Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_1016/2023
Arrêt du 19 mars 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux
Denys, Juge présidant, Muschietti et van de Graaf.
Greffier : M. Rosselet.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Frédéric Hainard, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République
et canton de Neuchâtel,
passage de la Bonne-Fontaine 41,
2300 La Chaux-de-Fonds,
intimé.
Objet
Blanchiment d'argent (art. 305bis CP); arbitraire,
recours contre le jugement de la Cour pénale
du Tribunal cantonal de la République et canton
de Neuchâtel, du 27 avril 2023 (CPEN.2022.41).
Faits :
A.
Par jugement du 23 mai 2022, le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz a reconnu A.________ coupable de blanchiment d'argent et l'a condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une amende d'un montant de 120 fr. à titre de peine additionnelle (la peine privative de liberté de substitution étant fixée à quatre jours). Il a en outre condamné le prénommé à verser à l'État de Neuchâtel une créance compensatrice d'un montant de 1'068 fr. 28 et au paiement des frais de la cause, arrêtés à 840 francs.
B.
Par jugement du 27 avril 2023, la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois, statuant sur appel de A.________, l'a rejeté.
En bref, la cour cantonale a retenu que A.________ avait mis à la disposition d'un inconnu, dénommé B.________ (éventuellement B.C.________, selon certains courriels figurant au dossier), son compte bancaire auprès de E.________. Sur cette relation bancaire étaient arrivés cinq versements pour un montant total de 2'768 fr. 26, provenant de cinq personnes différentes qui avaient passé une commande sur internet sans en recevoir la livraison. Le recourant avait reversé 1'700 fr. au Bénin et avait conservé le solde.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale, "
subsidiairement un recours constitutionnel subsidiaire ", au Tribunal fédéral contre le jugement du 27 avril 2023. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à l'annulation du jugement querellé et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement entrepris et à sa réforme, en ce sens qu'il est acquitté du chef de blanchiment d'argent. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Par acte du 2 février 2024, A.________, sous la plume de son conseil, produit la photographie d'une personne, nommée B.D.________, à titre d'élément de preuve nouveau.
Considérant en droit :
1.
À titre liminaire, il y a lieu de relever que la production par le recourant de la photographie d'une personne qui aurait été identifiée par ses soins comme l'auteur de l'infraction préalable au blanchiment d'argent ne constitue nullement, contrairement à ce qu'il affirme, un fait nouveau qui résulterait du jugement entrepris, de sorte qu'elle est irrecevable (cf. art. 99 al. 1 LTF).
2.
Le recourant critique sa condamnation du chef de blanchiment d'argent. L'on comprend de ses écritures que celui-ci invoque un établissement arbitraire des faits, une violation du principe
in dubio pro reo, et conteste avoir agi intentionnellement.
2.1.
2.1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 p. 91 s.; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.; 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 148 IV 409 consid. 2.2 p. 412 s.; 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 p. 412 s.; 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 146 IV 88 consid. 1.3.1 p. 92; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156).
Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe
in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 p. 413; 146 IV 88 consid. 1.3.1 p. 92; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156).
2.1.2. Selon l'art. 305
bis ch. 1 CP, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire, notamment celui qui aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime.
Les valeurs patrimoniales blanchies doivent provenir d'un crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP, soit d'une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans. En matière de blanchiment d'argent, comme dans le domaine du recel, la preuve stricte de l'acte préalable n'est pas exigée. Il n'est pas nécessaire que l'on connaisse en détail les circonstances du crime, singulièrement son auteur, pour pouvoir réprimer le blanchiment. Le lien exigé entre le crime à l'origine des fonds et le blanchiment d'argent est volontairement ténu (ATF 138 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5; 120 IV 323 consid. 3d p. 328; arrêt 6B_295/2022 du 15 septembre 2022 consid. 1.2).
Le comportement délictueux consiste à entraver l'accès de l'autorité pénale au butin d'un crime, en rendant plus difficile l'établissement du lien de provenance entre la valeur patrimoniale et le crime, ce qui doit être examiné au cas par cas, en fonction de l'ensemble des circonstances (ATF 149 IV 248 consid. 6.3 p. 253 s.; 144 IV 172 consid. 7.2.2 p. 174 s.). L'acte d'entrave peut être constitué par n'importe quel comportement propre à faire obstacle à l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de la valeur patrimoniale provenant d'un crime (ATF 136 IV 188 consid. 6.1 p. 191 et les références citées). Entre par exemple en ligne de compte comme acte d'entrave le fait de transférer l'argent d'un compte bancaire à un autre à l'étranger (cf. ATF 145 IV 335 consid. 3.1 p. 341; 144 IV 172 consid. 7.2.2 p. 174 ss; 127 IV 20 consid. 3b p. 26 s.; arrêt 6B_239/2023 du 10 août 2023 consid. 3.1 et la référence citée).
2.1.3. L'infraction de blanchiment d'argent est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (ATF 149 IV 248 consid. 6.3 p. 254). L'auteur doit vouloir ou accepter que le comportement qu'il choisit d'adopter soit propre à provoquer l'entrave prohibée. Au moment d'agir, il doit s'accommoder d'une réalisation possible des éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit également savoir ou présumer que la valeur patrimoniale provenait d'un crime; à cet égard, il suffit qu'il ait connaissance de circonstances faisant naître le soupçon pressant de faits constituant légalement un crime et qu'il s'accommode de l'éventualité que ces faits se soient produits (ATF 149 IV 248 consid. 6.3 p. 254; 122 IV 211 consid. 2e p. 217; 119 IV 242 consid. 2b p. 247 s.; arrêt 6B_295/2022 du 15 septembre 2022 consid. 1.2).
Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir des faits "internes", qui, en tant que faits, lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été retenus de manière arbitraire (ATF 142 IV 137 consid. 12 p. 152; 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375).
2.2. En substance, la cour cantonale a exposé de manière détaillée le déroulement des faits, ainsi que les déclarations du recourant au cours de la procédure cantonale pour mettre en lumière les éléments probatoires permettant de retenir que le recourant avait agi par dol éventuel. Elle a ainsi considéré que l'intéressé avait éprouvé des doutes dès le début de son activité pour B.________. Le recourant, qui était instruit et avait exercé des charges politiques, devait savoir, en prenant connaissance du message de B.________ non dépourvu d'indications insolites (recevoir des fonds venant de créanciers et les envoyer à des fournisseurs), que la mission proposée relevait d'activités frauduleuses. L'adresse physique de l'employeur ne figurait nulle part. La rémunération mensuelle se référait à des tâches dont les horaires et l'importance n'étaient pas définis. Il était incompréhensible que les transferts devaient se faire à partir d'un bureau situé à une certaine distance du domicile du recourant. À cela s'ajoutait la précipitation de B.________ pour donner des instructions en vue d'un transfert rapide, au moyen de messages dominicaux ou à des horaires à la fois extraordinairement matinaux ou tardifs, le décalage horaire d'un patron en déplacement à l'étranger n'expliquant que l'une de ces circonstances. En outre, déjà lors du premier transfert, il avait été question entre le recourant et l'employé de l'agence de transfert d'argent de la possibilité qu'il s'agisse d'une arnaque. Le recourant s'était rendu à l'adresse de l'auteur du premier virement, mais ne l'avait pas contacté. Cela montrait qu'il imaginait la possibilité d'une activité frauduleuse sans toutefois aller au bout de sa démarche de vérification. Le recourant avait, lors du premier envoi, accepté de donner une fausse information sur le motif du transfert en se référant à un secours familial.
Dans ces conditions, la cour cantonale a retenu que le recourant avait initialement accepté par dol éventuel la possibilité de commettre des actes de blanchiment d'argent. Le fait que, assez rapidement, et devant les mises en garde répétées des employés des sociétés de transfert, il ait finalement pris peur et mis fin à ses agissements, ne permettait pas de considérer qu'au premier versement, il se trouvait dans une situation de négligence consciente, à savoir qu'il était persuadé que le résultat délictueux ne se produirait pas.
2.3. Le recourant conteste avoir agi intentionnellement et allègue qu'il n'aurait pas pu savoir que les valeurs patrimoniales versées sur son compte bancaire provenaient d'une escroquerie. Il soutient en substance qu'il n'y aurait rien d'extraordinaire à faire du commerce d'articles électroniques avec l'Afrique, qu'aucun indice lui aurait fait craindre l'origine criminelle des fonds versés, pensant uniquement que l'argent confié provenait de la gestion des finances du dénommé B.________ en lien avec l'activité de vente d'articles électroniques, et qu'il aurait effectué les vérifications nécessaires pour s'assurer que tout était en règle. En outre, le fait d'avoir spontanément mis fin à toute activité après s'être aperçu que la situation n'était pas normale ferait échec à toute intention de sa part. Les éléments constitutifs du blanchiment d'argent ne seraient ainsi réalisés ni objectivement ni subjectivement.
En l'espèce, bien que le recourant réfute la réalisation des éléments constitutifs objectifs de l'art. 305
bis ch. 1 CP, aucun grief n'est développé sur ce point, les critiques soulevées par l'intéressé se limitant à contester le caractère intentionnel de ses agissements. Sur ce dernier aspect, le recourant se borne toutefois à livrer sa propre appréciation des faits et à l'opposer à celle de la cour cantonale sans démontrer en quoi celle-ci aurait sombré dans l'arbitraire. L'on cherche en vain dans les écritures du recourant une critique du raisonnement suivi par l'autorité précédente, répondant aux exigences de motivation prévues aux art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF. Le recourant ne démontre en particulier pas en quoi, sur la base des éléments de preuve exposés de manière détaillée par l'autorité précédente, il était manifestement insoutenable de retenir que l'intéressé avait dû présumer que les valeurs patrimoniales transférées sur son compte bancaire provenaient d'un crime, soit en l'occurrence d'une escroquerie, et qu'il s'était accommodé de cette éventualité, agissant ainsi par dol éventuel. Appellatoires, les critiques du recourant sont, partant, irrecevables. Pour le surplus, il peut être renvoyé à la motivation cantonale (cf. art. 109 al. 3 LTF), qui s'avère claire et convaincante.
3.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable, puisque la voie du recours en matière pénale était en principe ouverte (cf. art. 113 LTF).
4.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable selon la procédure simplifiée prévue par l'art. 109 LTF.
Comme le recours était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 19 mars 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Denys
Le Greffier : Rosselet