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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_453/2010 
 
Arrêt du 18 novembre 2010 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mme et MM. les juges Klett, présidente, Corboz et Kolly. 
Greffier: M. Thélin. 
 
Participants à la procédure 
X.________ Partner & Co, 
représentée par Me Jean-Marc Carnicé, avocat, 
demanderesse et recourante, 
 
contre 
 
A.________, 
représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat, 
défendeur et intimé. 
 
Objet 
procédure civile; compétence à raison de la matière 
 
recours contre le jugement rendu le 18 juin 2010 par la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Faits: 
 
A. 
Dès 1991, A.________ a travaillé au service du groupe multinational X.________, lequel pratique les services fiduciaires et le conseil aux entreprises, en qualité de spécialiste des fusions et acquisitions, d'abord à Montréal, puis à Genève et à San-Francisco, et de nouveau à Genève dès janvier 1999. 
Le 30 juin 2003, A.________ a conclu un nouveau contrat de travail avec son employeuse X.________ SA dont le siège est à Zurich. Il a simultanément conclu un contrat dit de « partenariat » avec la société en commandite actuellement dénommée X.________ Partner & Co, également à Zurich (ci-après: X.________ Partner). Celle-ci détient toutes les parts sociales de X.________ Holding Sàrl, laquelle est l'unique actionnaire de X.________ SA. A la tête du groupe, X.________ Partner n'exerce directement aucune activité commerciale et elle a surtout pour but de gérer les relations de ses associés entre eux. Il existe, semble-t-il, trois catégories d'associés. 
Par le contrat de partenariat, A.________ acquérait la qualité et le titre d'associé, et il a effectivement été inscrit, sur le registre du commerce, au nombre des associés indéfiniment responsables. Le contrat réglait son droit de participer à certaines assemblées et de voter sur certains sujets. Il lui imposait de fournir un apport et A.________ a donc versé, en exécution de cette clause, 131'250 francs. 
Pour les deux années qui suivraient leur expiration, les deux contrats interdisaient au travailleur et associé d'accepter ou de continuer des mandats avec des clients du groupe. De plus, le contrat de partenariat lui interdisait de débaucher des collaborateurs du groupe. Le contrat de travail ne prévoyait pas de peine conventionnelle en cas d'infraction, mais seulement l'application de « conditions appropriées ». Celui de partenariat prévoyait une pénalité dont le montant correspondrait à la dernière rémunération annuelle nette perçue du groupe. Les deux contrats dépendaient l'un de l'autre et comportaient de nombreuses références réciproques, notamment au sujet du calcul de la rémunération. 
Les contrats prévoyaient l'accomplissement de deux mille cinquante heures de travail par année, sans rétribution des heures supplémentaires. Les perspectives de rémunération, calculées d'après le budget au début de chaque exercice comptable, se sont élevées à 350'000 fr. pour 2004, 400'000 fr. pour 2005, 450'000 fr. pour 2006, 525'000 fr. pour 2007 et 350'000 fr. pour 2008. 
Par lettre recommandée du 27 juillet 2007, A.________ a résilié le contrat de travail avec effet au 31 janvier 2008. Il a été libéré de l'obligation de travailler dès le 19 octobre 2007. 
 
B. 
Le 4 août 2008, A.________ a ouvert action contre X.________ SA devant le Tribunal de prud'hommes du canton de Genève. L'employeuse devait être condamnée à payer les sommes respectivement brute et nette de 814'730 fr. et 19'869 fr.60 à titre de salaire. 
L'employeuse a conclu au rejet de l'action et pris de conclusions reconventionnelles. A.________ devait être condamné à payer 640'000 fr. avec intérêts au taux de 5% par an dès le 31 janvier 2008, à titre de dommages-intérêts par suite d'une violation de la clause contractuelle lui interdisant, pendant une durée de deux ans, de fournir ses services aux clients du groupe. 
A.________ a conclu au rejet de cette prétention reconventionnelle et demandé un délai afin d'appeler en cause X.________ Partner. Par un jugement du 26 mai 2009, le Tribunal de prud'hommes a prononcé que la demande d'appel en cause était irrecevable. 
 
C. 
Dans l'intervalle, le 16 décembre 2008, X.________ Partner avait elle-même ouvert action contre A.________ devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Le défendeur devait être condamné à payer 1'031'508 fr., une amplification de la demande étant d'ailleurs réservée, au titre de la peine conventionnelle prévue par le contrat de partenariat. 
Le défendeur a excipé de l'incompétence à raison de la matière; il soutenait que le Tribunal de prud'hommes était seul compétent. 
Le tribunal a rejeté l'exception d'incompétence par un jugement sur incident du 15 octobre 2009. 
Le défendeur ayant appelé à la Cour de justice, celle-ci a statué le 18 juin 2010. Elle a annulé le jugement, constaté que le Tribunal de première instance n'était pas compétent à raison de la matière, et prononcé que la demande était irrecevable. 
 
D. 
Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et de prononcer que le Tribunal de première instance est compétent pour connaître de la demande. 
Le défendeur conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF). Son auteur a pris part à l'instance précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF); le recours a été introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF). 
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2). Le recours n'est pas recevable pour violation du droit cantonal, hormis les droits constitutionnels cantonaux (art. 95 let. c LTF) et certaines dispositions sans pertinence en matière civile (art. 95 let. d LTF). 
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); en règle générale, les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2. 
A teneur de l'art. 22 de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 (OJ gen.), le Tribunal de première instance connaît en premier ou dernier ressort, selon la valeur litigieuse, de toutes les contestations en matière civile et commerciale, mobilière et immobilière. Sa compétence est toutefois exclue dans les causes qui ressortissent au Tribunal de prud'hommes, selon la loi sur la juridiction des prud'hommes du 25 février 1999 (LJP gen.); il s'agit surtout, selon l'art. 1er al. 1 let. a LJP gen., des contestations entre employeurs et salariés pour tout ce qui concerne leurs rapports découlant d'un contrat de travail, au sens du titre dixième du code des obligations. 
Selon la décision attaquée qui fait référence à diverses contributions doctrinales, ces règles de compétences doivent être appliquées d'après la nature du droit invoqué, déterminée à partir des conclusions et des motifs de la demande, indépendamment de la qualification juridique avancée par la partie demanderesse. Lorsque celle-ci élève une prétention unique reposant sur des fondements juridiques distincts, et que ceux-ci, considérés séparément, relèveraient de juridictions différentes, la compétence est déterminée d'après le caractère prédominant du litige. En cas de conflit de compétence entre la juridiction ordinaire et une juridiction spéciale, telles que, respectivement, le Tribunal de première instance et le Tribunal de prud'hommes, celle-là est compétente si le litige ne comporte aucun caractère prédominant ou qu'il subsiste des doutes à ce sujet. S'il faut élucider la véritable nature juridique des rapports existant entre un collaborateur et un groupe de sociétés, celui-ci ne peut pas invoquer l'indépendance formelle des personnes morales qui le composent et la société employeuse doit être déterminée d'après le principe de l'interdiction de l'abus de droit. 
La demanderesse ne met pas en doute que ces critères soient conformes aux dispositions légales précitées, ni qu'ils soient pertinents dans la présente affaire; en revanche, elle reproche à la Cour de justice de les avoir appliqués d'une manière inconciliable avec les art. 18 CO ou 9 Cst. 
 
3. 
L'art. 18 CO régit l'interprétation des déclarations et manifestations de volonté réciproques des cocontractants (cf. ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 412; 133 III 675 consid. 3.3 p. 681). La demanderesse s'y réfère pour soutenir que la Cour de justice n'a pas élucidé correctement l'objet des contrats conclus le 30 juin 2003. Il est vrai que l'application de l'art. 1er al. 1 let. a LJP gen. nécessite de qualifier la relation contractuelle des parties sur la base des règles de droit civil fédéral relatives au contrat de travail. Néanmoins, parce que le droit fédéral n'impose pas aux cantons d'attribuer le contentieux du contrat de travail à une juridiction distincte de celles compétentes dans d'autres domaines, les compétences respectives du Tribunal de première instance et du Tribunal de prud'hommes sont délimitées exclusivement par le droit cantonal, alors même que celui-ci incorpore une définition appartenant au droit fédéral; en conséquence, une décision relative à la compétence, telle que celle présentement litigieuse, ne peut pas contrevenir à ce droit-ci (ATF 128 III 76 consid. 1a p. 80; 125 III 461 consid. 2 p. 463; 115 II 237 consid. 1c p. 241); en particulier, elle ne peut pas non plus contrevenir à l'art. 18 CO
 
4. 
La demanderesse invoque l'art. 9 Cst. pour se plaindre d'une constatation arbitraire des faits déterminants et d'une appréciation arbitraire des faits constatés. 
 
4.1 Une décision est arbitraire, donc contraire à cette disposition constitutionnelle, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; il faut encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit d'ailleurs pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable ou apparaisse même préférable (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4/5; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153). 
 
En matière d'appréciation des preuves et de constatation des faits, l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en considération, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, sur la base des éléments recueillis, elle parvient à des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1; voir aussi ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62). 
 
4.2 La demanderesse isole divers passages de la décision attaquée et, sur chacun de ces points, elle entreprend de développer sa propre opinion pour l'opposer à celle de la Cour de justice. Ainsi, elle conteste que les rapports du défendeur avec elle-même, d'une part, et avec X.________ SA, d'autre part, soient difficiles à démêler; elle conteste aussi que le défendeur soit demeuré, à l'égard du groupe et après la conclusion du contrat de partenariat, dans un rapport de subordination caractéristique du contrat de travail. Cette discussion est inapte à mettre en évidence une erreur certaine dans la décision attaquée, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre pas en matière; en effet, selon la jurisprudence relative aux recours formés pour violation de droits constitutionnels (art. 106 al. 2 ou 116 LTF), celui qui se plaint d'arbitraire doit indiquer de façon précise en quoi la décision qu'il attaque est entachée d'un vice grave et indiscutable, et, à défaut, le grief est irrecevable (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; 133 II 396 consid. 3.2 p. 400). 
 
4.3 Pour le surplus, les critiques que la demanderesse développe en rapport avec l'art. 18 CO ne sont pas non plus concluantes au regard de l'art. 9 Cst. D'après la teneur des documents contractuels, telle que rapportée dans la décision attaquée, la Cour de justice peut retenir sans arbitraire que le défendeur n'était pas disposé à travailler pour le groupe X.________ sans bénéficier du contrat de partenariat, et que, inversement, ce groupe n'était pas disposé à lui reconnaître, selon le contrat de partenariat, la qualité et les prérogatives d'un associé s'il ne travaillait pas. La Cour peut donc aussi retenir, sans plus d'arbitraire, au regard de ces volontés manifestées par les parties, que les deux contrats n'en constituaient en réalité qu'un seul, qui était mixte ou composé (cf. ATF 131 III 528 consid. 7.1.1 p. 531). 
La demanderesse affirme que dans cette relation juridique complexe, le contrat de partenariat doit être jugé prépondérant par rapport au contrat de travail. Toutefois, elle n'a pas contesté la compétence du Tribunal de prud'hommes pour statuer sur la rémunération encore réclamée par le défendeur, et, au contraire, elle a même élevé devant ce tribunal, par une demande reconventionnelle, ses propres prétentions en dommages-intérêts consécutives à l'activité professionnelle exercée par le défendeur après que celui-ci eut quitté le groupe. Elle a donc implicitement admis que les conséquences juridiques de ladite activité relèvent du contrat de travail. Les prétentions tendant au paiement d'une peine conventionnelle sont fondées sur les mêmes faits et elles sont donc connexes. Dans ces conditions, il n'est pas arbitraire d'admettre, comme le fait la Cour de justice, que le Tribunal de prud'hommes est compétent pour l'ensemble des prétentions en cause, à l'exclusion du Tribunal de première instance, alors même que certaines de ces prétentions reposent exclusivement sur le contrat dit de partenariat. Il appartiendra au Tribunal de prud'hommes, dans l'hypothèse où il serait saisi d'une demande additionnelle tendant au paiement de la peine conventionnelle, de rechercher quelle règle ou quel principe juridique doit être appliqué à quelle prétention, conformément à la jurisprudence précitée. 
 
5. 
Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où les griefs présentés sont recevables. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 15'000 francs. 
 
3. 
La demanderesse versera une indemnité de 17'000 fr. au défendeur, à titre de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 18 novembre 2010 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La présidente: Le greffier: 
 
Klett Thélin