lors violé le droit fédéral. 
3.4 Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis; l'arrêt attaqué sera réformé en ce sens que la demande en paiement introduite contre les défendeurs est rejetée. 
 
Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire d'examiner le grief tiré de l'art. 8 CC par lequel les défendeurs reprochent à la cour cantonale de n'avoir pas tenu compte du fait que, selon eux, la reconnaissance de dette en était restée au stade de projet, ladite pièce n'ayant au surplus été produite par la demanderesse que sous forme d'une photocopie. 
4. 
Les frais judiciaires seront supportés par la demanderesse, qui avait conclu au rejet du recours (art. 156 al. 1 OJ). Par ailleurs, les défendeurs se verront allouer des dépens, pris en charge par leur adverse partie (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 
 
La demande en paiement déposée par X.________ SA contre A.________ et B.________, pris solidairement, est rejetée. 
 
La requête en mainlevée des oppositions formées aux commandements de payer notifiés dans les poursuites n° ... G et n° ... H est rejetée. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la demanderesse. 
3. 
La demanderesse versera aux défendeurs, créanciers solidaires, une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
4. 
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève. 
Lausanne, le 18 mai 2006 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: