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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1B_429/2012  
   
   
 
 
 
 
Arrêt du 19 juin 2013  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger et Eusebio. 
Greffière: Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Stéphanie Künzi, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________, représentée par Me Florence Carron Darbellay, avocate, 
intimée, 
 
Office central du Ministère public du canton du Valais, case postale 2305, 1950 Sion 2.  
 
Objet 
procédure pénale; classement, 
 
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal du canton du Valais, Juge unique de la Chambre pénale, du 21 juin 2012. 
 
 
 
Faits:  
 
A.  
Le 16 juin 2009, A.________, né le 20 novembre 1987, a déposé plainte pénale à la police de sûreté valaisanne contre sa mère adoptive, B.________, pour "viol, séquestration, sévices attenant à la torture". Le plaignant a notamment invoqué avoir été, entre l'âge de 10 et 13 ans, enfermé pendant "des jours entiers [...] nu, à la cave et nu dans les toilettes". Il s'est également constitué partie civile. 
Par ordonnance du 22 juin 2011, la procédure pénale concernant les chefs de prévention de lésions corporelles simples, d'infraction contre l'honneur, de menace, de violation du devoir d'assistance et d'éducation, ainsi que de discrimination raciale a été classée par le Ministère public du canton du Valais. A.________ n'a pas recouru contre cette décision. 
Le 10 octobre 2011, le Procureur a ordonné l'ouverture d'une procédure pénale contre l'intimée pour séquestration et actes d'ordre sexuel avec des enfants. 
Par ordonnance du 7 décembre 2011, le Ministère public a classé la procédure concernant les deux chefs d'infraction susmentionnés. Il a constaté en substance que l'instruction n'avait pas permis d'établir la commission d'actes d'ordre sexuel par B.________ à l'encontre de son fils et que si ce dernier avait pu être enfermé dans les toilettes et à la cave par sa mère, le comportement de celle-ci n'avait alors rien d'illicite. 
 
B.  
Le 21 juin 2012, le Juge unique de la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan a rejeté le recours intenté par A.________ pour faire notamment annuler la décision de classement relative à l'infraction de séquestration. N'examinant que les faits survenus entre le 16 juin 1999 et la fin de l'année 1999, le Juge unique a retenu que sur le vu des circonstances - situation très conflictuelle, "problématique relationnelle majeure entre l'enfant et sa mère", ainsi qu'en particulier l'attitude et le comportement de A.________, atteint de schizophrénie -, les enfermements de ce dernier par sa mère aux toilettes, ainsi qu'à la cave et leur durée n'apparaissaient pas excéder le cadre approprié à cette situation, ni être incompatibles avec la recherche d'un but éducatif. 
 
C.  
Par acte du 16 juillet 2012, A.________ recourt contre cette décision et sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire. Celle-ci lui a été accordée par ordonnance du 23 juillet 2012. Me Stéphanie Künzi a été désignée comme avocate d'office et invitée, cas échéant, à déposer un mémoire complémentaire dans le délai légal. 
Le 17 août 2012, A.________, agissant par l'intermédiaire de sa mandataire, a complété son recours en matière pénale, requérant l'annulation des ordonnances du Juge unique et du Procureur. Il conclut en outre, à titre principal, à ce que B.________ soit reconnue coupable de séquestration et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause à l'Office central du Ministère public ou à la Chambre pénale. 
Invités à se déterminer, le Procureur a requis la confirmation de l'ordonnance du 21 juin 2012, tandis que le Juge unique n'a pas formulé d'observation. L'intimée conclut au rejet du recours, ainsi qu'à l'octroi d'une équitable indemnité. Le recourant a renoncé à déposer de nouvelles déterminations. 
 
 
 
 
Considérant en droit:  
 
1.  
La décision attaquée a été rendue dans le cadre d'une procédure pénale, de sorte que le recours en matière pénale au sens de l'art. 78 LTF est ouvert. 
 
1.1. S'agissant de la confirmation d'une décision de classement, l'arrêt attaqué a un caractère final (art. 90 LTF) et émane de l'autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF). Le recourant a agi en temps utile (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF).  
 
1.2. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO. Selon l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe notamment au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé contre une décision de classement, il n'est pas nécessaire que la partie plaignante ait déjà pris des conclusions civiles. En revanche, elle doit expliquer dans son mémoire quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé à moins que, compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée, l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté (ATF 138 IV 86 consid. 3 p. 87 s. et les références citées).  
 
1.3. En l'espèce, le recourant n'indique ni dans son recours manuscrit, ni dans le mémoire complémentaire adressé par son avocate, quelles seraient les conclusions civiles qu'il prendrait contre l'intimée si celle-ci devait être reconnue coupable de séquestration. Toutefois, le recourant s'est constitué partie civile dès le dépôt de la plainte pénale le 16 juin 2009 et dans son écriture du 16 juillet 2012, il a rappelé que sa mère lui avait "fait vivre un calvaire". Il ne fait donc aucun doute que l'un des buts poursuivis par le recourant est de pouvoir demander réparation à l'intimée pour les enfermements endurés durant son enfance. Dès lors, si la procédure devait aboutir à une condamnation de celle-ci, soit à la reconnaissance du caractère pénal du moyen de punition utilisé par l'intimée, son fils en tant que partie plaignante, serait légitimé à formuler une demande d'indemnité pour le tort moral qu'il prétend avoir subi (art. 49 CO). Il y a donc lieu d'admettre sa qualité pour recourir contre cette décision.  
 
1.4. Principalement, le recourant requiert la condamnation de l'intimée pour séquestration. Cette conclusion est irrecevable dès lors que l'objet de l'arrêt cantonal est limité à une ordonnance de classement. Le recourant demande aussi l'annulation de la décision du Juge unique et, à titre subsidiaire, le renvoi de la cause à l'une des autorités précédentes, entendant par ce biais que celle-ci donne suite à sa plainte pénale. Ces conclusions sont recevables au regard de l'art. 107 LTF.  
 
2.  
Le recourant reproche à la Chambre pénale une constatation inexacte des faits. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le recourant ne peut critiquer ceux-ci que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF), ce qu'il lui appartient d'exposer et de démontrer de manière claire et circonstanciée. La correction du vice soulevé doit en outre être susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 135 II 313 consid. 5.2.2 p. 322 s.). En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104 s.; 135 II 313 consid. 5.2.2 p. 322).  
 
2.2. En l'occurrence, le recourant soutient que les aveux de sa mère devant la police cantonale n'ont pas été pris en compte par le Juge unique et que ce dernier n'a ainsi fondé son raisonnement que sur les déclarations - "minimisées" - tenues ultérieurement par l'intimée. Tel n'est pas le cas puisque la Chambre pénale rappelle dans son jugement (p. 5) les différentes durées d'enfermement admises par la mère du recourant au cours de l'ensemble de la procédure. La cour cantonale précise en outre que ces variations n'influencent en rien son appréciation des circonstances ayant amené l'intimée à devoir enfermer son fils.  
Le grief relatif à l'établissement des faits doit donc être écarté. 
 
3.  
Le recourant se plaint d'une violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Il reproche à la Chambre pénale d'avoir retenu que l'intimée n'aurait pas outrepassé son droit parental de correction. Si le recourant reconnaît avoir été un enfant au comportement difficile, il estime que rien ne justifiait la durée des enfermements qu'il a subis; cela d'autant plus qu'il souffrait d'une grave maladie psychique. 
 
3.1. Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b), lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c), lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d) ou lorsqu'on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (let. e). L'art. 319 al. 2 CPP prévoit encore deux autres motifs de classement exceptionnels (intérêt de la victime ou consentement de celle-ci).  
Le principe "in dubio pro duriore" découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91; 186 consid 4.1 p. 190; 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288). 
 
3.2. Selon l'art. 183 ch. 1 al. 1 CP, celui qui, sans droit, aura arrêté une personne, l'aura retenue prisonnière ou l'aura, de toute autre manière, privée de sa liberté, sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Cette disposition réprime une infraction contre la liberté ( Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd. 2010, no 1 ad art. 183 CP, p. 726) et la contrainte consiste, dans le cas de la séquestration, dans le fait d'enlever à la personne la liberté de se rendre du lieu où elle se trouve en un autre lieu selon son libre choix. Il y a notamment séquestration si l'auteur maintient la personne à un endroit, par exemple en l'enfermant dans une pièce ( Bernard Corboz, op. cit., no 5 ss ad art. 183 CP, p. 727). Il n'y a toutefois pas d'infraction lorsqu'une personne est entravée dans sa liberté d'aller et venir sur la base d'une disposition légale. En particulier, la personne sous autorité parentale ou sous tutelle ne peut pas revendiquer une liberté de choix, n'étant pas libre de déterminer seule son lieu de résidence. Cependant, lorsque les parents l'enferment dans une chambre à des fins punitives, il faut examiner, au regard du droit de correction, s'ils ont agi avec ou sans droit au sens de l'art. 183 ch. 1 al. 1 CP ( Bernard Corbo z, op. cit., no 11 ad art. 183 CP, p. 728 s.).  
S'il paraît naturel que l'enfant soit appelé à se soumettre aux exigences raisonnables fixées par les parents pour atteindre les buts visés par l'éducation ("devoir d'obéissance"; Philippe Meier/Martin Stettler, Droit de la filiation, 4e éd. 2009, no 923, p. 529 s.), toute forme de violence et de traitement dégradant à l'égard des enfants est aujourd'hui réprouvée (ATF 129 IV 216 consid. 2.2 p. 220). Ainsi, en Suisse, tous les traitements dégradants et les moyens de correction qui portent atteinte à l'intégrité physique (voir sur cette question : ATF 134 IV 189), psychique ou spirituelle de l'enfant ou qui la mettent en danger sont considérés comme illicites (ATF 129 IV 216 consid. 2.3 p. 221). Sans trancher la question de savoir dans quelle mesure subsiste encore pour les détenteurs de l'autorité parentale le droit d'infliger de légères corrections corporelles, le Tribunal fédéral a rappelé que, pour une partie de la doctrine, si un droit de correction existe, il doit être la conséquence d'un comportement inadapté de l'enfant et intervenir dans un but éducatif (ATF 129 IV 216 consid. 2.34 p. 221 et les références citées). 
 
3.3. En l'espèce, la cour cantonale a retenu qu'au moment des faits, le recourant se comportait comme un "gamin intenable" en se fondant sur les propos tenus par le recourant lui-même. Le Juge unique a également constaté que la situation à domicile était très conflictuelle, qu'il existait une problématique relationnelle majeure entre l'enfant et sa mère, et que cette dernière était épuisée face à l'attitude et au comportement de son fils adoptif, atteint de schizophrénie et insensible aux nombreuses et coûteuses démarches entreprises par sa mère en vue de remédier à ses troubles. Le recourant ne remet d'ailleurs pas ces constatations en cause puisque dans son mémoire de recours, il reconnaît avoir été un enfant difficile. Ce faisant, le recourant admet implicitement que sa manière d'agir pendant son enfance était propre à engendrer une réaction de sa mère en vue notamment de lui faire adopter un autre comportement, étant par ailleurs reconnu qu'il ne saurait être reproché à un enfant âgé de 12 ans de n'avoir pas su à l'époque modifier son attitude.  
S'agissant de la durée des enfermements, le Juge unique a constaté que même l'hypothèse la plus défavorable pour l'intimée - soit les chiffres indiqués à la police - ne permettait pas de retenir qu'elle aurait excédé de manière illicite ses prérogatives de mère en matière d'éducation, au regard du contexte difficile de l'époque. L'autorité précédente relève en outre que la version soutenue par le recourant n'a nullement été corroborée par d'autres témoignages ou constatations pendant l'instruction. Durant celle-ci, le Procureur a par ailleurs entendu trois des témoins requis. Un rapport écrit du médecin traitant du recourant répondant aux questions posées par sa propre mandataire, figure au dossier. Le recourant n'a formulé aucune autre réquisition de preuve, que ce soit avant la clôture de l'instruction alors qu'il avait été invité à le faire ou dans son recours à la Chambre pénale. En soutenant que les durées d'enfermement subies étaient disproportionnées et donc illicites, le recourant entend substituer sa propre appréciation des circonstances à celle de l'autorité précédente. Une telle argumentation, appellatoire, est irrecevable (cf. consid. 2.1). 
Au regard du contexte familial conflictuel, les seules déclarations du recourant - nécessairement contestées par sa mère - ne sauraient suffire pour démontrer qu'une condamnation de l'intimée aurait été plus vraisemblable que son acquittement. Cela étant, l'appréciation à laquelle la Chambre pénale a procédé en confirmant l'ordonnance de classement rendue par le Ministère public valaisan n'apparaît pas contraire au droit fédéral. 
 
4.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Dès lors que le recourant a obtenu le bénéfice de l'assistance judiciaire, il n'est pas perçu de frais judiciaires. Me Stéphanie Künzi, avocate d'office, est rétribuée par la caisse du Tribunal fédéral. L'intimée, qui obtient gain de cause devant le Tribunal fédéral avec l'assistance d'une avocate, a droit à des dépens à la charge du recourant (art. 68 al. 2 LTF). 
 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Une indemnité de 1'500 fr. est allouée à titre d'honoraires à Me Stéphanie Künzi, avocate d'office, et sera versée par la caisse du Tribunal fédéral; il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Une indemnité de dépens de 1'500 fr. est allouée à l'intimée à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à l'Office central du Ministère public et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Juge unique de la Chambre pénale. 
 
Lausanne, le 19 juin 2013 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Fonjallaz 
 
La Greffière: Kropf