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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_843/2021  
 
 
Arrêt du 18 mai 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Beusch. 
Greffière : Mme Kleber. 
 
Participants à la procédure 
Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève, 
représenté par le Département du territoire de la République et canton de Genève, case postale 3880, 1211 Genève 3, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Dominique Burger, avocate, 
intimé. 
 
Objet 
émolument pour autorisation préalable de construire; irrecevabilité du recours du canton, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 
du 21 septembre 2021 (ATA/974/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision du 19 décembre 2019, le Département du territoire de la République et canton de Genève (ci-après: le Département) a refusé de délivrer à A.________ une autorisation préalable de construire quatre immeubles de logements, d'une surface brute de plancher de 4'700 m², avec garage souterrain, sur une parcelle de la commune U.________ d'une surface de 10'703 m². Par bordereau du même jour, il a fixé la taxe d'enregistrement pour le dossier à 250 fr. et l'émolument de décision à 54'950 fr., pour un total à payer de 55'200 fr. 
Par jugement du 10 mars 2021, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif de première instance) a admis le recours formé par A.________, a annulé le bordereau du 19 décembre 2019 en tant qu'il fixait un émolument de 54'900 fr., a confirmé celui-ci pour le surplus et a renvoyé le dossier au Département, afin qu'il calcule et détaille l'émolument dû conformément aux principes de la légalité, de la couverture des frais et d'équivalence. 
 
B.  
Par acte du 26 avril 2021, le Département a recouru auprès de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre le jugement du 10 mars 2021, en concluant à son annulation et à la confirmation de son bordereau du 19 décembre 2019. 
Par arrêt du 21 septembre 2021, la Cour de justice a déclaré le recours irrecevable pour le motif qu'il était tardif. Elle a relevé que le jugement du Tribunal administratif de première instance constituait une décision incidente, contre laquelle le recours devait être formé dans un délai de dix jours en vertu du droit de procédure cantonal, comme l'indiquait la décision attaquée. Ce délai n'avait pas été respecté en l'espèce et aucun cas de force majeure n'était invoqué. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, le Conseil d'État de la République et canton de Genève, représenté par le Département, demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 21 septembre 2021, de renvoyer la cause à la Cour de justice pour qu'elle se détermine au fond et de condamner A.________ aux frais de la procédure. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1). 
 
1.1. Dans une procédure administrative, l'auteur d'un recours déclaré irrecevable est habilité à contester l'irrecevabilité par un recours en matière de droit public lorsque l'arrêt au fond de l'autorité intimée aurait pu être déféré au Tribunal fédéral par cette voie (ATF 135 II 145 consid. 3.2; 131 II 497 consid. 1; 124 II 499 consid. 1b; arrêt 2C_709/2020 du 18 juin 2021 consid. 1.1).  
En l'occurrence, l'arrêt d'irrecevabilité querellé a été rendu par une autorité de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le cadre d'une contestation relative à un émolument perçu par le canton en contrepartie d'une décision de refus préalable d'autorisation de construire. Il s'agit donc au fond d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), qui ne tombe sous le coup d'aucune des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte. 
 
1.2. Encore faut-il que le canton ait la qualité pour recourir au fond pour pouvoir se plaindre de l'arrêt d'irrecevabilité.  
L'art. 89 al. 2 LTF prévoit qu'une collectivité peut jouir de la qualité pour recourir au Tribunal fédéral à divers titres spécifiques. En l'occurrence, le canton de Genève ne relève d'aucune des hypothèses ancrées dans cette disposition. Il ne prétend d'ailleurs pas le contraire dans son recours. Il ne peut notamment pas invoquer une violation de son autonomie au sens de l'art. 89 al. 2 let. c LTF. De jurisprudence constante, un canton ne peut en effet pas se prévaloir d'une telle garantie à l'encontre d'un arrêt rendu par la dernière instance judiciaire administrative cantonale (ATF 133 II 400 consid. 2.4.1; arrêt 2C_381/2021 du 15 mars 2022 consid. 3.1). 
 
1.3. Le canton de Genève prétend disposer de la qualité pour recourir en vertu de l'art. 89 al. 1 LTF.  
 
1.3.1. Aux termes de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.  
Une collectivité publique peut fonder son recours sur l'art. 89 al. 1 LTF lorsqu'elle est atteinte de la même manière qu'un particulier dans sa situation juridique ou matérielle ou lorsqu'elle est touchée dans ses prérogatives de puissance publique (" in ihren hoheitlichen Befugnissen berührt ") et dispose d'un intérêt public propre digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'acte attaqué (parmi d'autres, ATF 141 II 161 consid. 2.1; 140 I 90 consid. 1.2.2 et 1.2.4). Dans ce second cas de figure, une retenue particulière s'impose lorsque s'opposent des organes d'une même collectivité publique, notamment les autorités exécutives et judiciaires cantonales, ce d'autant plus lorsqu'il s'agit d'interpréter, respectivement d'appliquer du droit cantonal (cf. ATF 141 II 161 consid. 2.1 et 2.2; arrêts 2C_381/2021 du 15 mars 2022 consid. 3.2.1; 1C_36/2021 du 3 juin 2021 consid. 1.2.1; 1C_180/2018 du 10 octobre 2018 consid. 1.2.1). En Suisse, la règle est en effet celle de l'interdiction des procédures intra-organiques, à savoir l'interdiction, pour une autorité d'une collectivité, d'agir devant le Tribunal fédéral contre la décision d'une autre autorité de la même collectivité (arrêt 1C_36/2021 du 3 juin 2021 consid. 1.2.1 et références). Il faut des circonstances tout à fait exceptionnelles pour déroger à ce principe (arrêt 2C_381/2021 du 15 mars 2022 consid. 3.2).  
 
1.3.2. En l'espèce, le canton n'est pas touché comme un particulier, dès lors que la cause porte sur un émolument. L'affaire ne présente en outre aucune particularité qui justifierait à titre exceptionnel de s'écarter du principe de l'interdiction des procédures intra-organiques. Il s'ensuit que le canton de Genève ne disposerait pas de la qualité pour recourir au fond. Le Tribunal fédéral l'a du reste récemment relevé et a déclaré irrecevable un recours du canton de Genève portant sur le même émolument (arrêt 2C_198/2022 du 11 mars 2022 consid. 3.6).  
 
1.4. Certes, la jurisprudence considère que contre un arrêt d'irrecevabilité rendu en dernière instance cantonale, une personne peut se plaindre, devant le Tribunal fédéral, de ce que le refus d'entrer en matière viole ses droits de partie, garantis par la procédure cantonale ou la Constitution fédérale. Cet intérêt est indépendant du droit de participer à l'affaire au fond, mais découle du droit de participer à la procédure (ATF 129 II 297 consid. 2.3; 121 I 218 consid. 4a; 120 Ia 157 consid. 2a). Encore faut-il que la procédure cantonale confère à la personne concernée un tel droit (ATF 129 II 297 consid. 2.3; 121 I 218 consid. 4a; repris sous la LTF: arrêt 1C_61/2019 du 12 juillet 2019 consid. 1.7) ou que celui-ci puisse être déduit de l'art. 111 LTF. Cette jurisprudence relative à la violation des droits de partie, connue sous le nom de "Star praxis" et développée en lien avec l'ancien recours de droit public, a été reprise dans le cadre du recours constitutionnel subsidiaire (cf. ATF 133 I 185 consid. 6.2).  
Cependant, ainsi que l'a déjà relevé le Tribunal fédéral, cette pratique ne saurait s'appliquer en faveur des collectivités publiques (cf. ATF 136 II 383 consid. 3; arrêts 1C_574/2019 du 13 août 2020 consid. 1.2.2.1; 2D_64/2012 du 17 juillet 2013 consid. 1.4). Les voies de droit sont en première ligne prévues pour les particuliers. La participation de la collectivité publique à la procédure n'apparaît par nature pas générale, mais d'emblée limitée; dans les procédures en matière de droit public, la collectivité ne revêt généralement pas la qualité de partie adverse et n'est autorisée à participer à la procédure qu'en tant qu'autorité de décision ou d'intimée garante de l'intérêt public; à l'instar d'une partie, elle peut alors exercer des droits procéduraux (cf. ATF 136 II 383 consid. 3.4). L'application par analogie de la "Star Praxis" à une collectivité publique ne serait pas adéquate, car elle entraînerait un élargissement de la qualité pour recourir que le législateur n'avait pas en vue (cf. ATF 136 II 383 consid. 3.4). Ainsi, les cantons, les communes, de même que les autres corporations de droit public qui agissent en tant que titulaires de la puissance publique, ne peuvent en principe pas fonder leur qualité pour recourir sur leurs droits de partie indépendamment du fond et bénéficier de la Star Praxis (cf. ATF 145 I 239 consid. 5.1; arrêt 1C_574/2019 du 13 août 2020 consid. 1.2.2.1). Il faut réserver les cas où sont en jeu des droits qui leur sont propres, à savoir lorsque sont invoqués des griefs en étroite relation avec une violation de la garantie de leur autonomie ou de leur existence (arrêt 2D_64/2012 du 17 juillet 2013 consid. 1.4; renvoyant à ATF 121 I 218 consid. 4a; 120 Ia 95 consid. 2). 
 
1.5. En l'espèce, le canton ne peut pas faire valoir une violation de son autonomie ou de son existence en lien avec l'arrêt de la Cour de justice (cf. supra consid. 1.2). Son recours est donc irrecevable.  
 
2.  
Le canton, dont l'intérêt patrimonial est en cause, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF; arrêt 2C_878/2020 du 26 octobre 2020 consid. 4). Il n'est pas alloué de dépens, aucun échange d'écritures n'ayant été ordonné (art. 68 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la République et canton de Genève. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au Conseil d'Etat de la République et canton de Genève et à la mandataire de l'intimé, ainsi qu'à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 18 mai 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : E. Kleber