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Eidgenössisches Versicherungsgericht 
Tribunale federale delle assicurazioni 
Tribunal federal d'assicuranzas 
 
Cour des assurances sociales 
du Tribunal fédéral 
 
Cause {T 7} 
I 353/05 
 
Arrêt du 19 juillet 2006 
IVe Chambre 
 
Composition 
MM. les Juges Ursprung, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Métral 
 
Parties 
Office cantonal AI Genève, rue de Lyon 97, 1203 Genève, recourant, 
 
contre 
 
A.________, intimée, représentée par Me Jacques Borowsky, avocat, rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève 
 
Instance précédente 
Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève 
 
(Jugement du 30 mars 2005) 
 
Faits: 
A. 
A.________, née en 1958, mariée et mère de deux filles nées en 1977 et 1985, a travaillé essentiellement comme femme de chambre et femme de ménage, à mi-temps. Depuis 1981, elle souffre de cervicalgies et douleurs inter-scapulaires, associées à une importante asthénie. Elle a par ailleurs développé un trouble dépressif depuis 1992, en raison duquel elle a été hospitalisée du 12 au 24 juillet 1994 à la Clinique X.________. De 1994 à 1999, elle a consulté le docteur C.________, psychiatre, qui a attesté plusieurs périodes d'incapacité de travail (100 % du 18 juin au 1er août 1994, du 15 octobre 1994 au 2 avril 1995, du 20 novembre 1996 au 6 décembre 1996, du 7 octobre au 15 décembre 1997 et du 15 avril 1998 au 31 août 1998; 50 % du 16 décembre 1997 au 14 avril 1998). Depuis le 1er septembre 1998, il atteste une incapacité de travail de 70 %, pour une durée indéterminée (rapport du 29 décembre 1998). A.________ a également consulté le docteur K.________, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, dès le mois d'août 1994. Celui-ci a attesté une incapacité de travail de 70 %, dès le mois de juillet 1998, en raison d'un trouble dépressif récurrent et de rachialgies diffuses, avec scapulalgies bilatérales; il a précisé que l'affection psychique dominait le tableau clinique et jouait un rôle prépondérant dans l'incapacité de travail, les radiographies de la colonne cervicale et dorsale n'ayant pas mis en évidence d'atteinte pouvant expliquer l'ampleur des douleurs (rapport du 24 novembre 1998). 
 
A.________ a présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 26 octobre 1998. En 1999, elle a encore consulté sept fois le docteur K.________, en présentant toujours les mêmes plaintes (rapport du 23 juin 2000 de ce praticien). Par la suite, dès le mois de novembre 1999, elle a changé de médecin traitant et consulté le docteur L.________, qui a posé le diagnostic de syndrome somatoforme douloureux et attesté une incapacité de travail de 50 % (rapport du 4 octobre 2000). Il a adressé l'assurée à une psychologue, D.________, qui a notamment fait état d'une personnalité pré-psychotique, avec une importante angoisse de morcellement (rapport du 28 septembre 2000). 
 
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'Office AI) a confié un mandat d'expertise au Centre d'observation médical de l'assurance-invalidité (COMAI). Les docteurs P.________, U.________ et S.________, s'appuyant notamment sur un examen psychiatrique pratiqué par la doctoresse I.________, ont attesté une incapacité de travail de 70 % dans toute activité professionnelle, en raison d'un syndrome douloureux somatoforme persistant se manifestant principalement par des rachialgies, d'une personnalité borderline de type impulsif et d'un trouble dépressif récurrent, stabilisé à l'époque de l'expertise; ils ont également posé les diagnostics de troubles statiques et dégénératifs débutants du rachis ainsi que d'excès pondéral, en niant qu'ils aient une influence essentielle sur la capacité de travail de l'assurée (rapport du 1er octobre 2002). 
 
A réception de l'expertise, l'Office AI a rejeté la demande de prestations d'A.________, par décision du 11 avril 2003 et décision sur opposition du 25 août 2003. 
B. 
L'assurée a déféré la cause au Tribunal des assurances sociales du canton de Genève. Les juges cantonaux ont considéré que même sans atteinte à la santé, l'assurée n'aurait pas exercé d'activité lucrative à plus de 50 %; il convenait par conséquent que l'Office AI détermine la capacité résiduelle de la recourante à exercer ses activités habituelles. Les juges cantonaux ont considéré, par ailleurs, que l'assurée subissait une diminution de sa capacité de travail de 25 % au moins depuis 1994 et de 70 % depuis le mois de juillet 1998, contrairement à l'opinion de l'Office AI, qui avait nié toute incapacité de travail. La juridiction cantonale a donc admis le recours, sous suite de dépens, et renvoyé la cause à l'Office AI pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants, par jugement du 30 mars 2005. 
C. 
L'Office AI interjette un recours de droit administratif contre ce jugement, dont il demande l'annulation. L'intimée conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Elle demande également la désignation de son mandataire en qualité d'avocat d'office. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
Considérant en droit: 
1. 
Le litige porte sur le point de savoir si une instruction complémentaire par l'Office AI est nécessaire pour fixer le droit aux prestations ou si, comme le soutient en substance le recourant, ce droit doit être nié d'emblée, en l'absence d'atteinte à la santé de nature à entraîner l'incapacité de travail de l'intimée ou à l'empêcher d'exercer ses activités habituelles. 
2. 
Selon l'art. 132 OJ, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 30 juin 2006 (RO 1969 p. 801), en relation avec les art. 104 et 105 OJ, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances, dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, n'est pas limité à la violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction inférieure et peut s'écarter des conclusions des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci. 
 
La loi fédérale du 16 décembre 2005 portant modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité est entrée en vigueur le 1er juillet 2006 (RO 2006 2003) et entraîne des modifications des art. 132 et 134 OJ. Toutefois, conformément aux dispositions transitoires figurant au ch. II let. c de la fédérale du 16 décembre 2005, la présente procédure reste soumise aux dispositions de l'OJ telles qu'en vigueur jusqu'au 30 juin 2006, dès lors qu'elle était déjà pendante devant le Tribunal fédéral des assurances le 1er juillet 2006. 
3. 
Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 consid. 2b [arrêt P. du 31 janvier 2000, I 138/98] et les références; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine). 
La reconnaissance de l'existence de troubles somatoformes douloureux persistants suppose d'abord la présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu (cf. ATF 130 V 398 ss consid. 5.3 et consid. 6). Comme pour toutes les autres atteintes à la santé psychique, le diagnostic de troubles somatoformes douloureux persistants ne constitue pas encore une base suffisante pour conclure à une invalidité. Au contraire, il existe une présomption que les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets peuvent être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible. Le caractère non exigible de la réintégration dans le processus de travail peut résulter de facteurs déterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendent la personne incapable de fournir cet effort de volonté. Dans un tel cas, en effet, l'assuré ne dispose pas des ressources nécessaires pour vaincre ses douleurs. La question de savoir si ces circonstances exceptionnelles sont réunies doit être tranchée de cas en cas à la lumière de différents critères. Au premier plan figure la présence d'une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée. D'autres critères peuvent être déterminants. Ce sera le cas des affections corporelles chroniques (dont les manifestations douloureuses ne se recoupent pas avec le trouble somatoforme douloureux), d'un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologie inchangée ou progressive), d'une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, d'un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, résultant d'un processus défectueux de résolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vue psychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie), de l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art (même avec différents types de traitements), cela en dépit de l'attitude coopérative de la personne assurée (ATF 130 V 352). 
 
Plus ces critères se manifestent et imprègnent les constatations médicales, moins on admettra l'exigibilité d'un effort de volonté (Meyer-Blaser, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, in : Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, St Gall 2003, p. 77). En revanche, d'autres circonstances constituent plutôt des indices du caractère exigible d'un tel effort. Parmi elles figurent la divergence entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (ATF 131 V 50 sv. consid. 1.2). 
4. 
4.1 Le recourant conteste la valeur probante des constatations des docteurs P.________, U.________ et I.________ relatives à la capacité de travail résiduelle de l'intimée, au motif que les critères posés par la jurisprudence pour l'admission du caractère invalidant de troubles somatoformes douloureux ne seraient pas remplis. En particulier, l'intimée ne présenterait pas de comorbidité psychiatrique, ou du moins cette comorbidité ne revêtirait pas l'intensité requise, dès lors qu'elle n'a pas entraîné d'incapacité de travail avant 1994. Un profit primaire tiré de la maladie ne ressortirait pas des explications fournies par les experts, qui n'auraient pas davantage mis en évidence de retrait social net, l'intimée maintenant une relation très étroite avec sa famille. L'affirmation des experts d'après laquelle cette relation avec sa famille constitue le seul soutien de l'intimée, sans lequel elle risquerait de s'effondrer, démontre selon le recourant que toutes ses ressources ne sont pas épuisées, grâce au soutien de son entourage. Enfin, le recourant considère que tous les traitements entrepris n'ont pas échoué, certains d'entre eux ayant apporté une amélioration temporaire, et souligne la mauvaise compliance de l'intimée aux traitements prescrits. 
4.2 Les docteurs P.________, U.________ et I.________ ont attesté une incapacité de travail de 70 % en raison notamment de troubles somatoformes douloureux et d'une personnalité borderline de type impulsif. Contrairement à ce que soutient le recourant, ce trouble de la personnalité constitue bien une comorbidité psychiatrique, dont les experts du COMAI ont mis en évidence qu'elle durait depuis de nombreuses années et qu'elle était en l'occurrence relativement marquée, au point de rendre difficile toute relation thérapeutique et de compromettre dans une large mesure les relations entre l'intimée et son entourage social, hormis avec ses deux filles (sur ces difficultés, voir également le rapport du 4 octobre 2000 du docteur L.________). Dans ce contexte, le fait que cette atteinte n'était pas grave, selon le recourant, au point d'entraîner directement une incapacité de travail avant le développement d'un trouble somatoforme douloureux n'est pas un critère pertinent pour exclure désormais, en relation avec ce trouble somatoforme, son influence sur la capacité de travail de l'intimée. Par ailleurs, les conclusions des experts sont corroborées dans une large mesure par les constatations de la psychologue D.________, qui a fait état d'une personnalité pré-psychotique et décrit le mécanisme par lequel les plaintes douloureuses constituent une réponse de l'assurée à sa fragilité psychologique (profit primaire tiré de la maladie). 
 
En ce qui concerne les autres critères posés par la jurisprudence relative au caractère invalidant de troubles somatoformes douloureux, on relèvera, quoi qu'en dise le recourant, l'absence d'amélioration significative de l'état de santé de l'assurée depuis de nombreuses années et un retrait social certain, malgré la bonne relation de l'intimée avec ses deux filles. L'intimée a divorcé d'un premier époux en 1993; remariée en 1998, elle a limité ses relations, pour l'essentiel, au cercle familial, mais a progressivement vu ses rapports avec son second époux se détériorer, au point qu'une procédure de divorce était en cours en 2003. C'est dire que le recourant surestime les ressources psychiques que l'intimée puiserait encore dans ses relations familiales. De même attribue-t-il une importance trop importante à la mauvaise compliance médicamenteuse de l'intimée, que les experts ont mis sur le compte du trouble de la personnalité dont elle est atteinte. A cet égard, si une meilleure compliance serait, certes, souhaitable, les médecins n'en attendent manifestement pas une amélioration déterminante de l'état de santé psychique de la recourante. 
4.3 Vu ce qui précède, les critiques du recourant à l'encontre du rapport établi par les docteurs P.________, U.________ et I.________ ne suffisent pas à mettre en cause sa valeur probante. Cela vaut d'autant plus qu'aucun des médecins invités par l'Office AI à examiner l'assurée en vue de déterminer sa capacité de travail résiduelle n'a véritablement contredit les constatations de ces praticiens. Le rapport qui s'éloigne le plus de ces conclusions est celui du docteur L.________, qui atteste néanmoins 50 % d'incapacité de travail en raison des troubles psychiques de l'assurée. Vu le caractère notablement plus complet de l'expertise du COMAI, il n'y a pas lieu de s'en écarter. 
 
5. 
5.1 Hormis ce qui précède, le recourant ne conteste pas le renvoi auquel ont procédé les premiers juges en vue de la mise en oeuvre d'une enquête ménagère. Il n'y a pas lieu de revenir sur cet aspect du jugement entrepris, qui est convaincant eu égard notamment aux déclarations de l'intimée relative à son taux d'activité en l'absence d'atteinte à la santé. 
5.2 La procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, de sorte qu'elle est gratuite (art. 134 OJ, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 30 juin 2006; consid. 2 supra). Par ailleurs, l'intimée peut prétendre une indemnité de dépens à la charge du recourant (art. 159 al. 1 OJ), ce qui rend sans objet ses conclusions tendant à l'octroi de l'assistance judiciaire. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Il n'est pas perçu de frais de justice. 
3. 
Le recourant versera à l'intimée la somme de 2000 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale. 
4. 
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
Lucerne, le 19 juillet 2006 
Au nom du Tribunal fédéral des assurances 
 
Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier: