Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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1B_404/2017
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Arrêt du 18 octobre 2017
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Karlen, Juge présidant, Fonjallaz, Eusebio, Chaix et Kneubühler.
Greffière : Mme Sidi-Ali.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Maîtres Pierre-Xavier Luciani et Debora Centioni, avocats,
recourant,
contre
Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.
Objet
détention provisoire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 31 août 2017.
Faits :
A.
Le 14 juin 2017, le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois a ouvert une instruction pénale contre A.________. Prévenu d'infraction et de contravention à la LStup (RS 812.121) ainsi que d'infraction à la LCR, celui-ci est soupçonné de s'être livré au trafic de cannabis. La perquisition opérée le 19 juin 2017 dans la ferme qu'il louait a permis la saisie de 558 plants de cannabis, de 26 grammes de graines de cannabis, de 24 grammes de haschich, de 3.7 grammes d'
herba cannabiset de matériel pouvant avoir servi à la culture de ces plantes. L'intéressé a admis cultiver du cannabis depuis 2014 et consommer chaque jour entre 15 et 20 grammes de résine de cannabis, soit environ 20 joints. Il est également mis en cause pour avoir circulé presque quotidiennement au volant de sa voiture alors qu'il était sous l'influence de ces produits stupéfiants.
Statuant le 22 juin 2017, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné la détention du prévenu pour une durée maximale de deux mois, soit jusqu'au 19 août 2017.
B.
Par ordonnance du 16 août 2017, le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) a prolongé, en raison des risques de collusion et de réitération, la détention provisoire du prévenu pour une durée maximale de trois mois, soit jusqu'au 19 novembre 2017.
Par ordonnance du 23 août 2017, pour les mêmes motifs, cette instance a rejeté la demande de libération déposée par le prévenu le 11 août précédent.
Statuant sur recours du prévenu, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé ces ordonnances.
C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et d'ordonner sa libération de la détention provisoire.
La Chambre des recours pénale et le Ministère public renoncent à se déterminer et se réfèrent aux considérants de la décision attaquée.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable.
2.
Dans un grief de nature formelle, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu au motif qu'il n'a pas pu consulter la retranscription rétroactive des écoutes téléphoniques, élément sur lequel la direction de la procédure entendait se fonder pour justifier la prolongation de la détention provisoire.
2.1. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'art. 29 al. 1 Cst., le droit d'être entendu garantit notamment le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier (cf. art. 3 al. 2 let. c, 101 et 107 CPP) et de participer à l'administration des preuves essentielles (cf. art. 147 CPP) ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 136 V 117 consid. 4.2.2 p. 125). Le prévenu doit pouvoir consulter le dossier pour connaître préalablement les éléments dont dispose l'autorité et jouir ainsi d'une réelle possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure. Pour que cette consultation soit utile, le dossier doit être complet afin que le prévenu puisse, cas échéant, soulever une objection contre leur validité. C'est une condition pour qu'il puisse sauvegarder d'une manière générale ses droits de la défense, comme l'exigent les art. 32 al. 2 Cst. et 6 § 3 let. b CEDH (ATF 129 I 85 consid. 4.1 p. 88 s.); cette seconde disposition est en principe respectée si le prévenu a la possibilité d'organiser sa défense de manière appropriée et sans restriction quant à la possibilité de présenter au juge tous les moyens de défense pertinents et par là même d'influencer l'issue de la procédure (ATF 122 I 109 consid. 3a p. 113).
S'agissant en particulier du droit d'accès au dossier (composante du droit d'être entendu, cf. art. 29 al. 2 Cst., 107 al. 1 let. a CPP; ATF 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 s.; 136 I 265 consid. 3.2 p. 272 et les références citées), l'art. 101 al. 1 CPP prévoit que les parties peuvent consulter le dossier d'une procédure pendante au plus tard après la première audition du prévenu et l'administration des preuves principales par le ministère public, l'art. 108 CPP étant réservé. Celui-ci permet de refuser dans des phases ultérieures de l'instruction l'accès au dossier sous certaines conditions; la conséquence de telles restrictions est que les pièces non communiquées ne peuvent être utilisées pour fonder une décision que si la partie a été informée de leur contenu essentiel (art. 108 al. 4 CPP).
2.2. En l'occurrence, se prononçant sur ce grief de violation du droit d'être entendu, la cour cantonale a tout d'abord retenu que la retranscription du contrôle téléphonique rétroactif ne figurait pas au dossier, l'analyse de ces données étant toujours en cours auprès de la police. Il ne s'agissait dès lors pas encore d'une pièce du dossier. Plus loin, la cour cantonale admettait toutefois que les premiers éléments de l'analyse du contrôle téléphonique rétroactif tendaient à confirmer que le prévenu consacrait une grande partie de son temps à la recherche de clients potentiels. Elle confirmait dès lors qu'il existait un risque de collusion justifiant la détention provisoire en ce que le prévenu aurait pu tenter de prendre contact avec les personnes pouvant le mettre en cause afin d'influencer leurs déclarations en sa faveur.
Il n'est pas soutenable d'affirmer que la pièce ne fait pas matériellement partie du dossier, tout en s'y référant pour motiver la décision. Autre est en revanche la question de savoir si, à titre exceptionnel au sens de l'art. 108 CPP, l'intérêt au maintien du secret de l'enquête justifiait une restriction du droit d'être entendu du recourant. Dans ce cas, il y avait lieu d'assurer à celui-ci une information du contenu essentiel des données sur lesquelles les autorités entendaient se fonder. Les instances précédentes n'ont pas abordé la question sous cet angle. Celle-ci, liée uniquement aux actes d'instruction en lien avec le présumé trafic de stupéfiants, peut toutefois demeurer indécise compte tenu de ce qui suit.
3.
Une mesure de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité ( art. 36 al. 2 et 3 Cst. ; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH).
S'agissant de l'existence d'indices suffisants d'infractions à la LStup et à la LCR, l'argumentation appellatoire du recourant ne saurait remettre en cause la motivation pertinente de l'arrêt attaqué à laquelle on peut se référer (arrêt attaqué, consid. 3.2; art. 109 al. 3 LTF).
4.
4.1. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion au sens de l'art. 221 CPP, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de telles manoeuvres, propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses liens avec les autres prévenus (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 p. 127 s.; 132 I 21 consid. 3.2 p. 23 s. et les références citées). Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 p. 128; 132 I 21 consid. 3.2.2 p. 24). Au demeurant, lorsqu'un prévenu est placé en détention, la procédure doit être conduite en priorité (art. 5 al. 2 CPP).
4.2. On ignore sur quels éléments le recourant se fonde pour affirmer que l'enquête aurait commencé en mai 2016 déjà. Il ressort au contraire du dossier que l'enquête a débuté en juin 2017. Le recourant a été interpelé le 19 juin 2017 et la surveillance rétroactive de ses télécommunications a été autorisée le 27 juin suivant. Dans ce contexte, la poursuite des auditions, en particulier celle de personnes devant encore être identifiées par le biais du contrôle téléphonique rétroactif, était propre à justifier le maintien du recourant en détention provisoire pour éviter tout risque de collusion. La cour cantonale a confirmé l'appréciation du Tmc selon laquelle celui-ci, s'il devait être libéré, pourrait contacter ses présumés clients pour influencer leurs déclarations en sa faveur. Si, à ce stade de l'instruction, des personnes appelées à donner des renseignements avaient déjà été entendues, l'audition de présumés clients n'avait en revanche pas encore eu lieu.
Cela étant, vu les opérations à effectuer, une durée de trois mois apparaît d'emblée excessive. La première détention avait été ordonnée pour deux mois et on ne voit pas pour quel motif une durée de trois mois pour cette seconde période de détention était justifiée. Les seules mesures d'instruction pouvant justifier le risque de collusion étaient celles liées aux auditions de présumés clients du prévenu, identifiés par les mesures de surveillance téléphonique. Ces auditions, s'agissant d'un supposé trafic local de cannabis, pouvaient être menées à bref délai. A défaut, les autorités cantonales devaient préciser pour quels motifs un délai plus long était nécessaire. L'état actuel de l'instruction le confirme dès lors que le Ministère public a indiqué que les auditions dont il était question ont eu lieu et que le risque de collusion avait disparu (cf. demande de libération de la détention provisoire du 22 septembre 2017, pièce 73). Au jour où la prolongation de la détention provisoire a été ordonnée, le risque de collusion pouvait encore être retenu mais ne justifiait pas une prolongation de trois mois de la détention. Il apparaît retrospectivement qu'un mois supplémentaire était suffisant aux enquêteurs pour achever les opérations sujettes à collusion en cas de libération du prévenu.
5.
5.1. L'art. 221 al. 1 let. c CPP pose trois conditions pour admettre un risque de récidive. En premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre (pour une exception à cette exigence, cf. ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4 p. 18) et il doit s'agir de crimes ou de délits graves. Deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise. Troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre.
La gravité de l'infraction dépend, outre de la peine menace prévue par la loi, de la nature du bien juridique menacé et du contexte, notamment la dangerosité présentée concrètement par le prévenu, respectivement son potentiel de violence. La mise en danger sérieuse de la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves peut en principe concerner tous types de biens juridiquement protégés. Ce sont en premier lieu les délits contre l'intégrité corporelle et sexuelle qui sont visés. Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées.
En général, la mise en danger de la sécurité d'autrui est d'autant plus grande que les actes redoutés sont graves. En revanche, le rapport entre gravité et danger de récidive est inversement proportionnel. Cela signifie que plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences seront élevées quant au risque de réitération. Lorsque la gravité des faits et leurs incidences sur la sécurité sont particulièrement élevées, on peut ainsi admettre un risque de réitération à un niveau inférieur. Il demeure qu'en principe, le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire (et en principe également suffisant) pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2 p. 14 ss; arrêt 1B_455/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.1).
A teneur de l'art. 197 al. 1 let. c CPP, qui concrétise le principe de la proportionnalité, les mesures de contrainte ne peuvent être prises que si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères. L'art. 212 al. 2 let. c CPP rappelle cette exigence en prévoyant que les mesures de contrainte entraînant une privation de liberté doivent être levées dès que des mesures de substitution permettent d'atteindre le même but. L'art. 237 al. 1 CPP prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'alinéa 2 de cette disposition, font notamment partie des mesures de substitution l'obligation de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles (let. f).
5.2. En l'occurrence, le risque de réitération ne saurait être retenu s'agissant d'éventuelles infractions en lien avec un trafic de cannabis. La cour cantonale retient que les plants et le matériel ont été détruits et que le bail à loyer de la ferme dans laquelle le recourant vivait et s'adonnait à la culture a été résilié. Dans de telles circonstances, on ne peut suivre les juges cantonaux lorsqu'ils considèrent qu'un risque concret de récidive existe à l'échelle de temps couverte par la détention provisoire. Ils indiquent eux-mêmes dans l'arrêt attaqué retenir un risque "à terme". Une telle évaluation du risque de récidive appartiendra en réalité au juge de fond, alors qu'en l'état une activité de culture et de trafic serait particulièrement difficile à mettre en place à court terme. A cela s'ajoute que le recourant n'a pas d'antécédents en matière de trafic de stupéfiants.
En ce qui concerne les infractions à la LCR, avec la cour cantonale, on peut retenir que le risque de récidive est bien concret vu les antécédents du recourant, qui a fait l'objet de six condamnations en huit ans (dont de réitérées violations graves de la circulation routière ainsi que de la conduite en incapacité de conduire et/ou malgré un retrait de permis). Ce comportement systématiquement illicite compromet en effet sérieusement la sécurité d'autrui au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP.
Le recourant propose, à titre de mesure de substitution, qu'il lui soit imposé de se faire véhiculer pour ses déplacements. Ce faisant, il élude complètement ses antécédents, en particulier s'agissant de conduite sans permis. Il n'expose pas en quoi il serait désormais plus enclin à respecter une éventuelle interdiction de conduire qui, dans les faits, équivaut aux mesures de retrait de permis dont il a fait l'objet et qu'il a régulièrement enfreintes. En l'état, le recourant ne démontre d'aucune façon avoir pris conscience du caractère illicite et dangereux de tels actes. Il n'offre non seulement aucune garantie crédible de respect d'une mesure d'interdiction de conduire, mais, de surcroît, il ne prétend pas non plus être en mesure de rester abstinent aux stupéfiants. A cet égard, une mesure de contrôle d'abstinence impliquerait la collaboration de l'intéressé. Or, celui-ci n'a jusqu'à présent pas même signifié une intention de cesser sa consommation de cannabis en cas de libération. En définitive, le recourant ne propose aucune mesure de substitution sérieuse à sa détention.
Le Ministère public a au demeurant indiqué que l'enquête touche actuellement à son terme (pièce 73 susmentionnée). Il n'y a pas lieu d'avoir de doutes quant à la rapidité de l'instruction encore à venir et à la prompte fixation d'une date de jugement. Si tel devait ne pas être le cas, des mesures de substitution - plus crédibles et fermes que ce que propose actuellement le recourant - pourraient être examinées par les instances amenées à se déterminer sur une nouvelle prolongation de la détention.
En résumé, s'il n'est plus justifié, en l'état, de maintenir le recourant en détention provisoire pour éviter tout risque de collusion ni pour éviter une récidive liée à un commerce de cannabis, il apparaît que la détention demeure justifiée par le risque de récidive d'infractions graves à la circulation routière.
6.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, aux frais du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, au Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
Lausanne, le 18 octobre 2017
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Karlen
La Greffière : Sidi-Ali