Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause {T 7}
U 477/05
Arrêt du 18 octobre 2006
IIe Chambre
Composition
Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M. Berthoud
Parties
M.________, recourante, représentée par Me Valérie Schweingruber, avocate, av. Léopold-Robert 11a, 2300 La Chaux-de-Fonds,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée
Instance précédente
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel
(Jugement du 2 novembre 2005)
Faits:
A.
M.________, née en 1950, a travaillé en qualité d'ouvrière d'horlogerie et était assurée, à ce titre, contre les accidents professionnels et non professionnels par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 18 février 1999, alors qu'elle assistait à un match de hockey sur glace, elle a reçu un palet égaré sur la tempe gauche, ce qui a entraîné une double déchirure rétinienne temporale intérieure de l'oeil gauche, ainsi qu'un décollement de la rétine. Une récidive de ce décollement est apparue après l'intervention chirurgicale. La CNA a pris le cas en charge.
Dans un rapport du 12 janvier 2001, le docteur T.________, spécialiste en ophtalomologie, a relevé que le status orthoptique se trouvait dans les limites de la norme dans le regard primaire; toutefois, la binocularité avait été sérieusement entravée par le traumatisme et les interventions successives, de sorte que l'avenir professionnel de la patiente était compromis dans l'horlogerie. Selon le docteur T.________, il était nécessaire de procéder rapidement à un reclassement professionnel dans un domaine d'activité qui stimule moins la vision stéréoscopique de près et de manière prolongée. Le 13 juin 2001, il a indiqué que sa patiente souffrait également de céphalées lors d'effort visuel et de réaction dépressive.
De son côté, la doctoresse B.________, spécialiste en ophtalmologie, de la division médecine des accidents de la CNA, a estimé que l'assurée était désormais totalement incapable d'accomplir des tâches de précision dans l'horlogerie, en raison des séquelles traumatiques à l'oeil gauche. En revanche, un emploi de concierge ou de gardienne de nuit restait exigible sans aucune restriction. Par ailleurs, les troubles de la vue n'atteignaient pas le seuil justifiant l'allocation d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité (cf. appréciation du 8 octobre 2001).
Le 13 mars 2002, la CNA a informé l'assurée qu'elle mettrait fin à la prise en charge des frais médicaux et au versement des indemnités journalières à compter du 1er avril 2002. Par décision du 26 août 2002, la CNA a alloué à l'assurée une rente d'invalidité d'un taux de 15 % à dater au 1er avril 2002, en raison des séquelles traumatiques à l'oeil gauche; en revanche, la CNA a nié sa responsabilité pour les troubles psychiques de l'assurée, à défaut de rapport de causalité adéquate entre ceux-ci et l'accident.
L'assurée s'est opposée à cette décision, en soutenant que son taux d'invalidité s'élevait de 50 à 70 % au moins; elle a par ailleurs demandé à l'administration d'examiner la question du versement d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité, estimant y avoir droit. Dans le cadre de l'instruction de l'opposition, la CNA a recueilli l'avis du docteur S.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport du 13 novembre 2003). Ce psychiatre a diagnostiqué un état dépressif majeur de gravité légère à moyenne, chronique, ainsi qu'un trouble panique avec attaques de panique sans agoraphobie. A son avis, la part de facteurs étrangers à l'accident dans le tableau psychique actuel est supérieure à 80 %. Selon le docteur S.________, les troubles psychiques réduisent la capacité de travail de l'assurée de 50 % depuis le mois d'août 2001, dans une activité adaptée à ses problèmes visuels, à l'instar d'un emploi d'auxiliaire de santé.
Par décision du 16 février 2004, la CNA a rejeté l'opposition.
B.
M.________ a déféré cette décision sur opposition au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, qui l'a déboutée par jugement du 2 novembre 2005.
C.
M.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont elle demande l'annulation, avec suite de dépens, en concluant au renvoi de la cause à l'intimée. Comme en première instance, elle conteste le taux d'invalidité de 15 % et soutient que son atteinte à l'intégrité se monte à 25 % au moins.
La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur le taux d'invalidité de la recourante ainsi que sur celui de son atteinte à l'intégrité.
2.
Les premiers juges ont exposé correctement les règles applicables à la solution du litige, singulièrement l'art. 6 LAA et la jurisprudence relative à la division tripartite des accidents en présence de suites psychiques (ATF 115 V 403), ainsi que les art. 18 et 24 LAA relatifs au droit à la rente et à l'indemnité pour atteinte à l'intégrité. Il suffit ainsi de renvoyer à leurs considérants.
3.
La recourante soutient que l'évaluation de son taux d'invalidité procède d'une constatation incomplète des faits pertinents et qu'elle viole le droit fédéral. A son avis, l'accident dont elle a été victime est grave, compte tenu notamment de la brutalité du choc qui aurait pu causer sa mort. Sur ce point, elle reproche au Tribunal administratif de s'être écarté arbitrairement de l'appréciation du docteur S.________ qui avait qualifié l'accident de grave. L'application de la jurisprudence (ATF 115 V 403) aurait dû aboutir à reconnaître l'existence du lien de causalité adéquate entre l'accident et ses affections psychiques invalidantes. A supposer que l'accident dût néanmoins être classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne, au sens de la jurisprudence, la recourante estime que le lien de causalité adéquate devrait alors aussi être admis, en raison notamment du caractère impressionnant et de l'extrême rareté de ce genre d'événement, des complications post-opératoires, ainsi que des séquelles oculaires et psychiques qui s'en sont suivies.
Par ailleurs, la recourante fait grief à l'intimée d'avoir déterminé son revenu d'invalide de manière abstraite. Selon elle, il aurait fallu prendre en considération divers facteurs personnels (en particulier sa situation familiale et son âge), ce qui aurait dû conduire l'administration à admettre qu'elle n'était pas en mesure d'obtenir un quelconque revenu, même sans invalidité.
4.
4.1 En l'espèce, si l'on compare les circonstances de l'accident du 18 février 1999 avec celles d'événements que la jurisprudence a classés à la limite des accidents graves (voir quelques exemples cités au consid. 3.2.2 de l'arrêt K. du 28 février 2005, U 306/04 (RAMA 2005 n° U 548 p. 231), il apparaît assurément que le cas d'espèce entre dans la catégorie des accidents de gravité moyenne. A cet égard, il faut préciser que la qualification du degré de gravité de l'accident ne ressortit pas au médecin, comme la recourante semble le penser, mais à l'administration ou au juge (en cas de recours) car il s'agit d'une question de droit.
A propos des différents critères que la jurisprudence a posés en cas d'accidents de gravité moyenne (cf. ATF 115 V 409 consid. 5c/aa), la juridiction cantonale a retenu à juste titre que le traitement n'a pas été anormalement long. Quant à la durée de l'incapacité de travail, elle n'a pas été liée aux séquelles physiques de l'accident, mais à des facteurs socio-professionnels et par les troubles psychiques eux-mêmes. Par ailleurs, le critère de la gravité des lésions physiques n'est pas non plus réalisé; en effet, contrairement à ce que la recourante allègue, elle n'a pas quasiment perdu la vision de son oeil gauche, le docteur T.________ ayant attesté que la vision de cet oeil est de 0,8 à 0,9 partielle (cf. rapport du 12 janvier 2001). En outre, les douleurs physiques ne sont pas persistantes, car les céphalées n'apparaissent que lors d'efforts visuels. Enfin, il n'apparaît pas que des erreurs dans le traitement aient entraîné une aggravation notable des séquelles de l'accident.
Vu ce qui précède, le lien de causalité adéquat entre l'accident et les affections psychiques de la recourante doit être nié, dès lors qu'un seul élément entre en ligne de compte, savoir le caractère impressionnant de l'accident.
4.2 Les divers facteurs personnels que la recourante met en exergue (sa situation familiale, notamment) sont étrangers à l'invalidité. L'évaluation de celle-ci doit uniquement tenir compte du fait que la recourante dispose d'une pleine capacité de travail dans une activité adaptée.
Pour le surplus, la comparaison des revenus (cf. art. 18 LAA et 16 LPGA), qui a abouti à un taux d'invalidité de 15 %, ne prête aucunement le flanc à la critique et n'est au demeurant pas contestée en tant que telle.
5.
La diminution de l'intégrité physique n'atteint pas le seuil ouvrant droit à indemnisation (voir l'appréciation de la doctoresse B.________ du 8 octobre 2001, le rapport du docteur T.________ du 12 janvier 2001, ainsi que la table 11 de la CNA relative aux atteintes à l'intégrité après lésions oculaires). Une modification ou une aggravation de la situation demeure toutefois réservée, comme l'a indiqué la doctoresse B.________.
Quant aux affections psychiques, on vient de voir qu'elles ne sont pas en relation de causalité adéquate avec l'accident (consid. 4.1 supra), si bien qu'il n'y a pas non plus matière à l'allocation d'une indemnité selon l'art. 24 LAA.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 18 octobre 2006
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IIe Chambre: p. le Greffier: