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[AZA 0/2] 
 
4C.80/2001 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
19 juin 2001 
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge, 
et Pagan, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo. 
 
__________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
A.________, défendeur et recourant, représenté par Me Jean Anex, avocat à Aigle, 
 
et 
X.________ AG, demanderesse et intimée, représentée par Me Richard Calame, avocat à Neuchâtel; 
 
(défauts de la chose vendue; preuve du dommage) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Sur la base de contrats conclus les 13 juin 1991 et 7 janvier 1993, la société X.________ AG, a livré, chaque quinzaine, de juin 1991 à fin février 1995, à A.________, producteur de champignons, des cargaisons de plusieurs tonnes de compost au prix de 365 fr. la tonne. 
 
Entre le 14 décembre 1994 et le 22 février 1995, ladite société a procédé à six livraisons successives totalisant 172, 77 tonnes. Pour ces livraisons, qui n'ont donné lieu à aucune contestation de la part de l'acheteur, elle a adressé à ce dernier six factures, représentant un montant global de 63 904 fr.50, qui sont demeurées impayées. 
 
Antérieurement, soit au cours de la période allant de 1990 au 20 juillet 1993, A.________ s'était plaint de la qualité du compost qui lui avait été fourni, étant donné que la semence ne prenait pas ou pas bien et que ses champignons ne poussaient pas ou poussaient mal, les quantités produites étant nettement insuffisantes. 
 
Le 4 juillet 1995, X.________ AG a fait notifier à A.________ un commandement de payer portant sur la somme de 65 590 fr.30, qui a été frappé d'opposition. 
 
B.- X.________ AG a intenté action, le 13 novembre 1995, contre A.________. Elle a conclu au paiement de 63 904 fr.50, intérêts en sus, ainsi que du montant des intérêts échus par 1381 fr.75, requérant pour le surplus la levée définitive de l'opposition. 
 
Le défendeur a conclu à libération, en faisant valoir en compensation une créance pour le préjudice que lui avaient causé les livraisons de compost défectueuses intervenues en 1992 et 1993. Il a, en outre, pris une conclusion reconventionnelle tendant au paiement de 20 000 fr. plus intérêts. 
 
La demanderesse a excipé de la prescription relativement à la seule conclusion reconventionnelle, à l'exclusion de la conclusion libératoire. 
 
En cours d'instance, une expertise a été confiée à B.________, ingénieur agronome EPF. L'expert a estimé que le défendeur avait subi une perte de rendement en raison de la mauvaise qualité de plusieurs livraisons de compost effectuées en 1992 et 1993. En revanche, faute de données comptables suffisantes, il n'a pas été en mesure d'évaluer le bénéfice que le défendeur aurait réalisé si le rendement des récoltes incriminées avait été conforme à la moyenne. 
 
Statuant le 31 janvier 2001, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a condamné le défendeur à payer à la demanderesse la somme de 63 904 fr.50 avec intérêts à 5% l'an dès le 5 juillet 1995. Elle a, en outre, levé définitivement, à due concurrence, l'opposition formée au commandement de payer précité. S'agissant du seul point encore litigieux devant le Tribunal fédéral, les premiers juges ont considéré que le défendeur, à qui le fardeau de la preuve incombait, ne pouvait pas se prévaloir de l'art. 42 al. 2 CO pour n'avoir ni allégué de manière suffisamment précise ni démontré le montant de son dommage alors qu'il aurait été en mesure d'apporter les éléments nécessaires en produisant sa comptabilité ou en sollicitant une expertise comptable. En effet, le défendeur s'était limité à alléguer l'existence d'un préjudice et il s'en était remis à l'expert pour le surplus. 
Ainsi, le défendeur ne pouvait opposer par voie de compensation aucune créance lui permettant de faire échec à la demande, de sorte que celle-ci devait être admise sous réserve de la prétention pour les intérêts échus, laquelle ne pouvait qu'être écartée faute d'une mise en demeure valable. 
 
C.- Le défendeur recourt en réforme au Tribunal fédéral. 
Il conclut à la réforme de l'arrêt cantonal dans le sens de l'admission de sa conclusion libératoire à hauteur de 55 690 fr.50, la demande étant reconnue fondée à concurrence de 8214 fr. plus intérêts. Subsidiairement, le défendeur requiert le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants. 
 
La demanderesse propose le rejet intégral du recours. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours dont il est saisi (ATF 126 III 274 consid. 1 et les arrêts cités). 
 
2.- Dans son recours en réforme, le défendeur a diminué la quotité de la créance qu'il oppose en compensation pour l'arrêter à 55 690 fr.50; il a ainsi reconnu devoir à la demanderesse 8214 fr. plus intérêts. 
 
Une telle manière de procéder est admissible, l'art. 55 al. 1 let. c OJ autorisant la réduction des conclusions d'une partie à ce stade de la procédure (Poudret, COJ, n. 1.4.3 ad art. 55 OJ p. 425). 
 
3.- a) En présence d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et les arrêts cités). 
 
Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a p. 65, 120 II 280 consid. 6c), ni contre l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 126 III 189 consid. 2a et les arrêts cités). 
 
Les faits nouveaux, soit notamment ceux qui ne figurent pas dans la décision attaquée, sont irrecevables (ATF 126 III 59 consid. 2a et les arrêts cités). 
 
Au demeurant, lors de l'examen d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs que les parties ont invoqués ni par l'argumentation de l'autorité cantonale; il peut donc apprécier librement la qualification juridique des faits constatés (ATF 125 III 82 consid. 3; Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral in SJ 2000 II p. 1 ss, 58 et les arrêts cités). 
 
b) aa) A l'appui de son recours, le défendeur reproche à la Cour civile d'avoir mis en exergue le fait que l'expert est un spécialiste en mycologie, alors que l'intéressé est parfaitement à même d'apprécier les enjeux et conséquences économiques des défauts invoqués et de déterminer les incidences dommageables concrètes de ceux-ci. 
 
Au regard des principes rappelés ci-dessus, un tel grief ne peut être pris en considération dans la mesure où il se rapporte aux faits de la cause, à leur appréciation et à la valeur probante de l'expertise judiciaire. 
 
bb) Le défendeur a encore allégué avoir retiré ses conclusions reconventionnelles, de sorte que celles-ci n'avaient pas à être rejetées par l'autorité cantonale. 
 
Pour les mêmes raisons, ce moyen ne peut être pris en considération. En effet, savoir quel était le contenu des écritures, des plaidoiries et des conclusions relève de constatations de fait qui ne peuvent donc être remises en cause dans un recours en réforme (ATF 125 III 305 consid. 2e p. 311), d'autant moins que le défendeur n'a pas prétendu que le jugement attaqué serait entaché d'une inadvertance manifeste à cet égard. 
 
 
cc) Enfin, d'après le défendeur, le droit vaudoisprescrivait aux juges (art. 4 al. 2 CPC) de retenir et de se fonder sur des faits et des éléments constatés dans une expertise judiciaire, alors même qu'ils n'auraient pas fait l'objet d'allégués stricto sensu. Ainsi, le rapport d'expertise et son complément pouvaient et devaient être considérés, appréciés et retenus dans leur entier tant par les juges cantonaux que par le Tribunal fédéral, s'agissant d'une preuve déjà ordonnée, administrée et réunie par rapport à une preuve nouvelle évidemment exclue dans la procédure du recours en réforme. 
 
Là encore, le défendeur critique les faits et leur appréciation, de sorte que ce grief est soustrait à l'examen du Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme, les constatations de fait de la décision attaquée étant présumées exactes et complètes (arrêt non publié du 8 avril 1999, reproduit in SJ 2001 I p. 165, consid. 1). 
 
De surcroît, comme le défendeur se plaint en particulier de l'application du droit de procédure cantonal, ce sujet échappe au Tribunal fédéral en instance de réforme (ATF 125 III 305 consid. 2e p. 311, 123 III 414 consid. 3c p. 420). 
 
 
4.- A l'appui de son recours, le défendeur soutient que l'autorité cantonale a refusé sans raison valable de prendre en considération l'art 42 al. 2 CO alors qu'elle aurait dû le faire impérativement sur le vu de l'expertise, l'application de cette disposition étant fondée sur une obligation légale incombant au juge. Ainsi, une règle de preuve posée par le droit fédéral aurait été violée en l'espèce, violation que le Tribunal fédéral serait à même de sanctionner en portant en compte la perte résiduelle nette de 55 690 fr.50 fixée par l'expert judiciaire dans son complément d'expertise ou, si nécessaire, en renvoyant la cause à la Cour civile sur la base de l'art. 64 OJ
 
a) Le dommage réside dans la diminution involontaire de la fortune nette. Il peut consister dans une diminution de l'actif ou dans une augmentation du passif ou dans un gain manqué; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine et le montant que celui-ci aurait atteint si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 120 II 296 consid. 3b p. 298 et les arrêts cités). 
 
La fixation du préjudice est une question de fait qui relève en principe de la compétence du juge cantonal et, comme instance de recours, le Tribunal fédéral examine uniquement si la notion juridique de préjudice a été méconnue ou si des notions de droit quant au calcul du dommage ont été violées (ATF 126 III 388 consid. 8a, 123 III 241 consid. 3a, 120 II 296 consid. 3b p. 298 et les arrêts cités). 
 
Ainsi, dire qu'il y a eu dommage et quelle en est la quotité est une question de fait, soustraite à l'examen du Tribunal fédéral en instance de réforme (arrêt non publié du 15 septembre 2000, reproduit in SJ 2001 I p. 304 ss, consid. 5c p. 314 et les arrêts cités). 
 
 
Il en va de même sous l'angle de l'art. 42 al. 2 CO. Le pouvoir d'estimation élargi que confère cette disposition au juge du fond ne procède pas d'un pouvoir d'appréciation juridique au sens de l'art. 4 CC, dont les éléments pourraient être revus dans l'examen d'un recours en réforme, d'ailleurs avec une certaine retenue (ATF 122 III 219 consid. 3b). En effet, une telle estimation repose sur le pouvoir d'apprécier les faits et elle relève donc en principe de la constatation des faits qui ne peut être revue en instance de réforme. Dans la mesure où l'autorité cantonale, sur la base d'une appréciation des preuves et des circonstances concrètes, a admis ou nié que la vraisemblance du dommage confinait à la certitude, elle a posé une constatation de fait qui est soustraite au contrôle de la juridiction de réforme sous réserve des exceptions indiquées plus haut et non réalisées en l'espèce (ATF 126 III 388 consid. 8a, 122 III 219 consid. 3b et les arrêts cités). 
 
 
Certes, l'art. 42 al. 2 CO renferme une règle de preuve qui a pour but de faciliter au lésé la détermination de son dommage et il confère au juge du fait un pouvoir d'appréciation élargi, en ce sens qu'il peut admettre qu'un préjudice a été établi en se fondant sur sa propre estimation (ATF 122 III 219 consid. 3a. et les références). Cependant, à l'exemple de la jurisprudence fondée sur l'art. 8 CC, il faut considérer que, lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de l'application de l'art. 42 al. 2 CO comme règle de preuve ne se pose plus, seul étant recevable le moyen tiré d'une appréciation arbitraire des preuves et devant être invoqué impérativement dans un recours de droit public. De surcroît, l'art. 42 al. 2 CO, à l'instar de l'art. 8 CC, ne prescrit pas comment le juge doit apprécier les preuves ni sur quels éléments il peut parvenir à une conviction (cf. arrêt non publié du 15 septembre 2000, reproduit in SJ 2001 I p. 304, consid. 5a p. 313 et les arrêts cités). 
 
b) Le rappel de ces principes met a néant toute l'argumentation du défendeur dans la mesure où, procédant à une appréciation des preuves, la Cour civile a en particulier considéré que la preuve d'un dommage n'avait pas été rapportée, la diminution effective de la récolte attendue n'ayant pas été déterminée pour les quatre livraisons de compost défectueuses et le calcul fait par l'expert ne correspondant pas au gain manqué. 
 
Dans ces conditions, le défendeur ne peut pas remettre en cause par un recours en réforme ces constatations, de sorte que toute son argumentation n'est quasiment pas recevable, le montant de 55 690 fr.50 dont il fait état ne figurant d'ailleurs pas dans le jugement déféré. 
 
D'après l'état de fait qui précède, il appert que le recourant ne s'est pas plaint des dépenses supplémentaires que lui auraient occasionnées les livraisons défectueuses, mais qu'il a réclamé réparation pour le bénéfice manqué à la suite d'un rendement insuffisant dans sa production de champignons. 
A cet égard, seule a été mise en évidence une diminution de rendement dans la culture des champignons produits par le compost provenant de la demanderesse. 
 
Or, de toute évidence, cette diminution ne correspondait pas encore au préjudice qu'a pu éprouver le défendeur, puisqu'elle ne constituait que l'un des éléments à prendre à considération parmi d'autres, soit la diminution des ventes obtenues et du bénéfice en résultant par rapport à des frais généraux ne se situant plus dans la proportion habituelle du fait d'un rendement insuffisant de l'exploitation dû à un compost défectueux. 
 
On ne voit pas comment la cour cantonale aurait pu juger différemment, attendu qu'elle ignorait les coûts de production du défendeur et que ce dernier a omis de produire les données comptables nécessaires. 
 
En tout état de cause, il n'apparaît en rien que les juges cantonaux se seraient livrés à des considérations procédant d'une approche juridique erronée de la notion de dommage. 
 
Par rapport à cette réalité, l'autorité cantonale ne pouvait que dénier l'existence d'un dommage et, si elle avait adopté une solution contraire, ce serait la demanderesse qui aurait pu interjeter un recours en réforme pour violation de l'art. 8 CC ou de l'art. 42 al. 2 CO (voir Corboz, op. cit. , p. 39). 
 
5.- Cela étant, le présent recours apparaît dénué de fondement dans la faible mesure de sa recevabilité. Par conséquent, les frais et dépens de la procédure fédérale devront être supportés exclusivement par son auteur (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable et confirme le jugement attaqué; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 2500 fr. à la charge du recourant; 
 
3. Dit que le recourant versera à l'intimée une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
___________ 
Lausanne, le 19 juin 2001ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,