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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_556/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 19 septembre 2017  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Klett, Hohl, Niquille et May Canellas. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
A.________ GmbH, représentée par Me François Bohnet, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, représentée par 
Me Patrick Frunz, 
intimée. 
 
Objet 
action en concurrence déloyale sans exploitation contrefaisante d'un brevet, compétence à raison de la matière (art. 5 al. 1 let. d CPC), délimitation avec l'action en contrefaçon (art. 26 al. 1 LTFB), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour civile, du 6 septembre 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.   
B.________ SA (ci-après: B.________) est une société sise à..., active dans le domaine de la fabrication, de la vente et de la location de produits dans les domaines médical, dentaire, horloger et industriel. Sous sa précédente raison sociale (L.________ SA), elle a déposé, le 28 janvier 2008, un brevet auprès de l'Office européen des brevets (OEB) portant sur un " outil dynamométrique ", soit un limiteur de couple à usage médical (xxx), nommé " L.________ Click ", dont elle soutient avoir entièrement développé la technologie. Cet outil est destiné à serrer et à desserrer des vis ou divers objets contenant un pas de vis. 
A.________ GmbH (ci-après: A.________) est une entreprise qui a son siège en Allemagne et qui est active dans le développement, la fabrication et la distribution d'instruments chirurgicaux et de produits en silicone/élastomère. 
Les 6 et 9 février 2009, les parties ont conclu un accord de confidentialité (" Non Disclosure Agreement ") portant sur le développement et la production des limiteurs de couple " M.________ " faisant l'objet du brevet de B.________. Le but de cet accord était de réunir les forces des deux entreprises actives dans le secteur médical afin de fabriquer et de mettre sur le marché un produit de qualité développé, d'une part, à l'aide du savoir-faire technique de B.________ pour les limiteurs de couple et, d'autre part, en mettant en oeuvre les compétences de A.________ pour les poignées en silicone. Un échange d'informations sur les technologies respectives de chacune des entreprises était ainsi prévu. 
Le 15 octobre 2009, A.________ a déposé devant l'OEB un brevet portant la référence zzz. 
L'origine du litige opposant les parties remonte à ce dernier dépôt, qui porterait (selon B.________) sur une technologie identique à la sienne propre, et à la (prétendue) violation de l'accord de confidentialité par A.________. 
B.________ soutient que A.________ a transgressé cet accord, que l'entreprise allemande a utilisé les informations reçues dans ce cadre pour produire et commercialiser son propre limiteur de couple (nommé " N.________ "), identique à celui de B.________, et que le brevet qu'elle a déposé le 15 octobre 2009 porte sur la même technologie. B.________ estime que le comportement de A.________ lui a causé un préjudice financier, notamment une perte de bénéfice considérable, qu'elle évalue à 2'500'000 fr. 
 
B.   
Par demande du 20 août 2014, B.________ (ci-après également: la demanderesse) a ouvert action contre A.________ (ci-après également: la défenderesse) devant la Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois en prenant les conclusions suivantes: 
 
 
" 1  
Constater que le brevet déposé par A.________ GmbH et portant référence zzz viole le brevet de B.________ SA portant référence xxx;  
 
2  
Constater que le brevet déposé par A.________ GmbH (...) est nul;  
 
3  
Constater que toute licence et tout autre droit découlant du brevet déposé par A.________ GmbH (...) sont nuls;  
 
4  
Charger le Greffe du Tribunal cantonal de transmettre le jugement définitif et exécutoire à l'Office européen des brevets en vue de procéder à la radiation du brevet portant référence zzz;  
 
5  
Interdire à A.________ GmbH d'exploiter et de commercialiser le limiteur de couple objet du brevet zzz, et ceci sous la menace des sanctions prévues à l'art. 292 CP;  
 
6  
Condamner A.________ GmbH à payer à B.________ SA le montant de CHF 2'500'000.- à titre de dommages-intérêts, plus 5% d'intérêts dès le dépôt de la demande;  
 
7  
Ordonner la publication du dispositif du jugement dans les journaux [suit une liste de divers titres], et ceci aux frais de A.________ GmbH;  
 
8  
Sous suite de frais et dépens. "  
 
 
Par requête de mesures provisionnelles du même jour, la demanderesse a conclu à ce qu'il soit fait interdiction à la défenderesse de produire, de commercialiser, de livrer et de distribuer son limiteur de couple objet du brevet zzz, ainsi que d'en faire de la publicité, qu'il lui soit ordonné de retirer cet objet du marché, sous la menace des sanctions prévues à l'art. 292 CP, et à ce que la demanderesse soit dispensée de fournir des sûretés, sous suite de frais et dépens. 
Le 25 septembre 2014, A.________ a demandé de pouvoir limiter sa réponse et ses observations sur la requête de mesures provisionnelles à la question de la compétence du tribunal saisi. 
Le 27 octobre 2014, la demanderesse a déclaré abandonner les conclusions nos 2, 3 et 4 de sa demande. Dans ses observations du même jour, elle a indiqué que le fondement prépondérant de la demande consistait en la violation des règles prohibant la concurrence déloyale (LCD) et non la violation de la loi sur les brevets d'invention (LBI) et que la cour cantonale était dès lors compétente aussi bien à raison du lieu qu'à raison de la matière. 
Dans sa prise de position du 12 novembre 2014, la défenderesse a fait valoir que l'abandon, par la demanderesse, de ces trois conclusions ne changeait rien au fait qu'il existait un concours d'actions pour les mêmes faits et que le droit fédéral imposait qu'une seule et même juridiction soit compétente. 
Lors d'une audience tenue le 4 février 2015, les parties se sont mises d'accord pour que la question de la compétence fasse l'objet d'un jugement sur moyen séparé, le sort de la requête de mesures provisionnelles demeurant en suspens d'ici-là. 
Par réponse du 19 février 2015, la défenderesse a conclu à l'irrecevabilité de la demande et, par réplique du 28 mai 2015, la demanderesse a conclu à la recevabilité de sa demande. 
Par jugement préjudiciel du 6 septembre 2016, la Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois, après avoir pris acte du retrait des conclusions nos 2, 3 et 4 de la demanderesse, a déclaré irrecevable le chef de conclusion no 1 de la demande et admis sa compétence pour les autres conclusions (n os 5, 6 et 7). 
 
C.   
La défenderesse exerce un recours en matière civile contre le jugement préjudiciel du 6 septembre 2016. Elle conclut principalement à sa réforme et à ce que la demande du 20 août 2014 soit déclarée irrecevable. Elle invoque diverses violations du droit fédéral, en particulier des art. 5, 55, 57 et 106 CPC, de l'art. 26 al. 1 LTFB et une constatation arbitraire des faits au sens de l'art. 9 Cst. 
La demanderesse (intimée) conclut au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours est dirigé contre une décision rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF). La Cour civile, qui a statué en instance cantonale unique, a fondé sa compétence  ratione materiae sur l'art. 5 al. 1 let. d CPC.  
Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF) et, contrairement à la règle générale (cf. art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur n'a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 let. a LTF). 
Au surplus, interjeté par la partie qui a succombé en instance cantonale (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un jugement préjudiciel admettant partiellement la compétence de la Cour civile en instance cantonale unique (art. 92 LTF), le recours en matière civile est en principe recevable puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 48 al. 1 et art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. 
 
1.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF; cf. toutefois les exceptions prévues à l'art. 106 al. 2 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties (ATF 138 II 331 consid. 1.3 p. 336) et apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant d'ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation de son recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584).  
 
1.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Relèvent de ces faits tant les constatations relatives aux circonstances touchant l'objet du litige que celles concernant le déroulement de la procédure conduite devant l'instance précédente et en première instance, c'est-à-dire les constatations ayant trait aux faits procéduraux (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références).  
Le Tribunal fédéral ne peut rectifier les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). 
 
2.   
Le litige a pour objet la compétence matérielle du Tribunal cantonal neuchâtelois. En bref, la cour cantonale et la demanderesse considèrent que le litige vise des actes de concurrence déloyale et que l'instance cantonale unique est exclusivement compétente en vertu de l'art. 5 al. 1 let. d CPC, alors que la défenderesse estime qu'il pose également des questions relevant du droit des brevets, ce qui entraînerait la compétence exclusive du Tribunal fédéral des brevets en vertu de l'art. 26 al. 1 LTFB
 
2.1. Le moment déterminant pour trancher la question de la compétence matérielle est celui où les conclusions des deux parties sont connues, l'importance du procès étant fixée à ce moment-là (cf. arrêt 4A_509/2015 du 11 février 2016 consid. 3.2 et 4).  
Dans sa demande du 20 août 2014, la société demanderesse a pris huit conclusions. Il est ici précisé que, la 8e conclusion ayant trait aux dépens (dont l'attribution suit la décision sur le principal), elle ne sera pas reprise dans les considérations qui suivent. 
La demanderesse a ensuite retiré ses conclusions nos 2, 3 et 4. La défenderesse ne s'y est pas opposée, mais a fait valoir que ce retrait ne modifiait en rien la situation. 
C'est à tort que la recourante soutient que, pour décider de la compétence matérielle, la cour cantonale ne saurait tenir compte du contenu de la réplique de la demanderesse. 
Devant l'instance cantonale, seules restaient donc en cause les conclusions nos 1 et 5 à 7. 
 
2.2. Dès lors que la cour cantonale a prononcé l'irrecevabilité de la conclusion no 1 et que la demanderesse n'a pas interjeté de recours, seules demeurent litigieuses devant le Tribunal fédéral les conclusions nos 5 à 7.  
 
3.   
La délimitation des compétences entre le Tribunal cantonal et le Tribunal fédéral des brevets ne doit être examinée qu'au regard des trois conclusions nos 5 à 7, en se basant sur les faits qui les justifient. 
 
3.1. Le système légal prévoit un régime de compétences exclusives et de compétences concurrentes entre ces deux juridictions, en fonction de la nature de l'action introduite, et détermine laquelle de ces juridictions est compétente pour statuer sur des questions préjudicielles ou sur une reconvention en matière de brevet.  
Le Tribunal cantonal est impérativement et exclusivement compétent pour les litiges relevant de la loi sur la concurrence déloyale (LCD) lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 5 al. 1 let. d CPC; FORNAGE/CHABLOZ, in Commentaire romand, Loi contre la concurrence déloyale, Martenet/Pichonnaz [éd.], 2017, no 42 ad Rem. lim. aux art. 9-11 LCD). 
Le Tribunal fédéral des brevets, qui est une juridiction fédérale spécialisée créée en 2012, est impérativement et exclusivement compétent notamment pour l'action en contrefaçon d'un brevet (art. 66 let. a LBI; art. 26 al. 1 let. a LTFB), plus précisément lorsque cette action touche à l'application du droit matériel des brevets (ATF 139 III 110 consid. 2.1 p. 111; sur la compétence exclusive et impérative, cf. WERNER STIEGER, in Patentgerichtsgesetz, Kommentar, 2013, no 159 ad art. 26 LTFB). 
Lorsque le Tribunal cantonal saisi devrait statuer sur une question préjudicielle de droit des brevets ou sur une exception de nullité ou de contrefaçon d'un brevet, il doit suspendre sa procédure et fixer un délai aux parties pour intenter l'action en nullité ou en contrefaçon devant le Tribunal fédéral des brevets (art. 26 al. 3 LTFB). Il tiendra compte dans son jugement de la décision qui aura été rendue par la juridiction spécialisée. 
Lorsque le Tribunal cantonal saisi devrait statuer sur une demande reconventionnelle en nullité ou en contrefaçon d'un brevet, il doit transmettre les deux demandes au Tribunal fédéral des brevets (art. 26 al. 4 LTFB). 
 
3.2. Il faut donc distinguer entre l'action en concurrence déloyale et l'action en contrefaçon, qui ont des objets distincts (arrêt 4A_86/2009 du 26 mai 2009 consid. 4 non publié in ATF 135 III 446; en droit français, cf. JÉRÔME PASSA, Contrefaçon et concurrence déloyale, 1997, p. 73).  
 
3.2.1. L'action en concurrence déloyale se fonde sur une ou plusieurs prétentions fondées exclusivement sur la LCD; elle ne concerne pas l'exploitation contrefaisante d'un brevet par le défendeur. Elle vise un défendeur qui a un comportement propre à fausser la concurrence ou à nuire à son caractère loyal (cf. art. 1 et 2 LCD). Elle a pour but de protéger, par exemple, contre une confusion évitable quant à la provenance des produits, contre un risque de confusion, un comportement astucieux ou un rapprochement systématique (ATF 136 III 232 consid. 7.2 p. 245 s.; 131 III 384 consid. 5.1 p. 394 s.; PASCAL PICHONNAZ, in Commentaire romand, Loi contre la concurrence déloyale, 2017, no 20 ad art. 2 LCD et les références citées). Concrètement, tel est le cas lorsque le demandeur reproche au défendeur de s'être approprié le travail qu'il a lui-même accompli (cf. art. 5 LCD).  
 
3.2.2. L'action en contrefaçon (ou en violation du brevet), qui se fonde sur une ou plusieurs prétentions fondées exclusivement sur la LBI, est une action du droit matériel des brevets. Elle tend à protéger le titulaire d'un brevet contre l'utilisation illicite (imitation ou contrefaçon) de son invention brevetée (art. 66 let. a LBI) et donc contre une exploitation contrefaisante d'un brevet.  
 
4.   
Pour déterminer quelle autorité est (exclusivement) compétente dans un cas concret, il faut examiner la nature de l'action qui a été introduite, ce qui présuppose de déterminer l'objet de la demande (ou du litige). 
 
4.1. L'objet du litige (  Streitgegenstand) est déterminé par les conclusions du demandeur et par le complexe de faits (ou fondement du procès;  Tatsachenfundament) sur lequel les conclusions se fondent (ATF 139 III 126 consid. 3.2 p. 129 et les arrêts cités; en lien avec l'art. 26 LTFB: PETER HEINRICH, PatG/EPÜ Kommentar, 2e éd. 2010, no 3 ad art. 76 aLBI). La cause juridique (  Rechtsgrund) invoquée ne joue pas de rôle (cf. ATF 139 III 126 consid. 3 p. 128 ss). L'argumentation juridique des parties n'est donc pas décisive.  
Déterminer le sens qu'il y a lieu d'attribuer aux conclusions et allégués du demandeur est affaire d'interprétation. Dès lors qu'il s'agit de manifestations de volonté faites dans le procès, qui sont adressées tant au juge qu'à la partie adverse, elles doivent être interprétées objectivement, soit selon le sens que, d'après les règles de la bonne foi, les destinataires pouvaient et devaient raisonnablement leur prêter (principe de la confiance) (arrêt 4A_66/2016 du 22 août 2016 consid. 4.1.2; ATF 105 II 149 consid. 2a p. 152). Il faut donc rechercher le sens des déclarations de volonté unilatérales du demandeur telles qu'elles pouvaient être comprises de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances. Un texte, apparemment clair, n'est pas forcément déterminant, l'interprétation purement littérale étant prohibée (art. 18 al. 1 CO). En effet, même si la teneur d'une déclaration paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres passages du mémoire de demande qu'elle n'en restitue pas exactement le sens (ATF 136 III 186 consid. 3.2.1 p. 188; sous l'aOJ: 129 III 118 consid. 2.5; 127 III 444 consid. 1b). Il s'agit d'une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement. 
Le Tribunal fédéral se base sur les constatations de fait de l'arrêt attaqué relatives aux faits allégués, à moins que le recourant n'en démontre l'arbitraire (art. 97 al. 1 et 106 al. 2 LTF). 
 
4.2. En l'espèce, les conclusions nos 5 à 7 litigieuses ne donnent aucune indication sur la nature de l'action, car leur formulation est identique dans l'action en concurrence déloyale et dans l'action en contrefaçon.  
 
4.3. Quant aux faits allégués à l'appui de ces conclusions, la cour cantonale retient qu'il n'y a pas d'allégués qui décrivent exactement en quoi il y aurait contrefaçon et qu'on peine même à discerner si la demanderesse soutient que la technologie brevetée par elle est identique ou non à celle de la défenderesse.  
 
4.3.1. La recourante ne démontre pas l'arbitraire de ces constatations cantonales.  
Elle tente certes de mettre en évidence les divers allégués de la demande portant sur une question de brevet, mais elle ne fait pas de distinction entre les allégations faites en lien avec les conclusions retirées, respectivement la conclusion déclarée irrecevable, et celles qui sont rattachées aux conclusions nos 5 à 7, de sorte que l'on ne discerne pas clairement en quoi l'autorité cantonale aurait établi les faits arbitrairement en lien avec ces dernières conclusions. 
Lorsque, invoquant l'art. 9 Cst., la recourante désigne certains allégués (en particulier les allégués nos 35 et 36) qui, selon elle, démontreraient que la demanderesse a fait valoir sa prétention en dommages-intérêts (conclusion no 6) au motif qu'elle avait déposé un brevet sur une technologie déguisée, identique à la sienne, elle ne s'en prend pas aux constatations de fait de la cour cantonale. 
 
4.3.2. En réalité, elle s'en prend à l'interprétation objective de ces deux allégués et à leur qualification juridique. Lorsqu'elle fait valoir que la demanderesse a allégué "qu'en déposant un brevet sur une technologie déguisée, mais parfaitement identique à celle de la demanderesse, la défenderesse a causé à la demanderesse un préjudice important ", d'au moins 2'500'000 fr., la recourante parle certes de brevet. Il ne suffit toutefois pas d'évoquer un dépôt de brevet pour alléguer tous les faits pertinents d'une utilisation illicite et contrefaisante dans le commerce au sens de l'art. 66 let. a LBI. De ces allégués, on peut déduire uniquement que la demanderesse reproche à la défenderesse d'avoir fait un dépôt déloyal contraire à l'art. 2 LCD, justifiant les dommages-intérêts réclamés.  
 
4.4. Il s'ensuit que seule une action en concurrence déloyale sans exploitation contrefaisante d'un brevet est encore litigieuse devant la cour cantonale.  
Comme il s'agit de la seule action encore pendante, le critère du fondement prépondérant de la LCD utilisé par la cour cantonale est sans pertinence. 
En conséquence, la cour cantonale est exclusivement compétente pour statuer sur les conclusions restantes n°  s 5 à 7 et sur les allégués d'activité déloyale de la défenderesse en ce sens que celle-ci se serait appropriée le travail accompli par la demanderesse contrairement à ce qu'elles avaient prévu dans leur accord de confidentialité (la question d'une imitation illicite en vertu du droit des brevets n'entrant pas en considération).  
 
4.5. C'est à tort que la recourante croit que la violation alléguée de la LCD ne pourrait être admise que s'il y avait contrefaçon et donc violation du brevet. En effet, la LCD ne revêt pas un caractère subsidiaire par rapport aux diverses lois qui protègent la propriété intellectuelle, notamment par rapport au droit des brevets (cf. arrêt 4A_86/2009 déjà cité consid. 4 non publié in ATF 135 III 446). En l'espèce, la demanderesse invoque des circonstances autres que celles relevant d'une exploitation contrefaisante, à savoir la violation du rapport de confidentialité, laquelle relève exclusivement de la concurrence déloyale.  
Quant à l'arrêt du Tribunal fédéral des brevets du 28 mars 2012 (O2012_010 consid. 11 in fine), qui ne lie quoi qu'il en soit pas le Tribunal fédéral, on ne saurait lui donner la portée que semble lui attribuer la recourante (soit le caractère subsidiaire de la LCD). C'est en examinant la question d'une éventuelle cession (art. 29 ss LBI) que le Tribunal fédéral des brevets est entré en matière et a jugé que le demandeur n'était pas parvenu à démontrer que le défendeur avait agi de mauvaise foi (cf. art. 31 al. 2 LBI) et c'est bien dans ce contexte spécifique qu'il pouvait en inférer que le demandeur n'avait pas non plus démontré une utilisation illicite (déloyale) sous l'angle de la LCD.  
 
5.   
Dans l'hypothèse (ici réalisée) de la confirmation de l'arrêt attaqué, la recourante conteste encore la répartition des frais et des dépens et invoque une violation des art. 106, 238 let. g et 239 CPC, ainsi que de l'art. 9 Cst. et de l'art. 29 al. 2 Cst. 
 
5.1. Les frais et dépens sont répartis entre les parties en application des art. 106 et 107 CPC, la règle étant qu'ils sont en principe mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Le tribunal est toutefois libre de s'écarter de cette règle et de les répartir selon sa libre appréciation dans les hypothèses prévues par l'art. 107 CPC, notamment lorsque le demandeur obtient gain de cause sur le principe de ses conclusions mais non sur leur montant, celui-ci étant tributaire de l'appréciation du tribunal ou difficile à chiffrer (art. 107 al. 1 let. a CPC).  
Statuant dans ce cadre selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), l'autorité cantonale dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 139 III 358 consid. 3 p. 360; arrêt 4A_302/2016 du 16 novembre 2016 consid. 4.2 et l'arrêt cité). 
 
5.2. La cour cantonale a (à tout le moins de manière implicite) considéré que l'importante valeur litigieuse de la cause n'a pas été réduite de manière substantielle suite au retrait des conclusions nos 2 à 4 et au prononcé d'irrecevabilité de la conclusion no 1 (cf. arrêt entrepris consid. 21 p. 22 qui retient que la demanderesse succombe à raison de 1/5e). On ne saurait donc, comme le prétend la recourante, lui reprocher de n'avoir pas motivé son prononcé et les griefs soulevés à ce sujet sont dès lors infondés.  
La valeur litigieuse n'étant pas modifiée substantiellement, on ne peut reprocher à la cour cantonale d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation en écartant une clé de répartition qui se fonderait sur le seul rapport existant entre les chefs de conclusions entrant dans la compétence de la cour cantonale et ceux qui n'y entrent pas. 
Pour affirmer que la demanderesse a succombé au moins pour les 2/3 de ses prétentions, la recourante s'appuie sur le constat que les conclusions nos 5 à 7 sont " manifestement prises comme des conséquences des prétentions inscrites aux conclusions nos 1 à 4 ". Cette prémisse est toutefois erronée (cf. supra consid. 4.4) et l'argument se révèle dès lors sans consistance. 
Dans ces conditions, et étant donné la retenue dont le Tribunal fédéral doit faire preuve dans un domaine où le juge cantonal dispose d'un large pouvoir d'appréciation, on ne saurait reprocher à la cour cantonale d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation en répartissant les frais judiciaires pour 4/5e à la charge de la défenderesse et pour 1/5e à la charge de la demanderesse. 
Il en résulte que les moyens de la recourante sont mal fondés. 
 
6.   
En conclusion, il y a lieu de rejeter le recours, dans la mesure où il est recevable, et de confirmer l'arrêt attaqué. 
Les frais et les dépens sont mis à la charge de la société recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 25'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 30'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour civile. 
 
 
Lausanne, le 19 septembre 2017 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget