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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1C_315/2010 
 
Arrêt du 18 août 2010 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Aemisegger et Reeb. 
Greffière: Mme Mabillard. 
 
Participants à la procédure 
Pro Natura Fribourg, 1700 Fribourg, 
Pro Natura - Ligue suisse pour la protection de la nature, 4000 Bâle, 
représentées par Me Louis-Marc Perroud, avocat, 
recourantes, 
 
contre 
 
A.________, représenté par Me Pierre Toffel, avocat, 
intimé, 
 
Préfecture de la Gruyère, Le Château, case postale 192, 1630 Bulle, 
Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions du canton de Fribourg, rue des Chanoines 17, 1700 Fribourg, 
 
Commune de Charmey, Administration communale, rue du Centre 24, 1637 Charmey, représentée par 
Me Jacques Bonfils, avocat, 
 
Objet 
Aménagement du territoire et constructions, 
 
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIe Cour administrative, du 1er juin 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
A.________ a déposé une demande de permis de construire, le 9 mai 2008, pour la transformation du chalet d'alpage X.________, situé à l'extérieur de la zone à bâtir, en restaurant et gîte d'alpage avec écurie au sous-sol. Le 13 février 2009, la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions du canton de Fribourg lui a accordé une autorisation spéciale et le permis de construire lui a été délivré par le Préfet de la Gruyère le 8 avril 2009. 
Pro Natura Fribourg et Pro Natura Suisse ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal). 
Par ordonnance de mesures super-provisionnelles urgentes du 5 juin 2009, le Juge délégué à l'instruction de la cause (ci-après: le Juge délégué) a interdit au maître d'ouvrage d'entreprendre tous travaux sur la parcelle 1858 de la commune de Charmey, au lieu-dit X.________, qui sont visés par le recours de Pro Natura, et ce jusqu'à droit connu sur la question de l'effet suspensif au recours, et a ordonné que tous les travaux éventuellement déjà commencés soient immédiatement interrompus. 
Le 16 juin 2009, le Juge délégué a rendu une nouvelle ordonnance de mesures super-provisionnelles urgentes, par laquelle il a autorisé les travaux nécessaires à l'estivage du bétail et à la consolidation du bâtiment. Il s'agissait d'éviter de mettre en péril des vies humaines ou animales et de voir le bâtiment s'écrouler en cas d'intempéries, en maintenant toutefois l'interdiction prononcée dans l'ordonnance du 5 juin 2009 pour d'autres travaux. 
 
B. 
A.________ a déposé une requête de mesures provisionnelles urgentes, le 19 avril 2010, l'autorisant à utiliser les infrastructures de l'alpage de X.________ durant la période d'estivage (exploitation de l'alpage, fabrication de fromage, vente des produits de l'alpage et accueil de la clientèle touristique). 
Lors de l'inspection des lieux du 12 mai 2010, le Juge délégué a constaté que non seulement les travaux autorisés par l'ordonnance de mesures super-provisionnelles urgentes du 16 juin 2009 avaient été réalisés, mais qu'il avait également été procédé à d'autres travaux ni urgents ni nécessaires, tels que la pose de certaines cloisons, l'aménagement de douches et WC, l'installation de mobiliers dans les chambres, à la cuisine ainsi que dans la salle du restaurant et que divers éléments décoratifs avaient été placés à l'intérieur du bâtiment; en d'autres termes, le projet contesté était entièrement achevé et prêt à être exploité. 
Par ordonnance du 1er juin 2010, le Tribunal cantonal a admis la requête de mesures provisionnelles de A.________ et autorisé l'exploitation de l'alpage, la fabrication de fromage, la vente des produits d'alpage ainsi que l'accueil de la clientèle touristique (vente de boissons, restauration et hébergement) jusqu'au 25 septembre 2010. Il a considéré en substance que l'intérêt de A.________ à pouvoir exploiter, même à titre provisoire, le chalet d'alpage et à amortir une partie des coûts d'investissement de sa rénovation durant la période d'estivage l'emportait sur celui de Pro Natura à voir son opposition aux activités autorisées par les autorités intimées prendre effet sans attendre la décision finale. Passé le délai du 25 septembre 2010, ces installations devront être fermées jusqu'à droit connu du jugement au fond. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Pro Natura Fribourg et Pro Natura Suisse demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance du Tribunal cantonal du 1er juin 2010 et d'interdire à A.________ d'exploiter le chalet X.________ à des fins touristiques jusqu'à droit connu sur le recours interjeté auprès du Tribunal cantonal, sous peine des sanctions prévues à l'art. 292 CP. Les recourantes font valoir pour l'essentiel que l'ordonnance attaquée heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité et que le Tribunal cantonal n'a pas véritablement procédé à une pesée des intérêts publics et privés en présence. 
Le Tribunal cantonal se réfère au dispositif et aux considérants de son ordonnance pour conclure au rejet du recours. Le Préfet de la Gruyère renonce à déposer une réponse. La Direction cantonale de l'aménagement, de l'environnement et des constructions n'a aucune remarque à formuler et s'en remet à justice. La commune de Charmey conclut à l'irrecevabilité du recours et au maintien de l'ordonnance attaquée. L'intimé A.________ conclut également à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet et à la confirmation de l'ordonnance attaquée. Dans leur réplique, les recourantes maintiennent l'argumentation déposée dans le recours. 
Par ordonnance du 28 juin 2010, le Président de la Ire Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles des recourantes. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement sa compétence, respectivement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (art. 29 al. 1 LTF; ATF 135 III 329 consid. 1 p. 331). 
 
2. 
Dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. 
Pro Natura fait partie des organisations habilitées à recourir conformément aux art. 55 LPE et 12 LPN (cf. ch. 6 de l'annexe à l'ordonnance du 27 juin 1990 relative à la désignation des organisations habilitées à recourir dans les domaines de la protection de l'environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage - ODO; RS 814.076). Les recourantes, qui ont participé à la procédure devant l'instance cantonale, ont donc qualité pour agir en vertu de l'art. 89 al. 2 let. d LTF. 
 
3. 
Le recours en matière de droit public est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF) ou contre les décisions partielles (art. 91 LTF). En revanche, en vertu de l'art. 93 al. 1 LTF, les décisions incidentes notifiées séparément qui ne portent pas sur la compétence ou sur une demande de récusation ne peuvent faire l'objet d'un recours en matière de droit public que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a), ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). Si le recours n'est pas recevable au regard de ces conditions ou s'il n'a pas été utilisé, la décision incidente peut être attaquée par un recours contre la décision finale dans la mesure où elle influe sur le contenu de celle-ci (art. 93 al. 3 LTF). 
L'objectif poursuivi par cette disposition est de décharger le Tribunal fédéral en faisant en sorte que, dans la mesure du possible, celui-ci soit amené à trancher l'ensemble du litige dans une seule décision (ATF 135 II 30 consid. 1.3.2 p. 34). Les exceptions permettant de recourir contre une décision préjudicielle ou incidente doivent donc être appréciées restrictivement, ce d'autant que les parties n'en subissent en principe pas de préjudice, puisqu'elles peuvent encore attaquer la décision préjudicielle ou incidente avec la décision finale en vertu de l'art. 93 al. 3 LTF (arrêt 8C_817/2008 du 19 juin 2009 consid. 4.2.1). 
 
3.1 En l'espèce, l'ordonnance attaquée, qui admet le requête de mesures provisionnelles déposée par l'intimé, constitue une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF, puisqu'elle ne met pas un terme à la procédure et n'a pas été prononcée dans le cadre d'une procédure spécifique dont elle pourrait constituer l'aboutissement (cf. ATF 134 II 349 consid. 1.3 p. 351). L'art. 93 al. 1 let. b LTF est manifestement inapplicable, car le sort de la mesure provisoire est sans effet sur la procédure au fond. Il y a donc lieu d'examiner si le recours est recevable en application de l'art. 93 al. 1 let. a LTF
 
3.2 Un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF est un dommage qui ne peut pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 135 II 30 consid. 1.3.4 p. 36; 134 III 188 consid. 2.1 p. 190 et les références). La prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci n'est pas considéré comme un dommage irréparable (ATF 133 III 639 consid. 2.3.1 p. 632 et les références). Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un dommage irréparable, à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 133 III 639 op. cit.). 
3.2.1 En l'occurrence, les recourantes font valoir que l'exploitation du chalet d'alpage autorisée à titre provisionnel risque d'induire une augmentation du trafic motorisé dans la zone de pâturage, causant un préjudice irréparable à l'environnement. Par ailleurs, la décision attaquée entérinerait de manière inadmissible une situation de fait acquise illégalement par l'intimé, ce qui pourrait influencer le jugement au fond. 
3.2.2 Il apparaît tout d'abord que le dommage allégué par Pro Natura consiste en une atteinte à l'environnement. Il est fort douteux que ceci puisse constituer un préjudice au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, lequel devrait en principe toucher le recourant dans ses propres intérêts. Quoi qu'il en soit, les recourantes ne démontrent pas l'existence d'une atteinte irrémédiable à l'environnement. Elles se contentent d'avancer, sans l'établir, que l'exploitation du chalet litigieux risquerait d'induire une augmentation du trafic motorisé dans la zone de pâturage. Les recourantes ne sont même pas certaines de la réalisation de cet état de fait, lequel serait de toute façon limité dans le temps puisque la décision attaquée ne déploie ses effets que jusqu'au 25 septembre 2010. Cet éventuel impact sur l'environnement ne saurait dès lors être considéré comme un dommage irréparable. 
Au surplus, on ne voit pas non plus à quel autre préjudice irréparable les recourantes pourraient être exposées. C'est en vain qu'elles allèguent que la décision attaquée pourrait influencer le jugement au fond. Le Tribunal cantonal a indiqué que, s'il était manifeste que la construction litigieuse était entièrement achevée, cette situation ne l'empêchait pas d'examiner la légalité des autorisations délivrées et, partant, de rendre une décision au fond; l'autorisation, limitée dans le temps, d'exploiter les installations contestées ne devrait pas non plus être un obstacle à un jugement équitable au fond. Au demeurant, si les recourantes n'obtiennent pas gain de cause en instance cantonale, elles pourront recourir au Tribunal fédéral contre la décision finale et attaquer simultanément l'ordonnance litigieuse (art. 93 al. 3 LTF). Le présent recours est ainsi également irrecevable au regard de l'art. 93 al. 1 let. a LTF
 
4. 
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable, aux frais des recourantes qui succombent (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Celles-ci verseront en outre une indemnité de dépens à l'intimé qui a eu recours à un avocat (art. 68 al. 2 LTF). La commune de Charmey, la Préfecture de la Gruyère et la Direction cantonale de l'aménagement, de l'environnement et des constructions n'ont en revanche pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est irrecevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge des recourantes. 
 
3. 
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à l'intimé à titre de dépens, à la charge des recourantes. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et de la Commune de Charmey, à la Préfecture de la Gruyère, à la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions et au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIe Cour administrative. 
 
Lausanne, le 18 août 2010 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
Féraud Mabillard