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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_591/2020  
 
 
Arrêt du 19 janvier 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Jametti. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Tiphanie Chappuis, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD. 
 
Objet 
Conditions de détention, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 16 octobre 2020 (726 - PC20.013594). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Une procédure pénale a été ouverte dans le canton de Vaud le 15 avril 2019 contre A.________, à qui il était reproché d'avoir, dès avril 2018, harcelé les standards téléphoniques de l'hôpital universitaire vaudois (CHUV) ainsi que ceux de la Police de Lausanne, en effectuant régulièrement plusieurs centaines d'appels par jour et en se présentant en personne dans les services du CHUV, malgré l'injonction de s'abstenir de tels comportements sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP. Après de nouvelles plaintes, A.________ a été arrêtée le 28 février 2020 et placée en détention provisoire en raison d'un risque de récidive dont les conséquences, dans le contexte de la crise sanitaire, pouvaient être désastreuses. La prévenue a été incarcérée à la prison de Champ-Dollon, puis à la prison pour femmes de la Tuilière dès le 19 mai 2020. 
 
B.   
Le 12 août 2020, A.________ a demandé au Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) de constater l'illicéité de ses conditions de détention à la prison de la Tuilière, l'établissement n'étant pas en mesure de prendre en charge ses difficultés psychologiques autrement que par des mises en isolement. Le suivi par le Service de médecine psychiatrique pénitentiaire (SMPP) était par ailleurs insuffisant. La situation pourrait constituer une violation de l'art. 3 CEDH. Dans un rapport du 27 août 2020, le Directeur de la prison de la Tuilière a indiqué que la prise en charge de l'intéressée était très compliquée : celle-ci utilisait constamment les interphones (entre cent et deux cent fois par jour) et agaçait ses codétenues par son comportement et ses plaintes compulsives. Le personnel, envers lequel elle pouvait aussi se montrer insultante ou agressive, était constamment sollicité. Son état ne paraissait pas s'améliorer. 
Par ordonnance du 1er septembre 2020, le Tmc a constaté que les condition de détention étaient légales et régulières et a refusé de constater l'illicéité de la détention avant jugement. La prison de la Tuilière était un établissement de détention provisoire pour femmes disposant d'une unité psychiatrique soumise aux institutions de santé publique et non aux autorités pénitentiaires. Le SMPP suivait la recourante à un rythme hebdomadaire et s'il considérait qu'il n'était pas à même de lui apporter des soins suffisants dans l'aile psychiatrique de la prison, il aurait la faculté de la transférer à l'établissement Curabilis à Genève, ce qui n'avait pas été fait jusque-là. 
Selon l'expertise psychiatrique du 9 novembre 2019, la prévenue souffre d'un sévère trouble mixte de la personnalité, d'un sévère trouble des habitudes et des impulsions (dont les multiples appels téléphoniques faisaient partie) ainsi que d'une dépendance à des sédatifs. Le risque de réitération d'actes de même nature est élevé en l'absence d'un changement dans la prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique de l'intéressée. L'expert préconise la mise en oeuvre d'un traitement résidentiel dans un établissement psycho-social médicalisé en parallèle au traitement psychothérapeutique de fond. 
 
C.   
Par jugement du 3 septembre 2020, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné A.________ à une peine privative de liberté de neuf mois (sous déduction de 187 jours de détention avant jugement) et à une amende de 1'500 fr. pour fausse alerte, empêchement d'accomplir un acte officiel et insoumission à une décision de l'autorité. Le tribunal a ordonné la suspension de la peine privative de liberté et un traitement institutionnel dans tout établissement psycho-social médicalisé apte à prendre en charge l'intéressée. Il a ordonné le maintien de la condamnée en détention pour des motifs de sûreté. A.________ a fait appel du jugement. Elle a également recouru contre son maintien en détention. 
Par arrêt du 1er octobre 2020, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours contre le maintien en détention, considérant que les conditions d'une détention pour des motifs de sûreté étaient réalisées au stade de l'appel afin de garantir l'exécution du jugement et de prévenir le risque élevé de récidive. Par arrêt du 18 novembre 2020 (1B_545/2020), le Tribunal fédéral a confirmé l'existence d'un risque de récidive. 
 
D.   
Par arrêt du 16 octobre 2020, la Chambre des recours pénale a rejeté le recours formé par A.________ contre la décision du Tmc du 1er septembre 2020. La prison de la Tuilière et l'établissement fermé Curabilis (où la recourante avait séjourné début septembre 2020 ensuite d'un placement à des fins d'assistance) étaient susceptibles de prendre en charge un traitement thérapeutique institutionnel. Le SMPP présentait toutes les garanties médicales nécessaires pour assurer un suivi psychiatrique. Puisqu'un appel avait été formé contre le jugement de première instance, la situation n'était pas comparable à celle d'un prévenu condamné définitivement et faisant l'objet d'une mesure institutionnelle, mais qui reste dans un établissement pénitentiaire ordinaire faute de place dans une institution adaptée (ATF 142 IV 105). Le maintien dans la prison de la Tuilière était donc justifié, et la mise en isolement occasionnelle de la recourante apparaissait proportionnée selon le rapport du SMPP du 2 septembre 2020. 
 
E.   
Par acte du 8 novembre 2020, A.________ forme en personne un recours contre l'arrêt du 16 octobre 2020. Elle demande des soins appropriés à son état, un transfert à Champ-Dollon voire un traitement ambulatoire, et dénonce un conflit d'intérêts du personnel soignant rattaché au CHUV ainsi que des mauvais traitements de la part des gardiens de la prison. Par acte du 4 décembre 2020, l'avocate de la recourante a déposé un recours en matière pénale reprenant les conclusions en constatation présentées devant les instances cantonales; subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause au Tmc ou à la Chambre des recours pénale afin que soit préalablement instruite la question des conditions de détention. 
La Chambre des recours pénale renonce à se déterminer et se réfère à son arrêt. Le Ministère public ne s'est pas déterminé. La recourante a déposé en personne une écriture complémentaire datée du 23 novembre 2020. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives aux conditions de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté (arrêt 1B_369/2013 du 26 février 2014 consid. 1, non publié in ATF 140 I 125). La recevabilité du recours en matière pénale dépend notamment de l'existence d'un intérêt juridique actuel à l'annulation de la décision entreprise (art. 81 al. 1 let. b LTF). L'existence d'un tel intérêt est admise lorsque le recours tend à la constatation immédiate du caractère illicite de la détention (ATF 140 I 125 consid. 2.1 p. 128). 
Le mémoire initial rédigé en personne par la recourante ne comporte pas de conclusions. Il énonce une série de reproches à l'endroit du SMPP et des gardiens de prison, et expose les difficultés liées au régime carcéral et au traitement médical. Il n'expose toutefois nullement, comme l'exige l'art. 42 al. 2 LTF, en quoi l'acte attaqué viole le droit, et moins encore les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés (art. 106 al. 2 LTF). En soi, une telle écriture, insuffisamment motivée, est irrecevable. Il en va de même de la lettre du 23 novembre, mais postée le 10 décembre 2020 - c'est-à-dire après l'échéance du délai de recours - et qui ne comporte pas non plus de conclusions ou de motivation adaptée à l'objet du litige. Le mémoire adressé le 3 décembre 2020 par l'avocate de la recourante apparaît en revanche suffisamment motivé; les conclusions en réforme et en constatation sont par ailleurs recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
La recourante invoque les art. 3 CEDH, 10 al. 3 Cst. et 3 al. 1 CPP. Elle relève que le manque de soins médicaux en détention peut constituer un cas de traitement contraire à l'art. 3 CEDH. Se fondant sur le rapport d'expertise du 11 juillet 2019, elle relève que sa prise en charge devrait avoir lieu dans un établissement psycho-social médicalisé disposant d'une expérience dans la prise en charge des personnes qui présentent d'importants troubles du comportement et aussi de personnes sous mesures pénales. Dans un autre rapport adressé le 23 juillet 2019 à la Justice de paix, il était souligné que des hospitalisations prolongées sont à même d'occasionner "une régression importante et de devenir délétères". En l'occurrence, l'état psychique de la recourante se serait détérioré à tel point (grave état d'anxiété avec désorganisation importante, perte d'appétit et de poids) qu'un placement à des fins d'assistance (PLAFA) a été requis au mois de septembre 2020. Invoquant également l'art. 13 CEDH qui impose des vérifications sérieuses et rapides en cas d'allégations de mauvais traitements, la recourante reproche aux instances cantonales de ne pas avoir mené d'investigations sur la détérioration de son état de santé en prison, alors que dans un arrêt du 1er octobre 2020 relatif à sa détention pour des motifs de sûreté, la Chambre des recours avait demandé au service pénitentiaire qu'il trouve "en extrême urgence un établissement adapté à l'état de santé de la recourante". Le SMPP avait lui-même considéré qu'il n'était pas en mesure d'offrir les soins nécessaires. La recourante considère avoir suffisamment démontré que la situation subie depuis plus de neuf mois dépasserait le seuil de gravité justifiant une constatation d'illicéité et une réparation. 
 
2.1. L'art. 234 al. 1 CPP prévoit qu'en règle générale, la détention provisoire et pour des motifs de sûreté est exécutée dans des établissements réservés à cet usage et qui ne servent qu'à l'exécution de courtes peines privatives de liberté. L'art. 235 CPP régit l'exécution de la détention; il pose le principe général de proportionnalité (al. 1) et précise (al. 5) que les cantons règlent les droits et les obligations des prévenus en détention (sur l'exécution de la détention, cf. HÄRRI, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n° 1 ss ad art. 234 et 235 CPP).  
 
2.2. Les art. 3 CEDH et 10 al. 3 Cst. interdisent la torture, ainsi que les peines ou traitements inhumains ou dégradants. En matière de procédure pénale, l'art. 3 al. 1 CPP prévoit que les autorités pénales respectent la dignité des personnes impliquées dans la procédure, à tous les stades de celle-ci. Pour tomber sous le coup des dispositions conventionnelle et constitutionnelle précitées, un mauvais traitement doit en principe être intentionnel et atteindre un minimum de gravité. Il sera qualifié de dégradant s'il humilie ou avilit un individu, s'il témoigne d'un manque de respect pour sa dignité humaine, voire la diminue, ou s'il suscite chez l'intéressé des sentiments de peur, d'angoisse ou d'infériorité propres à briser sa résistance morale et physique. Il y a également traitement dégradant, au sens large, si l'humiliation ou l'avilissement a pour but, non d'amener la victime à agir d'une certaine manière, mais de la punir (arrêt 6B_307/2019 du 13 novembre 2019, consid. 4.1 non publié in ATF 146 IV 76 et les références citées; ATF 140 I 125 consid. 3.1 p. 130). La souffrance due à une maladie survenant naturellement, qu'elle soit physique ou mentale, peut relever de l'art. 3 CEDH si elle se trouve ou risque de se trouver exacerbée par un traitement - que celui-ci résulte des conditions de détention, d'une expulsion ou d'autres mesures - dont les autorités peuvent être tenues pour responsables (arrêt de la CourEDH  Pretty c. Royaume-Uni du 29 avril 2002, Recueil CourEDH, 2002 III § 52; arrêt 6B_465/2016 du 17 mars 2017 consid. 1.2).  
Les Règles pénitentiaires européennes (Recommandation Rec (2006) 2-rev du Comité des Ministres aux Etats membres sur les Règles pénitentiaires européennes - RPE) adoptées par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe visent à garantir des conditions de détention qui ne portent pas atteinte à la dignité humaine. Elles ont le caractère de simples directives à l'intention des Etats membres du Conseil de l'Europe (HÄRRI, op. cit., n° 6 ad art. 235 CPP), mais le Tribunal fédéral en tient compte de longue date dans la concrétisation de la liberté personnelle et des autres droits fondamentaux garantis par la Constitution et par la CEDH (ATF 140 I 125 consid. 3.2 p. 133; 139 IV 41 consid. 3.2 p. 43). La partie III des RPE traite de la santé des détenus. Les autorités pénitentiaires doivent protéger la santé de tous les détenus dont elles ont la garde (39). Les services médicaux de la prison doivent s'efforcer de dépister et de traiter les maladies physiques ou mentales, ainsi que les déficiences dont souffrent éventuellement les détenus (40.4). A cette fin, chaque détenu doit bénéficier des soins médicaux, chirurgicaux et psychiatriques requis, y compris ceux disponibles en milieu libre (40.5). Des établissements ou sections pénitentiaires spécialisées placées sous contrôle médical doivent être organisés pour l'observation et le traitement de détenus atteints d'affections ou de troubles mentaux qui ne relèvent pas nécessairement des dispositions de la règle 12 (personnes souffrant de maladies mentales et dont l'état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison - 47.1). Le service médical en milieu pénitentiaire doit assurer le traitement psychiatrique de tous les détenus requérant une telle thérapie et porter une attention particulière à la prévention du suicide (47.2). 
La détention d'une personne malade peut poser problème sur le terrain de l'article 3 de la Convention, le manque de soins médicaux appropriés pouvant constituer un traitement contraire à cette disposition. Pour apprécier la compatibilité avec l'art. 3 CEDH des conditions de détention d'une personne souffrant de troubles mentaux, il faut tenir compte de l'état de santé de l'intéressé, du caractère adéquat ou non des soins et traitement médicaux dispensés en détention et de l'opportunité du maintien en détention ( arrêt CourEDH  Musial c. Pologne du 20 janvier 2009, requête no 28300/06, § 87-88). En particulier, le traitement carcéral subi par l'intéressé ne doit pas être la cause d'une aggravation des troubles.  
 
2.3. Selon le rapport d'expertise du 9 novembre 2019, la recourante souffre notamment d'un trouble des habitudes et des impulsions, soit des comportements inadaptés, persistants et répétés par lesquels elle sollicite l'attention et maintient la relation avec autrui. Les appels téléphoniques répétés font partie de ces comportements, tout comme les visites chez des intervenants, les consultations aux urgences ou les tentatives de retenir physiquement une personne. Des rudiments de ce trouble semblent présents depuis 2003-2005 au moins, et celui-ci paraît s'être exacerbé depuis 2016. Il se développe sur le terrain d'un trouble de la personnalité sévère (trouble mixte de la personnalité à traits passifs-agressifs et histrioniques) caractérisé notamment par une dramatisation du discours et une volonté constante d'obtenir l'attention, ainsi que des attitudes négativistes et de résistance passive aux demandes de l'environnement, en particulier à l'égard du corps médical. La recourante présente enfin une dépendance aux sédatifs qui lui ont été prescrits. L'expert préconise un traitement psychothérapeutique, dans le cadre d'une prise en charge plus globale pouvant comporter de la médication, des hospitalisations, de l'accompagnement infirmier ou ergothérapeutique ainsi que du soutien psycho-affectif. Cette prise en charge s'était progressivement mise en place au Département de psychiatrie du CHUV - malgré le mécontentement manifesté par la recourante - mais plusieurs années étaient nécessaires pour pouvoir en voir les premiers résultats. Compte tenu de la réaction de l'intéressée, de son évolution et de ses retombées sociales et judiciaires, l'option d'un traitement résidentiel en établissement psycho-social médicalisé permettrait un traitement en continu et apparaitrait particulièrement opportune, même si une telle prise en charge serait très exigeante pour les équipes soignantes. Il s'agirait d'empêcher, dans un environnement contrôlé, l'accès à un appareil de communication et dans le même temps de procéder à une régulation de la tension par des moyens relationnels adaptés.  
 
2.4. Incarcérée dans un premier temps à la prison de Champ-Dollon, la recourante a été admise à l'unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire jusqu'au 16 mars 2020 en raison d'une décompensation psychotique. Selon l'attestation de suivi psychothérapeutique du 20 mai 2020, face au refus de l'intéressée, aucun traitement n'a pu être mis en place et la recourante a été à nouveau placée à Champ-Dollon où elle a été suivie par le psychiatre de l'établissement. Des angoisses importantes et des idées noires ont été constatées, mais sans idéations suicidaires. Un traitement par antipsychotiques et anxiolytiques a été débuté, pris de façon aléatoire par la patiente. Selon cette même attestation, l'état psychique de la recourante restait assez fragile et nécessitait la poursuite du suivi psychiatrique. Le contexte carcéral de Champ-Dollon ne permettait pas, en l'absence d'une unité dédiée, de lui offrir le cadre rassurant et structurant dont elle avait besoin.  
A la même période, la recourante a été transférée à la prison pour femmes de la Tuilière qui dispose d'une unité psychiatrique. Selon le rapport de prise en charge du SMPP du 1er septembre 2020 adressé au Tribunal d'arrondissement, la recourante a bénéficié d'un suivi psychiatrique dès son arrivée à la prison de la Tuilière. Une prise en charge rapprochée a été mise en place, comprenant des entretiens médicaux hebdomadaire et des entretiens infirmiers bi-hebdomadaires, la patiente bénéficiant d'un traitement anxiolytique, soit le seul traitement qu'elle acceptait de prendre, un traitement anti-psychotique ayant été refusé. Le refus d'augmenter la fréquence des entretiens a été perçu par la patiente comme un rejet et une banalisation de sa situation. La participation aux ateliers créatifs a été un échec en raison de la symptomatologie de la patiente (agitation psychomotrice anxieuse avec sollicitations incessantes des codétenues). En raison de ses sollicitations incessantes du service pénitentiaire par interphone (entre 100 et 200 fois par jour), la recourante a été occasionnellement placée en cellule sécurisée (avec surveillance vidéo) lorsque ses interpellations saturaient la centrale d'appel et bloquaient le système pour les autres détenues. Cela permettait aussi de protéger l'intéressée d'éventuels passages à l'acte d'autres détenues harcelées par ses sollicitations. Le rapport indique que l'état psychique de la patiente était globalement stationnaire depuis son arrivée, avec toutefois une augmentation de la tension interne dans les jours précédant le jugement. L'attitude de harcèlement devenait plus agressive, dirigée contre les membres du service pénitentiaire, le service médical ou les codétenues. La prise en charge journalière multidisciplinaire de la recourante était conséquente afin de contenir son anxiété massive. Toutefois, l'état de la patiente nécessitait un suivi beaucoup plus étroit qui ne pouvait lui être dispensé en milieu carcéral. Dans cette perspective, le SMPP estimait ne pas disposer d'une offre de soins suffisamment adaptée au grave trouble psychique dont souffrait la recourante. 
 
2.5. Il ressort de ce qui précède que l'état et les besoins de la recourante ont été rapidement identifiés et que des changements d'établissements ont été opérés en conséquence. Dès le début de la détention, le Procureur s'est renseigné auprès d'un médecin afin de déterminer si une hospitalisation était préférable à la détention. Le médecin lui a fait savoir qu'une hospitalisation était fortement déconseillée car l'intéressée avait régressé lors des précédentes hospitalisations. Le 27 août 2020, le directeur de la prison de la Tuilière a adressé un rapport au Président du Tribunal correctionnel, faisant état d'une prise en charge compliquée: l'intéressée bloquait systématiquement les interphones et agaçait ses codétenues par son comportement et ses plaintes compulsives. Elle pouvait se montrer insultante et agressive envers le personnel, se trouvait en détresse permanente et sollicitait tout son entourage.  
Le traitement de la recourante en milieu carcéral s'est ainsi trouvé compliqué par l'état d'angoisse, l'attitude de harcèlement continu et le refus de certaines médications de la part de l'intéressée. Comme le relève encore le SMPP dans son rapport du 1er septembre 2020, l'établissement de la Tuilière ne dispose pas d'une offre de soins suffisamment adaptée aux troubles psychiques de la recourante. L'expertise psychiatrique préconise en effet un traitement résidentiel en établissement psycho-social et l'établissement de la Tuilière ne constitue pas un tel établissement. Le 4 septembre 2020, une décision de placement à des fins d'assistance a été rendue, considérant qu'une prise en charge en milieu hospitalier s'imposait; la recourante a alors été transférée dans l'établissement fermé Curabilis. Le 22 septembre 2020, l'Office cantonal d'exécution des peines a fait savoir qu'elle était à nouveau détenue à la Tuilière. Enfin, dans son jugement du 3 septembre 2020, le Tribunal correctionnel a suivi l'avis de l'expert et suspendu l'exécution de la peine au profit d'un traitement institutionnel dans un établissement psychosocial médicalisé. 
 
2.6. La recourante se trouve toujours en détention pour des motifs de sûreté en raison de l'appel formé contre le jugement de première instance. Elle ne conteste d'ailleurs pas le risque élevé de récidive confirmé par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 18 novembre 2020. Comme cela ressort du rappel des faits ci-dessus, elle a bénéficié d'un suivi continu; ses conditions de détention ont été adaptées dans la mesure du possible en fonction de l'évolution de son état et aucune aggravation notable n'a été constatée au cours de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, excepté pour la période ayant directement précédé son jugement.  
Pour sa part, la recourante (personnellement ou par la voix de son avocate) se garde d'indiquer quel placement, compatible avec le régime de détention pour des motifs de sûreté, serait mieux adapté à son état. Dans ses écritures déposées en personne, elle évoque un transfert à la prison de Champ-Dollon, alors que l'attestation du 20 mai 2020 se prononce clairement en défaveur d'un tel placement, ou un traitement ambulatoire, toutefois incompatible avec le régime de détention pour des motifs de sûreté. Elle n'indique pas non plus, tout en se plaignant d'un défaut d'investigations en rapport avec ses allégations de mauvais traitement, quel genre de renseignements auraient dû être requis, en plus des rapports déjà déposés par l'expert psychiatre, les directions d'établissements et le SMPP. 
 
 
2.7. Sur le vu de ce qui précède, la recourante ne saurait se plaindre d'un manque de soins médicaux appropriés. Ses troubles psychiques ont en effet été reconnus et son régime carcéral a été adapté dans la mesure du possible pour en tenir compte. Le traitement subi durant la phase de la détention provisoire n'atteint manifestement pas un niveau d'avilissement ou d'humiliation propre à le faire apparaître comme contraire à l'art. 3 CEDH.  
 
3.   
Le recours doit par conséquent être rejeté. La recourante a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies. Me Tiphanie Chappuis est désignée comme avocate d'office de la recourante et il lui est alloué une indemnité à titre d'honoraires, qui sera fixée forfaitairement et supportée par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Tiphanie Chappuis est désignée comme avocate d'office de la recourante et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de recourante, au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 19 janvier 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz