Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_35/2023
Arrêt du 19 juin 2023
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz,
Hänni, Hartmann et Ryter.
Greffière : Mme Kleber.
Participants à la procédure
Nouvelle Agence Economique et Financière SA, représentée par Maîtres Luc André et Benedetta S. Galetti,
recourante,
contre
Office fédéral de la Communication, Service de télécommunication et poste, rue de l'Avenir 44, 2503 Bienne.
Objet
Aide à la presse,
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 22 novembre 2022 (A-1414/2022).
Faits :
A.
Nouvelle Agence économique et Financière SA (ci-après: la société) est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Vaud depuis le 22 juin 2017. Son but social est "la production, la diffusion et la commercialisation d'informations à caractère général, en particulier politiques, économiques et financières. En outre, la société contribue activement à la formation de l'opinion, en priorité en Suisse romande [...]".
La société édite le journal "l'AGEFI" (AGence Economique et FInancière; ci-après: l'AGEFI ou le journal), lequel était, jusqu'en 2017, édité par une autre société.
B.
Le 7 janvier 2022, la société a adressé à l'Office fédéral de la communication (ci-après: l'Office fédéral) une demande d'aide à la presse sous forme d'un rabais de distribution.
Par décision du 21 février 2022, l'Office fédéral a rejeté cette demande, motif pris que l'AGEFI faisait partie de la presse spécialisée, qui n'avait pas droit au rabais de distribution.
Par arrêt du 22 novembre 2022, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours formé par la société contre cette décision.
C.
Nouvelle Agence économique et Financière SA forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 22 novembre 2022. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt querellé et, principalement, à l'octroi d'un rabais de distribution à compter du 1er janvier 2022 pour la distribution de l'AGEFI, ainsi que, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'Office fédéral pour qu'il accorde ce rabais et, plus subsidiairement, pour qu'il rende une nouvelle décision après avoir ordonné une expertise tendant à déterminer si le journal l'AGEFI doit être classé dans la catégorie des journaux de la presse spécialisée.
Le Tribunal administratif fédéral se réfère à son arrêt et ne formule pas d'observations. L'Office fédéral renonce à prendre position.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF). Il ne tombe pas sous le coup de l'art. 83 let. k LTF, selon lequel le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de subventions auxquelles la législation ne donnea pas droit. En effet, l'art. 16 al. 4 de la loi sur la poste du 17 décembre 2010 (LPO; RS 783.0) prévoit que des rabais de distribution
sont accordés à certaines publications. Le Tribunal fédéral a déjà considéré que cette disposition confère un droit au rabais si les conditions sont remplies (arrêt 2C_1034/2013 du 25 septembre 2014 consid. 1.1; sous les anciennes lois: ATF 129 III 35 consid. 4.1, puis arrêt 2C_568/2009 du 21 avril 2010 consid. 1).
1.2. Déposé en temps utile compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF), par la destinataire de l'arrêt attaqué qui a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celui-ci (art. 89 al. 1 LTF), le présent recours est recevable comme recours en matière de droit public.
2.
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'examine toutefois la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 146 I 62 consid. 3).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), hormis dans les cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF.
3.
La recourante dénonce une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.). Elle reproche au Tribunal administratif fédéral d'avoir refusé d'ordonner l'expertise qu'elle avait sollicitée.
3.1. Garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).
3.2. En l'occurrence, le Tribunal administratif fédéral a renoncé, par appréciation anticipée des preuves, à l'expertise demandée, estimant qu'elle n'était pas nécessaire pour établir les faits.
La recourante requiert une "expertise" pour déterminer si l'AGEFI relève de la presse spécialisée ou généraliste. Elle ne précise toutefois pas quel serait le profil de l'"expert" et sur quels éléments porterait son analyse. Le point de savoir ce que recouvre la notion de presse spécialisée est une question de droit, qui n'a pas à être déléguée à un "expert" et déterminer si l'AGEFI en relève est une question d'établissement des faits et d'appréciation des preuves. Pour la trancher, le Tribunal administratif fédéral a relevé qu'il disposait de plusieurs exemplaires de l'AGEFI, fournis par la recourante. La recourante ne démontre pas que d'autres moyens de preuve étaient nécessaires. C'est partant de manière soutenable que le Tribunal administratif fédéral a renoncé à d'autres mesures d'instruction et refusé d'ordonner une expertise. Le grief tiré de la violation du droit d'être entendu doit être rejeté.
4.
La recourante se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits.
4.1. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1).
4.2. La recourante fait valoir que l'état de fait a été établi en violation du droit, puisque, selon elle, le Tribunal administratif fédéral aurait violé son droit à la preuve en refusant une expertise. Le grief se confond avec celui tiré de la violation du droit d'être entendu, qui a déjà été rejeté (cf. supra consid. 3.2).
4.3. La recourante estime que le Tribunal administratif fédéral est tombé dans l'arbitraire en ne retenant pas que l'AGEFI était un journal d'information généraliste, traitant de vastes sujets s'adressant à un public élargi dans une zone régionale déterminée.
4.3.1. Se fondant sur les exemplaires de l'AGEFI fournis par la recourante, le Tribunal administratif fédéral a constaté que ce journal était divisé en plusieurs cahiers: "point fort", "entreprises", "macroéconomie", "politique", "repères", "acteurs", "marchés", "la der". Tous n'étaient pas présents dans chaque édition. Une partie de chaque parution était consacrée à des sujets plus variés que l'économie et la finance, comme la politique, en particulier les votations, la guerre en Ukraine et ses conséquences en Suisse, la pandémie, les relations suisses-UE, etc.. D'après les constats des précédents juges, la rubrique marché revêtait toutefois toujours une certaine importance. Les articles étaient en outre très souvent orientés vers le secteur économique. Certains titres parlaient d'eux-mêmes à cet égard ("la loi sur le cinéma, une opportunité pour l'économie"; "pourquoi les hôpitaux universitaires romands ont basculé dans le rouge vif"; "le bilan de la pandémie ne peut faire l'impasse sur l'économie"). Le Tribunal administratif fédéral a aussi constaté que les articles touchaient souvent des sujets actuels, mais complexes, en citant un article se référant à la philosophie kantienne et utilitariste en lien avec le don d'organes et la justice. Les articles moins orientés et plus ouverts, en particulier ceux présents dans la rubrique "acteurs" et la "der" ne représentaient qu'une modeste part de chaque édition et traitaient également de questions financières ou économiques.
4.3.2. Sur le vu de ces éléments de fait, non contestés, on ne voit pas en quoi le constat du Tribunal administratif fédéral selon lequel le journal AGEFI est fortement orienté vers la finance et l'économie et s'adresse à des lecteurs qui auront premièrement un intérêt pour ces deux sujets serait arbitraire. La recourante se plaint qu'il n'est pas suffisant de se référer aux titres de certains articles. Elle n'explique toutefois pas en quoi le contenu de ces articles différait de ce que leur titre annonçait, ce qui serait du reste pour le moins curieux. La recourante ne nie par ailleurs pas que la rubrique "marché" du journal représente une part importante de la publication. Enfin, elle ne montre pas que le public acheteur de l'AGEFI serait plus vaste que celui décrit par le Tribunal administratif fédéral. Elle échoue ainsi à établir l'arbitraire des constatations des précédents juges, dont il n'y a partant pas lieu de s'écarter. La recourante admet même que l'AGEFI adopte un "prisme économique et financier". Le point de savoir si, comme elle le prétend, le point de vue économique et financier de l'AGEFI n'exclut pas de classer ce journal dans la catégorie de la presse généraliste relève du droit et est examiné ci-après (cf. infra consid. 7.3). Le Tribunal fédéral fondera son analyse uniquement sur la base des faits constatés dans l'arrêt attaqué (art. 105 al. 1 LTF).
5.
Le litige porte sur le point de savoir si l'AGEFI a droit au rabais de distribution.
5.1. En vertu de l'art. 16 al. 3 à 5 LPO (citée supra consid. 1.1), les tarifs d'acheminement des journaux et périodiques en abonnement sont fixés indépendamment de la distance; ils correspondent à ceux pratiqués dans les grandes agglomérations (al. 3); des rabais sont notamment accordés pour la distribution des quotidiens et hebdomadaires de la presse locale et régionale (al. 4 let. a). Aucun rabais n'est accordé pour la distribution de titres faisant partie d'un réseau de têtières dont le tirage global est supérieur à 100 000 exemplaires. Le Conseil fédéral peut fixer d'autres critères, tels la zone de diffusion, la fréquence de parution, la part rédactionnelle ou l'interdiction d'une promotion prépondérante de produits ou de prestations (al. 5).
Compte tenu de la délégation de l'art. 16 al. 5 LPO, le Conseil fédéral a édicté l'art. 36 de l'ordonnance sur la poste du 29 août 2012 (OPO; RS 783.01; cf. arrêt 2C_1034/2013 du 25 septembre 2014 consid. 4.1). Selon l'alinéa 1 de cette disposition:
"1. Afin de maintenir une presse régionale et locale diversifiée, la Poste octroie des rabais sur la distribution. Ont droit à un rabais sur la distribution les quotidiens et les hebdomadaires visés à l'art. 16, al. 4, let. a, LPO. Sont considérés comme relevant de la presse régionale et locale les quotidiens et les hebdomadaires:
a. qui sont en abonnement;
b. qui sont remis à la Poste pour la distribution régulière;
c. qui sont diffusés principalement en Suisse;
d. qui paraissent au moins une fois par semaine;
e. qui ne servent pas de manière prépondérante à des fins commerciales ou à la promotion de produits ou de prestations;
f. qui comprennent une partie rédactionnelle représentant 50 % au moins de l'ensemble de la publication;
g. qui ne font pas partie de la presse associative, ni de la presse des fondations, ni de la presse spécialisée ou professionnelle;
h. qui ne relèvent pas majoritairement du domaine public;
i. qui ne sont pas publiés par une autorité étatique;
j. qui sont payants;
k. qui ont un tirage moyen compris entre 1000 et 40 000 exemplaires par édition, certifié par un organe de contrôle indépendant et reconnu;
l. qui ne font partie d'aucun réseau de têtières dont le tirage global moyen est supérieur à 100 000 exemplaires par édition, le tirage global correspondant à la somme des tirages certifiés des têtières et du titre principal par édition et devant être certifié par un organe de contrôle indépendant et reconnu; et
m. qui pèsent 1 kg au plus, encarts compris."
5.2. En l'espèce, la seule condition litigieuse est celle de la lettre g, selon laquelle les quotidiens et hebdomadaires (ci-après, par simplification, les journaux) de la presse spécialisée ou professionnelle ne relèvent pas de la presse locale ou régionale ayant droit au rabais de distribution.
6.
La recourante fait valoir que le Conseil fédéral a violé le principe de la légalité (art. 5 Cst.), en fixant comme condition d'octroi du rabais de distribution l'exigence que le journal ne fasse pas partie de la presse spécialisée. D'après elle, le législateur aurait entendu revenir, dans la loi sur la poste de 2010 actuellement en vigueur, au système d'aide à la presse antérieur à 2008, dans lequel la presse spécialisée avait droit au rabais de distribution.
6.1. Le Tribunal fédéral peut examiner à titre préjudiciel la légalité et la constitutionnalité d'ordonnances du Conseil fédéral. Il examine en principe librement la légalité et la constitutionnalité des ordonnances, dites dépendantes, de cette autorité qui reposent sur une délégation législative. Il analyse, dans un premier temps, si l'ordonnance reste dans les limites des pouvoirs conférés par la loi au Conseil fédéral, mais il ne peut pas contrôler si la délégation elle-même est admissible. Si l'ordonnance est conforme à la loi, il examine, dans un second temps, sa conformité à la Constitution, à moins que la loi permette d'y déroger (ATF 148 II 444 consid. 6.2; 146 II 56 consid. 6.2.2 et les arrêts cités).
6.2. La critique de la recourante nécessite de récapituler les régimes successifs d'aide indirecte à la presse.
6.2.1. L'art. 15 de la précédente loi fédérale sur la poste (loi fédérale du 30 avril 1997 sur la poste; aLPO; RO 1997 2452) prévoyait, dans sa teneur initiale, que la poste appliquait des tarifs préférentiels aux journaux, en particulier à ceux de la presse locale et régionale, et aux périodiques en abonnement (disposition qui reprenait l'art. 10 al. 1bis de la loi fédérale du 2 octobre 1924 sur le service des postes [RO 41 333; RS 7 752] introduit le 1er janvier 1996 [RO 1995 5489; FF 1994 II 853]). La Confédération indemnisait annuellement la poste pour les coûts non couverts, à hauteur de 100 millions de francs. Le principal critère de fixation des prix résidait dans la fréquence de parution (cf. art. 11 de l'ordonnance sur la poste du 29 octobre 1997 [RO 1997 2461], puis art. 38 de l'ordonnance du 26 novembre 2003 [RO 2003 4753]). Ainsi, en pratique, les titres à grand tirage comme les petits profitaient des tarifs préférentiels, qui étaient en outre accordés non seulement à la presse politique quotidienne, qui commente l'actualité locale ou régionale, mais aussi à des publications spécifiques (religion, musique, sport, etc..) et aux publications associatives, y compris de grands organes (Coop, Migros, Touring), ce qui valait au système d'être affublé du nom de système "arrosoir" (cf. Initiative parlementaire, Médias et démocratie. Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national [CIP-N] du 3 juillet 2003, FF 2003 4841, 4856, 4853 [ci-après: rapport CIP-N 2003]; Message du Conseil fédéral à l'appui de mesures visant à alléger les finances fédérales du 30 septembre 2002, FF 2002 6482, 6485, 6489).
6.2.2. En 2004, le montant accordé à l'aide indirecte a été bloqué à 80 millions de francs par année et l'aide limitée au 31 décembre 2007 (modification de la LPO du 13 décembre 2002, entrée en vigueur le 1er janvier 2004; RO 2003 784). A la même période, la proposition d'élaborer une disposition constitutionnelle consacrant un encouragement direct à la presse échoua devant le Parlement (BO CE 2004 553; BO CN 2005 417).
6.2.3. Vu l'échec de la disposition constitutionnelle et l'échéance à fin 2007 du mécanisme en place, la CIP-N proposa début 2007 un nouvel art. 15 aLPO, prévoyant un système d'aide à deux niveaux, avec l'octroi de prix préférentiels pour la distribution des journaux et périodiques en abonnement et l'octroi de rabais supplémentaires pour la presse locale et régionale, pour un total de 80 millions de francs annuels (Initiative parlementaire: encouragement de la presse par une participation aux frais de distribution, rapport de la CIP-N du 15 février 2007, FF 2007 1497, 1508 à 1511; cf. aussi avis du Conseil fédéral du 28 février 2007, FF 2007 2399). Le Parlement n'a finalement pas suivi cette proposition initiale, mais opté pour un mécanisme d'aide plus ciblée pour la presse régionale et locale, d'une part, et pour la presse associative, d'autre part, abandonnant le système dit de l'arrosoir et réduisant les montants globaux alloués à un total de 30 millions de francs annuels (voir objet no 06.425; BO 2007 E 422 ss; BO 2007 N 1000 ss; voir en particulier Roth-Bernasconi, BO 2007 N 1000; Fehr, BO 2007 N 1001). Parmi les critères cumulatifs à remplir pour obtenir le rabais de distribution alloué à la presse régionale et locale, le législateur a notamment introduit dans la loi la condition que le quotidien ou l'hebdomadaire ne fasse pas partie de la presse spécialisée (art. 15 al. 2 let. e aLPO). Le nouvel art. 15 aLPO est entré en vigueur le 1er janvier 2008 (RO 2007 5645; FF 2007 1497).
Sur le fondement de cette disposition, le Tribunal fédéral a, dans un arrêt 2C_568/2009 du 21 avril 2010, retenu que l'AGEFI, en tant que journal spécialisé, ne pouvait pas bénéficier du rabais de distribution.
6.2.4. Le 20 mai 2009, le Conseil fédéral a soumis au Parlement un projet de révision totale de la loi sur la poste (FF 2009 4649). S'agissant de l'aide à la presse, la proposition indique que le système est maintenu selon ce qui avait été décidé en 2007 par le Parlement, sans changement sur le fond par rapport à la réglementation en vigueur (FF 2009 4690, 4712). Il est précisé que "le Conseil fédéral définit dorénavant dans l'ordonnance les journaux et périodiques pouvant bénéficier des rabais. Il reprend les définitions de l' art. 15 al. 2 et 3 LPO " (FF 2009 4690, 4712).
Lors des débats parlementaires, la limitation dans le temps de l'aide indirecte que proposait le Conseil fédéral a été abrogée et le montant global alloué à l'aide porté à 50 millions au lieu de 30 millions de francs. Le Parlement a en outre exclu de l'aide les titres faisant partie d'un réseau de têtières dont le tirage total dépasse 100'000 exemplaires (cf. objet no 09.049, synthèse, disponible sur: https://www.parlament.ch/ fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20090049). Pour le surplus, il a confirmé le projet du Conseil fédéral, fondé sur le modèle entré en vigueur en 2008.
6.2.5. Il découle de ce qui précède que la loi sur la poste de 2010 a repris et reconduit le système d'aide indirecte ciblée à la presse tel qu'introduit par le législateur en 2008 (cf. aussi arrêt 2C_316/2015 du 2 novembre 2015 consid. 3.3.3). L'une des principales motivations du changement de 2008 était de ne plus soutenir la presse à grand tirage. Cela étant, contrairement à ce que prétend la recourante, qui tronque les documents et débats parlementaires qu'elle cite, le législateur n'a pas décidé que la seule condition d'octroi du rabais de distribution serait liée au nombre de tirages, ni en 2008, ni en 2010. En 2008, il a énoncé directement dans la loi les conditions cumulatives à remplir pour bénéficier de l'aide. En 2010, il a délégué la compétence au Conseil fédéral de fixer ces conditions, en donnant à l'art. 16 al. 5 LPO une liste exemplative de critères pouvant être pris en compte (zone de diffusion, fréquence de parution, etc..). Dès lors que le législateur a entendu pérenniser le système mis en place en 2008, le Conseil fédéral n'a pas méconnu le principe de la légalité en reprenant dans l'ordonnance sur la poste l'exclusion de la presse spécialisée qui figurait à l'art. 15 al. 2 let. e aLPO.
7.
La recourante fait valoir que la notion de presse spécialisée vise en réalité la presse professionnelle. L'AGEFI devrait être, en tout état, considéré dorénavant comme un journal d'information généraliste.
7.1. Le Tribunal fédéral a précisé la notion de presse spécialisée dans l'arrêt 2C_568/2009 du 21 avril 2010 consid. 2.2, rendu en application de l'art. 15 al. 2 let. e aLPO. Cette définition garde toute sa pertinence sous le nouveau droit (cf. supra consid. 6.2.5). Par presse spécialisée, il faut entendre une presse "qui présente un ensemble d'informations, de connaissances et d'opinions approfondies sur un objet d'étude limité qui visent un nombre limité de lecteurs reliés entre eux par des centres d'intérêts particuliers" (arrêt 2C_568/2009 du 21 avril 2010 consid. 2.2).
La question de savoir si un journal fait partie de la presse spécialisée doit s'analyser en fonction des circonstances du cas d'espèce et finalement sur l'impression générale qui se dégage du journal (arrêt 2C_568/2009 du 21 avril 2010 consid. 2.2, renvoyant à ATF 120 Ib 150 consid. 2c).
7.2. Le rapport explicatif relatif à l'ordonnance sur la poste du 29 août 2012 du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (disponible sur: https://www.bakom. admin.ch) précise que la presse spécialisée ou professionnelle "s'adresse à un cercle restreint de lecteurs ayant des intérêts communs dans un domaine spécifique. Pour la presse spécialisée ou professionnelle, la distinction s'opère en fonction des destinataires. Tandis que la presse spécialisée s'adresse en premier lieu à des particuliers ayant des intérêts spécifiques, la presse professionnelle est plutôt destinée à des professionnels" (p. 20 s.).
7.3. D'emblée, on relève que la distinction entre presse spécialisée et presse professionnelle est relative au public cible (particuliers ou professionnels) et non aux sujets traités comme le présente la recourante. Dans les deux cas, il s'agit d'un public limité, par opposition au public large de la presse généraliste locale et régionale pouvant prétendre au rabais de distribution. La recourante ne peut donc rien déduire en sa faveur de cette distinction.
Pour le reste, le Tribunal administratif fédéral a retenu, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF), que l'AGEFI traite de thèmes économiques et financiers, que la rubrique "marchés" occupe une part importante du journal, que si des sujets plus variés sont abordés, cela reste dans une perspective économique et financière et que les acheteurs potentiels du journal, de même que ses abonnés, seront ceux qui ont principalement un intérêt pour l'économie et la finance. Sur le vu de ces éléments de fait, la conclusion selon laquelle l'AGEFI relève (toujours) de la presse spécialisée ne prête pas le flanc à la critique. Quoi qu'en pense la recourante, il ne suffit pas que les thèmes abordés soient actuels pour retenir que le titre est généraliste. En outre, le fait que la recourante ait pour but social la production d'informations à caractère général ne permet pas à lui seul de classer le journal qu'elle édite en tant que titre de la presse locale et régionale ayant droit au rabais de distribution. Enfin, la recourante ne peut rien déduire du parallèle avec le journal Vigousse, dont le caractère généraliste n'a pas été remis en cause (cf. arrêt 2C_1034/2013 du 25 septembre 2014). Ce titre est un journal satirique. Il s'agit d'un ton donné à l'information et non d'une perspective thématique.
7.4. En conclusion, Le Tribunal administratif fédéral n'a pas violé le droit en retenant que l'AGEFI relevait de la presse spécialisée, ce qui l'exclut du droit au rabais de distribution.
8.
La recourante dénonce une violation de la liberté des médias (art. 17 Cst.; art. 10 CEDH). Ce grief n'a pas été invoqué devant le Tribunal administratif fédéral. Il est admissible dans la mesure où la recourante se fonde sur les faits constatés et n'élargit pas l'objet du litige (cf. ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 et 4.4.6).
8.1. Le Tribunal fédéral peut examiner à titre préjudiciel la constitutionnalité d'ordonnances du Conseil fédéral (cf. supra consid. 6.1). Lorsque la délégation législative est relativement imprécise et que, par la force des choses, elle donne au Conseil fédéral un large pouvoir d'appréciation, cette clause s'impose au Tribunal fédéral en vertu de l'art. 190 Cst. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral doit se borner à examiner si les dispositions incriminées sortent manifestement du cadre de la délégation de compétence donnée par le législateur à l'autorité exécutive ou si, pour d'autres motifs, elles sont contraires à la loi ou à la Constitution; il n'est pas habilité à substituer sa propre appréciation à celle du Conseil fédéral. Il se limite à vérifier si la disposition litigieuse est propre à réaliser objectivement le but visé par la loi, sans se soucier, en particulier, de savoir si elle constitue le moyen le plus approprié pour atteindre ce but. Il ne revient pas au Tribunal fédéral d'examiner l'opportunité de l'ordonnance ou de prendre position au sujet de l'adéquation politique, économique ou autre d'une disposition d'une ordonnance (ATF 148 II 444 consid. 6.2; 146 II 56 consid. 6.2.2 et les arrêts cités).
8.2. A teneur de l'art. 10 par. 1 CEDH, toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Selon l' art. 17 al. 1 et 2 Cst. , la liberté de la presse, de la radio et de la télévision, ainsi que des autres formes de diffusion de productions et d'informations ressortissant aux télécommunications publiques est garantie (al. 1) et la censure est interdite (al. 2). La liberté de la presse concrétise la liberté d'opinion et d'information en protégeant spécifiquement le droit de chacun de diffuser ses opinions dans le public au moyen des produits d'imprimerie (ATF 120 Ib 142 consid. 3a; 113 Ia 309 consid. 4b). Les personnes morales peuvent aussi s'en prévaloir (cf. BERTIL COTTIER, in Commentaire romand de la Constitution fédérale, 2021, no 11 ad art. 17 Cst.).
Les mesures indirectes étatiques d'encouragement à la presse sous forme de taxes postales préférentielles ne portent pas atteinte à la liberté de la presse, pour autant que les critères d'octroi n'influencent pas le contenu du produit (cf. ATF 120 Ib 142 consid. 3a). En revanche, tout critère de financement pouvant conduire de quelque façon que ce soit à influer sur le contenu n'est admissible que si les conditions de l'art. 36 Cst. sont réunies (cf. Initiative parlementaire Médias et démocratie, rapport CIP-N 2003 précité, p. 4862).
8.3. La recourante prétend qu'exclure la presse spécialisée de l'aide indirecte revient à lui dicter un contenu déterminé. Pour bénéficier de l'aide, le journal l'AGEFI serait, selon elle, contraint de s'autocensurer.
Le critère d'exclusion de l'aide indirecte "ne pas faire partie de la presse spécialisée" porte sur le type de publication et le public cible. Le critère demeure très large. Il ne dicte pas la manière de traiter un sujet. Si le journal l'AGEFI abordait une plus grande variété de thèmes avec un regard plus large que celui de l'économie et de la finance et était ainsi susceptible de toucher un plus grand public, une analyse approfondie des thèmes économiques et financiers n'empêcherait pas l'octroi du rabais de distribution. La recourante n'est ainsi nullement censurée dans sa manière de traiter l'information. Le grief tiré de la violation de la liberté de la presse est rejeté.
9.
La recourante dénonce aussi une violation de la liberté économique (art. 27 Cst.), du principe de l'égalité de traitement entre concurrents (art. 8 Cst. et 27 Cst.) et de celui de la neutralité de l'Etat (art. 94 Cst.).
9.1. L'art. 27 Cst. garantit la liberté économique (al. 1), en particulier le libre choix d'une profession, le libre accès à une activité lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Selon l'art. 94 al. 1er Cst., la Confédération et les cantons respectent le principe de la liberté économique. Alors que l'art. 27 Cst. protège le droit individuel à la liberté économique, l'art. 94 Cst., à titre de maxime fondamentale d'un ordre économique fondé sur l'économie de marché, protège la dimension institutionnelle ou systémique de la liberté économique. Ces deux aspects sont étroitement liés et ne sauraient être abordés séparément (ATF 145 I 183 consid. 4.1.1; 143 I 388 consid. 2.1).
La liberté économique englobe aussi le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique, en vertu duquel les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les concurrents directs sont prohibées. On entend par concurrents directs les membres de la même branche qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins (ATF 148 II 121 consid. 7.1; 145 I 183 consid. 4.1.1).
9.2. Le respect de la neutralité concurrentielle n'interdit pas à l'Etat d'encourager la presse, mais ne lui impose pas non plus d'octroyer une aide indifférenciée à tous les produits de la presse (ATF 120 Ib 142 consid. 3c/aa). L'Etat jouit à cet égard d'une marge de manoeuvre plus importante que lorsqu'il impose des restrictions. Il est libre d'encourager la presse, tant qu'il ne porte pas atteinte par ce biais à la liberté d'expression et d'opinion (cf. supra consid. 8.1) et qu'il se fonde sur des critères objectifs et non discriminatoires (ATF 120 Ib 142 consid. 3c/aa).
9.3. L'objectif fondamental de l'aide (indirecte) à la presse est de concourir à la diversité médiatique nécessaire pour garantir le débat démocratique (cf. ATF 129 III 35 consid. 4.2; 120 Ib 142 consid. 4b/bb; arrêts 2C_1034/2013 du 25 septembre 2014 consid. 7.1; 2C_568/2009 du 21 avril 2010 consid. 2.2; cf. art. 36 al. 1 OPO; cf. Rapport CIP-N 2003 précité 4855, 4857). Depuis 2008, le législateur a choisi un système d'aide ciblée à la presse locale et régionale et à la presse associative, tout en réduisant les montants globaux alloués à cette aide (cf. supra consid. 6.2.3 et 6.2.4). C'est à l'aune de cet objectif et de ces conditions que l'exclusion de la presse spécialisée doit être examinée.
9.4. En l'occurrence, l'AGEFI, en tant que journal de la presse spécialisée dans le domaine financier et économique, ne fournit pas le même produit qu'un journal régional généraliste d'information et ne s'adresse pas au même public. En ce sens, il n'est donc pas dans la même situation qu'un journal généraliste (cf., pour les journaux en abonnement ou gratuits: ATF 120 Ib 142 consid. 3c). Les deux situations n'étant pas semblables, il n'est pas contraire à l'égalité de traitement de les traiter différemment. Au surplus, dans la mesure où la presse spécialisée s'adresse à un cercle plus restreint de lecteurs, elle est moins susceptible de favoriser le débat démocratique que la presse locale et régionale généraliste (cf. arrêt 2C_568/2009 du 21 avril 2010 consid. 2.2). L'exclure des rabais de distribution à la presse régionale et locale est par conséquent propre à atteindre le but visé par l'aide indirecte à la presse, dans un système d'aide indirecte ciblée tel que l'a mis en place le législateur depuis 2008.
Les griefs tirés de la violation des art. 8, 27 et 94 Cst. sont rejetés.
10.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, à l'Office fédéral de la communication et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.
Lausanne, le 19 juin 2023
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : E. Kleber