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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1351/2023  
 
 
Arrêt du 19 juillet 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, van de Graaf et von Felten. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représenté par M es Charles Navarro et Cindy Thürler, avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de l'État de Fribourg, 
case postale 1638, 1701 Fribourg, 
intimé. 
 
Objet 
Confiscation d'objets dangereux (art. 69 CP); 
levée des séquestres; arbitraire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État 
de Fribourg, Cour d'appel pénal, du 23 octobre 2023 
(501 2022 183). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 30 novembre 2021, le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Broye a reconnu A.A.________ coupable de représentation de la violence, d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle, de viol, d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, de pornographie, d'inceste et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation. Il a condamné l'intéressé à une peine privative de liberté de 15 ans et ordonné une mesure thérapeutique institutionnelle en établissement fermé au sens des art. 56, 57 et 59 CP. Ce jugement se prononce en outre sur le sort des objets séquestrés au domicile de l'intéressé au cours de l'enquête. 
 
B.  
Par arrêt du 23 octobre 2023, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a rejeté l'appel de A.A.________ et admis l'appel joint de B.A.________. En conséquence, elle a réformé l'arrêt attaqué en ce sens qu'elle a ordonné la levée du séquestre et la restitution à l'appelante de deux appareils photos et d'un GPS Garmin ainsi que la transmission de photographies d'enfance (non illicites) de C.A.________ figurant sur deux clés USB. 
 
C.  
Contre ce dernier arrêt, A.A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, pour l'essentiel, à la levée du séquestre s'agissant des données personnelles licites, à l'instar de documents administratifs ou bancaires, présentes sur les supports informatiques séquestrés en cours d'enquête. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire et la restitution de l'effet suspensif. 
Le 12 décembre 2023, l'effet suspensif a été accordé au recours de A.A.________ à titre superprovisionnel. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant s'en prend à l'établissement des faits, qu'il qualifie d'arbitraire à plusieurs égards. 
 
 
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; sur la notion d'arbitraire, voir ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités).  
Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités). 
 
1.2. Le recourant fait valoir que la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire en retenant qu'il n'avait pas d'intérêt à récupérer les données administratives ou financières se trouvant sur les supports informatiques saisis, dès lors que celles-ci pouvaient facilement être récupérées auprès des autorités administratives et des établissements financiers.  
Il expose, en substance, que, marié sous le régime de la séparation des biens, il doit, dans le cadre de son divorce, conformément à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), désigner précisément les biens qu'il considère comme étant sa propriété et en établir la preuve. Les "fichiers Excel sophistiqués qu'il a tenus devraient lui permettre de retracer les dépenses du ménage et de les mettre en relation avec l'origine de son épargne, de même qu'avec celle des fonds ayant servi à l'acquisition du domicile conjugal" (mémoire de recours p. 11). "Une matière brute, par exemple des relevés bancaires qu'il pourrait obtenir auprès des établissements bancaires, ne serait ainsi pas qualitativement substituable aux données dont le recourant demande la restitution" (mémoire p. 12). En outre, vu que les documents en cause seraient âgés de plus de dix ans, il ne serait "pas assuré de pouvoir récupérer les informations en cause par d'autres canaux" (mémoire de recours p. 12). 
Par cette argumentation, le recourant n'expose toutefois pas, de manière claire et précise, en quoi les données licites figurant sur les supports informatiques séquestrés lui seraient nécessaires. En particulier, il ne précise pas quels sont les biens dont ces données devraient permettre d'établir sa propriété dans le cadre de la procédure de divorce. Il n'explique pas non plus pourquoi les données, telles que des relevés bancaires, la déclaration d'impôts, etc., qu'il pourrait récupérer auprès des autorités concernées ne pourraient pas lui permettre d'apporter les preuves nécessaires. La seule affirmation que ces données brutes ne seraient pas substituables aux données figurant sur les supports informatiques séquestrés n'est à cet égard pas suffisante. L'argumentation du recourant est ainsi de nature essentiellement appellatoire et ne satisfait pas aux exigences de précision posées à l'art. 106 al. 2 LTF. Elle est irrecevable. 
 
1.3. Le recourant soutient encore que la cour cantonale a fait preuve d'arbitraire en constatant que les données dataient de quatre ans et qu'elles ne lui avaient pas fait défaut jusqu'à présent.  
La cour cantonale a relevé que "les donnés dataient de quatre ans et que le recourant n'indiquait pas qu'elles lui avaient fait défaut jusqu'à présent" (arrêt attaqué p. 11). Par cette constatation, elle voulait simplement dire que ces données dataient de quatre ans au moins (le recourant ayant été arrêté il y a quatre ans) et que le recourant n'en avait pas eu besoin pendant ce laps de temps. La cour de céans ne voit pas en quoi cette constatation serait arbitraire. Celle-ci n'exclut en effet pas que certaines données aient pu être plus anciennes. Les griefs du recourant sont infondés. 
 
2.  
Le recourant dénonce une violation de l'art. 69 CP
 
2.1. Selon l'art. 69 CP, le juge prononce la confiscation d'objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits (al. 2).  
Cette disposition légale permet ainsi d'ordonner une confiscation pour des motifs de sécurité, de manière à protéger la collectivité d'une mise en danger future. Il doit y avoir un lien de connexité entre l'objet à confisquer et l'infraction, en ce sens que celui-ci doit avoir servi ou devait servir à la commission d'une infraction ( instrumenta sceleris) ou être le produit d'une infraction ( producta sceleris). En outre, cet objet doit compromettre la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. Cela signifie que, dans le futur, ce danger doit exister et que, précisément pour cette raison, il faut ordonner la confiscation en tant que mesure de sécurité. Par conséquent, le juge doit poser un pronostic quant à la vraisemblance suffisante que l'objet, dans la main de l'auteur, compromette à l'avenir la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (ATF 137 IV 249 consid. 4.4 p. 255; 130 IV 143 consid. 3.3.1 p. 149). Ces principes s'appliquent, en particulier, aussi aux supports de données numériques (cf. arrêts 6B_35/2017 du 26 février 2018 consid. 9.1; 6B_279/2011 du 20 juin 2011 consid. 4.1; 6B_748/2008 du 16 février 2009 consid. 4.5.3 et 4.5.4).  
La confiscation d'objets dangereux, en tant qu'elle porte atteinte à la propriété garantie par l'art. 26 Cst., exige le respect du principe de la proportionnalité dans ses deux composantes de l'adéquation au but et de la subsidiarité. Non seulement la mesure restrictive doit être apte à produire le résultat escompté, mais encore faut-il qu'elle soit seule à même de le faire, c'est-à-dire qu'il n'y en ait pas d'autres, plus respectueuses des libertés, qui soient efficaces (ATF 137 IV 249 consid. 4.5). En particulier, le principe de la proportionnalité impose, lorsque les conditions pour ordonner la mesure ne sont remplies que pour certaines parties d'un objet, que seules ces parties soient confisquées si cela est possible sans endommager gravement l'objet et sans engager des dépenses disproportionnées (FF 1993 III p. 298). 
Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé que le principe de la proportionnalité pouvait faire obstacle à la confiscation et à la destruction d'un support informatique de données, en particulier lorsque les données licites qui y étaient enregistrées revêtaient une grande importance pour la personne concernée. L'autorité d'exécution devait alors effacer, de manière définitive, les données illicites, puis restituer les supports, avec les données légales qu'ils contenaient. Une autre solution (généralement moins coûteuse) pouvait consister à permettre à l'intéressé de désigner les fichiers licites, puis, après vérification, en faire une copie, reformater complètement le disque dur (avec pour conséquence l'effacement de tous les fichiers) et le remettre au recourant avec les données copiées (arrêt 6B_748/2008 du 16 février 2009 consid. 4.5.3). 
 
 
2.2. En l'espèce, le recourant ne conteste pas la confiscation et la destruction des supports informatiques et des données illicites, mais demande à pouvoir récupérer les fichiers licites qui se trouvent sur ces supports.  
La cour cantonale a constaté qu'un effacement ciblé des données était extrêmement complexe et que le tri exigerait des investissements considérables. Selon le rapport informatique de la police de sûreté du canton de Fribourg, les supports informatiques saisis contiennent en effet plusieurs centaines de milliers d'images et photos illicites; la police qualifie la quantité d'images retrouvées de "hors norme" (rapport p. 18). 
Le recourant se contente d'affirmer que ce mode de faire est praticable pour les autorités qui l'auraient déjà mis en oeuvre en faveur de B.A.________. Il n'expose toutefois pas en quoi les constatations de la cour cantonale quant aux difficultés que représenterait le tri des données seraient arbitraires, pas plus qu'il ne fournit d'indications précises sur les documents qu'il désire récupérer, qui permettraient de faire des recherches ciblées. C'est en vain que le recourant fait valoir que les supports pourraient être remis à son avocat qui pourrait faire lui-même le tri des données. En effet, il s'agit de données personnelles sensibles, dont le traitement doit respecter des exigences strictes de sécurité et dont la sous-traitance obéit à des conditions précises (cf. notamment art. 5 let. c, 8 et 9 de la loi fédérale sur la protection des données, LPD; RS 235.1). 
Ainsi, suivant la cour cantonale, on doit considérer que le travail de séparation des données licites et illicites exigerait un investissement considérable et qu'il est donc disproportionné par rapport à la valeur des données que le recourant entend récupérer. En effet, comme vu ci-dessus, la cour cantonale a constaté, sans arbitraire, que les données figurant sur les supports informatiques pouvaient facilement être récupérées auprès des autorités administratives et des établissements financiers. La cour cantonale n'a donc pas violé l'art. 69 CP ni le principe de la proportionnalité en refusant de séparer les données licites de celles qui sont illicites et de restituer au recourant les données licites. 
 
3.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable. 
La cause étant tranchée, la demande d'effet suspensif est sans objet, 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Cour d'appel pénal. 
 
 
Lausanne, le 19 juillet 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Kistler Vianin