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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_110/2022  
 
 
Arrêt du 19 avril 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux Jametti, Juge présidant, 
Chaix et Haag. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Philippe Currat, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Anne-Florence Cornaz Genillod, Présidente du Tribunal d'arrondissement de Lausanne, 
intimée, 
 
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation, 
 
recours contre la décision du Tribunal cantonal 
du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, 
du 24 janvier 2022 (47 - PE19.020388/ACO). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance pénale du 17 octobre 2019, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a condamné A.________ à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende de 300 fr., pour entrave aux services d'intérêt général, empêchement d'accomplir un acte officiel, violation simple des règles de la circulation routière et contravention à la loi vaudoise sur les contraventions et au règlement général de police de la commune de Lausanne. Il lui était en substance reproché d'avoir participé, le 20 septembre 2019, à une manifestation non autorisée et d'avoir, dans ce contexte, bloqué la circulation sur le Pont Bessières, ce qui avait nécessité une déviation du trafic des véhicules, notamment des véhicules d'urgence (police, pompiers, ambulances) et des lignes de bus; le prévenu avait ignoré les demandes des forces de l'ordre de quitter les lieux et avait opposé une résistance physique lors de son évacuation de force. 
A la suite de l'opposition formée par A.________, le Ministère public a décidé de maintenir son ordonnance pénale et a transmis le dossier au Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne en vue des débats. 
 
B.  
Le 9 décembre 2021, à l'ouverture des débats devant le Tribunal de police, A.________, par son conseil, a requis la récusation de la Présidente Anne-Florence Cornaz Genillod au motif que cette magistrate avait siégé la veille et l'avant-veille dans des causes similaires, dans lesquelles elle avait rendu des verdicts de culpabilité et que, dans cette mesure, elle ne présentait plus de garantie d'indépendance et d'impartialité. La Présidente a informé les parties que le dossier allait être transmis, avec son préavis négatif, à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal comme objet de sa compétence. Le lendemain, elle a transmis la demande de récusation à la Chambre des recours pénale, avec ses déterminations. Dans cette écriture, la Présidente Cornaz Genillod a exposé qu'aucun motif de récusation n'était réalisé; elle a souligné que, même si les faits qui concernaient A.________ s'inscrivaient dans le cadre d'une même manifestation, chaque prévenu était jugé individuellement quant à son rôle et son comportement. 
 
C.  
Par arrêt du 24 janvier 2022, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: Tribunal cantonal) a rejeté la demande de récusation dirigée contre la Présidente du Tribunal de police déposée par A.________. 
 
D.  
Par acte daté du 28 février 2022, A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et d'ordonner la récusation de la Juge intimée. Il produit à l'appui de son recours les jugements motivés du Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne des 8 et 9 décembre 2021 notifiés aux parties concernées en janvier 2022; il ressort du jugement du 9 décembre 2021 que A.________ a été condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis de 2 ans, et à une amende de 200 fr., pour entrave aux services d'intérêt général, empêchement d'accomplir un acte officiel, violation simple des règles de la circulation routière et contravention à la loi vaudoise sur les contraventions. 
Invités à se déterminer sur le recours, le Tribunal cantonal ainsi que le Ministère public y renoncent. La magistrate intimée se réfère à l'arrêt entrepris et à ses déterminations du 10 janvier 2022. Le recourant dépose une ultime écriture. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation d'un magistrat pénal peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, auteur de la demande de récusation rejetée, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité cantonale statuant en tant qu'instance unique (art. 80 al. 2 LTF et 59 al. 1 let. b CPP) et les conclusions prises sont recevables (art. 107 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant invoque une violation des art. 6 par. 1 CEDH, 30 al. 1 Cst. et 56 let. f CPP. Il soutient que la magistrate serait prévenue au motif qu'elle avait statué la veille dans des causes identiques portant sur les mêmes faits (manifestation du 20 septembre 2019) et qu'elle n'était pas capable d'aborder la seconde procédure en faisant abstraction des opinions qu'elle avait précédemment émises. Le recourant se prévaut notamment du fait que les jugements rendus les 8 et 9 décembre 2021 seraient rigoureusement identiques: il en irait ainsi de la description des faits, de l'analyse juridique, des formes de participation des prévenus et de leur intention au moment des faits, ainsi que des peines prononcées. Le recourant insiste sur l'uniformité absolue des peines prononcées qui démontrerait l'absence totale d'individualisation et confirmerait la prévention de la magistrate intimée. 
 
2.1. Un magistrat est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Il l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH (ATF 143 IV 69 consid. 3.2). Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 143 IV 69 consid. 3.2).  
Selon la jurisprudence, une apparence de prévention ne découle en principe pas de la participation d'un même juge à des procédures menées séparément mais concernant plusieurs auteurs en lien avec un état de fait connexe (arrêts 1B_672/2021 du 30 décembre 2021 consid. 3.6; 1B_13/2021 du 1er juillet 2021 consid. 3.3; 1B_150/2017 du 4 octobre 2017 consid. 4; 1B_440/2016 du 6 juin 2017 consid. 4.7 et 6). Seules des circonstances exceptionnelles permettent dans ces cas de justifier une récusation lorsque, par son attitude ou ses déclarations précédentes, le magistrat a clairement fait apparaître qu'il ne sera pas capable d'aborder la seconde procédure en faisant éventuellement abstraction des opinions qu'il a précédemment émises (ATF 138 IV 142 consid. 2.3). 
 
2.2. La cour cantonale a constaté que le recourant n'avait pas produit les jugements ayant été rendus à l'issue des audiences qu'il citait, de sorte qu'elle ignorait si les procédures y relatives posaient des questions factuelles et juridiques similaires à celles dont avait eu à connaître la Présidente Cornaz Genillod dans la cause impliquant le recourant. Elle a considéré que, au demeurant, même si ce dernier avait produit de telles pièces, encore aurait-il fallu que leur contenu permette de conclure que l'opinion de cette magistrate était formée à l'ouverture de l'audience à l'égard du recourant. Or, rien en l'état du dossier ne permettait d'établir que la magistrate intimée n'était assurément pas capable d'aborder la situation de chaque prévenu individuellement dans la présente cause, et notamment celle du recourant en faisant abstraction des opinions qu'elle avait précédemment émises dans les causes déjà jugées, respectivement des questions juridiques qu'elle avait tranchées dans un sens ou un autre.  
 
2.3. Cette appréciation peut être confirmée. Aucun des arguments développés par le recourant ne permet de la remettre en cause. Certes, la magistrate intimée instruit et juge plusieurs causes du même genre, en lien avec la manifestation non autorisée du 20 septembre 2019. Toutefois, au vu de la jurisprudence rappelée ci-dessus (consid. 2.1 in fine), cet élément n'est pas en soi un motif de récusation, la juge étant présumée capable de faire la différence entre les causes déjà jugées et celle concernant le recourant. Ce dernier ne fournit en l'occurrence aucun élément concret permettant de considérer que la magistrate intimée avait laissé paraître qu'elle allait le condamner par avance. Le recourant ne prétend en particulier pas que la juge intimée se serait déjà prononcée sur sa culpabilité dans le cadre de la précédente procédure pénale qu'il invoque ayant abouti au jugement du 8 décembre 2021. La présidente du Tribunal de police n'a pas non plus pas laissé entendre, en début d'audience le 9 décembre 2021, qu'elle allait nécessairement condamner le recourant.  
Il n'est pas contesté que la juge intimée a procédé à une instruction normale de la cause, en examinant l'activité reprochée spécifiquement au recourant ainsi que ses motivations propres et sa situation personnelle. Ce dernier ne prétend pas que ladite juge l'aurait empêché d'exposer sa position et de faire valoir ses droits. Le fait que la magistrate se soit déjà prononcée sur des questions juridiques spécifiques qui se posaient à nouveau (liberté de manifestation; fait justificatif selon l'art. 17 CP) ne permettait pas d'affirmer que l'issue de la cause concernant le recourant serait prédéterminée et que les éléments spécifiques à la situation ne seraient pas pris en compte. Il apparaît dès lors que, lorsque la demande de récusation a été déposée, le sort de la procédure concernant le recourant demeurait suffisamment ouvert. 
Au demeurant, la question de savoir si - au regard de l'art. 99 al. 1 LTF - le recourant peut se prévaloir, pour fonder sa demande de récusation du 9 décembre 2021, des considérants des jugements motivés le concernant et concernant les autres prévenus, notifiés en janvier 2022, peut demeurer indécise. En effet, quoi qu'en pense le recourant, la similitude qui pourrait exister entre les peines prononcées par le Tribunal de police ainsi qu'entre certaines formulations adoptées dans les jugements de condamnation ne constitue pas en soi un motif objectif de prévention: dans la mesure où les faits reprochés et le contexte dans lequel ils ont été commis sont semblables, une rédaction se fondant sur les mêmes principes juridiques ne relève pas de la prévention du juge concerné, mais d'une saine administration de la justice prenant en compte le principe de l'égalité de traitement de tous les prévenus jugés séparément. Enfin, le fait que, conformément à la loi (cf. art. 29-30 CPP), des procédures parallèles menées séparément puissent être jugées par les mêmes juges est dans l'intérêt de l'économie de la procédure (cf. art. 5 al. 1 CPP) et ne saurait en soi révéler une apparence de prévention (cf. arrêts 1B_75/2020 du 10 décembre 2020 consid. 2.2; 1B_150/2017 du 4 octobre 2017 consid. 4.3). 
 
2.4. En définitive, on ne distingue pas dans les allégués du recourant d'éléments concrets permettant objectivement de retenir une apparence de prévention de la juge intimée. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la garantie du juge impartial a été respectée, de sorte que c'est à bon droit que le Tribunal cantonal a rejeté la demande de récusation.  
 
3.  
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 19 avril 2022 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Jametti 
 
La Greffière : Arn